[2024] Petit bilan de février.

J’ai l’impression que ce mois de février est passé à vitesse grand V ! (la preuve, on est déjà presque fin mars avril – gloups).

Carnet de lectures :

On va commencer par les titres auxquels je ne pense pas consacrer de chronique plus longue !

Album culte, Louise Roullier (Mille Cent Quinze).

C’était la nouvelle Chronopages du mois et j’ai regretté d’avoir lu le résumé car celui-ci en a révélé beaucoup trop à mon goût ! L’histoire est celle d’Alex, un fan de rock progressif, qui disparaît subitement à la fin des années 70 alors qu’il est sur le point de devenir père. Quarante ans plus tard, sa fille cherche à en savoir plus sur cet absent.
La nouvelle part sur un principe très original et m’a donné envie d’écouter de la musique (peut-être pas des trucs aussi pointus que le perso principal ceci dit). Même si je connaissais déjà la grosse révélation, le récit s’est avéré très prenant. J’ai beaucoup aimé le choix narratif opéré : l’histoire est racontée (pour la majeure partie) par le meilleur ami d’Alex, dans un long monologue, adressé à la fille de celui-ci, qui mène l’enquête. Cela donne au récit un aspect immersif très réussi. Je lis assez peu de fantastique car je suis très frileuse, et là j’ai été embarquée de bout en bout. Et puis, même si le texte est court, l’autrice s’est attachée à donner une âme aux personnages, notamment au fameux Alex, que j’ai trouvé très touchant dans les flashbacks. Bref : excellente découverte !
J’avais déjà noté en wishlist un autre roman de l’autrice, Grain de sable, cette nouvelle me donne d’autant plus envie de la lire !

Toujours chez Chronopages, j’ai lu  un hors-série regroupant deux nouvelles d’Estelle Faye (Le fruit de leurs entrailles) et d’Arnauld Pontier (L’œuf), celle que j’ai lue en premier.

Dans L’œuf, l’histoire débute avec l’apparition d’un œuf géant, justement. Alors ? Erreur de l’univers, entité extraterrestre, divinité ? Le monde s’écharpe et tout part en cacahuète. Le récit complètement barré, mais j’ai bien accroché à l’univers, aux personnages et à l’intrigue ! Par contre, comme je le disais, c’est extrêmement loufoque, pour ne pas dire absurde, donc il faut accepter de se laisser embarquer.

Estelle Faye, de son côté, avait annoncé une nouvelle gore. Pour être gore, Le fruit de leurs entrailles est super gore ! Et bien mené ! On est dans un univers type fantasy médiévale, avec un système de magie basé sur la douleur (plus le mage souffre, plus sa magie a de puissance). Et le récit se déroule intégralement durant le siège d’une cité, à laquelle participe, justement, un magicien, dont on va suivre les sortilèges (âmes sensibles, s’abstenir). J’ai beaucoup aimé la façon dont Estelle Faye, sur ce point de départ, tisse des portraits de personnages assez complets malgré la brièveté du récit. Et la chute est parfaite !

Grigio e Gatto #1, Hojoy (Komikku).

Alors revoilà la PAL  boulot et ce manga que j’ai lu deux fois et qui, les deux fois, m’est tombé des mains.

L’histoire est celle de Gatto, assassin d’état pas très doué, dans une ville qui ressemble à la Venise du XVIe. Il y a aussi des anges de la mort et des divinités de la mort (c’est pas la même chose, attention !). Alors qu’il échoue encore dans l’assassinat qui lui a été commandité, Gatto assiste à la transformation de son co-équipier par une divinité de la mort.
Par où commencer ? Allez, le récit. Je l’ai trouvé extrêmement confus, pour ne pas dire imbittable. Les personnages, nombreux, se ressemblent et les scènes de combat (extrêmement nombreuses) sont illisibles (j’ai dû repasser dessus pour être sûre de bien saisir qui était qui et où). De plus, les histoires d’anges, de divinités, etc, ne sont franchement pas claires. A côté de ça, le manga oscille toujours entre glauque (multiples scènes d’assassinat très graphiques) et une sorte de fausse légèreté surjouée (le personnage central étant obsédé par les pâtisseries) : l’ambiance n’est pas crédible, et je n’y ai pas adhéré. Bref : je ne lirai pas la suite !

Confluence #2, Ce qui reste après les tempêtes, Sylvie Poulain (Bragelonne).

J’avais beaucoup aimé le premier tome de ce diptyque et j’ai été très lente à lire ce tome 2 par manque de temps uniquement, car il s’est lui aussi révélé très prenant ! L’ambiance change légèrement (plus de géopolitique, moins de grands fonds), mais  l’autrice en profite aussi pour approfondir les personnages comme l’univers, avant de conclure. Bref : c’était top ! Je suivrai la suite de sa production. (Idéalement je ferai une chronique plus longue).

Colossale #4, Rutile & Diane Truc (Jungle).

PAL boulot toujours et heureusement, les titres se suivent et ne se ressemblent pas. Vous imaginez bien que si j’en suis au tome 4, c’est que j’ai aimé les trois premiers (j’ai tellement aimé les trois premiers que j’ai terminé ma lecture de la série sur Webtoon cet été, je n’avais pas envie d’attendre pour la suite !). Je pensais d’ailleurs que l’édition papier se terminerait en 4 tomes, ce qui m’a laissé l’impression que ce tome-ci était nettement plus lent, un peu comme un tome de transition. Je ne vais pas résumer pour ne pas spoiler. Quoi qu’il en soit, j’ai trouvé que le récit était plus centré sur les personnages secondaires que sur l’histoire de Jade, ce qui explique peut-être cet aspect plus lent : plus d’intrigues secondaires à traiter, et donc un peu de délai pour l’intrigue principale !

Tops / Flops :

Ma lecture la moins prenante du mois revient donc à Grigio e Gatto, qui ne me restera clairement pas en tête comme le manga de l’année (ni du siècle, du reste). Heureusement que je me suis rattrapée avec Ce qui reste après les tempêtes, que j’avais hâte de lire et qui m’a comblée !

La vie de ma PAL :

Comme tous les mois depuis novembre, j’ai reçu mon abonnement Chronopages et ho surprise, il y avait un hors-série dedans en plus du volume de nouvelles mensuel ! Ce qui m’a permis de m’apercevoir que je n’avais absolument pas ajouté à ma PAL les trois précédents… Oubli réparé. Et une fois n’est pas coutume, je les ai lus dans la foulée ! (Les deux du mois hein, pas les trois précédents).

Il faut aussi dire qu’une nouvelle boîte à livres a vu le jour dans mon village et qu’elle était fort bien achalandée à mon premier passage, avec notamment pas mal de SFFF ! Une rareté ! J’ai été raisonnable et je n’ai prélevé que le tome 3 de La Trilogie du magicien noir de Trudi Canavan (il y avait aussi le 1, mais pas le 2, dommage car cela m’aurait permis de compléter ma série !). Par ailleurs, le tome 2 des Carnets de l’Apothicaire a rejoint mes étagères : je suis très curieuse de découvrir cette série !

Citations :

« Je ne sais pas comment font les collègues, surtout les vétérans, pour répéter, huit heures durant, les mêmes gestes, les mêmes mots, les mêmes pensées, tous les jours, noyés dans une mer de boites d’alu. Moi, ça me suce l’âme. Travailler, c’est du temps perdu à ne pas écouter la musique. »
Album culte, Louise Roullier.

« Allô, Nathanaël ? Excuse-moi, j’ai raté ton appel, je… sors d’un rooftop. Est-ce que par hasard tu voulais me parler… de Jade ?
– Cette… Cette GOURGANDINE ! Te rends-tu compte de l’affront qu’elle a osé me faire ? Cette impudique jouvencelle ! Cette tentatrice polygame ! Cette drôlesse sans états d’âme !
– Haa là là, ça oui alors. Je ne vois vraiment pas ce qu’il pourrait t’arriver de pire.
– C’est…c’est fini. Snif. Je n’aimerais plus jamais. Mon cœur a été meurtri par la cruauté féminine. »
Colossale #4, Rutile & Diane Truc.

« A la condition d’une tenue étanche et de mille précautions pour éviter toute contamination, toute interférence avec le milieu naturel, il était possible de monter, quelques minutes, voir les reliefs découpés de l’île, la terre noire couverte d’une herbe grasse, et l’étendue immense de la mer de Weddell où le regard se perdait vers le sud. Sasha conta tout cela. Un moment, les habitants de Hope Station partagèrent le vertige qu’il y avait à contempler le vaste espace du ciel où la seule borne au regard était l’infini, l’éblouissement du soleil dont la tache s’imprimait sur la rétine si l’on essayait de le fixer, et la longue houle verte, couronnée de moutons blancs qui s’effilochaient vers le sud. »
Confluence #2, Ce qui reste après les tempêtes, Sylvie Poulain.

Cimqa, Auriane Velten.

Imaginez que le monde ait un jour le hoquet ; des créatures et des objets commencent à apparaître. Imaginez trouver un moyen de faire venir ces choses selon votre désir… jusqu’à susciter l’intérêt d’une équipe de scientifiques.
Imaginez travailler pour la plus grande industrie du divertissement, mélangeant cinéma et imagination. Imaginez recevoir l’opportunité de votre vie, mais continuer à être rongé par l’anxiété. Jusqu’à rêver qu’une petite fille vous offre son aide.
C’est dans ce(s) monde(s) chamboulé(s) par l’apparition de la cinquième dimension, celle de l’imagination, que les destins de Sara et Sarah s’écrivent. Mais comment empêcher que la magie ne devienne qu’une nouvelle source de pouvoir et de profit ?

D’Auriane Velten, j’avais beaucoup aimé le roman After®, donc je dois dire que j’étais très curieuse de lire son nouveau roman, Cimqa… que j’ai également adoré !

Et pourtant, j’ai trouvé le début assez complexe, car je n’arrivais pas à imaginer ce que vivaient les personnages lors du Repli : les événements qu’ils ressentent physiquement, oui, mais pas tellement ce qu’il se passait du point de vue de la physique – sans doute car je ne suis pas une grande scientifique ! Au final, j’ai fini par arrêter de me triturer le cerveau et traiter l’événement comme le faisaient les personnages : comme si c’était à une irruption de la magie qu’ils se retrouvaient confrontés. Et alors qu’on a l’habitude de voir cet élément plutôt dans des récits de fantasy, ici la magie est traitée de façon très rationnelle, scientifique, même, ce qui fait que le roman lorgne clairement côté science-fiction. Voilà un mélange des genres et codes assez inédit (en tout cas que je n’avais jamais rencontré) et qui a participé à me rendre cette lecture très prenante dès le départ.

L’aspect prenant tient aussi aux personnages. On suit alternativement une jeune fille, Sarah, qui vit seule avec sa mère au moment du Repli, se révèle très douée avec les capacités magiques qu’elle acquiert soudain et qui ne vont pas tarder à intéresser la communauté scientifique. On suit Sarah dans son appropriation de la magie, en compagnie de son amie Ada, dans leur pratique très expérimentale mais tellement enthousiasmante de la magie, mais aussi dans ses premiers émois à l’adolescence.
De l’autre côté, Sara, la cinquantaine, des années après le repli, et qui utilise ses formidables capacités magiques au service d’un nouvel art : celui de la cimqa – que je résumerai grossièrement par un audacieux mélange entre cinéma et spectacle vivant, qui met à l’honneur l’Imagination des créateurs. Sara vivote car il faut dire que les temps (sur une planète desséchée et en manque de ressources, légèrement dans notre futur, donc) ne sont pas à la fête pour les créatrices de son âge, ce qui génère chez elle un mal-être profond qu’elle a du mal à verbaliser (et que j’ai trouvé vraiment bien traité).

« Ça ne va pas du tout lâche alors Sara.
La façon dont tout cela fonctionne n’a aucun sens ; on a la possibilité de tout créer, tout montrer ; et on hésite, on soupèse, on compte les spectateurs, et les ro-livres ; on me dit que mes idées vont choquer, qu’on va perdre du public, qu’il faut parler à tous, offrir du divertissement, ne pas être trop clivant, ne pas être trop politique, ne pas être trop effrayant, ne pas être trop abstrait, ne pas être… ne pas être… Eva, je n’aime pas ce que je fais ! »

Les deux récits se répondent donc, d’une part parce que l’un se situe dans le passé de l’autre (du moins, on le suppose) et, d’autre part, parce que les deux personnages manient la même capacité, l’une l’explorant, l’autre la maîtrisant, chacune se posant des questions existentielles sur son art, la création, l’utilisation qui est faite de cette nouvelle capacité. D’ailleurs, les deux récits se répondent tellement bien que je me suis longuement demandé s’il s’agissait bien de deux personnages différents ou de la version enfant et adulte de la même femme, ce qui m’a bien tenue en haleine… Je ne révèlerai rien et vous laisserai le découvrir. Dès le départ, il m’a semblé évident que les deux récits étaient liés, mais la nature réelle du lien n’apparaît qu’en toute fin de récit, ce que j’ai grandement apprécié.
Au fil des épisodes de Sara et Sarah, on sent monter la tension car, forcément, tout cela ne peut que mal finir (ou, à tout le moins, ne pas continuer si bien). Et plus j’avançais dans ma lecture, plus je soupçonnais un retournement de situation, ce qui ne m’a pas empêchée d’être absolument ravie de la façon dont il avait été amené. Même en présumant de ce qui allait arriver, j’étais complètement emballée.

L’alternance des points de vue est des époques est un système certes classique, mais qui fait ici ses preuves : en effet, sans les passages consacrés à Sarah enfant, difficile de comprendre les difficultés rencontrées par Sara adulte. Celle-ci se pose beaucoup de questions sur la cimqa, son rapport au travail et le rapport de la société à l’art, la beauté et la création (une thématique déjà présente dans After®!). La cimqa, qui découle directement des possibilités offertes par l’ouverture de la cinquième dimension, de champ des possibles largement ouvert s’est réduite comme peau de chagrin, les créateurs étant tenus de respecter les prédictions des statisticiens quant à l’approbation du public, et donc de modeler leur art en fonction de ces attentes. Exit créativité, bonjour productivité : un sujet que j’ai trouvé parfaitement d’actualité.
J’ai beaucoup aimé les thèmes qui affleurent en filigrane. Le roman parle à fois de l’enfance, des rêves, et de ce qu’on en fait à l’âge adulte, de la façon dont parfois ils se prennent le parpaing de la réalité – ce que la mise en parallèle des deux récits ne fait que rendre plus dur et triste. Il y a également une forte dimension sociétale. Sara vit avec Eva et les deux femmes sont diamétralement opposées : si la première vit dans un monde fantasmagorique (certes heurtée par le réel), sans trop s’intéresser à la société, la seconde vit le plus éloignée possible de la cimqa qu’elle a en horreur, travaille à l’usine et est de toutes les luttes syndicales. Le couple fait écho au duo formé par Sarah et Ada, même si leurs préoccupations sont bien différentes. Alors que les deux adolescentes vivent dans leur univers (qu’elles appellent « le Pays ») et explorent les confins de l’imagination, les deux femmes se débattent dans une réalité qui semble bien grise et triste, où l’épuisement des ressources répond à celui de l’imagination, drainée par les attentes (théoriques) du public. Le récit a un côté que j’ai trouvé assez glaçant !

Excellente découverte, donc, que ce nouveau roman d’Auriane Velten, dont je vais surveiller les futures parutions. Ce récit à la légère anticipation, qui traite le merveilleux comme un fait scientifique, met en scène des personnages que j’ai trouvés forts et marquants. La structure de l’intrigue est classique mais sert parfaitement le récit, et notamment la constante dualité entre l’émerveillement d’un côté, et la mise à sac (et à sec !) de l’acte créatif de l’autre. Tout cela saupoudré d’intéressantes réflexions sur le rapport à l’art, la création et le travail, portées par des personnages forts et marquant, qui ne font que rendre le récit plus prenant.

Cimqa, Auriane Velten. Mnémos, octobre 2023, 304 p.

[2024] Petit bilan de janvier

Hein ?! Déjà un mois d’écoulé ?! Mais où le temps a-t-il filé ??

Pour cette année, j’aimerais reprendre les petits bilans « en temps et en heure », à savoir tous les mois, plutôt qu’un gros pavé tous les deux mois. On verra à l’usage si c’est soutenable.
Sans surprise, mon rythme de lecture a drastiquement chuté, mais je m’y attendais. Je dois même dire que suite au récent remaniement ministériel familial, je m’attendais à observer cette chute un peu plus tôt ! Je sais que la lecture reviendra, je serai patiente.
Enfin, ceci étant dit, il n’y a pas de quoi rougir non plus, puisque j’ai lu ce mois-ci 2 romans, 1 manga et 1 bande-dessinée (de plus de 200 p., la BD !) ce qui, ramené au prorata de l’année, fait toujours de moi une « grosse lectrice » selon les critères (puisqu’est considéré.e comme tel.le, en France, toute personne lisant plus de 20 livres par an !). C’est bon, l’honneur est sauf !
Ce point bibliothéconomique étant établi (oui, mon vrai métier me manque !), passons à la liste des souhaits : puisque j’ai du mal à alimenter ce blog aussi souvent que je le souhaiterais, peut-être vais-je faire évoluer la forme de mes petits bilans et profiter de ce rendez-vous pour glisser quelques mots de chacune de mes lectures du mois. Habituellement, je fais un petit blabla uniquement sur celles que je ne compte pas chroniquer, mais force est de constater que la grosse majorité du contingent « à chroniquer »… n’est toujours pas chroniqué ! Donc : affaire à suivre.

Allez, passons aux lectures du mois !

Carnet de lectures :

Cargo Paradis, Sandrine Bonini (Thierry Magnier).

L’histoire : suite à l’anéantissement de la Surface, on envoie des enfants dans des excavatrices forer la croûte terrestre pour trouver le nouvel éden souterrain qui accueillera l’humanité. L’équipage du Cargo Paradis a grandi et atteint l’adolescence et ses délices, un moment critique de leur relation. Moment auquel leur vaisseau et son IA de bord subissent une avarie grave…
J’ai parlé ici de ce roman de SF ado qui revisite avec brio les codes du post-apo et du planet-opéra (même si je viens de m’apercevoir qu’en 4e de couv’, l’éditeur parle de « fantasy » : j’ai beau chercher, c’est clairement de la SF, donc je ne comprends pas !). L’intrigue est originale, l’objet-livre aussi, je vous le recommande chaudement (quel que soit votre âge !). J’en ai parlé plus longuement ici !

Cimqa, Auriane Velten (Mnémos).

L’histoire : il y quelques années, la largeur s’est repliée et, depuis, certaines personnes ont développé un pouvoir permettant de faire apparaître ce qu’ils imaginent. Il en découle l’art de la Cimqa, un mélange entre cinéma et spectacle vivant. On suit Sara, une technicienne cimqa (elle est chargée de dessiner les contenus des spectacles qu’elle projettera ensuite à la force de son esprit), à l’aube de la cinquantaine, et qui s’interroge sur sa pratique de l’art.
Le récit alterne de façon assez classique l’histoire de Sara dans le présent et dans le passé, lorsqu’elle était enfant et que la cinquième dimension est apparue. C’est classique mais ici c’est parfait, car on saisit bien tous les enjeux. Le récit interroge nos rapports à l’art et au travail (et au travail passion) : c’est fin, c’est bien mené, et tout à fait passionnant. Le récit repose en plus sur un plot twist parfaitement mené (il m’a fallu un moment pour me dire « mais attends, il y a un détail qui me chiffonne… »). C’était une excellente lecture (que j’espère pouvoir chroniquer plus avant).

Nos mondes perdus, Marion Montaigne (Dargaud).

À la sortie de Jurassic Park, Marion Montaigne, 13 ans, prend une grosse claque dans la tronche et découvre simultanément son amour des fossiles et de la science, et la perspective de la fin du monde. Il en résulte une fascination pour lesdits fossiles, un amour du dessin anatomique et quelques angoisses existentielles qu’elle soigne grâce à la méthode scientifique (beaucoup de recherches très poussées) et l’humour.
J’ai lu avec passion cette somme sur les dinosaures (et j’ai envie de revoir Jurassic Park du coup) et, une fois de plus, beaucoup ri avec les textes de Marion Montaigne. Cette BD est nettement plus personnelle que les autres et parfois j’ai trouvé que le propos était un poil confus ! Donc je la conseillerais plutôt à des adultes qu’à des ados, qui pourraient se perdre dans les digressions (lesquelles font beaucoup appel à l’histoire des sciences et de la psychanalyse).

Shadow of the ring, Kaiji Nakagawa (Ki-Oon).

La cité de Keiju, montée sur rail, poursuit inlassablement l’ombre du Dieu-anneau qui entoure la planète. Grâce à sa maîtrise de la fabrication des hakukai, sorte d’armures exosquelettiques très puissantes, elle s’assure la possibilité de traverser les autres royaumes. Aushi, jeune curieux de l’empire voisin, parvient à entrer dans Keiju pour l’étudier. Malheureusement, un intrus en profite aussi et se met à semer le chaos…
L’univers du manga est assez original (j’ai pensé à La Marche du Levant de Leafar Izen, que j’espère lire cette année !) et j’ai aimé que l’originalité soit bien utilisée dans le récit, qui prend assez vite une intéressante tournure géopolitique. Le dessin est léché, mais je l’ai trouvé un peu froid. En tout cas, ce tome introductif remplit son office, en présentant l’univers et les perso, tout en instillant assez de suspense pour donner envie de lire la suite. J’en ai parlé plus longuement ici !

Tops/Flops

Un mois faste, puisque je n’ai peiné sur aucune lecture !

La palme revient sans aucun doute possible à Cimqa, d’Auriane Velten, qui s’est avéré être un excellent roman de SF. J’avais beaucoup aimé son précédent titre, c’est clairement pour moi une autrice à suivre !!

La vie de ma PAL.

J’avais envie d’ajouter cette entrée pour observer de plus près la-dite PAL qui se trouve en roue libre sous contrôle (enfin, ça, on jugera à la fin de l’année).

D’après Livraddict, ma PAL donc s’élève à 259 livres (mais je sais de source sûre qu’elle n’est pas à jour ni sur les ebooks, ni sur les livres audio !). (Voilà, ça commence déjà à truander les chiffres !).

J’ai donc sorti 4 livres de ma PAL au mois de janvier, et je n’enregistre qu’une seule entrée, à savoir De Silence et d’Ombre, d’Erin Beaty, que j’ai bien hâte de découvrir !
Ce qui nous fait donc un petit -3. Bravo moi ! (C’est pour tous les autres mois où j’ai fait l’autruche, ça !!).

Reste à voir si ce bon rythme va se maintenir, huhu.

Citations.

« Dans le guide de l’expo, Owen a en effet mis, en mode passif-agressif, une illustration du mégalosaure… Mais SANS bosse. […] Quand on y pense, c’est un peu comme si, dans un musée, l’audio-guide était en roue libre.
– Voici une reconstitution du visage de Robespierre. Alors moi, j’étais pas d’accord, j’avais dit qu’il avait le nez plus fin. Mais bien qu’anatomiste émérite, on ne m’écoute jamais, alors bon, je dis ça je dis rien. »
Nos mondes perdus, Marion Montaigne.

« Derrière eux, le feu redoublait.
Étant donné la quantité de liquide inflammable qui reposait là-dessous, il devait y avoir de quoi alimenter une explosion colossale. Et dire que c’était eux les responsables. Par Geb, quel était l’intérêt de lancer des missions scientifiques ultra-perfectionnées, si c’était soit pour rafler toutes les ressources, soit pour tout faire flamber par accident ? »
Cargo Paradis, Sandrine Bonini.

« Adélaïde perdait l’esprit et dans quelques instants, ils seraient sous le feu des mercenaires du Prométhium.
Derrière eux, cette paroi de karst bien lisse ferait un mur d’exécution parfait. Quel charmant tableau de fin, humus.
Et, tandis qu’Elijah se perdait dans ces considérations, l’impensable – tout au moins, selon le jeune garçon, qui était au fond un être de raison -, l’impensable donc, se produisit. »
Cargo Paradis, Sandrine Bonini.

« ça ne va pas du tout lâche alors Sara.
La façon dont tout cela fonctionne n’a aucun sens ; on a la possibilité de tout créer, tout montrer ; et on hésite, on soupèse, on compte les spectateurs, et les ro-livres ; on me dit que mes idées vont choquer, qu’on va perdre du public, qu’il faut parler à tous, offrir du divertissement, ne pas être trop clivant, ne pas être trop politique, ne pas être trop effrayant, ne pas être trop abstrait, ne pas être… ne pas être… Eva, je n’aime pas ce que je fais ! »
Cimqa, Auriane Velten.

Nos mondes perdus, Marion Montaigne.

À sa parution, j’avais lu avec un immense plaisir Dans la combi de Thomas Pesquet et découvert qu’il est tout à fait possible de pleurer de rire en lisant une bande-dessinée (ce que j’ai donc fait dans le métro, je vous laisse imaginer la scène).

Donc sans surprise, quand j’ai vu passer Nos mondes perdus, la curiosité était bien présente, et ce d’autant que je ne me lasse pas de Jurassic Park.
Et si j’ai beaucoup ri durant ma lecture, j’ai été un peu moins embarquée qu’avec la précédente. Mais revenons au commencement !

Nos Mondes perdus est à la fois une bande-dessinée sur les dinosaures, la paléontologie, l’histoire des sciences et, par extension, l’histoire de l’Histoire, et la vie de l’autrice-illustratrice ! Difficile, en effet, de décorréler le sujet de sa passion immodérée pour les fossiles, le dessin anatomique, les sciences et la vulgarisation. Mais aussi de ses angoisses existentielles car, après tout, si les dinosaures ont subi une extinction de masse, quid de notre espèce ?

Le récit mêle donc hardiment tous ces thèmes, des débuts de la passion de Marion Montaigne pour ces sujets à son travail plus précis pour cette bande-dessinée. Organisée en grands chapitres chronologiques, la bande-dessinée retrace à la fois l’histoire des dinosaures, mais aussi et surtout l’histoire de la paléontologie et des sciences, lesquelles sont éminemment liées à l’histoire de l’Histoire, tant les sciences peuvent toucher au politique ou au religieux. Imaginez donc : la théorie de l’évolution versus la Bible, l’extinction des dinosaures comme l’oblitération complète d’une espèce (car quoi ? La main divine ne les aimait plus ?), les différences méthodologiques entre scientifiques britanniques et américains (bon goût et précautions d’une part, course au Far West de l’autre), la place des femmes… Je dois dire qu’avant de lire cette bande-dessinée, j’avais une vague idée des liens entre ces deux disciplines, mais que je ne m’étais jamais clairement dit qu’elles étaient si intimement entremêlées !
Et tout cela est entrecoupés d’un pan de narration plus personnel, qui s’intéresse tant à la formation académique de l’autrice-illustratrice qu’à, j’en ai parlé un peu plus haut, ses angoisses existentielles, qu’elle soigne à grands coups de recherches et autres lectures scientifiques. Et si cela amène une respiration dans le récit, cela le rend aussi assez souvent confus, en raison des multiples dialogues imaginaires avec des psychanalystes qu’elle met en scène – cela implique par exemple de nombreuses interventions extradiégétiques de Sigmund Freud, qui m’ont parfois perdue dans le propos.

Dans le guide de l’expo, Owen a en effet mis, en mode passif-agressif, une illustration du mégalosaure… Mais SANS bosse. […] Quand on y pense, c’est un peu comme si, dans un musée, l’audio-guide était en roue libre.
– Voici une reconstitution du visage de Robespierre. Alors moi, j’étais pas d’accord, j’avais dit qu’il avait le nez plus fin. Mais bien qu’anatomiste émérite, on ne m’écoute jamais, alors bon, je dis ça je dis rien.

Ceci mis à part, la narration est menée avec beaucoup d’allant et multiplie les traits d’humour donc, à nouveau : j’ai bien ri. Et j’ai appris des trucs, ce qui est, à mes yeux, le combo parfait. Évidemment, sujet oblige, il y a de nombreuses références à la culture – notamment populaire – ce qui fait que des gens ayant grandi dans les années 90 auront sans doute toutes les références, les plus jeunes peut-être un peu moins. Enfin, je dis ça, mais j’ai découvert en lisant la BD que je n’étais pas à jour dans les Jurassic Park (et on m’a soufflé dans l’oreillette que je pouvais me dispenser de regarder les manquants), donc on s’en sort aussi très bien quand il manque des références.

En bref, voilà une très grosse bande-dessinée à conseiller à toutes celles et ceux que les sciences et l’histoire en général, les dinosaures en particulier intéressent. On y apprend une foule de choses et le contenu scientifique est parfaitement vulgarisé. J’ai toutefois trouvé que le volet personnel (indispensable néanmoins !!) rendait l’ensemble un peu confus, de même que certains gags. En somme, ce titre ne me restera pas en tête comme mon préféré dans la production de Marion Montaigne, mais j’ai tout de même passé un très bon moment en compagnie de tous ces vieux fossiles !

Nos mondes perdus, Marion Montaigne. Dargaud, novembre 2023, 208 p.

Fin de série #6 – Bilan 2023

En 2015, j’ai joint le Défi Fin de Série d’Acr0.
L’objectif ? Continuer et terminer ses séries en cours dans un délai respectable, avant d’en entamer de nouvelles.

Après un début de challenge très très détendu (et aucun suivi), le confinement a été l’occasion de me pencher sur mes statistiques (oui, à défaut de pouvoir se dégourdir les jambes, j’ai analysé ma bibliothèque). Cette année, ce sera donc le cinquième vrai bilan, qui reprend les avancées (ou plus certainement les reculs) du chantier en cours !
Sans surprise, je n’ai pas terminé toutes mes séries en cours cette année (pire : j’en ai même commencé de nouvelles) et l’an dernier, je bouclais l’année avec 87 séries entamées.
La vraie question, maintenant, est la suivante : clôturé-je, comme je le souhaitais l’année dernière, en-dessous des 100 séries en cours ? Rien n’est moins sûr !

Commençons donc par le plus satisfaisant : les séries terminées !

Séries terminées :


Le Protectorat de l’ombrelle, de Gail Carriger : une série qui a traîné-traîné-traîné (je l’ai entamée… en 2012), mais que j’aime tant qu’il m’était difficile de me résoudre à pousser jusqu’au cinquième et dernier tome. C’est du steampunk, c’est enlevé et marrant, je recommande chaudement !
Le Roi de paille, d’Isabelle Dethan. J’adore ce que fait cette autrice-illustratrice et cette série n’a pas fait exception ! Et, oui, je sais que c’est un diptyque, mais en 2021 je l’ai compté dans mes séries entamées en 2020, sans doute parce que j’étais dans le déni de son statut et espérais a minima une trilogie. Donc il compte ici en série terminée !
Quatre sœurs, intégrale, de Malika Ferdjoukh et Cati Baur : il s’agit de la très chouette adaptation en BD des quatre tomes de la série de romans éponyme. Alors ok c’est une intégrale en deux tomes… Mais en tout cela en fait 4 donc je la compte ici ! C’est doux, c’est drôle, c’est superbement dessiné, j’ai passé un très bon moment en compagnie des sœurs Verdelaine !

J’aimerais signaler ici les autres séries terminées et qui ne comptent pas dans le défi car il s’agit soit de diptyques (non pris en compte dans les règles d’Acr0), soit d’une série considérée comme terminée en 2019 (et la parution du recueil de nouvelles n’était alors par prévue).
Le Monde des Premiers, de Lucie Thomasson , une aventure originale et aux complots très prenants.
La Machine, de Katia Lanero Zamora, un récit de fantasy qui revisite la guerre civile espagnole sur fond de fresque familiale et que j’ai adoré ! (Et qu’il faudrait vraiment que je chronique ici).
La Faucheuse, de Neal Shusterman, que je ne compte pas car il s’agissait juste d’un recueil de nouvelle additionnelles.

C’est clairement moins que les années précédentes (mais j’ai aussi moins lu que d’habitude), donc je crains fort de n’avoir pas tenu ma résolution de l’an passé !

Séries continuées :

A-t-on progressé sur les séries en route ? Cela reste à voir !
L’an dernier, j’avais lu 21 tomes de 12 séries différentes, un nombre dont le résultat palindromesque avait tout pour me ravir. Cette année… eh bien cette année, c’est moins brillant, puisque l’on conclut avec 12 tomes de 11 séries différentes, à savoir :
Le Protectorat de l’ombrelle : tome 5
Quatre sœurs, tome 2
Capitale du Sud : tome 2
Le Roi de paille : tome 2
Arsène Lupin : tome 13
Mysteries of Thorn Manor : tome 1.5
New Normal : tome 2
La Faucheuse : tome 3.5
Tarot : tome 2
Colossale : tomes 2 et 3
Mercy Thompson : tome 10

Comme l’an dernier, j’ai lu, mais pas tellement chroniqué – et cette fois je ne peux même pas mettre ça sur le compte des graphiques !

Passons maintenant au point qui fâche : les séries entamées.

Si vous étiez là aux bilans précédents, vous savez comment ça se passe au niveau du décompte : d’un côté les séries je-suis-venue-j’ai-lu-on-ne-m’y-reprendra-plus et, de l’autre les je-continue-avec-plaisir !

Commençons donc par les premières, qui n’ont aucune chance de poursuite, et qui sont au nombre de 4 :

Arcana, de Serena Blasco : j’adore ce que fait cette autrice-illustratrice mais là, même si j’ai bavé devant les illustrations, le récit ne m’a pas tellement passionnée, peut-être parce que je ne m’y connais pas en tarot. Si je tombe sur la suite à la bibliothèque, je le lirai peut-être mais rien n’est moins sûr, aussi je retire cette série de mon décompte total.
Lightlark, d’Alex Aster : ça partait bien, vraiment très bien, et puis ça a terminé comme un gros flop, à coup de personnages creux, de péripéties complètements improbables et d’un style fadasse à souhait. Je m’arrête là !
L’Arche spatiale, de Peter F. Hamilton : mais qui êtes-vous et qu’avez-vous fait de l’auteur du Commonwealth ?! Ce début de série est hyper poussif et semble s’adresser à un lectorat adolescent, sans parvenir à avoir le dynamisme et la profondeur d’autres récits de ce type. Bien dommage !
The Five Crowns, de A.K. Mulford : par où commencer ? C’est creux, fade, hyper caricatural et à la x-ième partie de jambes en l’air, je me suis prise à espérer qu’un des protagonistes fasse un infarctus. Vite. Conclusion : next.

Il est donc temps de passer à la douloureuse, j’ai nommé les séries véritablement entamées… et qui sont au nombre de 20 !

Si chronique il y a, un clic sur la couverture vous y emmène – dans tous les cas, l’avis est résumé en info-bulle.


Ceci étant dûment noté, je note d’ores et déjà 4 diptyques dans le tas, que je vais donc ôter du décompte final de ce pas. Il s’agit des séries suivantes : De Lune et de Sang d’Erin Beaty, La Joueuse de cithare de Joan He, Emblèmes d’Ina Siel et La Princesse sans visage d’Ariel Holzl. Elles seront évidemment citées pour la gloire lors du prochain bilan (enfin… si elles sont terminées d’ici là, bien sûr !).

Ce qui nous fait donc une clôture à 15 séries entamées en 2023 (puisque Quatre sœurs est maintenant terminée !), c’est-à-dire exactement autant qu’en 2022 !

Un peu de stats

L’an dernier, donc, je bouclais à 87 séries en cours.
Ôtons donc les 3 séries terminées (c’est royal) et ajoutons les 15 petites nouvelles et nous voici à… 99 séries en cours, soit à 1 point de ce que j’estimais être, l’an dernier à la même époque, la limite à ne pas dépasser ! Est-ce que cela semble mal embouché pour rester en deçà à l’horizon 2025 ? On dirait bien ! Mais il sera bien temps de s’en inquiéter plus tard ! (oui, je vis dans le déni.)
Bref ; affaire à suivre !

Et chez vous, comment avance le chantier séries ?

Shadow of the ring #1, Kaiji Nakagawa

Le royaume de Keiju ne ressemble à aucun autre… C’est une véritable cité montée sur rails, qui suit constamment l’ombre portée de l’anneau entourant la planète. Son circuit, identique depuis des générations, lui fait traverser de nombreux territoires. Pour cette raison, Keiju a développé une tradition de neutralité soutenue par une prouesse technique majeure : la création des hakukai, des armures surpuissantes qui améliorent les capacités physiques de ceux qui les portent. Aushi, fils de notable d’un pays ami, est fasciné par cette ville mouvante, habituellement fermée aux étrangers. Pourtant, grâce à ses relations et à son honnêteté désarmante, il parvient à se faire accepter à bord, où il se lie d’amitié avec Kamalu, l’intrépide petite sœur de la reine. Tout à sa joie de l’exploration d’un nouveau monde, il ne se doute pas qu’il arrive au moment où l’équilibre des alliances est sur le point de s’écrouler… Un assassin brise les défenses de Keiju, tuant sur son passage un membre de la famille royale et volant de précieux hakukai ! Quel est l’objectif de ce mystérieux agresseur ?!

Décidément, le royaume de Keiju ne ressemble à aucun autre. Lancé à la poursuite de l’ombre du Dieu-anneau, le royaume se déplace au gré de ses rails et d’une transhumance bien précise, qui l’emmène immuablement du nord au sud du royaume, et vice-versa. 

Bien qu’il s’agisse d’un tome éminemment introductif (à l’univers, aux personnages et aux enjeux), d’une part on ne ressent pas cet aspect et, d’autre part, il s’y passe quand même des choses.
En effet, le mangaka utilise l’astuce du narrateur étranger au lieu : Aushi, le personnage grâce auquel nous découvrons l’histoire, est en effet originaire du royaume voisin et demande à entrer dans Keiju pour étudier la cité. Une technique classique, mais qui a fait ses preuves et qui fonctionne à merveille ici, d’autant qu’Aushi a aussi des choses à apporter à Keiju, ce qui fait que l’auteur évite l’écueil de la visite touristique purement informative.
De plus, il lance rapidement les pistes du mystère, avec un arc narratif secondaire qui débute quasiment en même temps que l’arc principal. J’ai trouvé que l’effet d’attente se mettait assez vite en place, et il a entretenu ma curiosité. De plus, j’ai aimé que cela se fasse en parallèle de la découverte de la vie quotidienne et des personnages de la cité : aux aspects tranquille de la vie de tous les jours et de la découverte culturelle s’adjoint donc une trame nettement plus sombre, dont j’ai l’impression qu’on n’a fait que frôler les prémices.

Là-dessus, l’auteur déballe des enjeux politiques qui ont tout pour me plaire. Je l’ai dit plus haut, Keiju suit un axe immuable dans son parcours à la poursuite de l’anneau galactique. De ce fait, la cité traverse les territoires des royaumes voisins, ce qui est permis grâce à sa légendaire neutralité. Or les autres royaumes sont loin d’être neutres vis-à-vis les uns des autres et l’un d’entre eux a, justement, des velléités de conquête qui le chatouillent. Je ne veux pas divulgâcher de trop, mais cela entraîne immédiatement une intrigue politique qui démarre plutôt bien, d’autant qu’elle est pimentée, sur la fin, par un retournement de situation que je n’avais pas vu venir, et qui promet d’intéressants développements !

L’univers dans lequel on se situe colle aux univers de fantasy, avec toutefois un degré de technologie assez haut avec les hakukai – les pages d’illustration inter-chapitres leur sont d’ailleurs consacrées. J’attends la suite pour savoir de quel genre le récit relève exactement.
Les graphismes sont léchés et détaillés, les expressions des personnages étant particulièrement réussies. Enfin, le fait que cela commence avec un nu – féminin, évidemment – m’a fait froncer les sourcils. Ceci étant dit, il fallait bien cela pour préparer les scènes d’orgie chez l’empereur Kushihito, qui n’est pas le stratège le plus affûté de la région ! Entre ça et la violence latente (attendez-vous à quelques scènes de combat assez graphiques, sans toutefois verser dans le gore gratuit), la série s’adresse à un lectorat plus âgé que les préadolescents – comme la plupart des seinen, du reste.

Ce premier tome de Shadow of the ring inaugure donc la série avec brio : immersif, très efficace, il donne bien envie d’en savoir plus grâce à une narration qui sait lier vie quotidienne et enjeux politiques plus vastes. Les graphismes, très détaillés, concourent à rendre la lecture prenante !

Shadow of the ring #1, Kaiji Nakagawa. Traduit du japonais par Anne-Sophie Thevenon.
Ki-Oon (Seinen), août 2023, 208 p.


[2023] Gros bilan !

Et avant toutes choses…

Bonne et heureuse année 2024 !

Oui, ces vœux arrivent un peu tard, mais on a dit que jusqu’à fin janvier, c’était bon, donc ça passe in extremis. Les bulles et autres cotillons de fin d’année ayant fini de s’estomper (depuis un moment, du reste !), il est grand temps de dégainer le carnet de lectures et la calculette !

Mais avant d’attaquer le bilan proprement dit, j’aimerais vous remercier, vous qui lisez ces lignes et qui prenez le temps de passer sur ce coin de Toile. On sait combien les réseaux sociaux ont porté un coup aux supports plus anciens comme les blogs, donc je mesure votre engagement à passer ici et à me lire : mille mercis !

Un peu de stats

Cette année, j’ai lu 106 livres, dont 58% relevaient de l’imaginaire (BD, manga, albums inclus). Voici la répartition (en gardant les BD, les mangas et les albums dans leurs catégories respectives de supports) :


Les séries

Les séries, ou le point qui fâche ! En 2015, j’ai rejoint le Défi Fin de Série organisé par Acr0 et, depuis quelques années, je m’astreins à un vrai bilan – lequel ne va pas tarder à sortir. Sachez simplement que j’ai commencé une vingtaine de séries cette année MAIS que je parviens à boucler sous les 100 séries en cours ! (La suite au prochain épisode, donc).

Les auteurices les plus lus :

Je pensais qu’aucun d’entre eux ne se dégagerait, mais en fait ils sont 6 à avoir été lus au moins deux fois !
C’est Ben Hatke qui arrive en tête avec 3 lectures : j’ai relu les deux derniers tomes de Zita, la fille de l’espace (un comics SF jeunesse que je conseille à tous), et j’ai lu sa nouveauté, à savoir Milo et les créatures du grand escalier.
Viennent ensuite dans l’ordre de lecture, avec toutes 2 lectures : Lucie Thomasson (relecture puis lecture de la fin du Monde des Premiers) ; Malika Ferdjoukh (Broadway Limited et Quatre sœurs) ; K.D. Edwards (les deux premiers tomes de sa série Tarot) ; Pascale Quiviger (fin de la LC autour de Royaume de Pierre d’Angle et lecture de La Dernière saison de Selim) et enfin Philip Pullmann (relecture des deux premiers tomes de A la Croisée des mondes).

Les coups de cœur :

Ils ont été un peu plus nombreux cette année que les années précédentes, puisque j’en ai eu pas moins de 9 et, oh surprise ! Tous relevaient de l’imaginaire (même l’album jeunesse sans texte, qui est clairement de la SF – à moins que les sorties scolaire en navette et sur des volcans soient d’actu de nos jours).
Les coups de cour depuis la nuit des temps l’ouverture du blog (en 2011) sont tous visibles ici.

Les titres passés à un cheveu du coup de cœur

Pour ceux-là, on n’est pas passés loin du coup de cœur, et ils méritent clairement la mention honorable !

Les intenses (ou moins intenses) déceptions

Parfois, ça ne le fait pas… Détails ci-dessous !

Du côté du blog

Un peu de statistiques :

Je ne vous ferai pas l’affront de publier mes statistiques de fréquentation (au ras des pâquerettes), qui sont évidemment liées à la fréquence de publication (guère meilleure). La vie active, tout ça…
Cette année, j’ai publié 46 articles, soit deux articles de plus qu’en 2022… Et nettement moins qu’il y a 10 ans (150 articles en 2013). On va dire qu’on remonte la pente ?
Sur ces 46 articles, j’ai recensé 35 chroniques ; 6 petits bilans mensuels (un tous les deux mois) ; 4 articles liés à des challenges ; le dernier était consacré aux recommandations pour les emplettes de fin d’année. (Et le total fait bien 46, ouf !)


Top 5 articles les plus consultés :

En 2017, j’avais constaté que les articles les plus consultés étaient d’anciens articles, dont quelques prescriptions scolaires. Si vous regardez le top 5 de l’époque, vous verrez qu’il y a des similitudes . Donc merci à vous les enseignants, et désolée aux élèves qui ne trouvent pas leur bonheur dans mes articles ! Cette année, il n’y a aucun article publié dans l’année dans le Top 5 (tristesse) mais il y en a dans le Top 10, (donc l’honneur est sauf). Et voici le top 5 :
Les Yeux d’Elisha, Timothée de Fombelle
No pasarán, le jeu, Christian Lehmann
Terrienne, Jean-Claude Mourlevat.
L’Art du naufrage, Pascale Quiviger.
Le Mystère de Lucy Lost, Michael Morpurgo.

Habituellement, j’aime proposer dans cette rubrique un top des requêtes d’accès au site (passion mots-clefs), mais il semblerait que WordPress ait modifié son onglet statistiques et je suis incapable de remettre la main dessus (et je suis bien déçue, car j’aimais vraiment les consulter !).

Provenances des visiteurs :

On ne change pas un quatuor qui gagne, vous venez majoritairement de pays francophones (quelle surprise !) avec, dans l’ordre, la France, les États-Unis, le Canada et la Belgique.

Book Awards

Je ne sais pas si la pratique est toujours d’actu (et si ce n’est pas le cas, pour ne rien vous cacher, cela m’est bien égal !). L’idée vient toujours de chez Bambi.
Le principe des Books Awards est très simple : à la fin de l’année, il suffit de nominer 1 à 3 titres par genre, dans les catégories que vous souhaitez. Vous pouvez attribuer une médaille aux titres – ce que j’ai fait, les titres sont classés dans l’ordre or/argent/bronze.
Vous verrez que ma liste recoupe partiellement celle des coups de cœur, mais pas toujours entièrement. Je me suis plutôt attachée à nominer des livres qui me resteront en tête, que j’aie eu un coup de cœur ou pas !

Albums jeunesse
Classe de volcan, John Hare (L’École des Loisirs)
Un peu perdu, Chris Haughton (Thierry Magnier)
Un livre pour deux, Ella Charbon & Jean Leroy (L’École des Loisirs).

Bulles (BD, comics, manga)
Le Roi de paille, Isabelle Dethan (Dargaud)
Sirius : Twin Stars, Ana Cristina Sanchez (Glénat)
Milo et les créatures du grand escalier, Ben Hatke (Rue de Sèvres).

Polar/thriller
Le vol du boomerang, Laurent Whale (Au Diable Vauvert)
L’Archipel des larmes, Camilla Lackberg (Audiolib)
Si je mens, tu vas en enfer, Sarah Pinborough (Audiolib).

Fantasy
Trois lucioles, Guillaume Chamanadjian (Aux Forges de Vulcain)
Le Silence des carillons, Edouard Blaes (ActuSF)
Dans le ventre de Troie, Marine Carteron (Rouergue).

Science-fiction
Battlestar Botanica, Hélène Lenoir (Sarbacane)
Bluebird, Ciel Pierlot (ActuSF)
La Lumière lointaine des étoiles, Laura Lam (ActuSF).

Et vous, comment était votre année 2023 en lectures ?

The Five Crowns #1, A. K. Mulford.

Le prodigieux destin d’une sorcière rouge.
Depuis le massacre de sa famille et de son peuple, Remy a dû apprendre à cacher ses pouvoirs pour survivre et accepter une vie de fugitive, clandestine, chaotique et incertaine. Aussi se croit-elle perdue lorsqu’elle est capturée pour ses dons de sorcière rouge par un prince fae, connu pour sa vie dissolue et ses prouesses guerrières, Elle ne tarde pourtant pas à découvrir que les intentions de cet homme sont plus complexes qu’elle ne le craignait et surtout loin d’être innocentes à son égard, ce qui la surprend mais n’est pas tout à fait pour lui déplaire…
Une histoire « ennemies-to-lovers », dans un univers fantasy sombre et envoûtant.

Si vous êtes habitué.e de ce blog, vous vous demandez peut-être pourquoi, mais pourquoi j’ai lu de la romantasy alors que clairement, ce n’est pas ma tasse de thé. Je vais être honnête : c’était une lecture obligatoire de ma PAL de boulot. Je ne vous ferai pas l’affront de vous dire que je n’ai pas tremblé en y découvrant ce titre. MAIS, j’ai tout de même abordé ma lecture avec les yeux de la bienveillance.
Spoiler : ça n’a pas suffi.

Alors, par où commencer ?
Allez, les personnages. Ceux-ci sont classiques à souhait (c’est dingue de voir que sur un genre aussi jeune que la romantasy, il y a déjà des poncifs si ancrés) : des sorcières, des faes, de la royauté qui traîne au milieu. Je veux pas balancer, mais c’est vu et revu. Dès le départ, la narration ne sait pas où elle va : on tente de nous romantiser « l’enlèvement » de Remy par les faes, alors qu’en fait, suite à une petite échauffourée, elle les suit somme toute de son plein gré. Deuxième chapitre, et j’étais déjà en train de me dire « Mouais » – oui, vraiment, ça partait mal. Là-dessus, je m’aperçois que la protagoniste, Remy, s’appelle en fait… Remini. Fatalement, j’ai donc eu la chanson des Wampas en tête pendant toute ma lecture, ce qui ne m’a clairement pas aidée à compatir aux déboires des personnages (mais peut-être ma mauvaise foi avait-elle déjà commencé à pointer le bout de son nez).
Remini, donc, s’embarque à la suite de Hale, le-dit prince fae, à la réputation hautement sulfureuse. C’est de la romantasy donc, eh, devinez quoi ? ça part en relation sentimentale (pas la peine de crier au divulgâchis, c’est le principe même du genre !). Ceci étant dit, je veux bien que ce soit le concept, mais j’aurais apprécié un minimum de travail sur l’intrigue sentimentale. Celle-ci est hyper rapide et pas crédible pour deux sous, puisque l’autrice ne prend pas la peine de détailler ses personnages plus que l’étiquette qui les désigne (et les clichés qui vont avec). Remy, la jeune première, est soit une gamine décérébrée, soit une femme d’action accomplie (aucune nuance entre les deux) ; Hale est réputé sulfureux, mais au fond c’est un petit être sensible qui souffre (oui oui, on nage en plein cliché Good girl/Bad boy, et en plus c’est mal fait). Vraiment : en 2023, que ce soit en termes de romance ou de fantasy, on aurait pu s’attendre à mieux.

Le récit ne fonctionne donc que sur une accumulation de clichés qu’à la longue, j’ai trouvé particulièrement agaçante : à l’auberge, il n’y a qu’un seul lit ; les personnages sont « obligés » de se changer dans la même pièce ; ils doivent faire semblant d’être en couple… Et évidemment, le prince qui a kidnappé Remy est tombé amoureux d’elle immédiatement (on se demande bien pourquoi vu qu’elle a le charisme d’une huître), ce qui ajoute (non) de la tension aux fausses scènes de couple. C’est vu et revu, on s’ennuie. Là encore, je sais que c’est le principe même du genre, que de placer ces lieux communs, mais j’ai eu l’impression d’être face à une check-list de clichés à placer, lesquels se suivent à la queue leu leu. L’intrigue est donc particulièrement prévisible, ce qui gâche toute tentative de suspense (non pas qu’il y en ait).

Rapidement, le récit n’est qu’un prétexte à aligner les scènes de sexe épicées. Et justement, j’ai été particulièrement gênée par cet aspect. Pas parce qu’il y a des scènes de sexe en pagaille, non ! (même si c’est lassant à la longue). Mais plutôt par le déroulé de ces scènes. D’une part, Remy est dès la première incroyablement performante (alors qu’elle n’a, rappelons-le, pas vraiment d’expérience). Ce n’est pas réaliste. Mais le pompom sur la Garonne, c’est que le sexe est vu de façon très machiste. Seule la pénétration compte et la jeune femme s’oublie au profit de son compagnon. Heu pardon, mais en 2023, ce n’est plus possible ça ! Et ce d’autant plus dans une publication destinée à un lectorat adolescent. Je trouve lamentable de voir encore des relations aussi arriérées dans les romans actuels : ce n’est pas parce que le couple copule partout et n’importe quand que c’est moderne !
Avec ça, les scènes (de plus en plus épicées) s’enchaînent au détriment du reste de l’aventure : la quête passe clairement au second plan, le récit étant noyé sous les ébats des protagonistes.

Me suis-je rattrapée aux branches, à savoir au worldbuilding ? Non, celui-ci étant inexistant. Le récit se déroule dans un univers scindé en 4 royaumes simplement postés aux 4 points cardinaux (pourquoi se casser le trognon…), avec chacun un ordre de magie différent répondant à une couleur (rouge, vert, bleu et marron). Les explications concernant le système de magie sont rares, pour ne pas dire inexistantes. Les sorciers sont répartis en ordres sans que l’on sache comment ni pourquoi (la magie est-elle héréditaire ? Quid des unions entre clans ?). Tout au plus sait-on que les sorciers sont une race à part entière, au même titre que les humains et les Faes… lesquels peuvent aussi être doués de sorcellerie. Vous suivez ? Moi non plus. Mieux : il est possible pour les elfes de se travestir en l’une ou l’autre des races existantes. Leur magie est alors comme oblitérée et inaccessible. Pourquoi ? Comment ? Eh bien on ne saura pas. De fait, de nombreux événements m’ont semblé relever du classique et si pratique TGCM (« ta gueule, c’est magique ») : pratique, comme je le disais, mais qui n’arrange pas tellement la crédibilité de l’intrigue, laquelle était déjà pas mal en souffrance.

Pour ne rien arranger, le style est, au mieux, passable. Pour être honnête, je me dois de signaler que le roman tend vers un énorme plot twist dans les derniers chapitres mais, pas de chance, le suspense est si inexistant qu’au moment de la-dite révélation, je n’ai pas été surprise pour deux sous (je me suis même dit « Ha ben oui, manquait plus que ça !). Il faut dire que le retournement de situation ne renouvelle lui non plus pas le genre et qu’on a déjà vu ça un peu partout ailleurs. Bref : circulez, il n’y a rien à voir.

J’ai donc bien bien peiné sur cette lecture (que je me suis néanmoins infligée en entier…), qui semble recevoir un bon accueil critique que je ne m’explique pas. L’intrigue, très faible, est truffée de clichés vus et revus ; les personnages et l’univers, quant à eux, sont stéréotypés à souhait. Aucun des deux genres (romance et fantasy) n’est servi par ce roman et, pire, je trouve que la romance est particulièrement archaïque – je m’attendais à mieux en 2023, franchement. Je ne signerai donc pas pour la suite !

The Five Crowns #1, La Cour de la Haute-Montagne, A.K. Mulford.
Traduit de l’anglais (Nouvelle-Zélande) par Alice Delarbre. Slalom, octobre 2023, 400 p.

Si vous avez aimé, vous aimerez peut-être :

[2023] Petit bilan de novembre-décembre

Dire que la fin d’année a été chaotique relève de l’euphémisme, et cela s’est clairement fait ressentir côté lectures, avec un rythme particulièrement ralenti !

Carnet de lectures :

Heureusement, malgré le peu de lectures, celles-ci étaient pleines de douceur, puisque j’ai (re)lu deux albums de Chris Haughton, un auteur-illustrateur que j’adore – et le (très jeune) public a également adoré, donc je pense être en mesure à l’heure actuelle de les réciter !

Un peu perdu, Chris Haughton (Thierry Magnier, 2011).
Bébé Chouette s’est endormi sur son perchoir, a chu et perdu sa maman. Heureusement, il est pris en main par Écureuil, plein de bonne volonté mais pas très futé, avec qui il faut le tour des animaux afin de retrouver maman Chouette. Évidemment, si l’animal rencontré présente bien le trait caractéristique annoncé (des oreilles comme-ci, des yeux comme-ça), on a le temps de faire le tour des bois avant de retrouver la bonne maman !
J’aime le côté conte-randonnée dans les albums de Chris Haughton et là ça marche à tous les coups. En plus c’est ludique, puisque l’enfant voit bien que l’animal correspond partiellement, sans être celui que l’on cherche (donc leurs réactions sont souvent très marrantes). Le texte est assez court (l’album fait moins de 40 p.) mais est suffisamment long pour qu’on ait le temps d’explorer les sentiments de perte et de séparation (c’est un album pour les touts-petits hein, donc évidemment que la situation est réglée rapidement !). Le petit format tout carton est top pour le public ciblé. En plus c’est très graphique donc beau à regarder ! (Oui, j’adore ce que fait cet auteur-illustrateur !).

Chut, on a un plan !, Chris Haughton (Thierry Magnier, 2014).
Dans une forêt sombre, quatre chasseurs armés de filets de papillon à la poursuite d’un bel oiseau… Le plus petit voudrait bien faire ami-ami, mais chut ! les autres, pour l’attraper, ont un plan.
Bon avec celui-là, c’est poilade garantie. Pour ne rien vous cacher, je l’ai lu à un enfant de deux ans qui rigolait d’anticipation quand on attrapait le bouquin, avant même d’avoir commencé la lecture ! Là aussi, il y a cet aspect conte-randonnée, les personnages accumulant les échecs mais se remettant toujours à l’œuvre, au son de « Chut, on a un plan ! » (il suffisait de dire « chut ! » pour déclencher les fous rires de l’assistance, c’est vous dire). Donc c’est répétitif et très marrant. Autant Bébé chouette ça peut passer pour des bébés de quelques mois, autant je trouve que celui-ci fonctionne mieux avec des enfants de plus de 1 an (ce qui n’empêche pas de le lire à des plus jeunes, hein !).
Mon préféré de tous les temps reste Oh non, George !, mais j’ai beaucoup aimé découvrir et lire (et lire encore et encore) ces deux titres de Chris Haughton !

Tops/Flops :

Le meilleur a côtoyé le pire en cette fin d’année. Mais avant de m’étendre sur la seconde catégorie, je vais vous livrer mon petit top 3 de ces deux derniers mois.

J’ai lu Le Cercle des Géographes, premier tome d’Emblèmes, d’Ina Siel, un roman à l’ambiance maîtrisée, qui m’a fait une forte impression. C’est original, très bien écrit et j’ai trouvé que l’autrice sortait avec talent des sentiers battus des romans young-adult (j’en parle plus en détail dans ma chronique). J’attends la suite !

Ensuite j’ai dévoré La Forgeuse d’os, premier tome de La Maison des Morts de Nicki Pau Preto, un début de série de dark fantasy qui m’a beaucoup plu. On n’échappe pas à quelques ébauches de lieux communs de littérature ado (j’ai flairé un triangle amoureux), mais comme ce ne sont que des ébauches, ça me va ! J’ai trouvé ce premier tome très prenant, là aussi j’attends la suite !

Enfin, j’ai terminé ma (re)lecture commune au long cours (entamée en décembre 2021 !) de la saga Royaume de Pierre d’Angle de Pascale Quiviger que je vous recommande très très très chaudement, quel que soit votre âge (mais disons pour les plus de 12 ans quand même). Le temps de cette LC peut vous sembler délirant mais avec mes co-lectrices, nous faisons un point tous les dix chapitres : la vie active étant ce qu’elle est, on a parfois du mal à trouver le temps de s’appeler !
Bref, Royaume de Pierre d’Angle est une tétralogie de fantasy (accessibles aux lecteurs non amateurs de SFFF) qui nous entraîne sur les traces de personnages mémorables, dans une ambiance inimitable de poésie la plus pure côtoyant la noirceur la plus terrible. La plume est splendide, le récit très prenant : c’est clairement ma série ado chouchoute de tous les temps (loin devant Harry Potter et La Passe-Miroir, c’est dire). Vraiment, lisez cette série (même si, comme moi, vous avez passé l’adolescence depuis longtemps) !

Maintenant qu’on a parlé du bon grain, passons à l’ivraie, j’ai nommé La Cour de la Haute-Montagne, premier tome de The Five Crowns, d’A.K. Mulford – sur lequel j’aurai l’occasion de revenir plus longuement. En trois mots : c’est très mauvais. (Mince, cela fait quatre). Je sais que la mode est à la romantasy, mais là c’est mauvais en termes de romance, exécrable en termes de fantasy. Je ne comprends même pas que ça ait pu être édité, tant on dirait une mauvaise fanfiction. L’univers est inexistant, les personnages sont creux, l’intrigue (y en-a-t-il seulement une ?) limitée aux scènes de sexe, l’écriture passable. Vraiment : il n’y a rien à sauver ! Je n’avais aucune attente concernant ce titre, et j’ai quand même été déçue, je trouve ça très fort !

Citations.

« Ma mère se trouve dans la cuisine. Ses yeux sont gonflés d’avoir pleuré. Je demeure face à elle, ignorant quels gestes accomplir. C’est désarçonnant de devoir consoler ses parents. Peut-être qu’elle est là, la fin de l’enfance ? Ce moment où on réalise que ceux qu’on croyait solides, indestructibles, peuvent s’effondrer. »
La Maledetta, Rachel Corenblit.

« Érèbe avait tenu bon pendant les discours, le verre de bienvenue, les poignées de main rituelles échangées avec l’avant-garde de l’autre équipage ; puis, quand les postures avaient commencé à se relâcher, l’alcool à circuler et qu’un groupe de Luxans ivres avait enveloppé le vaisseau de guirlandes lumineuses pour le rendre plus festif, Érèbe s’était réfugié dans le bureau de Grius. Le vieux biologue lui avait prêté une clé pour les cas comme celui-ci, un jour où il avait croisé Érèbe recroquevillé dans un couloir désert, en pleine attaque de panique.
– Ne vous donnez pas en spectacle comme ça, mon petit, avait-il dit d’une voix bourrue en passant d’autorité ses bras sous les aisselles d’Érèbe pour le relever. Venez vous arracher les poils des bras et hyperventiler dans mon bureau. Mes plantes vont adorer ça et moi, je m’en fiche. C’est déjà le désordre le plus complet là-dedans. »
Le Cercle des Géographes, Ina Siel.

« L’abondance de graffitis me surprit, pour une raison stupide. Les Tri-Cities luttent contre ce phénomène, principalement lié aux gangs mais aussi parfois le fait d’adolescents s’efforçant de laisser leur marque dans une société indifférente. Dans mon esprit, le problème des tags concernait exclusivement le Nouveau Monde, une supposition totalement ridicule. Je savais pertinemment qu’il existait des graffitis datant de l’époque romaine qui véhiculaient sensiblement le même message que leur version moderne : « Ta sœur couche avec des gladiateurs », « Je suis passé par là », « Flavius est trop canon », etc. »
L’Épreuve du silence, Patricia Briggs.

« Je suis mécanicienne. Je bricole. Je me transforme en coyote de dix-sept kilos. J’ai des amis puissants. Mais, au final, mon véritable superpouvoir, c’est le chaos. »
L’Épreuve du silence, Patricia Briggs.

La Maledetta, Rachel Corenblit.

Eva, 16 ans, part avec sa mère, son frère Anthony, et Samy, le meilleur ami de son frère, dans une maison isolée en pleine montagne, que sa grand-tante a léguée à sa mère.
Eva découvre qu’au village on appelle cette maison  » La maison des mortes « , et que sa grand-tante se serait pendue pour échapper aux esprits qui hantent sa demeure. Peu de temps après son arrivée, Eva commence à changer : elle entend des voix, fait des cauchemars de plus en plus violents. Et si elle avait hérité de la malédiction de sa grand-tante ?

Une fois n’est pas coutume, voilà un livre qui n’aura fait qu’un passage éclair dans ma pile à lire (je l’ai acheté à Frissons à Bordères fin octobre !).

L’histoire nous entraîne sur les traces d’Eva, une ado qui s’apprête à passer les pires vacances de sa vie, coincée avec sa mère, son frère, le meilleur ami de celui-ci, et les deux guitares de ces derniers. Cerise sur le gâteau : ce sera dans la maison décrépite dont vient d’hériter sa mère d’une grande-tante jamais côtoyée, dans un bled paumé en altitude (sans réseau, ni internet). Bonne ambiance !

Et justement, l’ambiance, c’est ce qui fait tout le sel de ce roman. Car dès le départ, on baigne dans un certain malaise. Eva en a gros sur la patate : elle se sent éloignée de son frère, a eu une grosse dispute avec sa meilleure amie, et elle perçoit qu’il y a de l’eau dans le gaz entre ses parents. Or, à cette ambiance pesante va rapidement s’ajouter celle du village : les habitants semblent hostiles ou inquiétants, la maison, surnommée « la maison des mortes » est angoissante à souhait… Avec ça, la vieille tante s’est en fait suicidée (dans la chambre qu’occupe Eva) et il s’avère que la maison a été le théâtre d’un horrible massacre pendant la Deuxième guerre mondiale. C’est sur ces entrefaites qu’Eva se met à faire des crises, sortes de visions cauchemardesques, qui la laissent pantelante et terrifiée.
L’angoisse monte donc petit à petit et si vous êtes, comme moi, de vraies flipettes, c’est un roman que vous éviterez de lire à la nuit tombée les soirs d’hiver dans une maison solitaire !

La part fantastique du récit se mêle au récit de vie quotidienne, lequel est secoué par les affres de l’adolescence d’Eva. Celle-ci est en quelque sorte accaparée par ses sentiments intérieurs. Elle pense à la façon dont elle a géré les choses avec sa meilleure amie (mal), aux garçons (beaucoup), à ses crises nocturnes (est-elle folle ?), à sa mère (qu’elle se surprend à détester). J’ai trouvé les émois de la jeune fille bien retranscrits et mis en scène, et parfaitement utilisés dans le corps fantastique de l’intrigue – je me suis réellement demandé dans quelle mesure l’adolescente perdait la tête ! Plus on avance dans le récit, plus la tension monte, jusqu’à un climax très prenant, qui m’a fait lire la fin d’une traite. Je l’ai trouvée presque un peu trop rapide au regard de la mise en place.

La Maledetta propose un donc une intrigue qui mêle habilement thriller, fantastique, vie quotidienne, le tout sur fond de relations familiales, et secrets bien enfouis. Le roman joue sur l’ambiance et les relations entre personnages : la tension monte crescendo, les péripéties s’enchaînent et, si j’ai regretté la fin un brin rapide, j’ai passé un très bon moment avec cette lecture bien frissonnante. Cela faisait longtemps que je n’avais pas lu un roman fantastique, je ressors enchantée de cette pioche !

La Maledetta, Rachel Corenblit. Nathan, mai 2021, 238 p.

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