Ce qui naît des abysses, Confluence #1, Sylvie Poulain.

XXIVe siècle. Après l’emballement climatique et l’effondrement de la civilisation terrestre, les rescapés tentent de se réinventer sous l’eau au sein de cités sous-marines interdépendantes. Hélas, les vieilles tares de l’humanité ont plongé avec elle…
En Atlantique Nord, la belliqueuse Atlantis flirte avec les limites de son mandat de protection, poussée par l’IA qui la dirige, tandis que les cargos sous-marins de la Hanse participent à de dangereux jeux d’influence. Les tensions se cristallisent autour de Providence, une mystérieuse colonie abyssale refusant de se soumettre.
Alors qu’une invasion tourne au désastre et que les secrets de Providence échappent aux Atlantes, un sous-officier, Wolf Douglas, découvre une jeune survivante nommée Jihane, qui ne ressemble à rien de ce qu’il connaît. Malgré tout ce qui les sépare, Wolf et Jihane sont forcés de coopérer pour survivre aux abysses, pendant qu’un sous-marin hanséatique s’efforce de récupérer les miettes du conflit.
Pris dans un jeu de pouvoir qui les dépasse, le militaire et l’adolescente doivent bientôt faire des choix lourds de conséquences…

Le résumé du premier tome de cette trilogie m’emballait beaucoup et, une fois tournée la dernière page, je ressors conquise de cette lecture !
Sylvie Poulain nous entraîne dans un univers post-apocalyptique différent de ce que j’ai pu lire jusque-là : la Terre étant ravagée, ce qu’il reste de l’humanité évolue essentiellement sous les eaux. Or, cela commence assez mal, puisque la flotte d’Atlantis, armée jusqu’aux dents, est déployée pour un assaut sauvage sur l’ancienne station de Providence, pendant qu’un sous-marin de La Hanse se charge de faire l’observateur – presque – neutre, dans son propre sous-marin.
Vous l’aurez compris : l’autrice nous sert une ambiance SF militaire mâtinée de post-apo, le tout dans un décor abyssal du plus bel effet, suffisamment original pour me donner l’impression, en sus, d’être en plein planet-opéra !

La narration alterne, de façon assez classique, entre les points de vue à bord du sous-marin atlante, du sous-marin hanséatique, et de la station de Providence (auquel vont s’ajouter ensuite d’autres personnages) : on saute d’un acteur à l’autre, embrassant les ambitions et préjugés des uns et des autres. Un procédé classique certes, mais qui a fait ses preuves et fonctionne ici à merveille.
De fait, avec ce système, on suit de nombreux personnages et, l’intrigue débutant vraiment in medias res, j’ai eu un peu de mal au début à comprendre d’une part les enjeux et, d’autre part, qui était avec qui. En même temps, c’est ce qui rend le début si prenant, donc je me suis laissée guider le temps de deux ou trois chapitres avant d’y voir plus clair ! Et quels chapitres !
Assez vite, l’autrice pose les enjeux, installe une tension palpable et nous donne à voir un univers aux décors pour le moins dépaysants – et très salés. J’ai beaucoup aimé la façon dont enjeux techniques et politiques s’entremêlaient, et la géopolitique qu’elle a inventée pour les biens du récit. Post-apo oblige, l’ordre mondial a été bouleversé et on raisonne en zones plus qu’en pays. Toutefois, le concept de la nation « neutre » a été conservé, avec La Hanse, réseau commercial qui se charge de relier les zones entre elles et assure le transport des denrées d’un bord à l’autre. Évidemment, plus on avance, plus l’intrigue remet en question cette neutralité un brin utopique.
Le récit repose de fait sur une construction d’univers très sérieusement menée, ce qui fait que j’ai hautement apprécié cette lecture. D’ailleurs il y a quelques scènes absolument incroyables dans les abysses, et qui pour certaines m’ont donné la chair de poule, tout en réduisant clairement mes velléités de plongée !

J’ai trouvé que, en filigrane, Ce qui naît des abysses parlait en fait vraiment bien de notre univers. Évidemment, l’histoire débute car le réchauffement climatique n’a pas été enrayé et que l’humanité subit des conséquences désastreuses. Mais ce n’est pas tout !
Au fil des chapitres, l’autrice interroge avec pertinence notre dépendance à l’IA et la toute-puissance de celle-ci. Un sujet vraiment brûlant d’actualité et qui m’a fait froid dans le dos (comme à chaque fois ou presque que je suis confrontée à une IA romanesque !) tant les dérives sont ici bien exploitées. Mais il y a aussi toute une réflexion sur la dualité collectif (la façon dont vit Providence) et individuel (les autres modèles). Différents modèles de survie et philosophiques s’opposent et c’est vraiment passionnant – d’autant que si chacun est présenté comme idéal, on s’aperçoit que chaque système a ses défaut, voire peut virer à la dystopie à tout moment.

L’intrigue est également soutenue par un rythme que j’ai trouvé vraiment prenant. Il y a bien sûr toutes les scènes dans les abysses, où il est question de manque d’oxygène, de batailles navales rangées ou de lutte contre l’environnement (et ses grosses bestioles en goguette) et qui tiennent en haleine. Mais pas que ! La cohabitation entre les différents membres d’équipage dans le sous-marin de la Hanse est vraiment bien mise en scène. De plus, l’autrice a creusé le passé de la plupart des personnages (pas tous, mais ça viendra peut-être dans la suite). D’une part, cela m’a rappelé l’excellentissime L’Espace d’un an de Becky Chambers. D’autre part, cela assure un certain nombre d’arcs narratifs secondaires bien menés et qui pimentent idéalement l’intrigue (notamment avec un brin d’espionnage qui débouche sur des réflexions sociétales, lesquelles complètent parfaitement le panorama du roman). Les chapitres courts, l’équilibre des scènes d’action, contribuent aussi au fait que le roman se lit aussi vite que bien – et que j’ai maintenant diablement envie d’en savoir plus !

Bref, avec ce premier de tome de Confluence, Sylvie Poulain fait du neuf avec du vieux, et le fait bien. Le vieux, c’est l’univers terrien, que l’on connaît bien et qui permet d’emblée une immersion en eaux profondes. Le neuf, c’est cette dystopie qui va piocher à différents râteliers pour aérer quelque peu un genre qui commence à être vu et revu. De fait, Ce qui naît des abysses tient aussi du space opera dans un planet opera, lorgne clairement vers la SF militaire, tout en s’autorisant un crochet vers le cyberpunk et les réflexions plus sociétales auxquelles la dystopie nous a habitués. C’est dense pour un premier tome, mais en même temps cela crée des bases solides pour avancer par la suite – que j’ai d’ores et déjà hâte de découvrir !

Confluence #1, Ce qui naît des abysses, Sylvie Poulain. Bragelonne, 1er février 2023, 544 p.

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4 commentaires sur “Ce qui naît des abysses, Confluence #1, Sylvie Poulain.

  1. Moi aussi, le résumé me tente bien ! J’ai un peu peur du cyberpunk mais j’ai bien envie de savoir ce qui se cache dans ces profondeurs.

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    • Sia dit :

      Alors pas de panique : c’est vraiment hyper léger ! C’est plus dans l’ambiance générale qu’on le perçoit que réellement dans les éléments d’intrigue !

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  2. Zina dit :

    C’est tentant !

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