Je serai cet humain qui aime et qui navigue, Stéphane Girel et Franck Prévot.

Un bord de la mer, un air de vacances, un enfant et son grand-père, marin-pêcheur à la retraite : l’innocence du premier, l’assurance du second. Bientôt, un 3e personnage survient : un coquillage qui porte l’inscription «Écoute-moi ! ».
Tandis que le grand-père n’entend que la mer, l’enfant entend un poème. Un poème qu’il va se charger de traduire pour les oreilles de son grand-père. 

Cela fait maintenant plusieurs mois que j’ai découvert cette petite merveille – au mois de février, pour être exacte – mais, comme toujours, avec les coups de cœur, il m’a fallu un peu de temps pour rédiger cette note de lecture.

La première chose qui m’a fait fondre pour l’album, ce sont les illustrations de Stéphane Girel : claires, lumineuses, aux teintes pastel, elles ont un petit air de voyage, d’évasion, de vacances, et nous invitent à la découverte. Vers la fin de l’album, il y a une merveilleuse double-page que l’on peut déployer vers l’extérieur : avec un peu d’attention, on s’aperçoit que l’illustration se suit sur plusieurs pages, créant une fresque absolument magnifique.

L’album est un pur régal pour les yeux, mais aussi pour les oreilles.

Tanni koseb yasa kana dija sebar

C’est le premier vers du poème qu’entend l’enfant dans le coquillage. Inlassablement, il porte le coquillage à son oreille, écoute le poème, fasciné par ses sonorités et la musicalité qu’il dégage – et ce bien qu’il n’en comprenne pas immédiatement les paroles. Preuve, s’il en était besoin, que la poésie se passe de langage.
Toutefois, il y a un point d’achoppement : si l’enfant est fasciné, le poème laisse le grand-père dubitatif, voire carrément indifférent. Et c’est ce qui pousse l’enfant à la créativité : pour toucher son grand-père, il va se mettre à traduire les émotions qu’il ressent à l’écoute du poème et offre à son grand-père une version qui évoque L’Albatros, son bateau, son épouse venue de l’autre bout du monde et désormais disparue, la vie au grand large. Peu à peu, un trait d’union se crée entre eux deux, forgé autour de la rêverie, du voyage et de l’ouverture à l’autre.

Au fil des pages, le poème est traduit de bien des façons – on reconnaît, d’ailleurs, ça et là, les inflexions de poèmes célèbres tirés du corpus classique ! Et à l’instar du jeune homme, chaque lecteur est invité à traduire le poème ; les versions qui seront envoyées à l’éditeur viendront enrichir le corpus des poèmes déjà traduits !

Voilà pourquoi Je serai cet humain qui aime et qui navigue a été un tel coup de cœur : au travers des pages merveilleusement illustrés, ce grand et sublime album célèbre la poésie, le voyage (physique ou spirituel), l’ouverture aux autres et la transmission entre les générations. À lire et à relire sans modération, que l’on soit petit ou grand !

Je serai cet humain qui aime et qui navigue, Stéphane Girel (illustrations) et Franck Prévot (texte).
HongFei Cultures, 2016, 42 p.

La Bulle, Timothée de Fombelle & Eloïse Scherrer.

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La bulle, c’est celle qui flotte au-dessus de la tête de Misha. Elle ne sait pas quand elle est arrivée là, mais la bulle ne la quitte jamais, jamais, jamais, quoique Misha fasse. Colère, indifférence, silence, Misha a tout essayé. Pire… personne ne se rend compte de la présence de cette énorme bulle noire au-dessus du crâne de la petite fille. Un jour, Misha en a assez. Elle enfile ses pantoufles, ramasse son ours en peluche et une épée, grimpe sur ses bouquins et saute dans la bulle. Et elle arrive… ailleurs, un ailleurs où l’imaginaire prend le pas sur le réel.

La Bulle réunit Timothée de Fombelle (au scénario) et Eloïse Scherrer (au dessin), dont c’est le premier album. Et on peut dire que son premier essai est plus que réussi ! Ce sont d’ailleurs ses illustrations qui portent l’essentiel de l’histoire, le texte étant souvent réduit à sa plus simple expression, voire carrément absent. Et c’est avec plaisir que l’on se perd dans les illustrations foisonnantes, fourmillantes de détails et proprement enchanteresses d’Eloïse Scherrer. Et l’ensemble porte merveilleusement l’histoire, l’économie de texte laissant le soin aux images de combler les interstices, tout en laissant libre champ à l’imagination du lecteur ou de l’auditeur.

Misha, donc, bascule dans une sorte d’univers parallèle fantastique et onirique à souhait, dans lequel elle va devoir affronter épreuve sur épreuve, juchée sur son cheval et armée de son épée, tel un valeureux chevalier d’antan. Les épreuves sont dignes des contes traditionnels : fantastiques, angoissantes, oniriques, elles émaillent un parcours épique à souhaits. Peu à peu, Misha affronte donc ses peurs avec force et courage. L’angoisse initiale, matérialisée par l’encombrante bulle noire laisse, au fil des pages, la place à une grande sérénité. La conclusion, très lumineuse, met d’ailleurs du baume au cœur !

C’est à une aventure intérieure éminemment poétique que nous invitent Timothée de Fombelle et Eloïse Scherrer : texte ciselé et illustrations puissamment évocatrices se répondent dans cet album merveilleux (dans tous les sens du terme) et littéralement enchanteur !

La Bulle, Timothée de Fombelle & Eloïse Scherrer. Gallimard Jeunesse, octobre 2015, 42 p.

À la nuit tombée : conseils aux monstres et aux enfants pour bien vivre ensemble, Enrique Quevedo.

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À la nuit tombée, quand on est un enfant, il n’est pas toujours simple de détourner l’attention d’un monstre dans un long corridor sombre ou encore d’éviter celui qui veut sortir du placard de notre chambre lorsqu’on dort tranquillement… Par ailleurs, à la nuit tombée, quand on est un monstre, il n’est pas toujours facile de chasser les enfants qui envahissent le parc où l’on se repose ou de se cacher sous l’escalier lorsqu’un petit humain en dévale les marches au moment même où l’on sort rejoindre quelques monstrueux mais. Heureusement, les conseils d’Enrique Quevedo sont là pour apprendre à chacun à faire face à de telles situations !

Qui n’a jamais senti de délicieux (ou pas !) frissons à la perspective d’un monstre rôdant sous son lit, derrière la porte d’une armoire ou dans l’obscurité des couloirs ?
Mais auriez-vous seulement imaginé, du haut de vos cauchemars enfantins, que cette terreur pouvait s’avérer… réciproque ?

Enrique Quevedo propose donc un double manuel de vivre-ensemble. La première partie, adressée aux enfants, leur apprend comment éviter les monstres et vivre en bonne intelligence avec eux?. Il multiplie donc les conseils et recommande ainsi aux enfants de rester tapis sous les couvertures, les monstres étant, de fait, allergiques aux acariens ou bien de prendre son bain une fois par jour, sous peine d’être confondu avec un monstre des égouts…
La seconde partie de l’album prend le contrepied : Enrique Quevedo s’adresse donc aux monstres et leur explique comment éviter ces troublants petits énergumènes. Et les moyens à disposition des monstres sont nettement moins efficaces que ceux des enfants : il leur est recommandé de se déguiser ou bien de prier pour que les parents gardent leurs turbulents enfants. L’album est truffé d’humour !

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Les illustrations sont, tout simplement, sublimes. Enrique Quevedo joue sur le clair-obscur avec talent ! Sur fond noir, il déroule des monstres et paysages fantasmagoriques, composés de fins traits blancs.

Enrique Quevedo a, manifestement, beaucoup réfléchi à la question de la saine cohabitation enfants-monstres, deux espèces à qui il adresse une foule de conseils pratiques pleins de bon sens et non dénués d’humour. Ses dessins créent un univers onirique, qui mêle me réel au rêve, et la réalité à l’extraordinaire avec un immense talent. 

 

À la nuit tombée : conseils aux montres et aux enfants pour bien vivre ensemble, Enrique Quevedo.
Seuil Jeunesse, avril 2016, 40 p.

L’Histoire perdue, Meritxell Martí et Xavier Salomó

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Aujourd’hui, c’est l’anniversaire d’Eva. Son cousin Théo a décidé de lui faire une belle surprise et lui a donné rendez-vous chez lui. Impatiente de découvrir la-dite surprise, Eva s’est préparée avec grand soin et prend la route pour se rendre chez Théo. Seulement, voilà… Il y a, semble-t-il, un léger conflit d’intérêt entre la scénariste et son illustrateur… Celui-ci prend systématiquement le contre-pied de sa camarade et ignore cordialement les indications qu’elle lui donne. Eva est censée porter une robe bleue et des ballerines dorées ? Elle est représentée habillée en baroudeuse. Elle est censée traverser le centre-ville ? La voilà en pleine campagne. Forcée de se rendre à l’évidence, l’auteure adapte donc son texte aux dessins de son camarade. Puisqu’Eva est à la campagne, elle ramassera des fleurs pour sa tante et son cousin. Sauf que le dessin la montre avec une corde à la main. Et tout va de mal en pis ! Une histoire remplie d’imprévus !

Voilà un album original mettant en scène un certain nombre d’histoires ! Il y a, tout d’abord, celle qu’aurait voulue narrer Meritxell Martí ; il y a celle que choisit de raconter Xavier Salomó par ses dessins ; il y a, enfin, les luttes intestines entre la première et le second ! La scénariste y va de ses commentaires, apposés via post-it, enjoignant tout d’abord l’illustrateur à respecter son travail, à le lire, à revenir dans le droit chemin, que diable ! Lassée, elle abandonne donc et laisse à son comparse libre champ pour une histoire sans dialogues.

L’histoire est donc extrêmement drôle, la lutte entre les deux auteurs étant âpre, pleine d’humour et très originale ! Elle perturbe, modifie l’histoire et on y assiste avec un plaisir non déguisé. La partie sans dialogue est tout aussi expressive que la précédente, le trait de Xavier Salomó étant lumineux, colorés, très éloquent.
Et là où c’est très fort, c’est que l’histoire ne manque pas de suspense ! On se demande dans un premier temps comment elle va tourner pour Eva puis, dans la suite, ce qu’il va lui arriver… jusqu’à la chute, diablement inventive et décalée, à l’image du reste !

Voilà un album jeunesse original et inventif, qui ravira tant les plus jeunes que ceux qui seront chargés de lire l’histoire !

L’Histoire perdue, Meritxell Martí et Xavier Salomó. Seuil Jeunesse, mars 2016, 40 p.

Ma nounou est une girafe, Anne-Soline Sintès & Perrine Joe.

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Quand votre nounou est une girafe, la vie est belle et pleine de surprises !
Mais dans la ville d’Arsène et de Gisèle, des panneaux se mettent à fleurir sur les portes des magasins et des lieux , privant peu à peu les longs cous de leur liberté…

Arsène va voir une nouvelle nounou. Et, surprise ! C’est une girafe ! Avec des pattes partout et un immense cou, encore plus long que les-dites pattes ! Contrairement aux apparences, Arsène et Gisèle s’apprivoisent rapidement, à tel point qu’Arsène ne voudrait jamais d’autre nounou.
Mais voilà… la vie n’est pas toute rose… Bientôt, les panneaux interdisant l’accès aux longs cous fleurissent en ville. Foi d’Arsène, ça ne se passera pas comme ça. Bientôt, toute la ville manifeste contre l’injuste décision.

L’histoire démarre très tranquillement, avant de basculer dans une ambiance bien plus sombre et Anne-Soline Sintès et Perrine Joe maintiennent un bon équilibre entre l’humour qui baigne textes et illustrations et l’évocation très sérieuse de la montée des intolérances. Et l’album est mené de très intelligente façon : alors que la situation semble revenir à des jours meilleurs, les auteurs ne l’achèvent pas sur une note résolument positive. En effet, la conclusion montre que le combat contre le racisme et la ségrégation ne s’achève jamais, que les fanatismes guettent à tous les coins de rue (ou presque) et qu’il ne faut surtout pas relâcher ses efforts après une petite victoire !

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Les illustrations apportent un peu de douceur à cette histoire résolument militante : colorées, douces, enjouées, les aquarelles d’Anne-Soline Sintès sont riches de détails et invitent à prendre son temps en lisant l’album.

Le choix de sujet n’était pas évident, mais force est de reconnaître qu’Anne-Soline Sintès et Perrine Joe s’en sortent avec les honneurs. C’est avec délicatesse, humour, mais aussi beaucoup de sérieux qu’elles évoquent ces sujets, malheureusement atemporels, que sont la tolérance, le racisme et la ségrégation. À lire dès quatre ans !

Ma nounou est une girafe, Anne-Soline Sintès & Perrine Joe. Éditions du Père Fouettard, 2016, 24 p.

J’ai peur !

Du 17 au 31 juillet 2015, c’est la fête du livre jeunesse : l’ex-Lire en Fête devient Lire en short ! Il y a pas moins de 45 événements labellisés et peut-être avez-vous quelque chose près de chez vous ! Le programme est visible ici.

Pour marquer, sur Encres & Calames, on va parler de littérature jeunesse pendant cette période. Et on commence avec quatre albums qui parlent de la peur, parce que parfois, ça empêche quand même les enfants de dormir…  et que ce serait bien dommage de se laisser enquiquiner.

Petit monstre sous le lit ! 

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C’est l’histoire d’un enfant qui n’arrivait pas à dormir. Dans sa chambre, autour de son lit, des sorcières, des brigands, des monstres terrifiants sortis de sous le lit. Et surtout… un petit monstre du noir qui se met à pleurer quand l’enfant crie. Il ne faut pas faire de bruit, dit-il… sinon, ça va réveiller le monstre du placard. Du coup, tout le monde finit dans le même lit. Mais… est-il vraiment utile d’attendre que le gros monstre se réveille ?
J’ai aimé l’histoire du Petit monstre du noir parce qu’elle montre que, parfois, affronter directement ses peurs permet de les aplatir d’un seul coup et de s’en débarrasser. De plus, la chute est assez drôle et apprendre qu’un petit monstre a peur lui-même dédramatise certainement la situation.
Les dessins sont tous dans des tons de gris, noir, avec seulement quelques touches de jaune. Le seul reproche que l’on pourrait faire au dessin, c’est qu’il en manque parfois un peu : les pages sont très blanches, dans l’ensemble – mais cette esthétique sobre convient bien à l’histoire !

Le Petit monstre du noir, Valentin Mathé & Blandine Rivière. La Poule qui pond, 2014, 44 p. À partir de 3 ans. 

Petit catalogue de peurs. 

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C’est l’histoire d’une petite fille qui a tellement de peurs qu’elles forment une montagne infranchissable ! Page après page, on visite ce catalogue des petites peurs quotidiennes : les monstres cachés dans la maison, le grand méchant loup dans la forêt, perdre sa maman au supermarché, aller chez le docteur, les lunettes de hibou de la maîtresse… il y en a des tas !

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On pourrait craindre l’effet cumulatif de ce catalogue mais l’album est si bien conçu qu’il n’y en a pas ! En fait, les pages sont découpées et laissent voir dans certains motifs les illustrations des pages précédentes et suivantes, les liant les unes aux autres. De plus, les peurs sont présentées dans des textes rimés et rythmés, très dynamiques, que l’on peut presque lire comme une comptine.
Surtout, le texte progresse ! On passe de « J’ai peur » à « J’ai peur, mais… » pour en arriver à un petit laïus destiné … à la petite sœur, peureuse elle aussi ! Progressivement, l’enfant prend confiance et devrait inciter le jeune lecteur à faire de même.

Mes petites peurs, Jo Witek (texte) et Christine Roussey (illustrations). La Martinière Jeunesse, 2015. À partir de 3 ans. 

J’veux pas dormir !

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Cette fois, c’est l’histoire d’une petite fille qui roupille. Au pied de son lit, un loup essaie de la réveiller pour lui faire peur. Mais un petit cauchemar tapi sous le lit lui demande de cesser : lui, il a besoin que la gamine roupille pour la terroriser. Malgré la dispute sonore, l’enfant continue de dormir. Arrive donc un gros cauchemar qui s’est occupé de la grand-mère toute la nuit et aimerait bien dormir… au calme ! Tout le monde décide donc de dormir tranquillement… Fini ? Pas du tout ! Parce que si tout le monde dort désormais du sommeil du juste, le loup fait son pire cauchemar… grand-mère, éboueurs et nœuds roses inclus !

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L’histoire est drôle comme tout, puisqu’elle s’étage sur différents niveaux. On comprend très vite que le cauchemar n’est peut-être pas là où on l’attend le plus. C’est très décalé – ce qui fait que c’est si drôle – et met également en valeur l’idée qu’affronter ses peurs permet de les diminuer, voire de les faire disparaître. Et ça devrait en réconcilier plus d’un avec son oreiller !

Y a un louuuuhouu ! André Bouchard. Seuil Jeunesse, 2014. À partir de 3 ans.

J’ai le trac !

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Pour Lucia, ce soir est le grand soir : elle doit monter sur scène pour le spectacle de son école de danse et danser le flamenco. Or, elle est tellement terrifiée qu’elle se terre dans le placard de sa mère, son chat lové sur le cœur, cachée dans les jupes, serrant aussi fort qu’elle peut la pièce donnée par son père, parti travailler au Maroc, et qui lui manque terriblement. En serrant la pièce, Lucia va imaginer (ou voir) trois scènes dans son esprit… scènes qui vont regonfler sa confiance en elle !

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Cet album est sensiblement différent. D’une part parce qu’il s’adresse à des enfants un peu plus âgés et, d’autre part, parce qu’il n’évoque pas que la peur : au travers de l’histoire, le flamenco et l’Espagne sont évoqués et nous font voyager ! Première chose à dire : l’album est sublime. Justine Brax utilise plusieurs techniques d’illustrations : toiles à l’acrylique, collages, applications de tissus, découpages… les textures sont variées et à chaque page ou presque son univers chromatique. C’est sublime ! En plus, le texte est tout en tendresse et sensibilité et invite à prendre confiance en soi. Une réussite !

Lucia, la petite danseuse de flamenco, Justine Brax et Johana Dierickx-Brax. La Martinière, 2015. À partir de 6 ans. 

Voilà de quoi se redonner du courage !

Mon ami le zombie, Vincent Malone & Miré

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«Petit, j’étais souvent triste. Je restais assis, des heures, des jours, tout seul, comme ça… À me raconter des histoires. Des histoires de zombies. J’écoutais bien les bruits (les zombies essaient toujours de te manger par surprise). Mais je n’ai rien entendu du tout avant mon zombie. Mon zombie est tombé, pouf, juste à côté de moi… Et ça m’a bien surpris !»

C’est totalement par hasard que notre protagoniste se retrouve encombré d’un zombie. Et un zombie qui a faim, par-dessus le marché. Or, comme chacun sait, un zombie, quand ça mord quelqu’un, eh bien ça le transforme immédiatement en zombie. Pas pratique, donc, et surtout pas très engageant. C’est pourquoi notre protagoniste va diriger son zombie vers tout un tas de bestioles (veau, vache, cochon, couvée…) qui se transforment en autant de zombies aux bras ballants.

Puis arrive l’heure de rentrer à la maison… avec un zombie, qui devient rapidement un ami, un confident, un compagnon de jeu de tous les instants. Un compagnon qui ôte la tristesse et rend les journées moins longues, et nettement plus amusantes. Évidemment, un zombie à la maison, ça demande quelques précautions d’usage, parmi lesquels quelques kilomètres de corde et plusieurs rouleaux de ruban adhésif.

Le centre de l’album présente donc un manuel de survie en cas de colocation avec un zombie : que faire, comment se comporter, quelles astuces mettre en oeuvre. C’est à la fois drôle, bien pensé, et surtout bien mené. Le cahier est dessiné par le personnage principal, et les observations ont la fraîcheur de la candeur enfantine.

Le trait de Miré est parfaitement adapté au récit : le dessin retransmet merveilleusement les émotions véhiculées par l’histoire, et les couleurs sont judicieusement choisies. C’est un vrai plaisir à regarder !

Alors, un album avec des zombies pour un enfant ? Eh bien, pourquoi pas. Parce qu’ici, ce qui compte, ce n’est pas tellement qu’il y ait un zombie dans l’histoire (le côté horrifique est assez léger, et l’histoire loin d’être effrayante). Non, ce qui compte, c’est bien l’amitié qui va se nouer entre les deux personnages, malgré l’extrême différence qui les oppose.

Mon ami le zombie est une belle histoire d’amitié par-delà les différences, une histoire de confiance. La fin de l’album est extrêmement poétique et devrait plaire aux petits comme aux grands. Alors si vous voulez une première lecture de zombies, vous savez désormais où chercher !

 

Mon ami le zombie, Vincent Malone (textes) & Miré (dessins).
Seuil Jeunesse, 2014, 64 p.
À partir de 6 ans.

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Isayama, Pierre Bottero & Jean-Louis Thouard.

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Le jeune Kwaï aime observer les caravanes qui traversent son village et les hommes qui se lancent à l’assaut d’Isayama, la reine des montagnes. Isayama, si haute et si escarpée que jamais personne ne l’a vaincue. Alors que les expéditions se succèdent en vain , Kwaï rêve d’être le premier à se percher sur la tête de la montagne. Aidé par les sages conseils de Luna, son arrière grand-mère, Kwaï, devenu adulte, pourra à son tour tenter l’aventure.

C’est avec un plaisir non dissimulé que j’ai retrouvé Pierre Bottero et Jean-Louis Thouard, deux artistes que j’apprécie énormément.
Et Isayama ne m’a pas déçue; on y reconnaît bien le style poétique de Pierre Bottero, magnifiquement illustré par Jean-Louis Thouard, texte et illustrations se disputant la vedette.

L’histoire rappelle nécessairement l’univers de l’auteur, Gwendalavir, par les leçons de sagesse disséminées dans le conte qui respecte d’ailleurs la structure classique répétitions-évolutions. Il fait penser aux contes de sagesse asiatiques, où c’est justement par la répétition d’une situation incongrue que progresse le personnage dans la sagesse – ce que souligne admirablement le dessin de Jean-Louis Thouard, qui rappelle lui aussi les steppes des pays du soleil levant.
On ne peut que deviner la philosophie marchombre sous les sages conseils de Iuna; longtemps, on attend que Kwaï vole de ses propres ailes et on perçoit nettement l’instant où il le fera. Il grandit et, au fil des années, acquiert une sagesse qu’on ne peut que lui envier. Fort des conseils et de l’expérience acquise par la longue et tenace observation menée des années durant, Kwaï entreprend d’arpenter le chemin qui, peut-être, le mènera en haut d’Isayama (ce dont il rêve depuis sa plus tendre enfance).

Isayama est donc un conte aussi sage que poétique, magnifiquement illustré et qui plaira très certainement aux petits comme à leurs parents! A mettre entre toutes les mains, sans limite d’âge !

 Isayama, Pierre Bottero & Jean-Louis Thouard. Milan Jeunesse, 2007, 44 pages.
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