La Lumière lointaine des étoiles, Laura Lam.

La Terre est au bord de l’effondrement.
Pour sauver l’humanité, un seul espoir : rejoindre Cavendish, une exoplanète propice à l’installation d’une colonie.
Le futur de l’espèce humaine se joue ainsi dans l’espace, à bord d’un vaisseau volé. Aux commandes, Valérie Black, femme d’affaires visionnaire, ayant rassemblé autour d’elle les meilleures des meilleures. À commencer par Naomi, sa fille adoptive, exobotaniste renommée qui a rêvé toute sa vie de rejoindre les étoiles. Mais quand les premiers problèmes surgissent, elle ne peut s’empêcher d’avoir un sombre pressentiment. Quelqu’un à bord jouerait-il double jeu ? D’autant que les nouvelles de la Terre ne sont pas bonnes, et que les cinq femmes pourraient avoir moins de temps que prévu…

Laura Lam place son récit dans un futur très proche du nôtre, dans une ambiance à mi-chemin entre anticipation écologique et dystopie. En effet, ses personnages vivent sur une Terre à l’agonie, où il n’est plus possible de sortir sans porter de marque filtrant, ce qui augmente l’urgence de la situation. Parallèlement, la société a évolué vers des mœurs de plus en plus conservatrices et, au fil des lois et élections politiques, les hommes ont peu à peu évincé les femmes jusqu’à les renvoyer dans leurs foyers (une situation initiale qui m’a fait penser, outre à la réalité, au roman Vox de Christina Dalcher). Mieux, ou peut-être devrais-je dire pire, l’autrice évoque la révocation de l’arrêt Roe vs Wade comme le début de la pente descendante pour la gent féminine… or ceci s’est, depuis, réellement produit. Autant vous dire que la société décrite dans le roman a donc un côté particulièrement angoissant.
Ce qui rend d’autant plus intéressantes les réflexions de l’équipage sur le système politique qu’elles aimeraient voir en place sur Cavendish, comme leur façon d’appréhender cette utopie vers laquelle elles se dirigent !

Toutefois… le récit s’ouvre sur la mention d’un procès. Donc on sait dès le départ que quelque chose n’a pas bien tourné, ce qui instaure dès le départ une bonne dose de suspense et donne envie d’en savoir plus. Et c’est tant mieux, car je dois dire que la première scène avec nos cinq astronautes m’a semblé quelque peu invraisemblable (à moins qu’il soit courant de pouvoir décoller clandestinement d’un pas de tir pirate et de voler un vaisseau spatial en orbite !). Heureusement, le reste tient superbement la route, que ce soit au niveau scientifique, narratif ou humain, donc ne vous arrêtez pas à cette scène.
Côté sciences, justement, j’ai été servie : chacune des cinq femmes a ses compétences, et tout le matériau scientifique est clairement décrit, sans prendre le pas sur le récit, mais en fournissant toutes explications utiles pour qui n’a pas décroché son diplôme en la matière. J’ai particulièrement apprécié les scènes traitant d’horticulture spatiale, la spécialité de Naomi, et sa principale occupation à bord.

J’ai parlé de suspense un peu plus haut, et celui-ci tient aussi (et surtout ?) au mode narratif qu’a choisi l’autrice. Le chapitre d’ouverture est mené à la 3e personne du singulier, mais par un personnage qui fait partie du récit et dont on ignore tout. Puis, on passe à un narrateur externe et omniscient classique, surtout centré sur Naomi. Le récit, de son côté, mêle avec brio thriller et huis-clos spatial. Pour ce faire, l’autrice a usé d’une structure classique, mais qui prouve une fois de plus son efficacité, en alternant des chapitres consacrés au présent sur le vaisseau, et d’autre au passé des personnages. Et c’est là où elle déploie tout son art, puisque les chapitres du passé viennent approfondir les personnages, les enjeux de l’univers, les relations entre les astronautes ou éclairer notre vision d’événements tout juste relatés, nous faisant remettre en cause ce que l’on pensait avoir compris de la situation en cours. Résultat : le suspense est à son comble, et cela instaure un rythme particulièrement prenant, sans qu’il soit nécessaire d’aligner les scènes d’actions survoltées ! Du coup… j’ai eu du mal à m’arrêter entre deux chapitres car, très vite, le récit s’est fait particulièrement prenant.

Cela tient aussi à l’enchaînement des péripéties. La tension augmente en effet par deux biais. D’une part, par des retournements de situation entièrement liés à celle dans le vaisseau : celui-ci multiplie les avaries, l’équipage découvre une « petite surprise » dans la cale, ou apprend qu’une pandémie particulièrement grave, sur Terre, rend leur mission d’autant plus capitale. Du stress en barres, donc, et ce d’autant plus que la plupart de ces révélations vient exacerber la tension régnant à bord entre les personnages.
Car au final, c’est bien le quintette qui porte le récit – ce qui n’a pas manqué de me faire penser aux personnages de Becky Chambers. La galerie de personnages étant assez réduite, l’autrice a pris le temps et le soin de développer chacune d’entre elles et particulièrement le duo de choc qui tient le devant de la scène : Valérie et Naomi. L’opposition entre les deux est vraiment passionnante, chacune ayant sa vision de la science (l’une ayant le profil de la femme d’affaires spécialisée en sciences, tandis que l’autre a plutôt un profil de chercheuse). Le fait que la première ait adopté et élevé la seconde donne en plus une dimension familiale passionnante au récit, Naomi étant engluée dans un conflit de loyauté qui se heurte à son désir de s’émanciper de cette mère envahissante. Les passages du passés, qui montrent la rivalité entre Evan (le fils naturel de Valérie) et Naomi, entièrement orchestrée par leur mère, éclairent aussi les rapports des deux personnages. Cela sert parfaitement le récit, le suspense, et cela contribue à humaniser les personnages et à les rendre très touchants. Passé un certain point du récit, je ne savais plus si j’étais plus intéressée par les éléments consacrés à la mission scientifique, ou à la crise familiale en cours !

Plus le récit avance, plus la tension se fait présente, jusqu’à atteindre un paroxysme dans le dernier tiers, qu’il m’a été très, très difficile de lâcher ! Passé un certain point du récit, je me suis subitement remémoré la mention du procès faite en introduction, ce qui n’a fait que décupler ma curiosité. Et c’est là que l’autrice ma cueillie avec son final que je n’avais, pour le coup, pas du tout vu venir, et qui m’a permis de terminer cette lecture sur une note de surprise enchanteresse !

Je suis passée à deux doigts du coup de cœur avec cette lecture ! J’ai adoré le mélange habile entre thriller et huis-clos spatial, porté par une construction certes classique, mais qui ici prend toute son efficacité. Les personnages creusés, très humains, la dualité entre les deux protagonistes, tout cela ne fait qu’augmenter le côté particulièrement prenant du récit. Lequel en plus, propose une intéressante réflexion autour du futur, de notre présent, comme de l’utopie politique. En bref, j’ai adoré ce roman très humain, qu’il m’a souvent été difficile de lâcher entre deux chapitres !

La Lumière lointaine des étoiles, Laura Lam. Traduit de l’anglais par Hermine Hémon et Erwan Devos.
Actusf (Perles d’épice), 23 septembre 2022.

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2 commentaires sur “La Lumière lointaine des étoiles, Laura Lam.

  1. f6k dit :

    Super ; je le rajoute en PàL !

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  2. […] quand Sia a vanté les mérites de La lumière lointaine des étoiles, je n’ai pas hésité ! Car si l’intrigue se […]

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