Bluebird, Ciel Pierlot

Depuis des siècles, trois factions se livrent une guerre sans merci de planète en planète, sans désarmement du conflit en vue.
Cela fait trois ans que Rig a déserté, emportant avec elle des plans d’armes de destruction massive : elle se pensait à l’abri, jusqu’à ce que l’une des factions lui pose un ultimatum. Si elle ne rend pas ce qu’elle a dérobée, sa sœur jumelle sera exécutée par son ancienne faction.
Rig embarque alors dans une odyssée à travers l’espace pour sauver la vie de sa sœur, pistolet en main. Épaulée par une mystérieuse chasseuse de primes rebelle et soutenue par sa petite amie, June, Bibliothécaire de son état, Rig fera tout pour sauver sa jumelle.

Ciel Pierlot nous entraîne aux confins de l’espace, où s’opposent trois factions aux philosophies très éloignées les unes des autres. Il y a Pyrite, qui regroupe (en gros) des fous de technologies (létales de préférence) un poil extrémistes ; Ascétique, qui m’ont fait l’impression d’être les écolos du quartier avec leur passion de la verdure (mais aussi extrémistes, à leur façon, que les précédents) ; et Ossuaire, où l’on retrouve des gens flippants qui se complaisent dans l’ombre (de tout poil). Évidemment, je schématise à mort, mais voilà grosso modo les trois partis (auxquels va rapidement s’ajouter un parti de rebelles, qui tente de survivre dans cet environnement délétère !). Ce que j’ai trouvé intéressant dans ces trois factions, c’est qu’on n’est pas dans le schéma « une zone de l’espace = une faction ». Du tout ! Certes, chaque faction a sa planète-mère, mais les races qui peuplent l’univers peuvent appartenir indifféremment à l’une ou l’autre des factions – et ça se fait assez régulièrement à l’insu de leur plein gré. Car oui, malgré leurs dénégations et leurs grands principes, les factions s’adonnent assez joyeusement à l’esclavage, voire au génocide de certaines populations, parmi lesquelles les Kashrinis, le peuple de Rig.

Rig donc, est la protagoniste du récit et quelle héroïne ! C’est une rebelle qui n’a pas froid et ses yeux et mets assez joyeusement ses pieds dans le plat (ou dans la tête) de ses adversaires quand c’est nécessaire. Elle est brute de décoffrage, insolente à souhait, téméraire comme pas deux, et c’était hyper agréable de la suivre ! A ses côtés, Ginka, une chasseuse de primes et June, sa conjointe, qui se trouve être Bibliothécaire (j’en reparlerai plus bas). Plus qu’une héroïne, c’est un trio que l’on suit, un trio féminin fort, dépourvu de clichés, et qui porte à merveille cette intrigue.
Alors évidemment, je suis un peu de parti-pris. Car June est Bibliothécaire, je l’ai dit, soit une des personnes les plus importantes de sa planète et de sa faction. Des Bibliothécaires au sommet de l’échelle sociale ? Mais oui, mille fois oui !

La narration suit essentiellement Rig dans ses pérégrinations ; ce récit est interrompu à intervalles réguliers par des interludes, consacrés à un autre personnage. Cela permet de faire des pauses, tout en faisant monter doucement la tension quant à la présence et l’identité du personnage concerné. Même si tout s’éclaircit rapidement, je n’ai pas boudé mon plaisir avec cette partie du récit et j’ai été surprise par certaines révélations.
L’intrigue, de fait, est hyper bien menée. Il y a des scènes d’actions, des péripéties qui dépotent, des retournements de situation bien préparés (enfin, en tout cas, je n’y ai vu que du feu), avec tout ce que j’aime dans un récit qui croise aventure et space-opéra : des courses-poursuite en vaisseaux, des planètes en pagaille, des enjeux galactiques et des technologies affolantes (la helltech, en l’occurrence, une invention bien flippante). Si vraiment il fallait râler, on pourrait relever que les races aliens sont moins travaillées que dans d’autres récits du genre, mais franchement, le reste est si chouette, que ça passe à l’arrière-plan. De même, l’univers, quoique vaste, n’est pas hyper détaillé, mais ce n’est clairement pas gênant pour cette histoire, puisque c’est l’aventure qui prime. Je découvre d’ailleurs en rédigeant cette chronique que la version papier (je l’ai lu en numérique) fait 650 pages. Eh bien ça passe tout seul, je n’aurais jamais cru, et j’étais prête à lire 300 pages de plus sans aucun problème tant j’ai passé un excellent moment avec ce roman !
J’ai hautement apprécié la plume de l’autrice, sensible, que j’ai trouvée particulièrement fine dans l’écriture des relations entre les personnages, notamment celles entre Rig et sa sœur, Rig et June, et celle qui lie deux autres personnages dont je tairai les noms pour ne rien divulgâcher.

J’ai beaucoup aimé les thèmes qui apparaissent au fil du récit : entre deux doses d’aventures électriques, il est question de relations familiales, d’amour, de fanatisme ou encore d’éthique scientifique. C’est bien intégré au fil dynamique du récit, toutes les briques s’emboîtent à la perfection, sans que l’on aie l’impression que l’un prend le pas sur les autres.

Bref, Bluebird a donc été un très très gros coup de cœur. Le récit, sans être survolté, est très prenant, ponctué de ce qu’il faut d’humour et de répliques bien senties. A un moment donné, j’ai vu passer une phrase de promotion qui disait « Han Solo par Becky Chambers ». Et… c’est pas faux ! Même si c’est moins posé que le seul roman de Becky Chambers que j’ai lu, c’est vraiment l’impression que j’ai eue. J’ai passé un excellent moment avec cette aventure palpitante, parfaitement menée, et portée par un trio féminin qui m’a fait forte impression. Au point que j’aurais bien lu 300 pages de plus, ou une suite, tant cette lecture a été bonne !


Comme vous le savez peut-être, Actusf a annoncé en début de mois sa liquidation judiciaire. Outre la tragédie que cela représente pour les littératures de l’imaginaire, et plus particulièrement l’imaginaire francophone, cela veut dire que cet excellent catalogue va disparaître (et ce peut-être pour toujours). Je n’ai pas été très assidue côté chroniques sur ce blog, et je le regrette, car vraiment, c’est un éditeur qui a fait un travail extraordinaire et que j’aurais dû mettre plus en avant. Tout ça pour dire que si vous voulez soutenir l’éditeur (et ses auteurs !!) et vous procurer ses titres avant la mise au pilon, c’est tout de suite qu’il faut le faire, car les stocks vont vite disparaître des librairies. Et si vous n’avez pas d’idée d’acquisition, eh bien, vous pouvez commencer par Bluebird !

Bluebird, Ciel Pierlot. Traduit de l’anglais par Hermine Hémon et Erwan Devos.
Actusf (Perles d’épices), 12 juillet 2023, 627 p.

Si vous avez aimé, vous aimerez peut-être :

2 commentaires sur “Bluebird, Ciel Pierlot

  1. Zina dit :

    Je l’ai dans ma PAL j’ai hâte de le lire !

    J’aime

Mettre son grain de sel