Dans la combi de Thomas Pesquet, Marion Montaigne.

Le 2 juin dernier, le Français Thomas Pesquet, 38 ans, astronaute, rentrait sur Terre après avoir passé 6 mois dans la Station spatiale internationale. La réalisation d’un rêve d’enfant pour ce type hors-norme qui après avoir été sélectionné parmi 8413 candidats, suivit une formation intense pendant 7 ans, entre Cologne, Moscou, Houston et Baïkonour? Dans cette bande dessinée de reportage, Marion Montaigne raconte avec humour ? sa marque de fabrique ? le parcours de ce héros depuis sa sélection, puis sa formation jusqu’à sa mission dans l’ISS et son retour sur Terre.

De Marion Montaigne, j’avais vaguement lu un Tu mourras moins bête : je me souviens que j’avais beaucoup ri et appris un tas de trucs. J’étais donc assez curieuse de lire sa bande-dessinée sur Thomas Pesquet, d’autant que le sujet me bottait carrément. Et je n’ai pas regretté une seconde !

On plonge dans une grosse bande-dessinée (de quelques 200 pages) dans laquelle Marion Montaigne retrace tout le parcours de l’astronaute français, de sa décision de participer au concours (avec quelques autres 8400 candidats) à son retour sur Terre.
Sous la plume et les crayons de Marion Montaigne, on découvre un parcours pour le moins complexe. Car le concours est suivi de 7 années de formation, durant laquelle Thomas Pesquet apprendra à gérer tous les aspects techniques de la station spatiale (pensez-y une seconde, pas de plombier ni d’électricien à bord !), à se laver les dents en apesanteur ou à réaliser des sorties extra-véhiculaires. C’est varié, c’est dense et le tout est mis en scène avec beaucoup d’humour.

En effet, Marion Montaigne a inséré de très nombreux gags, que ce soit dans les bulles, la narration ou dans les dessins qui viennent alléger le récit et, pour beaucoup, apporter une illustration concrète des explications scientifiques. L’objectif est donc parfaitement atteint : on se cultive tout en se divertissant. Je me suis marrée de bout en bout, ce qui m’a attiré quelques regards en coin de mes congénères, notamment dans les transports publics.

En quelques mots, Marion Montaigne signe une bande-dessinée absolument géniale : hilarante, hautement instructive, je vous la recommande plus que chaudement !

Dans la combi de Thomas Pesquet, Marion Montaigne. Dargaud, novembre 2017, 208 p.

Guerre : et si ça nous arrivait ?, Janne Teller.

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Imagine : C’est la guerre non pas en Irak ou en Afghanistan, quelque part très loin, mais ici, en Europe, en France, chez nous. L’Union Européenne n’est plus, ses démocraties se sont effondrées, des régimes nationalistes et impérialistes ont vu le jour partout. Depuis trop longtemps, Français, Scandivanes et Anglo-saxons se battent. Les villes sont détruites, l’économie est dévastée, la sécurité n’est qu’un lointain souvenir. Chaque jour, des bombes, des rafales de tirs.
Ceux qui en ont les moyens essaient, comme toi et ta famille, de fuir au Proche-Orient. Le seul objet que tu emportes est ton journal, pour te rappeler qu’il y a encore tout juste 3 ans, tu vivais une vraie vie d’adolescent.
En Orient, la situation n’est guère meilleure – dépourvue de bombes, c’est tout. Dans l’attente d’une autorisation de séjour, tu zones dans un camps de réfugiés. Impossible d’y apprendre l’arabe, de travailler, d’apprendre quoi que ce soit. Ta vie ressemble à un néant, tu n’est qu’un “citoyen de 3e zone”, tu es exclu par les Arabes qui détestent les occidentaux et les prennent pour des animaux mal élevés. Tu ne rêves que d’une chose : rentrer chez toi. Mais où est-ce, chez toi ?

Janne Teller est, semble-t-il, spécialiste des textes courts mais percutants – Rien l’était également. Cette fois, au cours des cinquante petites pages de cet essai fictionnel, elle nous glisse dans la peau d’un adolescent moyen, dont la vie va être subitement bouleversée par une guerre inimaginable venue empiéter sur son territoire. Pour les biens de l’imagination et de l’assimilation, cet essai se déroulant initialement au Danemark a été traduit en tenant compte des spécificités de chaque pays de traduction : notre adolescent est donc un petit Français ayant vécu à Paris.
En renversant les perspectives, Janne Teller nous plonge dans les affres que vivent les réfugiés et nous explique avec une grande clarté les enjeux et conséquences d’un tel statut. A l’horreur de la vie dans un pays en guerre viennent s’ajouter celles de la guerre, de la fuite et, une fois arrivés dans le pays étranger, celles de l’exil, de la simple survie, de la lutte pour maintenir un statut et une identité.

Cette question de l’identité est cruciale : le réfugié est un déraciné, plus vraiment de là-bas et jamais vraiment d’ici, quels que soient les efforts qu’il fera pour s’intégrer. Son nouveau pays veut-il seulement qu’il parvienne à s’intégrer ?
Janne Teller rédige, de plus, son texte à la deuxième personne du singulier, ce qui facilite d’autant mieux l’intégration et l’assimilation de ce que l’on lit. Le propos est sombre, mais atteint parfaitement son but.
Elle procède par le biais d’ellipses : ainsi, les deux ans au camp sont rapidement résumés. Cet apparent manque de détails produit une impression de froideur et de noirceur encore plus terrible. Difficile de ne pas percevoir la terrifiante détresse dans laquelle les réfugiés sont plongés et, par la suite, maintenus.

Janne Teller a écrit ce texte en 2001, car elle trouvait que son pays – le Danemark – oubliait bien vite les principes selon lesquels Tous les êtres humains naissent libres et égaux en droits et Agissez envers les autres comme vous voudriez qu’il agissent envers vous. On aurait aimé que, 15 ans plus tard, son texte soit devenu obsolète.
Malheureusement, plus que jamais, elle montre à quel point il est urgent et vital de s’ouvrir à l’autre.
Le texte sera peut-être un peu ardu pour des lecteurs non préparés mais sa brièveté et sa simplicité (littérale) le rendent accessible dès 10-12 ans : prévoyez néanmoins d’accompagner vos jeunes lecteurs dans cette démarche afin qu’ils en retirent tous les bénéfices attendus.
En attendant, voilà un texte qu’il est urgent de mettre entre toutes les mains. 

 

Guerre : et si ça nous arrivait ? Janne Teller. Traduit du danois par  Laurence W.O.Larsen. Editions des Grandes personnes, 2012, 64 p. 

 

Si vous voulez en savoir plus, vous pouvez lire :

 

Lawrence d’Arabie, Michel Renouard.

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«Tous les hommes rêvent mais pas de la même façon. Ceux qui rêvent de nuit s’éveillent le jour et découvrent que leur rêve n’était que vanité. Mais ceux qui rêvent de jour sont dangereux, car ils sont susceptibles, les yeux ouverts, de mettre en œuvre leur rêve afin de pouvoir le réaliser. C’est ce que je fis.»

Derrière le héros mythique, joué par Peter O’Toole dans le célèbre film de David Lean, se cache un personnage complexe, non exempt de zones d’ombre. Archéologue et agent de renseignement, homme d’action et auteur des Sept Piliers de la sagesse, Thomas Edward Lawrence (1888-1935) se disait «à moitié poète», se voulait «intouchable», et mourut prématurément dans un accident de moto. Ce livre retrace la vie et les aventures de l’insaisissable Lawrence d’Arabie, dont Winston Churchill affirmait qu’il était «un des êtres les plus extraordinaires de son temps».

Lawrence d’Arabie. Ce nom évoque immanquablement l’image d’un homme encore jeune, portant la coiffe en coton des hommes du désert, le regard pensif fixé sur l’horizon. Mais cette image est-elle vraiment la bonne ? Lawrence d’Arabie, cristallisé, dans le film éponyme de David Lean, par le rôle interprété par Peter O’Toole, souffre peut-être d’un imaginaire collectif passionné,  débordant très largement la réalité de l’homme. C’est la thèse que s’attache à démontrer Michel Renouard dans cette remarquable biographie, consacrée au « roi sans couronne » du désert.

Des origines incertaines de T. E. Lawrence (fils illégitime d’un lord britannique, ayant lui-même utilisé diverses identités) à sa consécration, elle aussi incertaine, Michel Renouard retrace le parcours hors-norme de cet homme exceptionnel. Jeune archéologue, T. E. Lawrencre commence sa carrière orientale sur des chantiers de fouille mais, rapidement, à l’instar d’autres jeunes diplômés de sa carrure, il est recruté par les services secrets. Michel Renouard s’y entend parfaitement pour recréer l’ambiance exaltante de cette époque : tout n’est que recherches sous un soleil écrasant, courses en méharis, aperçus fugitifs d’autres figures de légende, au nombre desquelles Gertrude Bell, une autre brillante aventurière du désert. Tous ces personnages semblent être liés par une même érudition, une tendance à tous être polyglottes, et une certaine allergie à la hiérarchie. C’est pourtant, d’après Michel Renouard, par patriotisme et par amour d’un certain idéalisme que Thomas Edward Lawrence s’engage dans les combats en Syrie, en Mésopotamie, ou encore en Arabie Saoudite. Par patriotisme encore, qu’il s’engage dans la Royal Air Force, après être rentré d’Orient.

La biographie donne le portrait tout en ambivalence d’un homme pétri de contradictions ; timide, il semble pourtant apprécier d’être sur le devant de la scène. Homme d’actions, c’est aussi un érudit qui vit pour et par la littérature. Diplomate, il est aussi homme de l’ombre : ceci, particulièrement, servira à alimenter le mythe, d’après le biographe. Colonel engagé anonymement comme soldat, il sera souvent protégé par les plus hautes instances de la hiérarchie, tandis que d’autres essaieront désespérément de le faire couler.

La biographie est alimentée par de très nombreuses sources, d’origines diverses et variées : autres biographies du personnage, essais, ou écrits de Thomas Edward Lawrence lui-même. Les Sept piliers de la sagesse sont, bien évidemment, du nombre, et largement cités ici, mais toujours avec une grande pertinence. Michel Renouard ne se contente pas de faire une simple somme des connaissances accumulées (ou du moins publiées) sur l’auteur : il compulse, recoupe les informations et s’attache à démontrer les avantages et inconvénients des unes ou des autres, discutant, avançant point à point un avis clairement justifié. La biographie est extrêmement plaisante à lire, le ton étant tour à tour sérieux et érudit, facétieux ou plein d’humour lorsque les circonstances s’y prêtent. Par endroits, le style est proprement exaltant et on a l’impression d’être plongé dans un passionnant roman, l’auteur s’attachant à recréer l’ambiance des événements décrits. La personnalité de Lawrence est bien étudiée ; si sa formation intellectuelle et son goût pour les lettres sont clairement mis en avant, l’homosexualité supposée du colonel est démentie ici, en raison de son aversion prononcée pour le corps, de quelques sexe qu’il soit. Le caractère rebelle, marginal (peut-être un peu rêveur) du conquérant des sables souligne tout l’ouvrage, et permet de mettre en perspective une carrière aussi brillante que controversée. La présentation d’une chronologie en fin d’ouvrage permet de toujours se retrouver dans les faits exposés. Sans être adepte de la théorie du complot, l’auteur laisse quelques lignes sur les circonstances étranges du décès de T. E. Lawrence, l’adepte de la mécanique, qui perd la vie dans un bête accident de moto ; événement qui a, bien sûr, contribué à sa sulfureuse réputation.

Avec cette biographie claire et agréable à lire, Michel Renouard propose une intéressante rétrospective sur une figure largement passée dans l’imaginaire commun, et qui tient désormais plus de la légende que de la réalité. Reprenant diverses sources, il compile et propose un nouvel éclairage sur un personnage ô combien emblématique et dont le parcours est apte à faire rêver tout un chacun. 

Je remercie Livraddict et Folio pour cette découverte!

 

Lawrence d’Arabie, biographie, Michel Renouard. Folio, 2012, 320 p.
9/10.

 

Le Petit guide à trimballer de la fantasy, Pierre Demetz, Anne Fakhouri & Jérôme Vincent.

Souvenez-vous, il y a quelques semaines, je vous présentais le Petit Guide à trimbaler de la S.F. étrangère, édité par ActuSF. Aujourd’hui, je vous propose de découvrir son petit frère, consacré à la fantasy  et qui, lui, est toujours disponible, contrairement à son prédécesseur.

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La fantasy explose.
Les livres et les auteurs prolifèrent.
Pour s’y retrouver, voici un petit guide avec les auteurs essentiels, les grands anciens du genre, les petits nouveaux à suivre ainsi qu’une foule d’informations sur tous les domaines de la fantasy.
Et surtout des centaines d’idées de lectures pour faire durer le plaisir.
Un guide à trimballer partout pour rêver encore.

 

La grincheuse n’étant jamais très loin, j’en profite pour signaler que je préférais de loin la quatrième de couverture de l’opus sur la S.F. : très second degré, je la trouvais en parfaite adéquation avec le contenu. Celle-ci est très bien question description, mais franchement moins poilante. Heureusement, on retrouve le style quelque peu gouailleur dès l’introduction, bien que celle-ci reste aussi précise que sérieuse. Je ne résiste d’ailleurs pas à la  tentation de vous en livrer un morceau choisi.

« Sous-genre, paralittérature, tout a été dit, clamé, entendu. La fantasy reste, pour la plupart des gens, une espèce de, un genre de, une sorte de littérature pour adultes immatures qui se projettent dans les elfes gnangnans, les héros aux gros pectoraux ou les guerrières en mini-pagne qui dévisagent le lecteur d’un air rebelle depuis la couverture vaguement mauve d’un poche d’occasion.
Vous qui ouvrez ce guide, vous savez (ou saurez bientôt) que la fantasy est tout autre, qu’elle glisse perpétuellement le long de frontières que nous avons du mal à fermer totalement, qu’elle recèle des mondes proches du nôtre, d’intrigues politiques directement inspirées de l’Histoire, d’histoires de vie, de mort, de dualité, d’héroïsmes et de sacrifices, mais aussi de subtilité d’esprit, de poésie et d’analyse de l’âme humaine.
Nous avons choisi, modestement, de vous présenter les œuvres qui nous ont semblé les plus évidentes, les plus agréables à piocher pour initier ou enrichir cette insolite et colorée bibliothèque qu’elles remplissent depuis maintenant plusieurs décennies. Pour finir, nous envions un peu certains d’entre vous de pouvoir vivre les heures de lecture émerveillée qui sont maintenant derrière nous. Et, pas rancuniers, nous vous souhaitons le même plaisir que le nôtre, de découverte en découverte… »

Côté contenu, on retrouve la stratégie gagnante de l’autre volume : le système  astucieux de pictogrammes (désignés par « hiéroglyphes » dans l’ouvrage), orne toujours les titres proposés en lecture, et chaque fiche auteur est agrémentée de quelques idées lectures, piochées dans les bibliographies d’autres auteurs. Les petites biographies d’auteurs sont bien tournées, parfois drôles et surtout très objectives. Pas question ici de faire un petit guide de la fantasy élitiste : des auteurs plus décriés par les lecteurs, car considérés comme plus « commerciaux » sont également cités. Mais les auteurs ont la grâce de leur consacrer quelques mots, sans dénigrer leur œuvre en entier, et trouvent toujours quelque chose de positif à dire. Ainsi, même si tel ou tel auteur vous rebute en raison de sa réputation, sa présentation vous donnera peut-être tout de même envie de tenter de lire l’un ou l’autre de ses ouvrages.
Les pages thématiques sont toujours présentes ; certaines reprennent un brin d’historique, d’autres présentent un groupement d’auteurs avec, par exemple, « Ces nouveaux traduits à suivre » ou encore « Ces auteurs français à suivre » (oui, à bas la domination anglo-saxonne du paysage éditorial!) – avec une préférence personnelle pour cette dernière, qui donne en quelques mots les raisons de lire les ouvrages cités (et, forcément, affreusement envie de tout lire). Et ce qui est très intéressant, c’est que le guide est très ouvert ! Une page est consacrée aux romans et contes merveilleux, en rappelant que, s’ils ne sont pas à proprement parler de la fantasy, ils en sont assez proches (et à mettre entre toutes les mains). Et, enfin, mon petit coup de cœur perso : la dernière page, qui liste quelques essais et beaux-livres. Peut-être est-ce parce que j’en possède et en ai lu certains ? Je ne saurais dire. Mais j’aime l’idée que les auteurs rappellent que la fantasy, ce ne sont pas seulement des romans isolés, mais aussi un genre dans son ensemble, que l’on peut étudier (même à l’université, absolument). Alors évidemment, après avoir terminé le feuilletage, je ressors avec une liste de courses-à-faire-dans-un-futur-plus-ou-moins-proche longue comme le bras (voire les deux). Mais n’est-ce pas le but premier de ce guide, de donner envie de lire et de découvrir ? C’est en tout cas parfaitement réussi.

A signaler toutefois que ce guide a été réédité, avec de nouvelles références, en 2011. Vous savez ce qu’il vous reste à faire!

 

Le Petit guide à trimballer de la fantasy, Pierre Demetz, Anne Fakhouri et Jérôme Vincent. ActuSF (Les Trois Souhaits), 2007, 56 p.

 

Si vous avez aimé, vous aimerez peut-être…

 

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Petit guide à trimbaler de la S.F. étrangère, Jérôme Vincent & Eric Holstein.

Point de chronique en bonne et due forme aujourd’hui. Non, aujourd’hui, je vous présente un tout petit ouvrage fort intéressant : Le Petit Guide à trimbaler de la S.F. étrangère, qui est, d’ailleurs, plus qu’un guide, « un compagnon de voyage qui pourra se rappeler à vous dans vos pérégrinations boutiquières ».
Voyez plutôt.
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 « Il semblerait, qu’un temps, les Humains se soient intéressés à une forme de littérature appelée science-fiction, qui mêlait prospective et récit épique. C’est du moins ce qu ressort de nos plus récentes fouilles qui ont permis la mise à jour d’un opuscule dont la popularité dut être grande, puisque de nombreux exemplaires ont survécu au cataclysme final. Le Petit Guide à Trimbaler de la SF étrangère se proposait de faire un tour d’horizon rapide, mais inspiré, des écrivains anglo-saxons rattachés à ce courant littéraire. Le ton docte, mais sympathique, employé par les deux auteurs n’est certainement pas pour rien dans cet incroyable succès.
Il est vrai qu’à lire ce formidable fascicule, on en viendrait presque à regretter que la propension à jouer avec les explosifs ait fini par avoir raison de cette race de guerriers enthousiastes. Dommage. »

Extrait du catalogue du Musée des Civilisations disparues de Tralfamadore. Articulet rédigé par Winston Niles Runmford. 

Avant de parler du contenu, causons format : si ce petit guide est annoncé comme le compagnon idéal des « pérégrinations boutiquières », c’est parce ce qu’il en a la taille idéale. D’environ 10 cm sur 10, il se glissera aussi bien dans les sacs à mains que dans les poches de pantalons.
Chaque auteur à l’honneur a droit à une page : quelques lignes rappellent son palmarès et sa contribution à la science-fiction. Mais surtout, il y a la liste (non exhaustive) des titres à lire! A l’aide d’un astucieux système de pictogrammes, on sait même s’il s’agit d’un classique de la SF, s’il est idéal pour s’y initier, s’il est tout particulièrement recommandé par ActuSF ou même si l’ouvrage n’est, malheureusement, plus disponible qu’en occasion.
Quelques pages reprennent même un brin d’histoire de la science-fiction, qu’il s’agisse d’un mouvement science-fictif particulier (le cyberpunk, l’uchronie, le space opera), ou des grands âges du genre. On a même une petite incursion du côté des prix littéraires accordés au genre! Toutes pages qui permettent de mieux percevoir le mouvement dans son ensemble.

Enfin, le guide ne serait pas complet s’il ne proposait pas des passerelles. Après chaque liste de titres, vous trouverez la mention « Si vous avez aimé, alors essayez… », qui précède quelques autres idées de lecture fort alléchantes.S’il est clair que cet opus est indispensable pour toute séance de shopping intensif au rayon SF, les auteurs n’ont jamais prétendu qu’il permettrait de faire des économies !

En bref, voilà un petit guide à mettre entre toutes les mains, des fans de SF, comme des néophytes ! Clair, complet, bien fait, il est d’un feuilletage très agréable, et donne envie de lire une foultitude d’ouvrages !

 

Le Petit Guide à trimbaler de la S.F. étrangère, Jérôme Vincent & Eric Holstein. ActuSF (Les Trois Souhaits), 2007, 70 p.

 

À lire aussi :

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Elizabeth II, une vie, un règne, Marc Roche

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Couronnée le 2 juin 1952, Elizabeth II, alors âgée de 25 ans, est arrivée sur le trône le 6 février de cette même année : 2012 marque donc 60 ans de règne sur le royaume. Un jubilé de diamant qui sera célébré dans toute l’Angleterre, et au delà.
À l’inverse de la médiatisation que connaissent les familles royales du continent, la vie quotidienne de la reine d’Angleterre reste protégée, voire secrète. Elle n’a jamais donné d’interview à la presse. Aucun de ses biographes, même les plus sérieux, n’a eu accès à ses archives personnelles. Faire parler d’elle le moins possible : tel est le leitmotiv de la cour, qui se ferme à toutes les questions des journalistes. En général, ceux qui savent ne se livrent pas et ceux qui parlent ne savent pas grand-chose.
L’ambition de ce livre est de comprendre comment, après six décennies de règne, Elizabeth II a su garder son prestige intact tout en asseyant plus solidement que jamais la monarchie britannique. Et de montrer que cette monarchie, en restant garante de la démocratie, constitue aujourd’hui le dernier rempart moral contre les graves dérives du libéralisme économique.

En juin 2012, on célébrera au Royaume-Uni le jubilé de diamant d’Elizabeth II. Montée sur le trône à l’âge de 25 ans, à la mort de son père, ses 60 années de règne auront tour à tour été joyeuses, sereines, exaltantes ou bien catastrophiques.
S’il est une chose à faire remarquer à propos de la reine d’Angleterre, c’est son incroyable discrétion. À l’heure où les journalistes et/ou paparazzi sont au courant de tout très vite (on se souvient notamment du rapatriement du prince Harry d’Afghanistan en 2008, après que la presse eut révélé sa présence sur le front), la vie de la reine reste assez protégée, et aussi privée que possible.
Comme le démontre admirablement Marc Roche, la reine a (presque) toujours réussi à rester au-dessus de la mêlée sans qu’aucun scandale ne vienne entacher son image. Et, quelles que soient les polémiques, les sujets restent somme toute assez attachés à leur souveraine. Certes, le mariage du prince Charles et de Lady Diana, et plus encore leur divorce, a fait couler beaucoup d’encre; l’absence de réaction du palais suite à la tragique nouvelle du décès de l’ex-princesse de Galles, n’a fait qu’envenimer une situation déjà tendue. Mais la monarchie a toujours su retomber sur ses pattes, comme l’a démontré la suite de l’histoire.

Cette biographie s’attache à dessiner un portrait de la reine d’Angleterre dont on n’a pas l’habitude; il s’attache aux petits détails qui font (ou défont) une réputation, analyse en profondeur les conséquences de telle ou telle décision. Il nous montre une reine montée sur le trône pour accomplir son devoir, comme une mission sacrée du temps des chevaliers. Or, c’est peut-être ce temps révolu qui gouverne la reine Elizabeth II. Enfant d’une autre époque (celle de l’Empire britannique, des colonies en Inde, etc.), elle subit plus les changements qu’elle ne les anticipe, tel est le propos du biographe.
Si la monarchie anglaise parvient à garantir la démocratie, elle n’est forcément pas symbole de modernisme. Preuve en est le respect de l’étiquette au palais, et la survivance de traditions aussi charmantes que désuètes. Traditions qui auto-alimentent le fantasme collectif de la royauté, par ailleurs. Combien de touristes se pressent pour voir la relève de la garde, appareil photo en main ?

Voilà le délicat exercice auquel s’est livré Marc Roche. Nous dépeindre l’histoire d’une reine, de son pays et de son peuple, toujours entre désir de modernité et retour aux valeurs traditionnelles. Le but n’est pas de dénigrer, de pointer du doigt des traits de caractère ressentis comme des défauts, mais de comprendre et surtout, de faire comprendre. D’une plume fluide non dépourvue de style, l’auteur nous dépeint les multiples facettes de cette souveraineté qui continue de fasciner les foules et, par extension, de la souveraine qui en est la garante.
Une biographie fort enrichissante, bien menée et intéressante. Si certains chapitres sont moins emballants que d’autres, c’est certainement imputable aux nécessaires explications des intérêts diplomatiques et économiques qui les sous-tendent. Les planches en couleur, au centre de l’ouvrage, font un agréable retour photographique sur la vie de la reine, la montrant aussi bien dans sa vie de souveraine que dans sa vie normale, ce qui permet peut-être de désacraliser quelque peu le personnage.

Elizabeth II, une vie, un règne, Marc Roche. Éditions de la Table Ronde, 2 février 2012, 270 pages.
8/10.

Une autre biographie consacrée à une grande figure :

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