Battlestar Botanica, H. Lenoir

Futur lointain : le Loquace, vieux vaisseau capricieux, s’est perdu dans l’espace. Fun Fact ! Comme tous les vaisseaux galactiques, il a été volé à une race extra-terrestre ennemie et sa technologie n’est que partiellement maîtrisée par les humains. A son bord ? Kani, 17 ans, la pilote. Et tout un équipage d’humains et extra-terrestres aussi hétéroclite qu’attachant, dont le plus grand talent est de se précipiter la tête la première dans les ennuis galactiques.
Leur dernière idée en date ? Partir à la recherche d’une plante rare et très convoitée… Un peu trop convoitée.

Ce roman se déroule 200 ans après les événements décrits dans Félicratie, de la même autrice mais, pas de panique pour ceux qui débarquent (dont je fais partie) : ils sont indépendants (à la limite, il y a du spoiler sur la fin de Félicratie, mais c’est tout). Et si le premier roman tenait (semble-t-il) du post-apo, ici on est dans du space-opéra et du planet-opéra de la plus belle eau !

Avant de parler du fond, parlons de la forme. Le récit est découpé en chapitres assez courts, chacun centrés sur un personnage (quoiqu’en narration externe), ce qui donne à chacun d’entre eux une coloration, un mode de pensée particulier, puisqu’on est vraiment immergés dans le point de vue du personnage en question. Chacun de ces chapitres fonctionne comme un épisode à part entière (d’ailleurs, ils sont intitulés « épisodes »), avec une aventure complète. J’ai eu l’impression de lire toute une série vraiment bien menée, car chacun de ces épisodes vient évidemment nourrir l’intrigue générale ! En plus de cela, les épisodes sont séparés par des interludes intitulés « Fun fact », qui viennent apporter un éclairage sur le roman, que ce soit sur l’histoire de l’univers, le background des personnages, ou sur des points de linguistique ou de civilisation qu’il est bon de connaître pour apprécier le chapitre suivant. Double bonus, donc : cela complète l’univers et l’intrigue, tout en induisant un suspense certain pour le chapitre à venir (puisque les éléments sont immédiatement réinvestis dans le récit). Il faut ajouter à cela que les titres des chapitres sont à la fois programmatiques et hilarants (je pense notamment à « L’histoire avec les colons consanguins » ou à « L’histoire avec le crabe libidineux » !) et qu’ils nourrissent à merveille cet effet de suspense.

Le Loquace traîne à son bord un équipage attachant et hétéroclite (dont on a les portraits dans les pages de garde), qui mêle adultes assermentés et adolescents ou jeunes adultes, par les yeux desquels nous allons suivre cette histoire. Contrairement à la plupart des publications ado/YA, la présence d’adolescents est ici parfaitement justifiée : soit il s’agit d’aliens dont le passage des ans est différent de celui des humains soit, dans le cas de Kani, c’est à la fois parce qu’elle pilote le vaisseau de sa mère (la Capitaine) et à la fois parce que les pilotes sont forcément de jeunes gens, après quoi ils perdent leurs capacités à piloter les vaisseaux aliens (ce qui m’a follement rappelé Meryma et ses petites camarades dans La Honte de la galaxie, un autre space-opéra jeunesse que je vous recommande chaudement).
Côté équipage, j’ai vraiment apprécié qu’il soit divers et varié, que ce soit en termes d’origines ou d’orientations des personnages. Cerise sur le gâteau : les races extraterrestres dépeintes sont vraiment originales et bien pensées (on n’est clairement pas dans des ersatz d’humanoïdes). Et je ne parle pas seulement de cosmétique ! Les deux races (les lutiennes, une race aviaire, et les ekta, que l’on peut qualifier d’insectoïdes) ont des apparences bien particulières et dont les spécificités sont parfaitement exploitées. Les lutiennes, par exemple, ne peuvent arpenter certaines planètes dont l’atmosphère n’est pas adaptée. Mais ce n’est pas tout ! Les structures sociales de chacune des races sont complexes et bien pensées. Mieux : elles alimentent le récit, puisque les chapitres du point de vue de Liitip, un ado lutienne qui a bien du mal à s’adapter aux habitudes des yumans (les humains) sont riches d’enseignements, à la fois sur le mode de pensée de son espèce, sur sa culture et sur la structure sociale (bien différente) à laquelle il a été habitué et à la fois sur les nôtres, dont les bizarreries sont ici relevées. Cela ouvre clairement les horizons ! C’était un point que j’avais beaucoup apprécié dans L’Espace d’un an, je suis donc plus que ravie de le retrouver ailleurs. D’autant que là, les réflexions sont non seulement intéressantes, mais en plus menées en douceur, sans prendre le pas sur le récit d’aventure : le dosage est parfait entre action et réflexion, c’est extrêmement bien fait.

Car on suit aussi les personnages dans une aventure spatiale (qui mêle planet-opera et space-opera) de la plus belle eau : le récit d’aventure est donc parsemé de son content de batailles spatiales, courses-poursuites diverses et variées, plans alambiqués, espionnage, bastons mémorables et savoureux conflits internes des personnages. La mission, en plus, est originale et les péripéties carrément addictives. Le tout servi par une plume qui ne manque ni de mordant, ni d’humour, et qui a largement contribué à rendre ma lecture prenante ! A ce titre, j’aimerais saluer le dernier chapitre, qui vient parfaitement conclure le récit, tout en lui offrant une excellente chute.

En bref, c’était ma première lecture d’un roman d’H. Lenoir et j’en sors avec deux certitudes : d’une part, je relirai celui-ci et, d’autre part, j’ai bien l’intention de lire le reste de sa bibliographie (à commencer par Félicratie). Avec Battlestar Botanica, l’autrice livre un roman de SF parfaitement exécuté, qui mêle avec brio récit d’aventure et réflexions plus profondes. Le récit est prenant, enlevé, et ne manque ni d’humour, ni d’émotions alors, franchement, que demande le peuple ? (Rien, à part d’autres livres du même style). Voilà donc une excellente pioche, que je recommande aux adolescents évidemment, mais aussi aux amateurs de bons récits de SF de tout âge !

Battlestar Botanica, H. Lenoir. Sarbacane, août 2023, 387 p.

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