Shadow of the ring #1, Kaiji Nakagawa

Le royaume de Keiju ne ressemble à aucun autre… C’est une véritable cité montée sur rails, qui suit constamment l’ombre portée de l’anneau entourant la planète. Son circuit, identique depuis des générations, lui fait traverser de nombreux territoires. Pour cette raison, Keiju a développé une tradition de neutralité soutenue par une prouesse technique majeure : la création des hakukai, des armures surpuissantes qui améliorent les capacités physiques de ceux qui les portent. Aushi, fils de notable d’un pays ami, est fasciné par cette ville mouvante, habituellement fermée aux étrangers. Pourtant, grâce à ses relations et à son honnêteté désarmante, il parvient à se faire accepter à bord, où il se lie d’amitié avec Kamalu, l’intrépide petite sœur de la reine. Tout à sa joie de l’exploration d’un nouveau monde, il ne se doute pas qu’il arrive au moment où l’équilibre des alliances est sur le point de s’écrouler… Un assassin brise les défenses de Keiju, tuant sur son passage un membre de la famille royale et volant de précieux hakukai ! Quel est l’objectif de ce mystérieux agresseur ?!

Décidément, le royaume de Keiju ne ressemble à aucun autre. Lancé à la poursuite de l’ombre du Dieu-anneau, le royaume se déplace au gré de ses rails et d’une transhumance bien précise, qui l’emmène immuablement du nord au sud du royaume, et vice-versa. 

Bien qu’il s’agisse d’un tome éminemment introductif (à l’univers, aux personnages et aux enjeux), d’une part on ne ressent pas cet aspect et, d’autre part, il s’y passe quand même des choses.
En effet, le mangaka utilise l’astuce du narrateur étranger au lieu : Aushi, le personnage grâce auquel nous découvrons l’histoire, est en effet originaire du royaume voisin et demande à entrer dans Keiju pour étudier la cité. Une technique classique, mais qui a fait ses preuves et qui fonctionne à merveille ici, d’autant qu’Aushi a aussi des choses à apporter à Keiju, ce qui fait que l’auteur évite l’écueil de la visite touristique purement informative.
De plus, il lance rapidement les pistes du mystère, avec un arc narratif secondaire qui débute quasiment en même temps que l’arc principal. J’ai trouvé que l’effet d’attente se mettait assez vite en place, et il a entretenu ma curiosité. De plus, j’ai aimé que cela se fasse en parallèle de la découverte de la vie quotidienne et des personnages de la cité : aux aspects tranquille de la vie de tous les jours et de la découverte culturelle s’adjoint donc une trame nettement plus sombre, dont j’ai l’impression qu’on n’a fait que frôler les prémices.

Là-dessus, l’auteur déballe des enjeux politiques qui ont tout pour me plaire. Je l’ai dit plus haut, Keiju suit un axe immuable dans son parcours à la poursuite de l’anneau galactique. De ce fait, la cité traverse les territoires des royaumes voisins, ce qui est permis grâce à sa légendaire neutralité. Or les autres royaumes sont loin d’être neutres vis-à-vis les uns des autres et l’un d’entre eux a, justement, des velléités de conquête qui le chatouillent. Je ne veux pas divulgâcher de trop, mais cela entraîne immédiatement une intrigue politique qui démarre plutôt bien, d’autant qu’elle est pimentée, sur la fin, par un retournement de situation que je n’avais pas vu venir, et qui promet d’intéressants développements !

L’univers dans lequel on se situe colle aux univers de fantasy, avec toutefois un degré de technologie assez haut avec les hakukai – les pages d’illustration inter-chapitres leur sont d’ailleurs consacrées. J’attends la suite pour savoir de quel genre le récit relève exactement.
Les graphismes sont léchés et détaillés, les expressions des personnages étant particulièrement réussies. Enfin, le fait que cela commence avec un nu – féminin, évidemment – m’a fait froncer les sourcils. Ceci étant dit, il fallait bien cela pour préparer les scènes d’orgie chez l’empereur Kushihito, qui n’est pas le stratège le plus affûté de la région ! Entre ça et la violence latente (attendez-vous à quelques scènes de combat assez graphiques, sans toutefois verser dans le gore gratuit), la série s’adresse à un lectorat plus âgé que les préadolescents – comme la plupart des seinen, du reste.

Ce premier tome de Shadow of the ring inaugure donc la série avec brio : immersif, très efficace, il donne bien envie d’en savoir plus grâce à une narration qui sait lier vie quotidienne et enjeux politiques plus vastes. Les graphismes, très détaillés, concourent à rendre la lecture prenante !

Shadow of the ring #1, Kaiji Nakagawa. Traduit du japonais par Anne-Sophie Thevenon.
Ki-Oon (Seinen), août 2023, 208 p.


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