Sans âge, Le Protectorat de l’ombrelle #5, Gail Carriger.

Lady Maccon est en pleine béatitude domestique. Une béatitude à peine troublée par la fréquentation de quelques loups-garous de la haute société et celle du second placard préféré d’un vampire, sans oublier un bambin précoce ayant des dispositions incontrôlables au surnaturel…
Mais Alexia vient de recevoir un ordre qu’elle ne peut ignorer. Avec mari, enfant et famille Tunstell au complet, elle embarque à bord d’un bateau à vapeur pour traverser la Méditerranée. Direction l’Egypte, une terre qui pourrait bien tenir en échec l’indomptable Alexia. Que lui veut la Reine vampire de la ruche d’Alexandrie ? Pourquoi un ancien fléau s’abat-il de nouveau sur le pays? Et comment diable Ivy est-elle devenue du jour au lendemain l’actrice la plus populaire de tout l’Empire britannique ?

2023 est donc l’année où j’ai terminé Le Protectorat de l’ombrelle de Gail Carriger, une série que j’aime d’amour (et que j’avais entamée … en 2012 ! Il était donc temps !). D’autant que si j’adore cette série et avais précieusement gardé ce dernier tome, laisser passer cinq ans entre la lecture du tome 4 et celui-ci était loin, mais alors loin d’être une riche idée. Heureusement qu’il y a des chroniques avec spoilers sur internet, sinon c’était la cata.

Cette chronique risque de divulgâcher non seulement ce tome, mais la série dans son ensemble. La conclusion est sûre !

Après, donc, un léger temps d’adaptation en début de tome, j’ai retrouvé tout ce que j’apprécie dans cette série : un mystère, une enquête ardue, prenante et très originale, et un imbroglio de surnaturels qui marchent sur les plate-bandes les uns des autres. Avec, en plus, un brin d’exotisme qui m’a rappelé les meilleurs moments d’Hercule Poirot, puisque tout le monde part direction l’Égypte.

Si Alexia, Conall et Prudence sont en Égypte, avec tout leur entourage (Ivy Tunstell, sa famille et sa troupe de théâtre), Londres n’est pas oubliée pour autant. En effet, le récit propose, en parallèle des aventures égyptiennes, de jeter un œil sur ce qu’il se passe au sein de la meute Woolsey. Le professeur Lyall et Biffy (ex-drone devenu un loup-garou) ont fort à faire de leur côté. J’ai beaucoup aimé que le récit passe plus de temps sur ces personnages secondaires, que l’on ne voyait pas autant jusque-là. L’intrigue de ce tome-ci propose donc, d’une part, un récit inédit et, d’autre part, le bouclage d’un certain nombre de contentieux en cours depuis le début de la saga. Et les deux arcs narratifs sont tout à fait passionnants !

De fait, j’ai trouvé que ce tome accordait une grande importance aux personnages, et à leurs relations. L’amitié qui lie Alexia à Ivy est profonde et sincère et, malgré leurs statuts respectifs de mères de famille, elles continuent à s’entendre (du moins autant qu’il est possible avec le goût de la mode d’Ivy). Alexia et Conall, de leur côté, poursuivent leur vie de couple, folâtrent et se crêpent le chignon à qui mieux mieux, et ce pour notre plus grand plaisir. A deux reprises, je dois avouer que l’autrice m’a bien inquiétée avec des retournements de situation qui m’ont laissé penser que c’en était fini de ce duo mythique !

Et ce n’est pas tout ! Car l’Égypte va aussi permettre à Alexia de mieux comprendre le problème avec les momies de paranaturels (cf. tomes précédents), d’éprouver les capacités hors-norme de sa fille, tout comme de formuler quelques hypothèses tout ce qu’il y a de plus scientifique sur les êtres surnaturels. Cela complète à merveille l’univers et, si je ne savais pas déjà qu’il existe au moins deux spin-off à cette série, j’aurais été plus que frustrée que l’on s’arrête là.
Il y a toutefois deux points qui m’ont chiffonnée durant cette lecture : primo, pas assez de Lord Akeldama ! (Mais l’éloignement géographique justifiait son absence). Secundo, je m’attendais à en apprendre beaucoup, beaucoup plus sur le père d’Alexia… et les informations m’ont semblé un peu minces. D’autant que la chute, avec la révélation en dernière ligne de l’identité de l’agent Verge d’or, m’a prise au dépourvu : j’aurais voulu en savoir plus, là aussi ! Ceci étant dit, cela collait à l’ambiance prégnante de mystère qui régnait sur ce tome.

Comme dans les tomes précédents, en plus de lire une enquête bien ficelée, j’ai beaucoup ri. D’une part parce que les personnages sont rarement avares de réparties saignantes, mais surtout parce que ce sont des Anglais de la Belle-Époque, avec un flegme à toute épreuve et un sens aigu des convenances. Je ne compte pas les scènes où Lord Maccon est peu (voire pas) vêtu et embarrasse son épouse, qui éprouve moins de gêne à tirer à balles réelles sur les assaillants qu’à voir son époux sans chaussettes.
Les Tunstell, de leur côté, ne sont pas en reste : Ivy est désopilante (parfois à ses dépens, il faut le dire) et la troupe de théâtre apporte son lot de comédie. Enfin, la façon dont est traité le choc des cultures britanniques-égyptiennes vaut à lui seul le détour !

Cette série finit donc comme elle a commencé : excellemment. Autant je suis ravie de savoir qu’il existe deux autres séries dans le même univers, autant j’ai une petite pointe de tristesse à l’idée de quitter ces personnages-ci. Le franc-parler et le sens aigu des convenances d’Alexia font, à eux seuls, la moitié du sel des intrigues de la série, le reste étant assuré par cet improbable, mais très réussi, mélange de sciences, convenances sociales, personnages surnaturels et fauteurs de troubles de tout type. Je ne suis pas à l’abri de relire toute la série un de ces quatre !

◊ Dans la même série : Sans âme (1) ; Sans forme (2) ; Sans honte (3) ; Sans cœur (4) ;

Le Protectorat de l’ombrelle #5, Sans âge, Gail Carriger. Le Livre de Poche, septembre 2014, 445 p.

Blue World #3, Yukinobu Hoshino.

Arrivé au trou bleu de Tristan da Cunha, le groupe est frappé de désespoir : il est accueilli par d’incessantes éruptions et assailli de bombes volcaniques meurtrières. Résignés, ils reprennent leur traversée infernale vers le trou bleu des Açores… Mais ils doivent désormais parcourir plus de quatre mille kilomètres en une semaine ! L’ampleur absurde de leur tâche les plongera-t-elle tous dans une folie autodestructrice ? De l’autre côté du trou bleu, l’instabilité du passage rend ardu le sauvetage de l’expédition…

Changement radical d’ambiance pour le début de ce volume, puisque le récit est situé en Islande, de nos jours. La zone est sous le coup d’éruption volcaniques d’ampleur, tout comme celle des Açores (où les éruptions sont sous-marines), qui voit également se produire des aurores boréales. Suspicion des scientifiques : une méga-éruption volcanique (qui pourrait raser la Terre…) se prépare. Bref, c’est mal barré, autant pour les Terriens que pour l’expédition coincée au Jurassique.
Alors que l’abattement règne de part et d’autre de la faille, l’auteur introduit un rebondissement de taille : le père de Margie, magnat du pétrole, s’en mêle, aligne les dollars, et secoue les puces de tout ce petit monde pour ramener sa fille. Cette partie sans aucun dino à l’horizon occupe environ le premier 1/5e du manga ; il serait réducteur de penser qu’il n’y a pas de tension dans cette longue intro !

Mais il faut reconnaître que passé cette première partie, le rythme s’emballe nettement. Déjà parce que le groupe de Jean a cette terrible épée de Damoclès au-dessus de la tête. Mais aussi parce que les inimitiés déjà bien entamées précédemment se révèlent dans les grandes largeurs. Difficile de savoir qui, des dinosaures ou de Glock, le soldat américain, est le plus dangereux des prédateurs. Avec ça, les survivants commencent à avoir des comportements étranges, dont on ne sait s’ils relèvent de la folie, ou de l’adaptation à leur environnement. Le suspense est donc à son comble, et parfaitement servi par l’enchaînement des péripéties, qui se suivent sans coup férir.

Comme dans les deux tomes précédents, du contenu documentaire est intégré au récit, cette fois centré sur les champs et flux magnétiques. C’est un peu trapu mais comme précédemment, c’est vraiment bien expliqué !

Passé un certain point du manga, j’ai commencé à vraiment craindre que les personnages n’atteignent jamais leur cible, tant ils sont ralentis par de multiples embûches. Mais l’auteur propose d’ingénieux retournements de situation, parmi lesquels une technique de vol artisanale que j’ai trouvée vraiment très astucieuse !
J’ai beaucoup aimé le chapitre final. D’une part parce qu’on est au comble de la tension, d’autre part parce qu’il clôt parfaitement l’intrigue, en proposant une fin bien menée et ingénieuse. Surtout, il amène son lot d’explications sur l’histoire spatio-temporelle, et je dois dire que j’ai trouvée celle-ci scientifiquement très bien ficelée. Cela m’a donné envie de lire Blue Hole, du coup !

Avec ce tome 3, Yukinobu Hoshino clôture parfaitement sa série Blue world. Non seulement il offre une intrigue particulièrement prenante et riche en suspense, mais qui amène en plus de cela des explications scientifiques parfaitement ficelées quant au voyage spatio-temporel. Bref : que du bon !

Dans la même série : Blue World (1) ; Blue World (2).

Blue World #3, Yukinobu Hoshino. Traduit du japonais par Aurélien Estager.
Pika (Graphic), 24 août 2022, 332 p.

Blue World #2, Yukinobu Hoshino.

L’expédition devant explorer le Jurassique est bloquée à l’ère des dinosaures à la suite de la disparition du trou bleu ! Pour rejoindre le monde moderne, les survivants n’ont d’autre choix que d’emprunter un autre trou bleu, dont ils ignorent la position exacte. Commence alors un long et périlleux voyage à travers le Gondwana pour rechercher le portail spatio-temporel. Les attaques perpétuelles des dinosaures carnivores et l’hostilité de leur environnement mettra à rude épreuve l’humanité du groupe tout au long du trajet…

Après ma découverte du premier tome, j’avais super hâte de lire la suite de ce manga de hard-SF vraiment chouette. Et la suite n’a pas démérité !

L’intrigue est fatalement assez linéaire, puisque notre équipe se dirige à marche forcée vers le deuxième trou bleu, celui de Tristan da Cunha (puisque le précédent s’était fermé sous leurs yeux). Mais malgré cette linéarité, le récit est plein de suspense, déjà parce que l’échéance se rapproche de plus en plus, et parce qu’on sait que les trous ne sont pas totalement stables. De fait, les péripéties s’enchaînent à bon train, avec notamment des scènes de combat toujours plus prenantes (on arrose à la mitraillette, on se tatane les dinos à coups de bidons d’essence enflammés, et j’en passe).
Mais ce n’est pas tout. Vers la moitié du récit, la rivalité entre les membres américains et britanniques revient de plein fouet… le capitaine américain ne faisant pas mystère de son objectif de survie personnel, au diable le groupe qui le ralentit. Ce qui instaure un sentiment de malaise très présent ! L’enjeu de la survie est d’autant plus présent qu’au fil des péripéties et des zones traversées, le groupe s’amenuise peu à peu (ce qui, évidemment, ne fait qu’augmenter le suspense !).
Malgré cette tension omniprésente, l’auteur ne dédaigne pas des touches d’humour dans les dialogues, qui sont toujours les bienvenues.

« Qu’est-ce qu’on mange, ce soir ?
— Comme ce midi, ma chère, un steak d’amphibien à la Jurassique.
— Chouette, mon plat préféré… »

Comme dans le tome précédent, des passages narratifs, comme donnés par une voix off entrecoupent le contenu plus documentaire – sans toutefois être lourds ou prendre trop de place. Les explications sont agrémentées de dessins détaillés de différentes espèces de dinosaures, de schémas, de définitions précises ou de frises chronologiques. Les sujets majoritairement abordés ici sont le volcanisme, la tectonique des plaques et les extinctions de masse, notamment au Jurassique. C’est bien intégré, et cela permet de mieux cerner les enjeux du récit !

Cet opus est évidemment l’occasion de creuser les personnages, d’affiner leurs caractères. Si Glock semble tirer de plus en plus vers le super-méchant (qui manquerait un brin de nuance), Jean, quant à elle, est plus Rambo que jamais (mais avec un gilet tactique qui fait brassière et décolleté, faut pas oublier de flatter l’oeil du lectorat ciblé). J’étais un peu déçue de voir que l’entraide entre elle et Margie (la compagne d’Harry, le journaliste) est inexistante et que si la première est présentée comme super-badass, la seconde semble faire office de pécore du coin (avec un tee-shirt qui s’amenuise dangereusement au fil des chapitres), qui se fait sans cesse rabrouer par Jean. Il faut certes replacer le manga dans son contexte (la parution VO datant de 1997) mais même à cette époque-là, c’était un peu revu comme schéma !

J’étais assez surprise, à la fin (mais en même temps, pouvait-il en être autrement ?), de voir que le tome s’achevait sur un échec total de la mission… reportée illico presto sur le trou bleu des Açores, le troisième et dernier disponible au Jurassique. Vu le temps restant aux personnages, cela promet un tome 3 du tonnerre !

Au final, cet opus s’est avéré être un très bon tome de transition : l’intrigue a un peu progressé, tout en préparant un tome 3 qui s’annonce palpitant. Les relations entre les personnages ont notamment été creusées, induisant un suspense très prenant. Suite et fin au prochain épisode !

Dans la même série : Blue World (1) ;

Blue World #2, Yukinobu Hoshino. Traduit du japonais par Aurélien Estager.
Pika (Graphic), avril 2022, 336 p.

Blue World #1, Yukinobu Hoshino.

Les “trous bleus” conduisant dans le passé sont bel et bien réels. Une expédition a prouvé l’existence de l’un d’eux, au large des Comores. Mais cette fois, un trou bleu menant au Jurassique est découvert au fond du loch Ness. Convoitant les ressources du monde préhistorique, le Royaume-Uni et les États-Unis mettent sur pied une ambitieuse mission d’exploration. Alors que l’équipe est sur le point de se mettre à l’œuvre, un étrange et terrible accident se produit, livrant les survivants à une nature aussi luxuriante que dangereuse…

Voilà un manga qui a atterri sur ma PAL de boulot, pour mon plus grand plaisir !
Blue World est un spin-off de la série Blue Hole, mais peut se lire indépendamment.

Le début nous plonge directement dans le dur du sujet, puisque après quelques pages introductives, arrivent les explications scientifiques, lesquelles sont à la fois concises, claires et précises, ce qui permet d’attaquer en ayant une bonne vision de ce qu’est un trou bleu (en gros : une baïne qui se comporte comme un trou noir, et qui crée un lien entre deux temporalités différentes).
Une fois les bases posées, l’intrigue se concentre sur les autres enjeux (assez nombreux !).

Tout débute alors que le journaliste américain Harry Steele et sa compagne débarquent en plein Jurassique, après être – frauduleusement – passés à travers le trou bleu du Loch Ness. Sur place, une expédition mi-scientifique, mi-militaire, conjointement menée par la Grande-Bretagne et les États-Unis, lesquels ont évidemment des vues sur les ressources naturelles inexploitées de cet univers vierge – ou presque.
Ce que j’ai trouvé particulièrement prenant, c’est que le récit mêle intérêts géopolitiques et intérêts personnels des différents personnages, lesquels sont assez variés. Du côté des militaires, on a quelques soupçons d’espionnage, puisque certains d’entre eux ont été chargés par leurs gouvernements respectifs de réaliser certains objectifs. Parmi ce bord, le personnage le plus développé est la lieutenante Jean Hart de la Royal Navy, un personnage de femme (mais oui !) que j’ai trouvé chouette et badass à souhait (notamment après le point de bascule du récit).
Du côté des scientifiques, le professeur Camelot est comme un enfant à Disneyland, ravi de pouvoir étudier le phénomène en direct. En même temps, il est lucide sur la dangerosité du monde dans lequel ils sont (il est quand même responsable de sa petite fille…) et sur l’aspect potentiellement éphémère des trous bleus (ce qui évidemment rajoute une excellente dose de suspense au récit).

Or donc, le terrible accident cité dans le résumé se produit et le récit, jusque-là assez centré sur la découverte, bascule méchamment dans la survie. Les scènes d’action sont donc plus trépidantes que jamais, et les enjeux tissés précédemment ajoutent pas mal de piquant à l’ensemble.

Et les dinosaures alors ? Eh bien on n’est pas déçus du voyage, puisque ce premier tome offre son lot de créatures – mais avec une attention plutôt concentrée sur les grandes bêtes dangereuses que sur les mignonnes. Les explications sur chaque espèce, ses habitudes, ses caractéristiques, sont précises et détaillées, ce qui ne gâche pas le plaisir.

En bref, Blue World est un seinen de hard SF qui m’a beaucoup, beaucoup plu et dont j’attends les deux tomes suivants avec beaucoup d’impatience. J’ai adoré le mélange (improbable mais tellement réussi) entre sciences, Rambo et Jurassik Park, qui fonctionne à plein. C’est sans doute dû aux personnages, qui portent les enjeux du récit et le rendent si prenant.
Bref, vivement la suite !

Blue World, #1, Yukinobu Hoshino. Traduit du japonais par Aurélien Estager.
Pika (Graphic), 26 janvier 2022, 332 pages.

Dans la combi de Thomas Pesquet, Marion Montaigne.

Le 2 juin dernier, le Français Thomas Pesquet, 38 ans, astronaute, rentrait sur Terre après avoir passé 6 mois dans la Station spatiale internationale. La réalisation d’un rêve d’enfant pour ce type hors-norme qui après avoir été sélectionné parmi 8413 candidats, suivit une formation intense pendant 7 ans, entre Cologne, Moscou, Houston et Baïkonour? Dans cette bande dessinée de reportage, Marion Montaigne raconte avec humour ? sa marque de fabrique ? le parcours de ce héros depuis sa sélection, puis sa formation jusqu’à sa mission dans l’ISS et son retour sur Terre.

De Marion Montaigne, j’avais vaguement lu un Tu mourras moins bête : je me souviens que j’avais beaucoup ri et appris un tas de trucs. J’étais donc assez curieuse de lire sa bande-dessinée sur Thomas Pesquet, d’autant que le sujet me bottait carrément. Et je n’ai pas regretté une seconde !

On plonge dans une grosse bande-dessinée (de quelques 200 pages) dans laquelle Marion Montaigne retrace tout le parcours de l’astronaute français, de sa décision de participer au concours (avec quelques autres 8400 candidats) à son retour sur Terre.
Sous la plume et les crayons de Marion Montaigne, on découvre un parcours pour le moins complexe. Car le concours est suivi de 7 années de formation, durant laquelle Thomas Pesquet apprendra à gérer tous les aspects techniques de la station spatiale (pensez-y une seconde, pas de plombier ni d’électricien à bord !), à se laver les dents en apesanteur ou à réaliser des sorties extra-véhiculaires. C’est varié, c’est dense et le tout est mis en scène avec beaucoup d’humour.

En effet, Marion Montaigne a inséré de très nombreux gags, que ce soit dans les bulles, la narration ou dans les dessins qui viennent alléger le récit et, pour beaucoup, apporter une illustration concrète des explications scientifiques. L’objectif est donc parfaitement atteint : on se cultive tout en se divertissant. Je me suis marrée de bout en bout, ce qui m’a attiré quelques regards en coin de mes congénères, notamment dans les transports publics.

En quelques mots, Marion Montaigne signe une bande-dessinée absolument géniale : hilarante, hautement instructive, je vous la recommande plus que chaudement !

Dans la combi de Thomas Pesquet, Marion Montaigne. Dargaud, novembre 2017, 208 p.

Louis Pasteur contre les loups-garous, Flore Vesco.

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Paris, 1840. Louis Pasteur a 19 ans et il entre comme boursier à l’institution royale Saint-Louis pour suivre des études scientifiques. L’année scolaire sera loin d’être de tout repos. Certaines nuits, une mystérieuse menace rode dans les couloirs du pensionnat, mettant en danger étudiants et professeurs. Décidé à mener l’enquête, Louis fait équipe avec une lycéenne de l’école d’en face. Sous ses airs de jeune fille modèle, Constance se révèle une alliée intrépide et courageuse.
Entre loups-garous et complots, ils useront de vaccins autant que de coups d’épée pour sauver les élèves et même… le roi Louis-Philippe !

Louis Pasteur, fraîchement débarqué de sa campagne jurassienne, découvre les joies de la vie parisienne à l’Institution Saint-Louis, en tant qu’élève – boursier ! – de première année en sciences. De l’autre côté de la cour, l’établissement accueille quelques lycéennes qui font des études « longues » – jusqu’au baccalauréat – où on leur dispense cours de danse, de maintien, de broderie… on en passe et des meilleures.
Louis, donc, découvre avec curiosité et stupéfaction le snobisme parisien, un sexisme revendiqué, des professeurs plus en recherche de gloire personnelle que soucieux d’instruire les élèves, mais aussi… la gent féminine !

Flore Vesco ouvre chaque chapitre par sa composition chimique, laquelle reprend une partie des éléments chimiques qu’utilisera Louis au cours du récit ainsi que des éléments d’intrigue (disparition, duel d’escrime ou encore élevage de poules dans les combles). Cela crée un effet d’attente fort efficace car on se demande dans quelle mesure et comment vont apparaître les éléments cités. D’ailleurs, la façon dont tout cela s’articule est souvent assez drôle et inattendue !

Dès le départ, on plonge dans un récit d’aventures qui mêle agréablement histoire (notamment des sciences) et fantasy. Car Louis débarque plein d’idées et d’intuitions dans sa nouvelle école et va se dépêcher des les mettre en œuvre : de ce côté-là, on est servis, car Flore Vesco retrace le brillant et juvénile parcours scientifique du jeune homme. D’autre part, le mystère se pare des atours de la fantasy dès le chapitre 2, lorsqu’on commence à soupçonner la nature de la bête qui rôde dans les couloirs, laquelle a tout à voir avec celle du Gévaudan !
Au fil des pages, on revisite donc l’Histoire, sauce fantasy, dans un univers que l’on met peu de temps à apprivoiser : de sombres créatures rôdent, souvent dues aux humains et des sociétés secrètes s’affrontent pour les cantonner aux ténèbres ou tout simplement pour les éradiquer. D’ailleurs, et on ne peut que s’en réjouir, la suite des aventures de ces secrets sociétaires est déjà annoncée !

L’histoire est diablement prenante car le style de Flore Vesco est vif, enlevé et enjoué : usant d’un vocabulaire recherché et varié, elle nous entraîne à la suite de ses héros pour des aventures échevelées et pleines de suspens. Car si l’on soupçonne assez vite ce dont il est question, il faut toute la durée du roman aux personnages pour révéler l’ampleur du complot et toutes ses subtilités. Et c’est loin d’être simple, ce qui participe aussi du charme de l’histoire. D’ailleurs, dès que j’arrêtais de lire, je passais mon temps à espérer pouvoir reprendre ma lecture, tellement j’étais dedans !

Mais cela tient aussi et surtout aux personnages mis en scène, notamment à notre duo phare. Louis et Constance sont deux jeunes justiciers que l’on suit sans aucune difficulté tant ils sont attachants. Tous deux font montre d’une intelligence et d’une logique redoutables, leur permettant d’éliminer, l’un après les autres, les obstacles qui parsèment leurs routes. Et ce qui est bien, c’est que l’histoire mêle à la fantasy des histoires typiquement adolescentes. Un jeune homme poursuit donc de ses assiduités Constance – qui s’en passerait bien – et Louis, de son côté, découvre que la gent féminine peut ne pas être seulement purement décorative. En se mettant en duo, ils se découvrent également des compétences complémentaires : si notre jeune scientifique combat le mal à coup de formules chimiques et tubes à essai soigneusement mitonnés, Constance, elle, défend leurs intérêts à grands coups de fleuret, une arme pour laquelle elle s’est découvert une soudaine et brillante prédilection : une répartition des rôles vraiment intéressante et pas si courante – le plus bourrin des deux n’étant pas nécessairement celui auquel on pense spontanément !

Un duo de jeunes enquêteurs audacieux et attachants, une intrigue palpitante qui revisite Histoire, histoire des sciences et légendes du Gévaudan, un style enlevé et riche, une dose d’humour bienvenue, voilà les excellents ingrédients du roman de Flore Vesco – dont j’attends, il va sans dire très impatiemment, la suite annoncée !

Louis Pasteur contre les loups-garous, Flore Vesco.
Didier jeunesse, septembre 2016, 212 p. 

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En proie au rêve, Saving paradise #1, Lise Syven.

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Faustine Mésanger ne croit pas à grand-chose, sinon au travail. Déterminée à réussir sa vie, la jeune étudiante a déjà presque tout prévu : l’amour, on verra plus tard, priorité à sa carrière qu’elle se charge de construire. Build the future !, c’est justement le slogan fondateur de la Fondation du Griffon, pour laquelle son chercheur de père officie. Cette ONG a pour objectif de rendre le monde meilleur. Charles Mésanger travaille donc d’arrache-pied sur le Tumorex, un vaccin contre le cancer, dont les essais cliniques vont bientôt débuter. Or, il semblerait que la Fondation dérange quelqu’un. En effet, le laboratoire du professeur Mésanger est la cible d’un attentat.
Dès lors, la vie de Faustine bascule : alors qu’elle est emmenée de l’université, elle frôle la mort. La voilà, dès lors, privée de partiels, emmenée à l’abri avec son père au Château de la Griffe Bleue, en Gironde, et mise sous la protection directe et rapprochée de Nato Braye, dont l’exotique charme ne la laisse pas franchement indifférente. Autre problème : Faustine croit entendre sans cesse la voix magnétique de l’homme qui les traque et qui se fait appeler Imago. Stress post-traumatique ? Hallucinations ? … Folie ? L’étrangeté de Chevalier, coordinatrice de la Fondation et propriétaire de la Griffe Bleue, n’arrange rien au problème. Tout le monde est sur les dents, Faustine la première. Et d’autant plus lorsqu’elle comprend que le brillant avenir qu’elle a projeté  est plus que menacé.

Il ne faut pas plus de quelques pages à Lise Syven pour nous installer dans un climat de tension extrême : après avoir appris que son père a survécu à un attentat contre son laboratoire, Faustine est extraite de l’université, mise à l’abri et manque elle-même de se faire tuer. Le récit nous place au même niveau que la jeune femme : on ne sait pas de quoi il retourne, ni comment elle s’inscrit dans la situation. Et ça ne s’arrange pas ! Car non seulement Faustine nage en plein brouillard mais, en plus, l’auteur parvient à nous faire douter de sa santé mentale. Le récit étant opéré à la troisième personne, on en vient à se demander très sérieusement quelle est la part d’hallucinations dans ce que Faustine voit et ressent…. De fait, le suspens est constamment présent.

D’autant que la situation s’y prête vraiment bien : il y a le problème lié à l’attentat, mais aussi les petites bisbilles entre chercheurs (le père de Faustine chapeautant la jeune Marianne, scientifique de génie et quelque peu accaparante), les interrogations de Faustine, le sentiment d’urgence qu’elle place autour de ses partiels et ses sentiments troubles envers son garde du corps – dont la fonction pourrait être à prendre au sens le plus littéral du terme.
Ce mélange de préoccupations est vraiment très réussi et entretient le suspens de bout en bout. En effet, le mystère est maintenu jusqu’à la fin, tant les motivations des uns et des autres restent obscures. Et, au-delà des motivations, on s’interroge aussi sur la nature des protagonistes en présence : à vrai dire, sont-ils bien tous… humains ?

Peu à peu, l’auteur instaure doucement un climat doucement fantastique parfaitement maîtrisé : on doute, on subodore, on revient sur nos hypothèses pour en échafauder de nouvelles et la solution n’est pas clairement annoncée jusqu’à la fin, qui nous laisse avec un demi-milliard de questions en tête et la tenace envie d’en savoir plus !

Côté personnages, Lise Syven a choisi une galerie vraiment intéressante. Faustine, personnage central, n’a aucun pouvoir, ni même quoi que ce soit de particulier. Sa seule raison d’être impliquée est qu’elle est la fille d’un chercheur visé par les opposants. Elle n’a donc aucun pouvoir, ni aucun talent mobilisable dans l’enquête en cours – car elle a d’autres talents ! Cela change des romans habituels où le personnage central est aussi celui qui concentre le talent indispensable. Nato, quant à lui, offre un contrepoint intéressant, notamment en raison de ses ascendances haïtiennes, qui instillent non seulement un peu d’exotisme dans l’histoire, mais aussi un terrain propice à l’installation d’un climat fantastique.

En somme, voilà un premier tome que l’on lit avec toujours plus de questions en tête. Et, si la fin apporte quelques réponses non négligeables, il reste encore plus de points sans réponses, ce qui fait que l’on attend beaucoup de la suite – que j’ai, il va sans dire, hâte de lire !

Saving paradise #1, En proie au rêve, Lise Syven. Castelmore, octobre 2016, 319 p.

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