La Couleur du mensonge #1, Erin Beaty.

Sage Fowler, seize ans, est une bâtarde recueillie par un oncle riche et respecté. Sa seule chance de s’en sortir ? Épouser un beau parti. Elle se présente donc chez une entremetteuse – l’une de ces femmes chargées d’évaluer le potentiel des candidats au mariage, et dont les décisions font et défont les fortunes d’une famille, voire d’un pays tout entier. Mais avec sa légendaire indiscipline et sa langue trop acérée, la jeune fille échoue lamentablement. Amusée par son cynisme et son sens aigu de l’observation, la marieuse lui propose toutefois de devenir apprentie.Sage s’embarque donc dans un périple vers la capitale pour assister au Concordium – là où, tous les cinq ans, se décident les unions les plus importantes – avec un groupe de jeunes filles triées sur le volet. Cette précieuse cargaison est escortée, pour cette fois, par un bataillon de soldats d’élite : se pourrait-il que le voyage soit plus périlleux qu’il n’en a l’air ?

Voilà un roman ado qui m’a agréablement surprise, car il mêle plusieurs aspects qui ont tout pour me plaire (et que je n’avais pas clairement identifiés dès le départ). Tout d’abord, c’est de la fantasy : on y évolue dans le royaume fictif de Demora qui, comme tout univers d’inspiration médiévale qui se respecte, aligne ses castes de nobles/serviteurs/autres malandrins, fortement clivées. Et si les nobles et les puissants y tirent les ficelles, sans surprise, il faut aussi compter avec une autre puissance, plus originale : les marieuses.
Ces entremetteuses professionnelles font la pluie et le beau temps sur les relations matrimoniales et donc, par ricochet, sur les alliances politiques à l’intérieur et à l’extérieur du royaume. Corollaire immédiat : ces histoires de mariage vont entraîner des sous-intrigues romantiques entres les personnages – ce qui, vous le savez si vous me connaissez bien, a tendance à m’agacer très fort. Une fois n’est pas coutume, j’ai trouvé que cette partie était non seulement bien menée mais, en plus, parfaitement justifiée dans l’économie générale de l’intrigue. Bref : un vrai bon point.
Troisième aspect, auquel je m’attendais nettement moins : l’espionnage. En effet, Sage Fowler est chargée d’escorter le convoi de futures mariées et, étant donné qu’elle est apprentie marieuse, de récolter des informations utiles, aussi bien sur ses protégées que sur les soldats de l’escorte et sur leurs hôtes – chacun•e étant susceptible d’être la future moitié d’un des deux partis.
Mais, bien vite, le talent d’observatrice de Sage ne passe pas inaperçu : de fait, la jeune femme est une fouineuse née et ne peut s’empêcher  d’essayer de comprendre les ramifications des informations insolites qu’elle découvre. Un complot avec quelques traîtres traînant dans le coin, autant dire que l’on est servis de ce point de vue-là !

Comme la narration alterne les chapitres consacrés à Sage, ceux nous plongeant dans la vie des soldats et ceux faisant la part belle aux comploteurs, on se fait assez vite une idée de la situation. Autre avantage : cette alternance permet de maintenir un agréable suspense. À ce titre, certains développements ont réussi à me surprendre  – mais pas le retournement de situation majeur, que j’avais vu venir, bien qu’il soit bien amené et suffisamment tardif pour ne pas faire retomber l’intrigue comme un soufflé. L’histoire tient bien la route, sans doute en raison des sous-intrigues bien menées et qui ne sont absolument pas gratuites (un tort que je reproche à beaucoup de romans adolescents) : cela fait du bien d’avoir des interactions entre personnages qui ne sont pas juste là pour cocher les cases de ce qui est attendu dans un roman du genre. Ainsi les dialogues ne sont-ils pas uniquement au service de la romance, mais servent surtout les développements stratégiques de l’intrigue.

Ceci étant dit, j’ai tout de même trouvé quelques limites au roman – que je lui passe bien volontiers tant l’ensemble m’a emballée. Tout d’abord, si en règle générale les personnages sont plutôt creusés, j’ai trouvé que ce soin ne s’appliquait pas à tous. C’est notamment le cas de maîtresse Rodelle, dont le portrait m’a semblé peu stable. Tantôt c’est une manipulatrice retorse et fine stratège, tantôt elle se transforme quasiment en mamie gâteau envers Sage : deux facettes aux antipodes l’une de l’autre et qui m’ont semblé difficilement conciliables, un peu comme si j’étais face à deux personnages totalement différents. Dans l’ensemble, les personnages secondaires étaient à l’avenant : trop peu creusés pour réellement les différencier entre eux et s’attacher.
D’autre part, la part d’espionnage que j’ai mentionnée plus tôt arrive plutôt dans une seconde moitié, la première étant vraiment dévolue à la découverte de l’univers et du cadre de l’intrigue, ce qui fait que le rythme est assez inégal : le départ est un peu lent, la suite plus rythmée – mais, à vrai dire, ça ne m’a pas tellement gênée.
Ce qui m’a le plus perturbée, c’est l’embrouillamini de comploteurs auquel on fait face : sans en dire de trop, il y a quelques stratagèmes qui m’ont laissée au mieux, de marbre, au pire, profondément perplexe. À trop vouloir jouer dans les subtilités, l’auteure a fini par me perdre sur quelques péripéties dont je me suis contentée d’attendre le dénouement. Heureusement que les explications n’ont pas trop tardé, sans quoi j’aurais peut-être été nettement moins enchantée de ma lecture.

Je suis contente d’avoir donné sa chance à ce roman dont la partie romance – je l’avoue tout net ! – me faisait frémir d’avance. Finalement, et bien qu’il y ait effectivement de la romance dans les chapitres, c’est bien plus un roman d’espionnage dans un univers fantasy que propose Erin Beaty. Les révélations sont bien amenées et leur enchaînement maintient à merveille le suspens, même après le retournement de situation majeur, ce qui n’est pas si mal ! Vu comment j’ai accroché à ce premier tome, j’ai hâte de lire le suivant !

La Couleur des mensonges #1, Erin Beaty. Traduit de l’anglais par Jean-Baptiste Bernet.
Lumen, 22 février 2018, 506 p.

2 commentaires sur “La Couleur du mensonge #1, Erin Beaty.

  1. Ta chronique me confirme que je dois continuer au moins jusqu’à la deuxième partie ^^. Je l’ai arrêté car je le trouvais trop lent haha

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