[2023] Petit bilan estival

J’ai un peu moins lu durant l’été que dans les deux mois précédents (moins d’insomnies, aussi !) et, proportionnellement, j’ai fait nettement plus de chroniques (même si on est loin loin loin du rythme des débuts) ! Fait assez rare pour être signalé, j’ai eu pas moins de trois coups de cœur en deux mois, cela faisait longtemps que cela n’était pas arrivé !

Carnet de lectures :

Rose Valland, l’espionne à l’œuvre, Jennifer Lesieur (éditions Robert Laffont).
C’est assez rare, mais il m’arrive de lire des essais ou des documentaires et ce titre en est un !
L’autrice et journaliste Jennifer Lesieur s’est penchée sur l’histoire de Rose Valland, attachée de conservation au musée du Jeu de Paume et qui, dès le début de la guerre, s’est engagée dans la lutte contre la spoliation des œuvres d’art par les nazis. Au fil des années, elle a noté ce qui transité par le musée dans lequel elle officiait, d’où cela venait, où cela partait, et a réalisé un incomparable travail d’enquête pendant et après la guerre pour restituer ces œuvres (on parle de quelques 60 000 œuvres d’art restituées grâce à elle, une paille).
L’autrice fait débuter son récit juste avant le début de la guerre et retrace, pas-à-pas, les années de travaux et de recherche de Rose Valland, se penchant à la fois sur son action de résistante et sur sa vie privée. Le style est hyper fluide, ce qui fait que j’ai enchaîné les chapitres sans barguigner. Et pourtant, j’ai eu un peu de mal au départ, car on est toujours à mi-chemin entre récit documentaire et biographie romancée, ce qui donne l’impression d’une hésitation entre style journalistique et style romanesque. Au final, c’est peut-être bien ce qui m’a si vite et efficacement portée au travers des chapitres, car le récit n’a pas la lourdeur des essais historiques, et on est bien, finalement, dans une biographie (aucun ajout n’a été fait pour « le bien de l’intrigue »). Je connaissais vaguement l’histoire de cette résistante (car Gulf Stream avait publié un excellent documentaire sur elle il y a quelques années !) et j’ai été plus que ravie de découvrir plus avant le personnage – je trouve d’ailleurs incroyable qu’elle soit si souvent et si longtemps passée sous les radars. C’est peut-être la femme la plus décorée de la Résistance et il n’y avait aucun membre du gouvernement à ses obsèques ! ça craint !
Ce sera peut-être mon seul essai de l’année, mais je suis très contente de ma pioche ; si l’Histoire vous intéresse, je vous le recommande chaudement !

Les Loups de Cendres Mortes, Colin Heine (Actusf).
Je ne connaissais pas du tout cet auteur, et j’ai voulu tester… Je dois malheureusement avouer que la rencontre est ratée !
L’histoire : dans un univers recouvert par une brume meurtrière, la vape, deux cités états se font la guerre depuis toujours. Luperque, l’orgueilleuse cité impériale, ne survit qu’en asservissant les autochtones de l’Arquesylve, la dense et mystérieuse forêt qui sépare les deux villes. Vexine, cité-marchande plus tournée vers les plaisirs, promet la liberté à ceux qui la rejoignent. Ludovico, centurion de l’Empire luperquien, en mission pour rattraper des esclaves en fuite dans la forêt, est attaqué par des lycans, des créatures contre lesquelles l’Empire a déjà mené une guerre. Une chose est sûre : Vexine est derrière tout cela et le centurion s’y rend sous couverture. Sans savoir que le conflit est peut-être un poil plus compliqué que cela.
Mon début de lecture est pourtant hyper bien parti, avec une scène d’intro épique à souhait, qui nous place dans une arène où se déroule un combat de gladiateur contre une créature cauchemardesque. Malheureusement, après cela, la tension est retombée comme un petit soufflé. D’une part parce que j’ai trouvé les personnages trop peu approfondis donc j’ai eu du mal à adhérer à leurs émois ou à leurs pérégrinations (le summum étant la scène qui lie Ludovico à Suavia et que j’ai trouvée à la fois mal amenée et sans logique. Elle n’avait qu’une raison d’être et du coup, cela m’a gâché le retournement final !). De même, j’ai trouvé que l’univers manquait de profondeur, comme si l’intrigue, pourtant menée tambour battant, se déroulait dans un décor de carton-pâte. Avec ça, j’ai trouvé qu’elle manquait un brin d’originalité, donc j’ai fait une très longue pause dans cette lecture qui me tombait des mains (et pour ne rien vous cacher, je l’ai terminée pendant une insomnie, parce que je ne voulais pas commencer un nouveau livre et que ma lecture du moment était restée dans la chambre). Avec tout ça, je reconnais quand même à ce roman un système de magie audacieux et original, bien pensé, bien exploité, mais qui n’a malheureusement pas suffi à me passionner.

La Forêt des disparues, June Hur (Bayard).
Changement total de style avec ce thriller historique à destination des young-adults !
L’histoire : Corée, XVe siècle. Sans nouvelles de son père, parti enquêter un an plus tôt à Jeju, Hwani décide de se lancer à sa recherche. Mais sur l’île de son enfance, c’est le cadavre d’une fille qu’elle découvre. Plus troublant encore, cette mort serait liée à la disparition de treize autres jeunes femmes…
Hwani en est certaine : si elle veut retrouver son père, elle doit résoudre cette énigme. Pour cela, elle n’a d’autre choix que de s’allier à sa petite sœur, perdue de vue voilà des années et réticente à l’aider. Ensemble, elles vont devoir faire face à des souvenirs depuis longtemps enfouis… comme celui du jour où elles se sont perdues dans la forêt, et ont été retrouvées à côté du cadavre d’une des disparues. Ce mystère est-il la clé ?
Je n’ai pas boudé mon plaisir avec ce roman que j’ai lu en moins d’une journée ! (vacances + canicule = conditions parfaites). J’ai trouvé que le côté historique était assez léger au départ, avant de s’étoffer. L’autrice s’est inspirée de véritables disparitions, liées à la situation de la Corée à l’époque – vassal de la Chine sous la dynastie Ming, qui n’hésitait donc pas à utiliser cette terre annexée comme un réservoir ! Cela alimente la toile de fond et vient servir l’intrigue. De fait, celle-ci suit plusieurs enjeux narratifs : l’enquête sur la disparition du père, l’enquête sur les disparitions de jeunes filles, mais surtout un vaste pan consacré aux relations familiales, entre les deux sœurs notamment, mais aussi avec leur père. Si Hwani voue quasiment un culte à ce père qu’elle chérit, il n’en va pas de même pour Maewol, la cadette, qui semble lui tenir rigueur d’un événement passé dont Hwani ne se souvient pas. Les deux enquêtes proprement dites sont rondement menées, mais je dois dire que je me suis plus passionnée pour l’évolution de la relation des deux sœurs ! Et ce que j’ai trouvé vraiment bien fait, c’est que le récit, pourtant hyper documenté historiquement est incroyablement moderne. Il y est beaucoup question de la place des femmes dans la société, un thème tout d’actualité, et qui l’était déjà à l’époque !

Côté ciné/séries :

Fait assez rare pour être noté, cet été aura été riche en sorties ciné, puisque nous avons réussi à y aller deux fois (je précise ici que ce n’est pas par manque de volonté, mais le cinéma est loin, ça demande un minimum de planification et l’irrépressible envie de faire plus d’une heure de route pour l’aller et retour !).

Mission Impossible : Dead Reckoning, partie 1.
Bref, nous sommes donc allés voir le dernier opus en date de Mission Impossible, une série de films d’aventure avec laquelle j’entretiens (comme avec les Jason Bourne), une relation ambivalente. Je les ai tous vus, mais dans le désordre le plus complet, ce qui m’a souvent poussée à me dire « c’est sympa mais je ne comprends rien aux relations des personnages ». Bref, j’ai lâché l’affaire, je sais que je vais voir un film d’aventure avec plein de cascades et, en avant !
Ceci étant dit, je dois quand même préciser que je me suis moins amusée avec celui-ci qu’avec les autres opus. Déjà, c’est très très long : presque 3h de film (et non, je ne suis pas patiente). Et 3h de… première partie ! Car c’est un film en deux parties ! Cette fois, Ethan Hunt et son équipe traquent une IA modelée pour servir d’arme, et qui excite toutes les convoitises. L’intrigue colle donc aux problématiques actuelles, mais je l’ai trouvée assez confuse – peut-être en raison de toutes les scènes pas inintéressantes, mais pas non plus palpitantes qui s’enchaînent. Autant j’ai trouvé intéressant de vouloir coller à l’actu, autant la carte « c’est un truc méchant mais on sait pas ce que ça fait » s’est rapidement avérée lassante. Heureusement, il y a le lot de cascades attendues, les images sont belles, ça rattrape un peu l’ennui intersidéral qui m’a parfois saisie (au point que si je vais voir la seconde partie, je suis sûre de ne me rappeler d’aucun détail de la première. J’attendrai peut-être un passage au petit écran, du coup).

Bon, heureusement, l’autre film était nettement meilleur, j’ai nommé Sisu : de l’Or et du Sang, de Jalmari Helander.

1944, en Laponie finlandaise. Un ancien soldat finlandais, reconverti en chercheur d’or ermite au fin fond de la toundra, trouve une grosse quantité d’or. La première banque est à 900 Km, mais qu’à cela ne tienne. Accompagné de son chien et son cheval, il entreprend de faire la traversée. Las, 1944 est aussi l’époque de la débâcle allemande. La Laponie est donc truffée de mines… et de nazis en déroute, qui ne cracheraient pas sur un petit magot pour financer leur reconversion professionnelle.
Le scénario est un peu simple et, sans trop de surprises, on est servis en batailles rangées, carnages gores à souhait de part et d’autres, du cambouis, de l’hémoglobine par barriques, des nazis très méchants, un orpailleur rusé, de la désillusion, un brin d’humour noir, le tout ponctuant des péripéties moins que vraisemblables. Et ? Eh bien ça marche. J’ai beaucoup aimé le découpage par chapitre, l’ambiance à mi-chemin entre Far West et Tarantino. Surtout, ce qui m’a plu, c’est que le film mise tout sur la narration visuelle : les dialogues sont rares (je crois que le protagoniste a royalement deux lignes de dialogue à la toute fin du film…), tout passant par les échanges de regards, les postures des uns et des autres, les vues de paysages (sublimes). Cela change de ce que j’ai l’habitude de voir, et j’ai donc passé un excellent moment avec ce film !

Et, mille ans après la bataille, j’ai enfin regardé la première saison de His Dark Materials (je voulais le relire avant !!), et j’ai adoré (faut dire que c’était pas dur de faire mieux que La Boussole d’Or, une sombre crotte cinématographique).

Cette première saison adapte donc, assez logiquement, le premier tome de A la croisée des mondes, la série de Philip Pullman, j’ai nommé Les Royaumes du Nord. On y suit Lyra, 11 ans, une fillette vivant à Jordan College, à Oxford, et qui se retrouve embringuée dans les conflits philsophico-religieux des adultes, à la recherche d’une mystérieuse particule nommée « Poussière » (bon, je résume à la grosse, hein, mais retenez que c’est de l’excellente science-fantasy). Et j’ai beaucoup aimé cette première saison, qui livre une adaptation hyper fidèle au roman. Il y a quelques micro-changements, que j’ai trouvés justifiés (même quand ils font disparaître un personnage qui ne meurt pas dans le roman !), car ils simplifiaient quelques situations un peu trop complexes dans le récit, ou permettaient d’amener quelques explications bienvenues. Le changement majeur intervient en la personne de Will et tout ce qui se déroule dans notre univers. Normalement, c’est le début du deuxième tome, mais j’ai trouvé assez malin d’introduire ça, en film, directement dans la première saison, car cela permet, d’une part, d’étaler les explications et, d’autre part, d’entretenir le suspense. Bref, très bon moment ! Je vais attaquer ma relecture du tome 2 en prévision du visionnage de la suite !

Top/Flops :

Cet été, je n’ai pas accroché à deux de mes lectures, à savoir Les Loups de Cendres Mortes, de Colin Heine et La Pénélopée, de Mathilde Beauchamp.
Le premier roman, dont j’ai parlé plus haut, partait hyper bien, mais j’ai trouvé les personnages et l’univers trop peu détaillés pour me permettre d’accrocher à l’intrigue.
Le second, quant à lui, propose une audacieuse réécriture de L’Odyssée : si j’ai apprécié l’intrigue politique et la réécriture sauce SF et western, j’ai trouvé le roman un peu trop répétitif, et les relations entre personnages trop peu approfondies.

Côté belles découvertes, il était trop dur de n’en choisir qu’une, car j’ai eu pas moins de trois coups de cœur, et une excellente découverte (royal !).

Dans l’ordre de lecture, donc :

Pallas, tome 1 : Dans le ventre de Troie, de Marine Carteron (Le Rouergue jeunesse) propose un début de série palpitant, porté par des personnages et un récit soignés. J’attends avec impatience le tome 2 qui arrive en novembre !

Ars Obscura, tome 1 : Sorcier d’Empire, de François Baranger (Denoël), qui nous entraîne dans une uchronie mêlée à de la dark fantasy de la plus belle eau. C’est original, très bien écrit : je crois que le tome 2 est déjà sorti, il faut que j’aille me le procurer !

Bluebird, de Ciel Pierlot (Actusf), ma lecture d’hospitalisation (pour rien de grave), un récit de SF palpitant, porté par une héroïne téméraire et insolente, que j’ai adorée (au point d’être prête à signer pour une suite !).

La société très secrète des sorcières extraordinaires, Sangu Mandanna (Lumen), de la cosy romantasy à l’ambiance douillette. Je répète : j’ai volontairement lu une romance, et j’ai aimé ça. Comme quoi, tout arrive !

Citations :

« Dans la nuit qui arrive, les paroles du prince d’Égine résonnent comme une prophétie.
Des serviteurs passent entre les convives pour embraser torches et braseros.
Leurs flammes se reflètent dans les pupilles des hommes, et rebondissent sur les trophées troyens.
Aux murs, exposés sur les pierres finement jointes, les lances aux pointes d’acier, les boucliers de bronze arrondis, les armures d’argent, s’éveillent d’un long sommeil.
Les armes ont des oreilles et, bien mieux que les hommes, elles connaissent le chant de la guerre. »
Pallas, Marine Carteron.

« Dans le fond, la magie n’était jamais que l’ensemble des techniques permettant de maitriser l’authentique pouvoir brut. Sans celui-ci, la magie était presque inopérante. Comme un fusil sans poudre : tous les éléments essentiels sont réunis, mais il manque le pouvoir détonnant. »
Ars obscura, François Baranger.

« L’art du vol, le vrai, n’a rien à voir avec l’expérience dépeinte dans les bandes-dessinées. C’est un exercice effrayant, extrêmement dangereux, pataud et rude.
Le jour, on se mange des coups de soleil ; la nuit, on se gèle les miches. Respirer devient un défi. On voit trouble – surtout quand, comme moi, on oublie toujours ses lunettes d’aviation. Sans parler de l’action étrange de la gravité sur le corps, qui nous donne l’impression d’être une marionnette aux fils cassés. Oh ! et les insectes. On se retrouve avec des bestioles plein les dents. Un jour, une abeille m’a piqué dans la gorge. »
Le Dernier Soleil, K.D. Edwards.

« La gentillesse, c’est ce qu’on fait quand les autres nous regardent. En revanche, la bonté est quelque chose de plus profond. C’est ce qu’on fait quand personne ne regarde. »
La société très secrète des sorcières extraordinaires, Sangu Mandanna.

4 commentaires sur “[2023] Petit bilan estival

  1. bouchdesbois dit :

    Hello Sia ! Pallas et La société très secrètes des sorcières extraordinaires me tentent beaucoup, beaucoup, je file voir tes avis ! C’est un très bel été que tu as passé là, ma foi fort honorable côté nombre de livres lus 😉 Je te souhaite un aussi bel automne !

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  2. J’ai bien Pallas 🙂

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