Sans âge, Le Protectorat de l’ombrelle #5, Gail Carriger.

Lady Maccon est en pleine béatitude domestique. Une béatitude à peine troublée par la fréquentation de quelques loups-garous de la haute société et celle du second placard préféré d’un vampire, sans oublier un bambin précoce ayant des dispositions incontrôlables au surnaturel…
Mais Alexia vient de recevoir un ordre qu’elle ne peut ignorer. Avec mari, enfant et famille Tunstell au complet, elle embarque à bord d’un bateau à vapeur pour traverser la Méditerranée. Direction l’Egypte, une terre qui pourrait bien tenir en échec l’indomptable Alexia. Que lui veut la Reine vampire de la ruche d’Alexandrie ? Pourquoi un ancien fléau s’abat-il de nouveau sur le pays? Et comment diable Ivy est-elle devenue du jour au lendemain l’actrice la plus populaire de tout l’Empire britannique ?

2023 est donc l’année où j’ai terminé Le Protectorat de l’ombrelle de Gail Carriger, une série que j’aime d’amour (et que j’avais entamée … en 2012 ! Il était donc temps !). D’autant que si j’adore cette série et avais précieusement gardé ce dernier tome, laisser passer cinq ans entre la lecture du tome 4 et celui-ci était loin, mais alors loin d’être une riche idée. Heureusement qu’il y a des chroniques avec spoilers sur internet, sinon c’était la cata.

Cette chronique risque de divulgâcher non seulement ce tome, mais la série dans son ensemble. La conclusion est sûre !

Après, donc, un léger temps d’adaptation en début de tome, j’ai retrouvé tout ce que j’apprécie dans cette série : un mystère, une enquête ardue, prenante et très originale, et un imbroglio de surnaturels qui marchent sur les plate-bandes les uns des autres. Avec, en plus, un brin d’exotisme qui m’a rappelé les meilleurs moments d’Hercule Poirot, puisque tout le monde part direction l’Égypte.

Si Alexia, Conall et Prudence sont en Égypte, avec tout leur entourage (Ivy Tunstell, sa famille et sa troupe de théâtre), Londres n’est pas oubliée pour autant. En effet, le récit propose, en parallèle des aventures égyptiennes, de jeter un œil sur ce qu’il se passe au sein de la meute Woolsey. Le professeur Lyall et Biffy (ex-drone devenu un loup-garou) ont fort à faire de leur côté. J’ai beaucoup aimé que le récit passe plus de temps sur ces personnages secondaires, que l’on ne voyait pas autant jusque-là. L’intrigue de ce tome-ci propose donc, d’une part, un récit inédit et, d’autre part, le bouclage d’un certain nombre de contentieux en cours depuis le début de la saga. Et les deux arcs narratifs sont tout à fait passionnants !

De fait, j’ai trouvé que ce tome accordait une grande importance aux personnages, et à leurs relations. L’amitié qui lie Alexia à Ivy est profonde et sincère et, malgré leurs statuts respectifs de mères de famille, elles continuent à s’entendre (du moins autant qu’il est possible avec le goût de la mode d’Ivy). Alexia et Conall, de leur côté, poursuivent leur vie de couple, folâtrent et se crêpent le chignon à qui mieux mieux, et ce pour notre plus grand plaisir. A deux reprises, je dois avouer que l’autrice m’a bien inquiétée avec des retournements de situation qui m’ont laissé penser que c’en était fini de ce duo mythique !

Et ce n’est pas tout ! Car l’Égypte va aussi permettre à Alexia de mieux comprendre le problème avec les momies de paranaturels (cf. tomes précédents), d’éprouver les capacités hors-norme de sa fille, tout comme de formuler quelques hypothèses tout ce qu’il y a de plus scientifique sur les êtres surnaturels. Cela complète à merveille l’univers et, si je ne savais pas déjà qu’il existe au moins deux spin-off à cette série, j’aurais été plus que frustrée que l’on s’arrête là.
Il y a toutefois deux points qui m’ont chiffonnée durant cette lecture : primo, pas assez de Lord Akeldama ! (Mais l’éloignement géographique justifiait son absence). Secundo, je m’attendais à en apprendre beaucoup, beaucoup plus sur le père d’Alexia… et les informations m’ont semblé un peu minces. D’autant que la chute, avec la révélation en dernière ligne de l’identité de l’agent Verge d’or, m’a prise au dépourvu : j’aurais voulu en savoir plus, là aussi ! Ceci étant dit, cela collait à l’ambiance prégnante de mystère qui régnait sur ce tome.

Comme dans les tomes précédents, en plus de lire une enquête bien ficelée, j’ai beaucoup ri. D’une part parce que les personnages sont rarement avares de réparties saignantes, mais surtout parce que ce sont des Anglais de la Belle-Époque, avec un flegme à toute épreuve et un sens aigu des convenances. Je ne compte pas les scènes où Lord Maccon est peu (voire pas) vêtu et embarrasse son épouse, qui éprouve moins de gêne à tirer à balles réelles sur les assaillants qu’à voir son époux sans chaussettes.
Les Tunstell, de leur côté, ne sont pas en reste : Ivy est désopilante (parfois à ses dépens, il faut le dire) et la troupe de théâtre apporte son lot de comédie. Enfin, la façon dont est traité le choc des cultures britanniques-égyptiennes vaut à lui seul le détour !

Cette série finit donc comme elle a commencé : excellemment. Autant je suis ravie de savoir qu’il existe deux autres séries dans le même univers, autant j’ai une petite pointe de tristesse à l’idée de quitter ces personnages-ci. Le franc-parler et le sens aigu des convenances d’Alexia font, à eux seuls, la moitié du sel des intrigues de la série, le reste étant assuré par cet improbable, mais très réussi, mélange de sciences, convenances sociales, personnages surnaturels et fauteurs de troubles de tout type. Je ne suis pas à l’abri de relire toute la série un de ces quatre !

◊ Dans la même série : Sans âme (1) ; Sans forme (2) ; Sans honte (3) ; Sans cœur (4) ;

Le Protectorat de l’ombrelle #5, Sans âge, Gail Carriger. Le Livre de Poche, septembre 2014, 445 p.

L’évasion, Le Noir est ma couleur #4, Olivier Gay.

Manon et Alexandre fuient Paris pour Nice où des Mages Noirs doivent aider la jeune fille à contrôler ses nouveaux pouvoirs. Traqués par le Conseil des Mages, recherchés par la police, ils empruntent de petites routes en scooter. Au fil des heures, les pouvoirs noirs de Manon s’affirment de manière inquiétante, mettant Alexandre en danger…

Le Noir est ma couleur, c’est un peu ma saga de secours quand la période est bof, ou hyper chargée. Donc j’ai sorti ce tome de ma PAL l’été dernier, pour survivre à l’organisation calamiteuse de Partir en Livre au boulot, et j’ai rudement bien fait ! Oui, la chronique a un peu tardé, mais bon, la voilà maintenant.

Comme toujours, on reprend donc les personnages à la volée, juste après les événements qui clôturent le tome précédent. Et notre duo est donc lancé sur les routes, dans une traversée Paris-Nice (en scooter), ponctuée de dangers.
L’intrigue est très clairement un récit de transition : si elle est menée tambour battant, avec un enchaînement de péripéties palpitant, elle n’en reste pas moins une « simple » intrigue permettant aux personnages de passer d’un point A à un point B. Je mets « simple » entre guillemets parce qu’heureusement, le roman ne se résume pas qu’à ça. Alors, évidemment, on pourra s’interroger sur la vraisemblance de certaines étapes (disons que malgré tout, Manon et Alexandre s’en sortent bien), mais j’ai trouvé que l’auteur insérait d’intéressantes réflexions dans son récit.

Évidemment, le duo profite d’être en cavale pour opérer un rapprochement stratégique. Leur fuite est donc ponctuée de scènes romantiques (généralement à l’initiative de Manon), qui suscitent pas mal d’interrogations et de réflexions de part et d’autre. Mieux : cela ne fonctionne pas du premier coup, Manon étant hésitante et… Alexandre la rassure (ce qu’on aimerait tous et toutes connaître dans la vraie vie). En même temps, la situation n’est ni rose, ni naïve, l’adolescent se remémorant ses réactions précédentes dans la même situation, avec d’autres filles, ce qui lui permet de conclure qu’il a été, jusque-là, un insondable connard. Il y a donc toute une réflexion sur le machisme intégré des garçons (parce qu’on le leur a inculqué, bien souvent), et c’est intéressant ! Parallèlement, le récit soulève plein d’interrogations sur la sexualité, que j’ai trouvées bien menées.

Comme dans les opus précédents, l’auteur termine sur un rebondissement incroyable, qui relance totalement la tension – et qui m’a donné envie de hurler. Car non seulement il relance joyeusement le suspense, mais en plus il remet en question la relation entre les deux personnages, qui s’était patiemment tissée jusque-là. J’ai tenu bon pour ne pas terminer la série trop vite, mais sachez que l’attente n’a pas été des plus aisées !

Même si cet opus est clairement un tome de transition, l’auteur nous livre une intrigue palpitante, pleine de suspense et de rebondissements bien menés. Entre deux péripéties, les personnages s’interrogent sur des sujets qui parleront aux adolescents (la sexualité en premier lieu) et grandissent l’un au contact de l’autre. Comme toujours, on termine sur un rebondissement incroyable, qui donne envie de lire immédiatement la suite !

◊ Dans la même série : Le Pari (1) ; La Menace (2) ; La Riposte (3).

L’évasion, Le Noir est ma couleur #4, Olivier Gay. Rageot, juin 2015, 282 p.

L’Étreinte des flammes, Mercy Thompson #9, Patricia Briggs.

La tension entre les faes et les humains est à son comble. Lorsque la meute est amenée à affronter un troll déchaîné, la présence d’Aiden, enfant humain enlevé il y a des siècles par les faes, pourrait bien être la seule chose susceptible d’empêcher la guerre qui s’annonce.
Prêts à le protéger coûte que coûte, Mercy, Adam et la meute devront défier le Marrok, les humains et les faes. Mais qui les protégera de celui qui a reçu l’étreinte des flammes ?

Voilà un roman que j’ai tiré de ma PAL pour avoir une lecture sympa pendant Partir en Livre. Et en fait… au bout du premier chapitre, je me suis aperçue que j’avais non seulement déjà lu ce tome, mais qu’en plus je n’en avais gardé aucun souvenir ! Pas bon signe, non ?

En tout cas, le récit démarre en fanfare avec une incroyable scène de combat sur un pont suspendu, opposant un troll enragé à Mercy et aux loups. C’est dantesque ! D’autant que cette entrée en matière particulièrement réussie débouche sur le gardiennage d’un enfant doté de pouvoirs magiques, et qui a longuement été retenue par En-Dessous. Cette organisation avec les loups lance la meute dans une guerre rangée contre les faes. Bref : des remous en perspective !

Sauf que… pas tellement. L’intrigue est lente à se mettre en place, lente à évoluer, lente à se dévoiler, malgré de nombreuses péripéties bien amenées. Habituellement, ce n’est pas gênant, car l’autrice profite de ces rythmes plus posés pour creuser l’univers ou les personnages. Mais cette fois, j’ai trouvé que ces paragraphes sentaient tous plus ou moins le réchauffé et n’apportaient que des éléments que l’on connaissait en fait déjà. Rien de neuf sous le soleil, donc… Heureusement, les relations politiques (notamment loups-faes) sont clairement approfondies dans cet opus, et j’avoue que c’est ce qui a sauvé ma lecture. Il en va de même pour la relation entre Mercy et Adam, qui a connu quelques remous au tome précédent et qui va être au cœur de quelques rebondissements ici.

« La mère d’Izzy utilisait les termes « naturel » et « végétal » pour tout ce qu’elle considérait comme bénéfique, tandis que « toxine » était pour elle synonyme de « néfaste ». A aucun moment elle ne nomma de toxine particulière, mais ma maison, ma nourriture et, apparemment, mon maquillage en étaient bourrés. […]
– Et voilà la partie que je préfère, souffla-t-elle en caressant du bout des doigts l’image travaillée. Les huiles essentielles.
Elle avait prononcé cette dernière phrase sur le ton qu’un dragon aurait employé pour dire « doublon espagnol ».

De plus, retrouver la plume fluide de l’autrice, les petites touches d’humour et les piques entre les personnages était vraiment très chouette !

J’ai apprécié, comme toujours, de retrouver Mercy, Jesse et la meute. Mais dans l’ensemble, j’ai eu l’impression de lire un tome de transition manquant clairement de rythme. J’espère que tout cela ira mieux au tome suivant !

Dans la même série : L’Appel de la lune (1) ; La Marque du fleuve (6) ; La Morsure du givre (7) ; La Faille de la nuit (8).

Mercy Thompson #9, L’Étreinte des flammes, Patricia Briggs.
Traduit de l’anglais par Sophie Barthélémy. Milady (Bit-lit), avril 2017, 380 p.

Le Phare au corbeau, Rozenn Illiano.

Agathe et Isaïah officient comme exorcistes. L’une a les pouvoirs, l’autre les connaissances ; tous deux forment un redoutable duo.
Une annonce sur le réseau social des sorciers retient leur attention. Un confrère retraité y affirme qu’un esprit nocturne hante le domaine d’une commune côtière de Bretagne et qu’il faut l’en déloger. Rien que de très banal. Tout laisse donc à penser que l’affaire sera vite expédiée.
Cependant, lorsque les deux exorcistes débarquent là-bas, le cas se révèle plus épineux que prévu. Une étrange malédiction, vieille de plusieurs générations, pèse sur le domaine de Ker ar Bran, son phare et son manoir.
Pour comprendre et conjurer les origines du Mal, il leur faudra ébranler le mutisme des locaux et creuser dans un passé que certains aimeraient bien garder enfoui…

Des sorciers, des fantômes et la Bretagne tempétueuse : qui dit mieux ?
Je dois dire que l’ambiance de ce roman a bien été au rendez-vous, et a complètement comblé mes attentes !

Le récit nous plonge dans le quotidien d’un duo de sorciers : Agathe a des talents de médium (elle voit les fantômes mais ne peut les exorciser), Isaïah, lui, exerce la magie hoodoo, un mélange de pratiques animistes et de prières catholiques. J’ai trouvé vraiment intéressant que les personnages soient, d’une part, pas surpuissant et, d’autre part, complémentaires, dus à leurs pouvoirs prétendument incomplets. Le duo fonctionne à merveille, en raison aussi de leurs personnalités très différentes (lui plutôt solaire malgré quelques blessures, elle plutôt abîmée). Ensemble, ils répondent à des annonces sur le réseau social des sorciers, et vont exorciser des demeures hantées, à la demande de leurs locataires. C’est ainsi que le duo de sorciers citadins s’embarque pour un petit village breton, poursuivi par une histoire de hantise et une vieille malédiction.

« Parfois, les superstitions provoquent des hallucinations collectives, et l’on se prend à imaginer que des fantômes nous tourmentent… Une part non négligeable de notre travail consiste à étudier la psychologie de nos clients, à nous adapter, et à tenter de désamorcer, le cas échéant, les conflits et les non-dits qui règnent entre eux. Car ces conflits et ces non-dits ramènent les âmes des morts parmi les vivants. Des histoires de famille, des secrets, des rumeurs… »

L’ambiance est donc, comme je le disais, au rendez-vous. Après un premier exorcisme citadin qui se déroule comme sur des roulettes, direction la Bretagne. Une Bretagne venteuse, tempétueuse, fermée à l’étranger (et là on parle de gens qui viennent juste du département voisin !), marquée par un folklore très présent, et la rémanence de vieilles légendes. Si on ajoute à cela le cadre de l’exorcisme, un manoir ancien au bord d’une falaise, comprenant un phare désaffecté dans son domaine, on obtient un cadre légèrement sombre et oppressant, qui rend la lecture très prenante.

Or, voilà que l’exorcisme échoue… et que nos sorciers doivent mener une petite enquête sur l’histoire du domaine : qui sont les personnes décédées dans des circonstances tragiques sur le domaine ? Quel est le lien entre un religieux, des ronces et un druide accompagné d’un corbeau ? Pourquoi y a-t-il autant de fantômes autour du manoir ? A ce moment-là de l’intrigue, le récit alterne entre l’époque d’Agathe et Isaïah, avec deux autres périodes du passé de Ker ar Bran, qui viennent éclairer les recherches des personnages, ou l’histoire du lieu – et donc contribuer à l’ambiance sombre et mystérieuse du lieu.

L’enquête (rapide !) et les faits d’exorcisme se mêlent aux préoccupations des personnages. Agathe est poursuivie par un syndrome de l’imposteur assez présent (à tel point qu’il est nommé et que les personnages y font souvent référence !), sans doute issu de son enfance chaotique. Les questions de la confiance en soi, de la quête d’identité sont donc très présentes dans l’histoire, et se mêlent harmonieusement au reste – même si Agathe m’a semblé un peu trop insistante sur son manque de confiance en elle, au point de me sortir parfois de l’histoire.

Par ailleurs, alors que l’ensemble se tient vraiment bien, j’ai trouvé que la fin arrivait presque trop vite, ou manquait de détails. Quoi qu’il en soit, les révélations finales amènent une bonne ouverture et ouvrent la possibilité d’une suite (que je lirai avec un immense plaisir si suite il y a), sans toutefois laisser les lecteurs en plan, ce qui est hautement appréciable. Notez bien que tout cela ne m’a pas le moins du monde empêchée de passer un excellent moment de lecture, et de tourner les pages à toute vitesse !

Et quid des exorcismes ? Eh bien ces scènes font clairement partie du sel de l’ensemble ! L’arrivée des fantômes (froid glaçant, portes qui claquent, déplacements, chutes et/ou bris d’objets), tout cela est parfaitement décrit. C’est d’autant plus prenant dans les passages où l’on est à Ker ar Bran, car la réputation du lieu, la lande venteuse, viennent ajouter leurs degrés de mystères aux scènes d’exorcisme. J’étais très contente de ne pas trouver les scènes en question proprement terrifiantes (ce qui m’aurait sans doute empêchée de finir le livre…), mais suffisamment bien écrites pour me plonger dans cette ambiance (et me faire préférer ma couette à un couloir obscur au moment de la lecture).

J’ai donc passé un excellent moment de lecture avec Le Phare au corbeau. Malgré quelques longueurs dans la seconde partie, je me suis laissée embarquer par un récit très prenant, qui convoque à la fois l’imaginaire lié aux spectres, à la sorcellerie, et au folklore breton. L’intrigue est donc portée par une atmosphère sombre et soignée, parfois effrayante, et particulièrement addictive. J’ai beaucoup aimé le mélange entre le milieu un peu underground des sorciers et l’aspect beaucoup plus mystérieux de ce qui se déroule en Bretagne : détonnant, mais efficace ! Si le roman est un parfait one-shot, la conclusion ouvre une belle perspective de suite, que je lirai avec beaucoup de plaisir si elle paraît un jour !

Le Phare au corbeau, Rozenn Illiano. FolioSF, réédition mars 2022, 450 p.

Émeraude, Gemme #1, Geneviève Boucher.

À la suite du décès de sa mère, Caroline Éthier est contrainte de déménager à Rivière-du-Loup pour sa dernière année du secondaire. Elle y fait plusieurs rencontres qui pimentent son quotidien.
Son voisin Jeremy Emilsson est terriblement séduisant, mais il ne fait rien pour déguiser l’antipathie qu’elle lui inspire, alors qu’ils se retrouvent malgré eux partenaires dans deux de leurs cours. De son côté, le beau Logan MacLean fait tout pour charmer. À l’opposé de Jeremy, il se révèle gentil, drôle et avenant.
Logan et Jeremy se détestent profondément, et c’est sans connaître la raison de cette hostilité que Caroline se retrouve prise entre ces deux jeunes hommes aux dons mystérieux. Le jour où elle découvre leur véritable visage, sa propre identité la foudroie comme un coup de poignard en plein cœur. Dans le tumulte de ces nouveautés, après avoir subi une terrible trahison, la jeune fille voit son destin à jamais bouleversé. Après tout, son père ne l’a pas emmenée si loin de Montréal sans raison…

Et voici un nouveau livre issu d’une pile-à-lire de travail. Et je dois reconnaître que j’ai passé un très bon moment avec ce roman… malgré – en toute objectivité – de grosses lacunes !

Le début nous plonge dans le quotidien de Caroline, un quotidien un peu gris : après le décès de sa mère, elle déménage à l’autre bout du Québec, abandonnant derrière elle ses meilleures amies, et un petit ami qu’elle a préféré quitter pour éviter une relation longue distance (même si elle prévoit de rentrer l’année suivante à Montréal pour ses études supérieures). Dès son arrivée à Rivière-du-Loup, Caroline tombe sous le charme du beau voisin, Jeremy Emilsson qui, comme tous ses copains d’origine suédoise, fait partie d’une bande très sélect qui ne laisse entrer personne. Malgré l’antipathie dont fait preuve Jeremy – Jay pour les intimes, à savoir Caroline et les lecteurs dès le chapitre 2… -, Caroline est forcée de collaborer avec lui… sur un projet scolaire. Son coeur balance donc entre le beau gosse malpoli et Logan, l’autre beau gosse, sympathique, lui, qui hante les couloirs du lycée.
Si, à ce stade, rien ne vous a rappelé un autre grand titre de la fantasy urbaine jeunesse, c’est que vous êtes peut-être passés à côté du phénomène Twilight !

En effet, tout dans ce roman est fait (semble-t-il) pour marcher dans les pas de la célèbre saga. On retrouve donc les mêmes éléments : une héroïne déracinée, un père absent, deux clans aux ascendances magiques qui s’affrontent, une héroïne dont le cœur balance entre les deux bad guy et qui va – évidemment – manifester des pouvoirs en relation avec la guerre qui oppose les deux clans. A ceci près que l’héroïne est une sorte de hors-caste qui ne devrait pas s’inscrire dans le paysage !
Heureusement, le récit se démarque de Twilight : pas de loup-garous ou de vampires ici, mais des clans de mages liés à une pierre, elle-même tirée de leurs mois de naissances respectifs, et que l’on appelle les Gemmes. Chaque pierre confère à ses descendants une couleur d’iris parfaitement reconnaissable. Caroline étant émeraude, elle a naturellement les yeux verts. Les Suédois étant améthystes, ils cachent leurs yeux violets sous des lentilles noires (ce qui, comme chacun le sait, est nettement plus discret). Tout cela est bien amené et bien trouvé, mais le système de magie souffre d’un manque flagrant d’explications sur son fonctionnement. La couleur de la pierre ne semble pas affecter outre mesure les capacités des personnages.

C’est sans doute parce que le récit se concentre presque exclusivement sur le triangle (voire le quadrilatère) entre les personnages. Évidemment, le cœur de Caroline balance entre les deux prétendants potentiels. Si l’un s’avère être réellement une personne peu recommandable, l’autre a juste des allures de bad boy. Pourtant, la narration s’obstine à nous le faire voir ainsi… comme si on ne pouvait QUE s’amouracher d’un bad boy – dont le plus terrible crime ici, est d’avoir les yeux noirs et d’être désagréable. Ce n’est pas crédible ! Par ailleurs, la société des Gemmes, très corsetée, prévoit des mariages entre enfants d’un même clan. Ceux-ci étant prévus dès la naissance, chaque Gemme sait à qui elle ou il est liée – et Caroline n’entre évidemment pas dans le schéma. Tout cela pour dire que oui, les interactions romantiques sont cousues de fil blanc et ne réussissent jamais à surprendre (ce qui est bien dommage).
Par ailleurs, les personnages sont affreusement manichéens. L’opposant est nécessairement un salopard égocentrique très très méchant, tandis que les alliés de Caroline sont tous très très très gentils, y compris la fille dont elle convoite le promis. Ce n’est pas très crédible non plus !

Ceci étant dit, le récit est entraînant, et alterne parfaitement péripéties échevelées, moments de pause, interrogations judicieuses des personnages et même un peu d’émotion. Ce qui rend la lecture indéniablement prenante ! J’ai toutefois été assez déçue par la fin, qui se termine sur un retournement majeur de situation… que l’on aurait mieux vu en fin de chapitre. Ici, cela donne juste l’impression que la totalité du texte a été sauvagement tronçonnée, sans chercher à créer un récit entièrement cohérent. C’est dommage !

En somme, Émeraude a été une lecture ambivalente : si j’ai profondément soufflé lors de ma lecture, tant les péripéties et développements manquaient de crédibilité ou de profondeur, l’aspect très entraînant du récit et une certaine nostalgie de Twilight ont rendu cette même lecture palpitante. Assez étonnant ! Si le roman est marqueté pour plaire à un lectorat adolescent, je pense qu’il plaira aussi aux nostalgiques de Bella & Edward !

Gemme #1 : Émeraude, Geneviève Boucher. Kennes, réédition septembre 2021, 432 p.

Destinée, Alex Verus, #1, Benedict Jacka.

Alex Verus vit à Londres et il est devin. Il peut voir le futur comme un faisceau de probabilités. Pour le commun des mortels, c’est un don impressionnant, mais pour les autres mages, c’est le bas de l’échelle des arts occultes. De toute façon, Alex a tourné le dos à cette confrérie. Trop de rivalités, de secrets, de complots, trop de morts… Sa seule ambition est de mener une existence sans histoires, caché dans sa petite boutique d’accessoires pour magiciens amateurs. Dans l’arrière-salle, il continue à faire un peu de marché noir, c’est risqué mais le commerce des vrais objets magiques lui permet de payer le loyer.
Quand une relique puissante échoue entre ses mains, il se retrouve la proie des forces auxquelles il avait essayé d’échapper, forcé de choisir un camp dans une bataille qui le dépasse.
Voir le futur n’est pas toujours drôle, surtout quand le sien semble à ce point compromis.

Cette série m’a été plus que chaudement recommandée par Frangin n°1 (qui est à jour en VO). Donc autant dire que je partais plutôt confiante, car nos goûts en fantasy urbaine sont assez similaires. Et j’avais bien raison, car ce début de série m’a bien plu !

L’histoire se déroule à Londres, de nos jours. Un Londres tout à fait moderne, donc, mais qui abrite un ordre de magiciens, gouverné par un Conseil omnipotent qui fait la pluie et le beau temps. Le début m’a beaucoup rappelé les aventures d’Harry Dresden (qui est d’ailleurs cité dès le départ) et donc cela ne pouvait que me plaire.

J’ai aimé que ce premier tome soit à la fois hyper introductif à la série et très immersif. Certes, l’auteur prend le temps d’installer pas à pas les modalités de son univers, et installe tranquillement ses personnages. Mais ce premier tome comporte aussi une vraie intrigue, complète, et bien menée, à grands renforts de suspense et de scènes d’actions souvent trépidantes (quand elles ne sont pas carrément glauques !). Il arrive non seulement à mener l’histoire à bon rythme, tout en donnant en temps et en heure toutes les explications dont on pourrait avoir besoin sur l’univers, sans aucune lourdeur. Bref : un parfait équilibre.

Ceci étant dit, j’ai trouvé les personnages légèrement manichéens, avec des méchants très méchants et des gentils d’une immense gentillesse. Soyons honnête : cela fonctionne, mais cela manque un brin de nuances. Mais ! La série aligne déjà douze tomes ! Donc j’ai mis cela sur le compte du côté introductif de la série, et j’attends de voir ce qu’il en est par la suite.

D’autant que j’ai adoré le personnage d’Alex, cynique à souhait, parfait anti-héros. Son idéal de vie est de ne pas se faire remarquer, avoir une vie simple, éviter au maximum les emmerdes et donc ses collègues magiciens. Il se retrouve dans la panade ? Il va tenter de se débarrasser du problème le plus rapidement et donc le plus facilement possible, afin de retourner à sa petite routine pépère. Cela change un peu des magiciens « conquistadors », prêts à partir à l’assaut dès qu’apparaît le moindre bout d’oreille d’un ennemi !
De plus, il doit composer avec la faiblesse de son pouvoir. Pas de boules de feu, pas de tempêtes d’éclair ! Alex est un devin et son pouvoir consiste « seulement » à entrevoir l’avenir. Ce qui peut s’avérer bénéfique quand la vision vous montre comment vous tirer du pétrin, moins pratique lorsque 99% des voies possibles aboutissent à votre mort. Cette prescience assure une grosse part du suspense et du rythme de l’intrigue !

Je terminerai en parlant de la classification de ce roman. Chez Anne Carrière, il est classé en young adult. Si vous n’aimez pas lire de young adult, pas de panique : il est lisible par tous ! Oui, l’intrigue est un peu facile. Mais l’univers bien construit, le cynisme des personnages et le rythme de l’histoire font que le roman peut vraiment plaire à un large public (et pas uniquement les 15-30 ans).

Je partais assez confiante sur cette série et je ressors enchantée de ma découverte. J’ai trouvé l’univers et les personnages bien introduits, à travers une intrigue hyper prenante. Il y a un côté parfois un peu facile dans les péripéties, mais tout étant bien amené, cela ne m’a pas tellement gênée. Une fois tournée la dernière page, j’étais ravie de savoir que j’avais encore 11 tomes devant moi !

Alex Verus #1, Destinée, Benedict Jacka. Traduit de l’anglais par Marie de Prémonville.
Anne Carrière, juin 2018, 440 pages.

Si vous avez aimé, vous aimerez peut-être :

Le dernier dragon sur Terre, Eoin Colfer.


Autrefois, il était connu sous le nom de Wyvern, Seigneur du Haut Feu, et son ombre terrifiait les masses. Aujourd’hui, il n’est que Vern, vautré dans le bayou où il se cache, matant Netflix non-stop en tee-shirt Flashdance et sifflant de la vodka à longueur de journée. Mais, contrairement aux autres membres de son espèce, il a survécu. Malheureusement, aucune quantité d’alcool ne peut combler son immense solitude.
C’est alors que le hasard lui propose une alliance inattendue… Aboutira-t-elle à l’extinction de sa race ou au retour de ses jours de gloire ?

Lorsque j’ai vu qu’Eoin Colfer, dont j’ai adoré les romans jeunesse, publiait un titre en fantasy adulte, j’étais aux anges ! Et cet état d’esprit n’a pas bougé au cours de ma lecture, que je suis ravie d’avoir faite.

Je ne sais pas si c’est un genre qu’il affectionne particulièrement, mais nous voici de nouveau dans de la fantasy urbaine, comme dans Artemis Fowl. À ceci près qu’il n’y a ici ni univers parallèle, ni magie dans le monde – sauf évidemment des dragons. Un, du moins : Wyvern, Seigneur du Haut-Feu, qui se fait plus modestement appeler Vern.
Mais Vern est loin de l’image habituelle que l’on a des dragons. Vern coule des jours tranquilles et heureux sur sa petite île cachée au milieu du bayou, boit comme un trou, et végète devant Netflix en révérant sa sacrosainte tranquillité. Une tranquillité brutalement chamboulée par Everett Moreau – dit Squib – jeune branleur local rendu là pour faire du trafic et pris dans les explosions provoquées par un petit règlement de compte mafieux impliquant un flic ripoux. Lequel se trouve être follement amoureux – à sens unique – de la mère de Squib, qu’il harcèle sexuellement avec une grande constance.
Partant de là, Squib et Vern se retrouvent, bon an mal an, à devoir faire équipe, le premier dans l’idée de survivre aux ennuis qui lui tombent sur le coin de la figure, le second dans l’objectif de retourner à sa petite vie tranquille, impliquant le moins d’humains (et de caméras de smartphones) possible.

« Squib plissa les paupières en les fermant presque. Il pensait que le blanc de ses yeux pouvait trahir sa présence. Hooke lui racontait-il des conneries ? Avait-il seulement attaché son bateau ?
Sans doute pas.
Il n’avait pas véritablement prévu la dernière partie de cette mission. Aussi se retrouvait-il bloqué sur cette putain d’île en compagnie des sangliers et des couguars et peut-être même d’une bande de fourmis rouges, alignées dans une file bien ordonnée, qui viendraient lui dévorer la bite. Et s’il essayait de s’enfuir en courant, Hooke lui enverrait une grenade au cul, comme un cornet de glace à réaction.
Quelle nuit délicieuse !
Everett Connard Moreau : organisateur de génie.
Comme ce petit Français qui aimait bien les grandes femmes pour se prouver quelque chose. Napoléon.
Mais pas du tout comme lui, en fait, sauf que tous les deux avaient fini coincés sur une île, s’il se souvenait bien de ses leçons d’histoire. Ou peut-être était-ce Huckleberry Finn qui s’était retrouvé en rade sur son île.
En tout cas, en cette belle soirée, c’était lui, l’imbécile bloqué sur une étendue de terre entourée d’eau
. »

Ça vous semble mal barré ? En effet, ça l’est. Car à partir de ce moment-là, c’est dans les ennuis jusqu’au cou que se retrouve Squib et, par extension, Vern.
À la fantasy urbaine se mêle donc le thriller, puisque l’on est rapidement environnés de tout ce que compte comme malfrats la pègre locale, avec en premier chef le flic ripou sus-nommé. J’étais d’ailleurs assez surprise de lire autant de scènes glauques – de torture, notamment – sans doute parce que je m’attendais à de la fantasy urbaine plus légère. Mais c’est ce qui fait le sel du roman !

Ça, et le cynisme des personnages. Vern, notamment, n’a pas sa langue dans sa poche et n’en rate pas une. Ses réparties saillantes m’ont souvent fait rire, comme son usage acharné du langage de charretier – oreilles sensibles s’abstenir, donc.
Les personnages tiennent d’ailleurs plus des antihéros que des héros. Entre leur langage résolument ordurier et leur conception assez floue du bien, du mal, et de la morale, il y a de quoi faire. Vern n’est pas contre un petit barbeuk d’humains de temps en temps. Squib ne voit aucun mal à traficoter par-ci par-là. Quant à Hooke, les concepts de consentement, harcèlement sexuel et bienséance lui sont de toute évidence tout à fait étrangers.

Le roman présente donc un parfait mélange entre ambiance hyper glauque et humour noir, au travers d’une intrigue qui sait de temps en temps s’alléger. Celle-ci n’est pas menée tambour battant, mais semble coller au rythme lent du fleuve qui irrigue le bayou. De fait, l’ambiance un peu poisseuse colle aussi parfaitement à la géographie des lieux.

Bonne découverte, donc, que ce nouveau roman d’Eoin Colfer avec lequel j’ai beaucoup ri. Il nous embarque dans une histoire un peu foutraque, un peu glauque, menée avec beaucoup de légèreté.

Le Dernier dragon sur Terre, Eoin Colfer. Traduit de l’anglais (Irlande) par Jean-François Ménard.
Pygmalion, août 2020, 416 p.

Le Vol de la Sigillaire, Les Artilleuses #1, Pierre Pevel & Étienne Willem.

Aventurières et hors-la-loi, elles sont trois : Lady Remington, Miss Winchester et Mam’zelle Gatling. N’hésitant jamais à faire parler la poudre, elles sont connues de toutes les polices d’Europe. Ce coup, cependant, pourrait bien être leur dernier. Car le vol d’une mystérieuse relique – la Sigillaire – leur vaut d’être pourchassées non seulement par les Brigades du Tigre, mais également par les redoutables services secrets du Kaiser…

Cette bande-dessinée se déroule dans l’univers du Paris des Merveilles de Pierre Pevel, mais est lisible tout à fait indépendamment de sa trilogie – donc pas de panique si vous ne l’avez pas lue.

L’histoire se déroule donc à Paris, en 1911. L’Outremonde a révélé son existence (et certains couloirs du métro permettent même d’y accéder) : humains et petit peuple se côtoient au quotidien. D’ailleurs, la reine Méliane prévoit de célébrer son jubilé à Paris ! Devant les façades haussmanniennes, il est donc possible de croiser des fées, des dragons de petites tailles, des trolls, des dirigeables ou encore des drones au look résolument steampunk.
L’intrigue débute avec le braquage des Artilleuses, nos trois héroïnes : Lady Remington, aristocrate anglaise, est également une redoutable magicienne ; Mam’zelle Gatling est en fait une fée artificière, spécialiste en explosions ; Miss Winchester, enfin, est une pilote et tireuse d’élite américaine. Toutes trois ont écumé les bons coups, mais ont vivement besoin d’argent. Le braquage de la Sigillaire se fait donc dès les premières pages et donne le ton : l’action est bien présente.

La récit, truffé de péripéties (et de batailles rangées) est donc mené à un rythme trépidant. Or, bizarrement, on ne sort jamais de l’impression de lire une assez longue introduction à l’univers. Car les véritables enjeux de l’intrigue n’apparaissent finalement que dans les deux dernières pages… Ce qui inscrit bien cet opus comme le premier tome de la trilogie annoncée. Ce n’est pas désagréable, car ainsi l’univers est bien installé, mais c’est un peu frustrant. D’autant que les personnages sont assez rapidement caractérisés (réduits à un ou deux traits de caractères). J’attends donc la suite avec impatience pour savoir comment tout cela va évoluer !

Côté graphismes, Étienne Willem use d’un découpage assez classique et d’un style cartoonesques qui colle vraiment bien à l’univers comme à l’histoire. Et la mise en couleurs de Tanja Wenish est efficace.

Après cette longue introduction à l’univers et aux enjeux, je suis curieuse de savoir de quoi il va être question au juste dans cette trilogie. Ce premier tome fait une très bonne mise en bouche au contexte, mais s’avère un peu frustrant du point de vue de l’intrigue en elle-même, tant on a l’impression de l’effleurer. J’ai donc hâte de lire le tome suivant, car celui-ci a titillé ma curiosité !

Les Artilleuses #1 : Le Vol de la Sigillaire, Pierre Pevel (scénario), Étienne Willem (illustrations), Tanja Wenish (couleurs).
Drakoo, mars 2020, 48 p.

Si vous avez aimé, vous aimerez peut-être :

Cuits à point, Elodie Serrano.

Gauthier Guillet et Anna Cargali parcourent la France pour résoudre des mystères qui relèvent plus souvent d’arnaques que de véritables phénomènes surnaturels. Mais leur nouvelle affaire est d’un tout autre calibre : pourquoi la ville de Londres subit-elle une véritable canicule alors qu’on est en plein hiver et que le reste de l’Angleterre ploie sous la neige ? Se pourrait-il que cette fois des forces inexpliquées soient vraiment en jeu ?

Cuits à point est un très court roman de fantasy urbaine et un seul tome, s’il vous plaît !
L’intrigue va suivre deux paires d’enquêteurs en affaires magiques, des démystificateurs, séparées par un fossé de convictions : le duo français est persuadé que magie = arnaque, tandis que le duo britannique, lui, est convaincu de l’existence du merveilleux. Vous l’aurez compris : le débat va faire rage entre les personnages.

L’autrice joue donc sur cet antagonisme pour créer une dynamique entre eux, qui se ressent particulièrement dans les dialogues, aucun n’étant avare de réparties cinglantes. Elodie Serrano s’approprie également les clichés inhérents à chaque nation. Fatalement, le français est donc ronchon, l’italienne a le sang chaud et les deux britanniques font preuve d’un flegme à toute épreuve… Loin d’être pénibles, ces exagérations servent souvent le ressort comique l’intrigue !
Celle-ci est donc assez légère et va droit au but. Le quatuor enquête (plus souvent à la bibliothèque que sur le terrain), fait rapidement des déductions (justes) et tente de résoudre le problème qui se présente à lui. Les péripéties et rebondissements s’enchaînent à bon train, ce qui assure un roman un rythme de lecture très prenant.

Le style, avec ça, est très fluide. L’équilibre entre scènes d’actions, de réflexion, et descriptions est vraiment bien trouvé. L’ambiance steampunk, présente en toile de fond, est très accessible (nettement plus accessibles pour des néophytes que Le Protectorat de l’ombrelle, par exemple). D’ailleurs il en va de même pour l’intrigue plus liée à la magie : pas besoin d’être de vieux routards de la fantasy urbaine pour apprécier ce roman. L’humour, de plus, y est bien présent, ce qui allège indéniablement le récit.

Cuits à point est donc un roman de fantasy urbaine à la fois court et hyper facile à lire. L’intrigue nous plonge directement dans le vif du sujet et ne s’embarrasse pas de mille considérations sur l’univers, gardant l’ambiance steampunk en toile de fond. Les péripéties s’enchaînent sans coup férir et le récit ménage quelques touches d’humour. Ce n’est pas forcément le style de roman de fantasy urbaine que je préfère, mais je retiens ce titre pour une entrée en matière dans le genre !

Cuits à point, Elodie Serrano. Actusf (Bad Wolf), février 2020, 283 p.

Une sirène à Paris, Mathias Malzieu.

Juin 2016, la Seine est en crue et Gaspard Neige trouve sur les quais une sirène blessée qu’il ramène chez lui. Elle lui explique que tous les hommes qui entendent sa voix tombent amoureux d’elle et en meurent, mais, convaincu que son coeur est immunisé depuis sa rupture, Gaspard décide de la garder jusqu’au lendemain dans sa baignoire.

Nouvelle lecture dans le cadre du Prix Imaginales des Bibliothécaires, lue en commun avec Camille, qui a patiemment supporté mes maints soupirs et autres exclamations exaspérées ! Je ne mentirai pas en disant que je n’ai pas accroché du tout…

Pourtant, ça partait bien ! J’ai vraiment aimé l’idée de base de l’ami Gaspard qui tente envers et contre tout de renflouer le Flowerburger, la péniche-troquet de sa grand-mère et qui, entre deux soucis financiers, ramasse une sirène blessée sans bien comprendre à quoi il a affaire.
Dans un premier temps, j’ai même trouvé le style sympa : quelques petites pointes d’humour, une touche de poésie, et le tour est joué. J’avoue, j’ai même souri aux premières métaphores, parce qu’elles étaient bien trouvées, bien tournées. Mais point trop n’en faut ! Or là, c’est une avalanche de métaphores toutes plus dégoulinantes les unes que les autres et cette accumulation a clairement eu raison de ma patience. D’autant qu’en dehors des fameuses métaphores, je n’ai pas trouvé le style totalement extraordinaire. Pas nul non plus, soyons honnêtes, mais pas de quoi casser trois pattes à un canard. Ce qui en soi était sans doute la première des déceptions.

La suivante tenait à l’intrigue. Alors oui, l’histoire est très mignonne, mais vraiment beaucoup trop mièvre à mon goût. Tout tourne autour de la romance entre Lula, la sirène, et Gaspard, avec vaguement en toile de fond les soucis financiers du Flowerburguer et la quête vengeresse de Milena. Le suspense est inexistant et les péripéties sont toutes plus farfelues les unes que les autres. Je sais qu’on est dans un récit de fantasy urbaine, mais ça n’excuse pas tout… ! En plus, cela manque clairement d’explications. Gaspard est immunisé au pouvoir de Lula parce qu’il a eu le coeur brisé par sa vilaine méchante ex ? Comment ? Pourquoi ? Parce que. Ah ok. La romance elle-même manque de crédibilité. Lula est belle, et célibataire (enfin, on suppose Camille me souffle dans l’oreillette que c’est la dernière de son espèce, donc oui), et… et voilà. C’est tout ?!

Les personnages, de leur côté, ne sont pas franchement creusés. Pour ne parler que de Milena, elle est méchante, parce que c’est la méchante. Aucune nuance, un pur cliché. Autant c’est pratique pour une rapide caractérisation, autant… eh bien il m’aura manqué de la consistance. Puisqu’on en est au chapitre des personnages, attardons-nous sur les personnages féminins. C’est obligé qu’ils soient tous plus stéréotypés les uns que les autres et avec des physiques forcément affriolants ? Je n’ai malheureusement pas relevé les descriptions, mais j’ai eu envie de jeter le livre à plusieurs reprises. Lula est une sirène, donc elle est dramatiquement belle, soit. Est-ce qu’on est obligés d’avoir une description ou une mention de ses seins toutes les deux pages ? Est-ce qu’on est obligés de subir des descriptions de corps féminins sans queue ni tête, mais qui convoquent toute la géologie et tout les astres du firmament ? Bouh, ça m’agace rien que d’y repenser.

Bref, déception totale avec ce titre, qui passe tout en bas (et plus si affinités) de ma liste pour le vote. Je n’ai accroché ni à l’intrigue, ni aux personnages. J’avoue tout de même que je me tâte pour l’adaptation cinématographique. J’avais bien aimé un précédent film de l’auteur et je me dis que s’il y a un bon univers musical, peut-être (mais rien n’est moins sûr) que ça pourrait le faire !

Une sirène à Paris, Mathias Malzieu. Albin Michel, février 2019, 238 p.