Mika Moon a toujours – enfin, presque toujours – respecté trois grandes règles. Cacher sa magie (dans les vidéos qu’elle poste en ligne, elle fait juste semblant d’être une sorcière). Faire profil bas (après tout, qu’est-ce que 14 000 abonnés ?). Et rester à l’écart des autres sorcières (sauf à l’occasion de leur sacro-sainte réunion trimestrielle). La jeune femme a donc pris l’habitude d’être seule et a même passé le plus clair de sa vie d’adulte à déménager en prenant garde de ne jamais s’attacher à qui que ce soit.
Un jour, pourtant, elle reçoit une intrigante offre d’emploi : devenir la professeure particulière de trois jeunes sorcières dans une mystérieuse propriété du Norfolk baptisée la Maison de Nulle Part. Et voilà qu’en un coup de baguette magique (et contre toutes les règles élémentaires de sorcellerie), elle se retrouve bientôt mêlée aux secrets de ses quatre hôtes, aussi excentriques qu’attentionnés. Parmi eux, Jamie, bibliothécaire irlandais grincheux mais contre toute attente attirant, est prêt à tout pour défendre ses trois petites protégées. Or, à ses yeux, la nouvelle venue est une menace – une menace incroyablement irritante…
Qu’il soit dûment noté que j’ai volontairement lu une romance… et que j’ai aimé ça ! Je sais, c’est incroyable, mais tout arrive !
Il faut dire que j’ai attaqué cette lecture sur la bonne mine de sa couverture, sans trop regarder le résumé (je trouve qu’ils sont souvent trop révélateurs chez cet éditeur), donc je m’attendais à de la fantasy urbaine, mais pas nécessairement à une part romantique – qui, de fait, n’intervient pas tout de suite.
On suit donc les pérégrinations de Mika, trente-et-un ans, sorcière de son état dans un univers (le nôtre) qui ignore l’existence de la magie. Et on est loin de la communauté magique à la Harry Potter : les sorcières, en effet, vivent isolées les unes des autres, en respect de la Règle. De fait, leurs parents meurent systématiquement lorsqu’elles sont en bas âge et un trop-plein de magie, lorsqu’elles se regroupent, vire forcément à la catastrophe. Donc, pour vivre heureuses, elles vivent cachées et à l’écart les unes des autres, se retrouvant simplement quatre fois par an pour un « club de lecture », qui leur permet d’échanger entre consœurs. Pas hyper chaleureux comme mode de vie, donc. On comprend donc bien les réticences de Mika à accepter l’offre d’emploi visant à éduquer trois jeunes sorcières passées sous leur radar et qui, de surcroît, vivent ensemble. Et ce d’autant qu’elle-même a été élevée par une sorcière qui, si elle lui a prodigué la sécurité matérielle, a toujours été absente et avare d’affection.
Le récit tient dès lors plus de la cosy fantasy que de la fantasy tout court : certes, il y est question de magie, mais cela occupe une part relativement restreinte de l’intrigue, tout comme l’éducation des trois fillettes, qui passent après les relations entre les personnages. Et finalement… ce n’est pas gênant ! Car le récit met vraiment l’accent sur les émotions des personnages, et sur les liens qui les unissent, un parti-pris vraiment intéressant lorsque l’on connaît le passé de Mika. Ainsi, au fil du récit, il sera beaucoup question de relations familiales, avec l’apparition de thèmes forts comme l’abandon, les violences intrafamiliales, la solitude, le déracinement, ou les avantages comparés de la famille biologique et de la famille de cœur. La romance, de son côté, prend de plus en plus de place au fil des pages : il y a un petit côté enemies-to-lovers dans cette relation (et un soupçon de slow burn), un cliché qui a tendance à me sortir par les trous de nez, mais que j’ai trouvé ici bien mis en scène et bien exploité. Attention toutefois au lectorat si vous devez conseiller ce roman à un jeune public : sachez qu’il contient une scène de sexe explicite avant de vous attirer des foudres parentales !
J’ai parlé juste au-dessus des relations entre les personnages qui, pour moi, font tout le sel du récit. Mika débarque dans une maison hébergeant une famille reconstituée qui fonctionne plutôt bien, surtout si l’on prend en compte que quatre adultes dépourvus de magie encadrent trois fillettes aux pouvoirs souvent incontrôlables. Les personnages sont très divers, sans qu’ont ait l’impression que l’autrice en fasse des caisses de ce côté-là, et c’est très appréciable !
Il y a un côté très feel-good dans l’ambiance de la maison et dans ce qui unit cette famille pas comme les autres : beaucoup de bienveillance (mais aussi des plans de meurtres alambiqués pour se débarrasser de Mika), de l’amour inconditionnel (et des échanges savoureusement caustiques) et un soupçon de maladresse entre eux. Cela ne fait que renforcer le côté cosy déjà mentionné, et cela colle tout à fait à l’intrigue mise en place. La magie est alors un plus, et fait presque plus partie du décor que du récit lui-même, ce qui va vraiment bien avec l’ambiance générale. Et je dois dire que j’ai souvent bien ri, la palme revenant sans doute à Ian (le comédien aux idées farfelues), Terracotta (la fillette aux ambitions meurtrières) et Primrose (la sorcière distinguée et piquante) : vraiment, les échanges sont délicieux, l’humour est bien saupoudré et le tout relève idéalement les relations entre les protagonistes !
Même si le récit principal est assez simple, j’ai trouvé que les péripéties arrivaient à point nommé : le rythme de l’histoire est assez posé, et celle-ci est portée par un certain nombre de descriptions, entrecoupées d’échanges caustiques. Les scènes d’action ne sont pas légion, mais l’autrice sait insuffler de la tension (notamment psychologique) aux bons moments, ce qui fait que j’ai dévoré le roman en moins de deux. L’intrigue repose sur pas mal de secrets (de famille, notamment) et sur les petits mensonges des uns et des autres qui viennent éclater pile au bon moment. Le retournement de situation final est sans doute assez prévisible, mais je dois avouer que je me suis complètement laissée porter par le récit, sans chercher à additionner les indices laissés à notre portée – et c’est aussi une des raisons pour lesquelles j’ai tellement apprécié cette lecture.
En bref, voilà une lecture dont je n’ai fait qu’une bouchée ! J’ai follement apprécié l’ambiance et l’univers dans lesquels nous entraîne l’autrice. Si l’intrigue est résolument simple, elle est portée par des personnages hauts en couleurs que j’étais assez dépitée de quitter une fois la dernière page tournée. Le récit est sans doute un peu prévisible, mais j’en retiens surtout l’atmosphère cosy, les personnages drôles et attachants, la romance qui s’installe doucement mais sûrement. Excellente surprise, donc (surtout pour une romance !), et je guetterai les prochaines parutions de l’autrice avec attention !