Sirem et l’oiseau maudit, Yasmine Djebel.

Depuis la fin de la guerre des Astres, Sirem travaille avec son père adoptif, Ziri, dans la bibliothèque de la cité d’Afra. Quand Ziri est victime d’un attentat, Sirem doit affronter les fantômes de son passé et le pouvoir autoritaire des Veilleurs, adorateurs du Soleil. Esseulée, elle pactise avec Tanit, une femme transformée en faucon par un sortilège. Mais peut-elle faire confiance à l’oiseau maudit ? Qui est-il vraiment, et quels sont ses secrets ?
La mystérieuse prophétie d’une voyante va lancer Sirem et l’oiseau dans une quête périlleuse où, à la lumière incertaine de la Lune, la magie peut revêtir des formes inattendues…

Voilà un roman jeunesse que j’avais hâte de découvrir, car il nous emmène sur des rivages pas si souvent arpentés dans le genre.

Sirem, notre héroïne, ne tarde pas, après le début, à se mettre dans la panade. L’intrigue nous plonge dès les premières pages dans un univers assez dense. Il y est question de peuples du Soleil et de la Lune, de la caste des Déconstellés et d’un univers qui ressemble à s’y méprendre à un régime totalitaire. Entre les particularités géographiques (chaque ville a ses spécificités, y compris celles qui ont disparu), les dispositions du régime et les enjeux des personnages, le début du récit se révèle assez trapu.

Après cette introduction, on retrouve un semblant de schéma classique : Sirem se retrouve armée d’une énigme-prophétie, d’un improbable allié (Tanit le faucon) et, au fil des péripéties, de plusieurs adjuvants. L’intrigue suit le déroulement d’un récit de fantasy initiatique assez linéaire, ponctué de multiples épreuves au cours desquelles les personnages vont devoir prouver leurs valeurs, leur courage ou leur intelligence. Déjà vu ? Un peu, mais tout ceci a aussi des allures de conte, ce qui rend le récit particulièrement prenant. Le conte s’invite d’ailleurs carrément dans un interlude, ce qui vient appuyer sur cette ambiance particulière.
Les épreuves font arpenter aux personnages les quatre coins du pays, ce qui va, peu à peu, contribuer à construire l’univers et affiner la présentation très dense du début. D’autant qu’au fil des péripéties, on se plonge aussi dans la mythologie orientale qui irrigue tout le récit. Celui-ci fait donc intervenir moult djinns et autres créatures des contes d’Orient, ce que j’ai hautement apprécié. Autre point que j’ai apprécié, c’est la nature des épreuves, qui sont truffées d’énigmes : ça change des grosses scènes de baston (même s’il y en a quelques-unes !), cela contribue à l’ambiance mystérieuse, et cela fait réfléchir, donc c’est tout bénéf’ !

Au milieu de toute cette action trépidante, le récit aborde aussi divers thèmes. Évidemment, l’amitié et la loyauté sont au centre du récit. Mais le récit évoque aussi le deuil (Sirem ayant perdu ses parents dans des circonstances tragiques), le déracinement et la difficulté pour un réfugié de survivre dans une société qui le rejette. Assez curieusement donc, sous ses allures de conte merveilleux, le roman évoque avec justesse des thèmes d’actualité assez sombres.
Il fallait donc bien l’ambiance merveilleuse pour contrebalancer !

Excellente découverte donc, que ce roman (unique !), qui nous entraîne en Orient, sur les traces d’une héroïne courageuse et attachante. L’autrice déroule son récit d’une plume fluide, qui rend le récit d’autant plus prenant. Je suivrai avec attention la suite de ses parutions !

Sirem et l’oiseau maudit, Yasmine Djebel. Rageot, 11 janvier 2023, 400 p.

Lettre D !




Fleurs d’Oko #1, Laëtitia Danae.

À Sangaré, la magie, réservée aux hommes, se déploie en de multiples couleurs. Mais petite Oko est spéciale. Elle parle le Langage des fleurs.
Lorsque le murmure des griottes annonce la venue du puissant Soumaoro, envoûteur du royaume en quête d’un aspirant prêt à lui succéder, Oko prend sa décision. Elle quitte tout pour assouvir son besoin d’aventure et de reconnaissance.
Alors qu’aux portes de la capitale, la Brousse menace d’étendre son fléau, dans les dédales du palais d’Ivoire, Oko découvre un tout autre monde. Celui de la magie, telle qu’elle ne l’a jamais expérimentée, mais aussi les intrigues de la cour, les ruses et les coups bas. À qui peut-elle se fier ? Qui redouter ? Tant de questions, si peu de réponses. La concurrence est rude et les embûches parsèment le chemin de la jeune aspirante.
Et à travers ses épreuves, petite Oko deviendra grande.

Fleurs d’Oko faisant partie des cinq titres sélectionnés pour le PLIB, il a atterri sur ma PAL de l’été. Et en quelques mots comme en cent, c’était une lecture sympathique, mais clairement pas assez pour terminer en haut de ma liste de votes !

Après un démarrage en fanfare, le rythme du récit retombe rapidement, et se focalise presque entièrement sur Oko, seule (ou presque) dans le palais et attendant de rencontrer ses camarades de classe. C’est intéressant du point de vue de la construction de la protagoniste, mais j’ai trouvé que cela créait un ventre mou dans la narration – et durant lequel j’ai vraiment dû m’accrocher. Finalement, c’est sans doute un des deux points qui m’aura causé le plus de difficultés dans ce roman : le rythme ! Ce n’est pas tellement la lenteur (car j’aime les intrigues qui prennent leur temps), mais l’impression que ce rythme posé ne servait ni à la construction des personnages, ni à l’approfondissement de l’intrigue ou de l’univers.

Et c’est dommage, car l’univers dans lequel se déroule le récit est assez envoûtant. La société est globalement matriarcale (en tout cas les femmes dirigent), mais la magie est réservée aux hommes. Aussi la présence d’Oko (et d’Akissi, la seconde étudiante), est-elle assez mal perçue au début de l’intrigue. Et j’ai trouvé ça vraiment intéressant : l’aspect féministe de l’intrigue ne tient pas seulement à une inversion du paradigme habituel (en passant de société patriarcale à matriarcale), mais aussi au fait que l’autrice décrit des personnages féminins qui se prennent en main et font tout leur possible pour faire bouger les lignes (même si elles ne sont que deux et sont à couteaux tirés). A ce stade de la chronique, je me dois aussi d’avouer qu’après m’avoir royalement tapé sur le système, Oko m’a semblé manquer d’un peu de profondeur, tout comme ses camarades de classe, que j’ai trouvés un peu cliché (et c’est le second point qui m’aura vraiment gênée).
Côté construction de l’intrigue, mythes et légendes africaines imprègnent le récit, soit parce que Soumaoro, l’envoûteur, les raconte à ses étudiants, soit parce ce que des extraits ouvrent les chapitres ou émaillent le récit, ce qui crée une atmosphère prenante.

J’ai trouvé le système de magie à la fois intéressant et trop peu détaillé : il y a quatre types de magies différentes, chacun relevant d’une affinité particulière (avec les plantes, l’esprit, etc.) et étant désigné par une couleur. C’est une base vraiment intéressante, et j’étais frustrée de ne pas savoir comment les personnages sont à l’aise avec l’une plutôt que l’autre, comment on acquiert les autres types, etc. De même, la succession d’épreuves assure le rythme de la narration, mais cet aspect linéaire a aussi manqué, à mon goût, de quelques détails.

En définitive, j’ai apprécié l’univers dans lequel se déroule l’intrigue, tout comme celle-ci, notamment sur les enjeux qui seront sans doute détaillés dans le deuxième tome (la lutte contre la Brousse notamment), et ce malgré la lenteur générale de l’ensemble. En revanche, j’ai trouvé que les personnages manquaient un peu de profondeur, ce qui m’a empêchée de me passionner pleinement pour le récit. Malgré un roman fluide et assez sympa dans l’ensemble, je ne suis pas certaine de lire le tome 2 !

Fleurs d’Oko #1, Laëtitia Danae. Snag, mars 2021, 422 p. #PLIB2022 #ISBN9782490151264

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