La sorcière du solstice, Le Garçon-sorcière #3, Molly Knox Ostertag.

Aster participe au festival du solstice d’hiver, un événement où la famille Vanissen se réunit pour des compétitions de sorcellerie et de métamorphose. Cette année, le jeune garçon est impatient de prendre part au tournoi annuel en tant que sorcière —et non comme métamorphe, contrairement aux autres garçons —, mais il hésite à bousculer les traditions. De son côté, Ariel semble préoccupée par d’autres événements étranges : une mystérieuse sorcière qui prétend être sa tante affirme connaître la vérité sur son passé…
Pour Aster et Ariel, rien ne se déroule comme prévu lors du festival. Conflits et traîtrises se mêlent à la partie! Mais quand une force puissante et sinistre s’infiltre dans la réunion, ils devront à tout prix résister à la magie noire et trouver le courage de combattre ensemble.

Voilà une série que j’apprécie énormément et j’avais à la fois envie de la finir et celle de laisser traîner la découverte de ce tome 3. C’est enfin chose faite !
Ce tome nous emmène à la découverte d’une tradition de la famille Vanissen : la fête du solstice et le Jolrun, une épreuve opposant jeunes sorcières et jeunes métamorphes dans une ambiance qui rappelle les olympiades familiales – mais à base de magie.

Comme dans le tome précédent, l’apprentissage d’Aster et le sombre passé d’Ariel s’entremêlent intimement dans l’intrigue. Alors que le premier peine à faire accepter son existence à la famille étendue, la seconde fait une découverte familiale pour le moins inattendue. Une découverte qui va la faire hésiter entre la pratique de la magie telle qu’on l’enseigne chez les Vanissen, dans la tolérance, la bienveillance et le respect de l’autre, et celle prônée par sa tante, nettement plus puissante… mais aussi plus discutable.
Alors que chacun des deux personnages se débat avec son dilemme moral, tout cela vient se mêler à leurs aspirations profondes.
Ariel, au fond, n’aspire qu’à être aimée pour ce qu’elle est, ce que propose justement la famille d’Aster, mais peut-être pas aux conditions qu’Ariel est prête à accepter. De son côté, Aster aimerait se sentir soutenu par sa famille, notamment sa mère… laquelle est prise entre deux feux : soutenir et conforter son fils, soutenir et conforter Ariel, sachant que les deux programmes sont incompatibles et que si le premier a des enjeux émotionnels et de construction de soi très élevés, le second y adjoint un enjeu qui va impacter toute la communauté magique.

Eh oui, car ce tome 3, même s’il est pétri d’une ambiance de bienveillance qui fait chaud au cœur, marie aussi les enjeux plus trépidants, liés à la magie et à sa pratique, en plus du tournoi proprement dit.
De fait, l’action et le suspense sont bien présents dans ce dernier opus. D’une part parce que les jeunes compétiteurs se demandent s’ils vont réussir à maîtriser leurs pouvoirs et à parvenir à la fin de l’épreuve, bien sûr. Mais d’autre part parce qu’Ariel, dans son coin, se débat avec des forces qui la dépassent, dont elle n’ose parler, et dont le lecteur perçoit rapidement la dangerosité. Il en résulte un récit mené avec du rythme et ce qu’il faut de suspense pour garder les lecteurs en haleine du début à la fin, ce qui n’a rendu ce tome 3 que meilleur !

Comme dans les deux tomes précédents, l’autrice pare l’intrigue de chouettes messages. Il y a cette romance qui se noue sereinement entre deux filles (elle n’est pas au centre du récit, mais c’est beau et bien fait, sans aspect artificiel de « je coche une case »). Il y a aussi cette scène très émouvante entre Aster et la petite sœur de son principal opposant, lorsque la fillette lui avoue que, plus tard, elle sera métamorphe. ça n’a l’air de rien, mais cela rejoint le discours tenu quelques bulles plus tôt sur l’importance d’avoir des modèles auxquels s’identifier ! Ce que j’aime par-dessus tout dans les comics de Molly Knox Ostertag, c’est que tout ce contenu militant (que d’aucuns n’hésiteraient pas à qualifier du gros mot du moment, du « wokisme »!) sont en fait pleins de douceur et de bienveillance, et montrent au passage que cette voie est aussi possible en littérature, a fortiori jeunesse (où l’on affectionne ces thèmes, mais généralement pour faire souffrir de mille maux les protagonistes, sans forcément d’issue heureuse !).

En bref, Molly Knox Ostertag clôt sa série dans la même ambiance tendre et douce qu’elle l’a commencée. Mais tendresse et douceur ne veulent pas dire que l’on est au pays des bisounours ! L’intrigue sait aussi ménager ses tensions, un suspense palpitant et des enjeux qui dépassent clairement le cadre du confort ou de la vie intime des protagonistes. En plus de cela, on profite de graphismes vraiment agréables à l’œil, ce qui ne gâche clairement rien. Je suivrai avec grand plaisir les prochaines parutions de l’autrice-illustratrice !

◊ Dans la même série : Le Garçon sorcière (1) ; La sorcière secrète (2) ;

Le Garçon-sorcière #3, La sorcière du solstice, Molly Knox Ostertag.
Traduit de l’anglais par Romain Galand. Kinaye, janvier 2021, 208 pages.

La Sorcière secrète, Le Garçon sorcière #2, Molly Knox Ostertag.

Les parents d’Aster ont finalement accepté que leur fils devienne une sorcière et non un métamorphe, contrairement aux autres garçons de leur famille. Aster suit des cours avec sa grand-mère qui lui demande en retour de veiller sur son grand-oncle dont les pouvoirs ont presque détruit la famille.
Pendant ce temps, Charlie, l’amie d’Aster est aux prises avec de sérieux ennuis… Quelqu’un tente de lui jeter un sort! Avec l’aide d’Aster, elle réussit à échapper à la malédiction, mais tous deux doivent maintenant trouver le responsable avant que d’autres soient victimes du malfaiteur.

Après l’excellente découverte du premier tome, j’étais curieuse de lire la suite de cette trilogie de comics. Et le deuxième tome a clairement été à la hauteur !

L’été est terminé, et Charlie a retrouvé les bancs du lycée. Aster… aussi, puisqu’il est enfin admis aux cours de sorcellerie normalement dispensés aux jeunes filles de sa famille, pour son plus grand plaisir (mais pas pour celui de toutes les femmes de sa famille). Ce tome poursuit donc tranquillement l’arc narratif autour de la construction de soi et de l’importance de trouver sa place amorcé dans le précédent volume. Car l’exemple d’Aster a fait des émules ! Sedge, son cousin, est terrorisé à l’idée de perdre de nouveau le contrôle de sa métamorphose et ne souhaite qu’une chose : avoir une scolarité normale, dans un établissement général (ce qui ne risque pas d’être du goût de l’ensemble de la famille !).

Mais ce n’est pas tout ! L’autrice renouvelle vraiment son univers en introduisant un nouveau personnage, Ariel, une nouvelle élève venant d’arriver et qui a déjà subi du harcèlement scolaire. Parallèlement, il s’avère que Charlie est poursuivie par une sombre malédiction contre laquelle Aster va l’aider à lutter, dans la mesure de ses moyens.
De fait, l’intrigue est riche en rebondissements et on ne s’ennuie pas un seul instant, tant Molly Knox Ostertag sait conjuguer péripéties et sujets personnels, sans oublier quelques touches d’humour, ce qui ne gâche rien.

« Alors… c’est comment ? Aller à l’école, vivre en ville et tout ça ?
– C’est normal. Bon, j’imagine que pour toi, ça n’a rien de « normal ». Je monte dans un gros bus jaune avec un tas d’autres enfants pour me rendre dans un bâtiment en briques où on mange de la nourriture dégueu et où on apprend les maths.
– ça paraît pas trop mal…
– Tu sous-estimes à quel point la nourriture est mauvaise. »

A nouveau, au fil des pages, des sujets profonds sont traités en douceur, sans que l’on sente la volonté de l’autrice de faire passer ses messages. Ainsi, par le biais d’Ariel, elle montre subtilement les ravages du harcèlement et de la haine sur soi comme sur les autres, comme l’importance du soutien (de la famille, comme des amis). De même, il est question des relations familiales, de la difficulté de changer, comme d’accepter l’autre et d’ouverture d’esprit – tout comme dans le premier opus. Même si l’ensemble se déroule dans un univers résolument fantasy, le traitement de ces sujets est bien fait, et particulièrement réaliste. Ce qui n’a fait que me rendre cette lecture plus passionnante encore !

« C’est la spirale de la haine… au début, ça fait du bien et ça paraît juste. Tu as été blessé et donc tu blesses les autres. Le mal s’infiltre en toi et tu ne peux pas l’arrêter, et un jour, tu réalises qu’il n’y a pas de différence entre lui et toi. »

Comme dans le premier tome, les graphismes simples et clairs, les couleurs chaudes, sont un régal. A nouveau, il y a une vraie diversité dans les personnages représentés : cela ne sert pas l’intrigue nécessairement, c’est simplement présent en toile de fond. Cela change agréablement de la production actuelle !

J’ai adoré le premier tome, je persiste et signe avec celui-ci. L’intrigue est idéalement renouvelée, les personnages creusés, tout comme l’univers. Des messages forts et bien traités émaillent le texte, ce qui rend l’ensemble très prenant. Et encore une fois, le récit complet et appréciable… tout en donnant très envie de lire le troisième et dernier tome !

◊ Dans la même série : Le Garçon sorcière (1) ;

Le Garçon sorcière #2, La sorcière secrète, Molly Knox Ostertag.
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Romain Galand. Kinaye (Graphic Kids), 3 juillet 2020, 207 p.

La Fille de la mer, Molly Knox Ostertag.

Morgan, 15 ans, cache un secret : elle a hâte de quitter la parfaite petite île où elle vit. Elle est impatiente de terminer le lycée et de quitter sa mère, triste et divorcée, son petit frère lunatique, et plus que tout : son super groupe d’amies… qui ne la comprennent pas du tout. Parce qu’en fait, le plus grand secret de Morgan, c’est qu’elle en possède beaucoup, et l’un d’entre eux serait de donner un baiser à une autre fille. Une nuit, Morgan est sauvé de la noyade par Keltie, une mystérieuse fille. Elles deviennent amies et soudainement, la vie sur l’île ne semble plus aussi étouffante. Mais Keltie possède aussi ses secrets. Les filles commencent à s’attacher l’une à l’autre, et ce que chacune essaie de cacher va finir par se dévoiler… que Morgan y soit préparée ou non.

J’ai découvert Molly Knox Ostertag l’an dernier avec le premier tome de sa série Le Garçon sorcière et, depuis, j’ai bien l’intention de suivre ses publications !

Dans La Fille de la mer, changement radical d’univers, puisque l’histoire se déroule sur une petite île (au large du Canada), dans notre univers parfaitement rationnel. Morgan, 15 ans, s’y débat avec ses problèmes d’ado : son père est parti, son petit frère est insupportable, et son groupe d’amies, pourtant très soudé, ne lui ressemble plus du tout, car elle n’arrive pas à parler de ce qui la tourmente réellement. De fait, Morgan en a gros sur la patate, et ce n’est pas facile à verbaliser : alors qu’elle avait un coup de blues, elle a glissé des falaises sur lesquelles elle se promenait et a été sauvée in extremis de la noyade par une selkie, une jeune fille vivant sous une peau de phoque, qu’elle ne peut quitter que tous les sept ans… à condition de rencontrer l’amour. Même si Morgan a du mal à se l’avouer, le coup de foudre est réciproque, ce qui ne va rien arranger aux tourments qu’éprouvait déjà l’adolescente.

Commence alors un merveilleusement mené, qui évoque tout autant l’amitié, la confiance, l’estime de soi, un premier amour, le coming-out, ou les relations familiales. Mais sous couvert de conte et de légende, le récit déploie également tout un enjeu écologique, la colonie de phoques de Keltie étant menacée par le projet touristique de paquebot mené par le magnat local. Tous ces fils d’intrigue sont talentueusement entretissés, l’autrice prenant le temps de développer les différents enjeux, leurs révélations et résolutions. Mieux : on passe fluidement de l’un à l’autre, sans avoir l’impression que le pas est pris par l’un ou l’autre des sujets, ce qui fait que le récit est très complet !
Évidemment, tout ne se fait pas en un tour de main, et j’ai trouvé que le ton de l’autrice était particulièrement juste pour évoquer les doutes que ressent Morgan – par rapport à ce qu’elle ressent pour Keltie, mais également dans sa relation à sa famille ou à ses amies. Molly Knox Ostertag dresse là un portrait d’ado particulièrement réussi !
L’intrigue qui tourne autour de l’écologie, quant à elle, arrive plutôt dans la seconde moitié, et redonne du rythme au récit, avec une dose d’aventure assez palpitante. L’action est plus présente, menée à bon train, ce qui rend le comics difficile à lâcher. Le folklore et les légendes autour des selkies sont vraiment bien utilisés dans le récit et nourrissent parfaitement l’intrigue.

Enfin, j’ai eu le même coup de cœur pour les graphismes que dans Le Garçon sorcière. On retrouve le trait rond, les couleurs majoritairement chaudes et claires, le côté épuré des arrières-plans qui m’avaient tellement charmée. Entre le style graphique et les thèmes, La Fille de la mer coche toutes les cases d’une excellente lecture au rayon ado !

Deuxième coup de cœur avec l’autrice donc ! La Fille de la mer m’a charmée de la première à la dernière page, grâce à un récit qui parvient à être à la fois moderne, juste et d’une incroyable bienveillance. L’intrigue mêle des enjeux assez différents (puisque l’on parle aussi bien d’écologie que d’acceptation de soi, de coming-out ou de relations familiales) mais qui se mêlent à merveille, dans une narration à la fois douce et palpitante. Voilà un comics que je vais très certainement relire à de nombreuses reprises !

La Fille de la mer, Molly Knox Ostertag. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Romain Galand.
Kinaye, 21 janvier 2022, 249 p.


Le Garçon sorcière #1, Molly Knox Ostertag.

Dans la culture du jeune Aster, treize ans, toutes les filles sont élevées pour devenir des sorcières et les garçons, des métamorphes. Toute personne qui ose contrevenir à cette tradition est exclue. Malheureusement pour Aster, il demeure incapable de se métamorphoser… et il est toujours aussi fasciné par la sorcellerie, bien qu’elle lui soit formellement interdite.Lorsqu’un danger mystérieux menace les autres garçons, Aster sait qu’il peut aider… avec la sorcellerie. Avec les encouragements d’une nouvelle amie excentrique, Charlie, Aster se laisse enfin convaincre d’exercer ses talents de sorcière. Mais il aura besoin d’encore plus de courage pour sauver sa famille… et en réalité, se sauver lui-même.

Cela faisait un moment (plus d’un an !) que j’avais noté ce comics dans un coin d’une liste-à-lire-un-jour. C’est enfin fait et quel régal ! Je suis tombée sous le charme du trait et de l’histoire créée par Molly Knox Ostertag – et vu l’excellente découverte, j’ai bien l’intention de poursuivre avec le reste de son œuvre.

Le garçon sorcière nous plonge dans un univers de fantasy, qui pourrait se situer de nos jours. Aster vit dans une grande famille dotée de pouvoirs magiques. Toutes ses tantes, sœurs, cousines sont des sorcières. Et lui, comme tous les mâles de la famille, est voué à devenir un métamorphe, destiné à protéger les sorcières et à se battre contre les démons. Au cas où cela vous titillerait : oui, c’est hyper genré et cliché. Mais justement ! Aster préfère pratiquer (discrètement) la sorcellerie et la métamorphose ne lui est vraiment pas innée. Cela le rend carrément malade rien que d’y penser. La mission qu’il se fixe contre le démon qui kidnappe ses camarades va lui permettre d’utiliser ses pouvoirs de sorcière pour faire quelque chose d’utile.

Là encore, l’histoire pourrait sembler cliché (les pouvoirs inattendus, la quête, la figure de l’élu, etc.), mais pas du tout. Molly Knox Ostertag utilise plutôt ce point de départ pour livrer une ode à la différence, à la quête et à l’acceptation de soi. Dans cette épreuve, Aster est aidé par une amie (totalement humaine), Charlie, qui elle aussi se sent obligée de faire ses preuves dans la société dans laquelle elle vit. Les deux amis s’entraident et nouent une belle relation d’amitié, malgré tout ce qui pouvait sembler les séparer. Charlie encourage vivement Aster à vivre pleinement qui il est, peu importe ce qu’on lui a inculqué !
Le récit incite donc à se questionner sur la société genrée dans laquelle on vit. Mais c’est fait subtilement et sans gros sabots, ce qui rend le comics d’autant plus délicieux !

De même, l’histoire prend place au sein d’une famille assez nombreuse (dont l’arbre généalogique est donné dès le départ), qui aligne pléthore de cousins. Et mine de rien, cette famille est diversifiée que ce soit en termes de couples, modes de vie ou couleurs de peau. Cela ne sert pas l’intrigue, ni un propos sous-jacent, c’est juste comme cela dans le paysage, de façon très naturelle. Et cela change agréablement de ce que l’on peut voir en BD jeunesse !

Côté graphismes, j’ai fondu dès les premières pages pour les dessins à la fois simples et clairs, aux couleurs chaudes et agréables. C’est beau ! Les scènes représentant la magie sont particulièrement réussies.

Excellente découverte donc, que ce premier tome du Garçon sorcière. J’ai adoré l’intrigue, les graphismes, comme les messages portés par le texte. Même si ce volume propose un récit complet, j’ai hâte de lire les deux tomes suivants tant j’ai apprécié ma découverte !

Le Garçon sorcière #1, Molly Knox Ostertag. Trad. de l’anglais (États-Unis) par Romain Garland.
Kinaye, 24 janvier 2020, 224 p.