Les Sorcières des Landes, Adrien Tomas.

1609.
L’Inquisition fait rage en Europe et traque des milliers de femmes et d’hommes, accusés de sorcellerie.
Élevées dans les Landes françaises, Margaux et Ermeline, 16 et 17 ans, sont initiées aux pratiques de guérisseuse par leur mère, Catherine. Alors que la cadette s’épanouit dans cette existence simple, entre chasse et apothicairerie, Ermeline rêve de s’installer en ville, loin des forêts du sud-ouest de la France.
Cette vie paisible prend fin lorsque Catherine et ses filles sont dénoncées pour sorcellerie et traquées par Pierre de Lancre, maître Inquisiteur envoyé en mission dans la région de Bayonne. Seule et en fuite, Margaux est recueillie par un homme mystérieux, Nicodémus, qui va lui apprendre la vérité sur ses origines et ses aptitudes. Alors que la colère du peuple français gronde contre l’Inquisition, un autre affrontement prend place en coulisses, opposant Assassins et Templiers autour d’un artefact puissant.
Chacune de leur côté, les deux sœurs devront faire le deuil de leur jeunesse heureuse, mais également décider quelle destinée rejoindre. Assassin ou Templier ? La voie du sang, ou la voie du cœur ?

Voilà un livre que j’étais très, mais alors très contente de trouver sur le sommet de ma pile à lire de travail. Déjà parce que j’aime les romans d’Adrien Tomas ! Ensuite parce que les novellisations de jeux vidéo m’intéressent vivement (même quand je n’ai pas joué au-dit jeu vidéo, ce qui est le cas avec ce livre). Mais surtout parce que la chasse aux sorcières en Pays basque au XVIIe, eh bien ça a été mon sujet d’étude lorsque j’étais à la fac. Trois très bonnes raisons de vouloir lire ce livre, donc.  

Et, de fait, je n’ai vraiment pas été déçue du trajet. Ou par un petit point, que l’on va évacuer direct : le titre. L’histoire se passant essentiellement dans le triangle Bayonne, Saint-Pée sur Nivelle et Saint-Jean de Luz, dans la province basque du Labourd, j’ai eu du mal à comprendre pourquoi le titre était sorcières des Landes ? Bon entre vous et moi, c’est juste le chauvinisme qui parle, là. Raisonnablement, je pense que c’est parce que la chaumière de Catherine et de ses filles, quelque part autour de Bayonne, se situait plutôt au nord, donc dans les Landes (mais comme il n’y a pas de nom, on ne sait pas !). 

Maintenant qu’on a bien râlé (pour pas grand-chose, soit dit en passant), passons à la suite!  
Les liens au jeu vidéo sont vraiment bien exploités. Pour les noob en la matière dans mon genre, pas de panique : les éléments nécessaires sont rappelés et explicités au bon moment. L’avantage d’avoir des personnages qui découvrent ce dans quoi ils ont mis les pieds au fur et à mesure, c’est que l’on peut avoir des explications détaillées sans que cela semble téléphoné. Je me suis juste laissée porter par le récit, et j’ai adoré la façon dont l’auteur mêle la mythologie du jeu vidéo, la réalité historique, et les enjeux particuliers portés par ses personnages.

La narration saute d’ailleurs de l’un à l’autre, ce qui nous offre des points de vue vraiment intéressants. Évidemment, on suit les deux sœurs, Ermeline et Margaux mais, plus intéressant encore, on a de nombreux chapitres côté Pierre de Rosteguy de Lancre, l’opposant principal – et personnage historique. J’ai trouvé les deux frangines intéressantes. C’est vrai que le motif des sœurs opposées, chacune se réclamant d’un clan, est déjà vu mais d’une part, c’est la ligne éditoriale de la collection et, d’autre part, ici cela fonctionne vraiment très bien et c’est motivé tant par leurs personnalités respectives, que par leur histoire. L’aînée très assidue au travail, poussée par la mère à l’excellence, ne rêve que d’aller à la grande ville et voir du monde, tandis que la cadette, laissée libre de vaquer à ses occupations, adore la vie à la campagne. Il y a un vrai terreau pour de futures dissensions (qui s’expliquent aussi par des éléments que je ne souhaite pas divulgâcher ici). Quoi qu’il en soit, leurs doutes, leurs cheminements, sont avancés avec ce qu’il faut de nuances, ce qui rend le récit d’autant plus prenant.
L’antagonisme entre Templiers et Assassins est parfaitement mis en scène. Et le fait d’avoir des chapitres des deux côtés est riche de nuances : certains personnages côté Templiers sont persuadés d’œuvrer pour le bien… tandis que certains Assassins ont la main plutôt leste lorsqu’il s’agit de se débarrasser d’alliés. Même si cela peut sembler manichéen au vu de la structure de l’intrigue, on est dans un récit nettement plus nuancé !
Les personnages historiques sont plutôt du côté des Templiers (aka les opposants ici), avec Pierre de Lancre (le juge civil chargé du tribunal inquisitorial), Jehan Sorhaindo, un milicien bayonnais affecté à la protection du juge, et la Morguy, une sorcière repentie qui a livré les noms de nombreuses femmes condamnées par la suite (coupables ou non, de fait). Les liens de chacun aux Templiers, ou aux confréries locales s’insèrent parfaitement dans leurs biographies respectives, si bien que les annexes en fin d’ouvrage pour rappeler qui est qui, ou qui a fait quoi, sont bien utiles pour démêler l’écheveau.

Tout cela nous amène à la partie plus purement historique du roman sur laquelle, on ne va pas se mentir, j’avais énormément d’attentes ! Et j’ai adoré. L’ensemble est parfaitement documenté, mais surtout, on ne sent pas la leçon d’histoire. J’ai profité à fond d’un bon roman de fantasy, truffé d’aventures, dans une période qui me passionne et c’était tout simplement excellent. Évidemment, ce n’est pas le fond du propos ici, mais l’auteur mentionne aussi les motifs politiques de cette chasse aux sorcières assez meurtrière et évoque même à demi-mots le scepticisme de l’Inquisition espagnole face aux dénonciations de sorcellerie (contrairement à ce qu’on pourrait croire, l’Inquisition espagnole a assez peu brûlé de sorcières, estimant que les récoltes et autres troupeaux gâtés avaient des origines scientifiques ou climatologiques, plutôt que surnaturelles. Ils ont préféré pourchasser les « mauvais chrétiens » et ils s’en sont donné à cœur joie sur ce chapitre). A cela s’ajoute, comme je le disais plus haut, la mythologie de la franchise Assassin’s Creed, et l’opposition atavique entre Assassins et Templiers… le tout avec un naturel confondant. C’en est même hyper vraisemblable, et c’est aussi pourquoi je me suis passionnée pour cette lecture (alors que j’étais certes curieuse au départ, mais aussi pleine de doutes).

Très très bonne lecture donc que ces Sorcières des Landes, qui sait allier codes de la série Assassin’s Creed, faits historiques et une bonne intrigue de fantasy parfaitement menée. La plume d’Adrien Tomas, hyper fluide, rend la lecture très prenante. Je me suis passionnée pour l’histoire de ces deux soeurs, et j’ai adoré la conclusion, à la fois très ouverte et pas totalement heureuse, mais qui apporte un parfait point final !

Bon à savoir : les tomes de cette série sont parfaitement indépendants les uns des autres !

Assassin’s Creed, Fragment #3 : Les Sorcières des Landes, Adrien Tomas. 404, 20 janvier 2022, 311 p.

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