Le petit cœur brisé, Moka.

Melaine est une jeune fille dont la vie n’est pas remplie de bonheur… elle a déjà perdu ses parents et son grand-père. Il ne lui restait que sa grand-mère, jusqu’au jour où cette dernière meurt. Elle est recueillie par des cousines éloignés avec qui elle vit plein d’aventures et découvre l’existence d’une petite fille sur une photo avec le même médaillon que celui dont elle a hérité… Est-ce un hasard ou le destin ? Qui est cette jeune fille sur la photo ?

Avril ayant été synonyme d’une petite panne de lecture, j’ai dégainé mon arme ultime dans ce genre de cas : la relecture d’un livre aimé. Et donc j’ai ressorti ce roman de Moka, une autrice qui a marqué mon adolescence ! Je me souvenais avoir bien aimé ce roman, mais j’en avais au final très peu de souvenirs précis (hormis le fait qu’il y avait un personnage narcoleptique, mais c’est probablement parce que c’est là que j’ai appris ce mot !).

Le roman est assez court et centré sur un secret de famille. Mélaine, la jeune protagoniste, est recueillie par deux petites cousines au décès de sa grand-mère. Celle-ci l’a désignée comme légataire universelle de tous ses biens, ce qui entraîne une forte dispute entre les membres de la famille qui avaient vu sur son patrimoine : on parle quand même d’une maison, d’un potentiel manoir, de tout le mobilier qui va avec et de bijoux fabuleux. Outre cette bisbille, Mélaine met rapidement le doigt sur une affaire louche et qui va l’obséder : lorsque sa grand-mère était enfant, sa petite sœur chérie, Mélanie, a disparu.

J’aime beaucoup ce court récit car il mélange l’enquête de Mélaine, la recherche dans le passé de sa famille, et sa vie loufoque chez les deux petites vieilles, Heidi et Gretchen. Celles-ci la sortent de l’école (sans trop en parler au juge des tutelles), lui apprennent la photo et un tas d’autres trucs très utiles (mais hors programmes scolaires). Après la vie difficile et triste que Mélaine a vécue chez sa grand-mère (un personnage assez dur), subitement elle trouve de la joie de vivre, de la bienveillance et un environnement chaleureux. Il y a un côté très enthousiaste dans ce récit, avec des petites touches d’humour, notamment parce que Gretchen a tendance à tomber en catalepsie aux pires moments, ce qui est souvent assez drôle (même si parfois la situation devient très tendue). De fait, j’ai trouvé l’ensemble (à nouveau) très plaisant.

Mais ce n’est pas pour autant un récit de bisounours, loin de là. Au fil de ses recherches et des questions qu’elle pose à ses tutrices, Mélaine découvre la vérité sur le passé de sa grand-mère, une petite fille intelligente et maltraitée par son père (on parle de sévices corporels et de maltraitance psychologique graves). Le récit oscille donc sans arrêt entre une part lumineuse et une autre part nettement plus sombre. Si les sévices subis par la grand-mère dans son enfance sont décrits sans pathos, ils ne sont pas non plus édulcorés.

L’intrigue présente aussi une ambiance fantastique légère. En effet, une rumeur court autour de la disparition de Mélanie : son fantôme hanterait la maison familiale, et l’autrice joue parfaitement sur cette ambiance jusqu’à la fin. J’ai trouvé le mélange entre l’aspect fantastique, les découvertes terribles de Mélaine, et sa vie haute en couleur chez Heidi et Gretchen aussi équilibré que réussi.

Au final, le roman est assez court, mais les péripéties s’enchaînent à bon rythme, tout en ménageant des instants plus calmes. C’était vraiment une lecture extrêmement plaisante !

J’ai lu beaucoup de romans de Moka dans mon adolescence et j’avais celui-ci en tête comme étant un de mes favoris. Et la relecture a confirmé cette impression ! Le récit, quoique bref, est très prenant, parfaitement équilibré entre fantastique et recherche dans les secrets de famille. Le ton oscille sans cesse entre humour joyeux et considérations plus graves, à nouveau dans un mélange très réussi. Bref : coup de cœur confirmé !

Le petit cœur brisé, Moka. L’École des Loisirs, (2001) réédition 2016.

Du roi je serai l’assassin, Jean-Laurent Del Socorro.

Andalousie, XVIe siècle. Sinan est un Morisque, un musulman converti au catholicisme. Il grandit avec ses deux sœurs, Rufaida sa jumelle, et Sahar la petite dernière, à Grenade, dans une Espagne réunifiée et catholique sous le règne de Charles Quint. Pour échapper à l’Inquisition qui sévit à Grenade, Sinan et Rufaida, les deux aînés de la fratrie, sont envoyés par leur famille à Montpellier, où ils suivront des études de médecine. Mais les deux enfants tombent dans une France embrasée par les guerres de religion.

J’avais beaucoup aimé Royaume de vent et de colères donc je n’ai pas tardé à acheter Du roi je serai l’assassin à sa sortie (même s’il a carrément traîné dans la PAL). Chronologiquement, ce récit se déroule avant celui de Royaume de vent et de colères, et ils sont indépendants, mais si vous souhaitez lire les deux, je recommanderai quand même de les lire dans l’ordre de parution pour bien tout saisir !

Je ne me rappelais pas, dans le précédent opus, que la narration était faite à la première personne et au présent de l’indicatif, ce qui généralement a tendance à me rebuter. Il m’a donc fallu quelques chapitres pour m’y remettre – l’auteur ayant une plume ciselée et fluide, cela s’est heureusement fait sans mal !
Le roman se découpe en trois grandes parties : la première est consacrée à l’enfance de Sinan et Rufaida, à Grenade ; la deuxième à leurs études montpelliéraines ; la troisième nous emmène, bien plus tard, à Marseille – et je n’en parlerai pas trop pour ne rien divulgâcher.

Alors évidemment, avec un roman qui débute en Andalousie au XVIe siècle, terre de persécutions, et qui se poursuit pendant les guerres de Religion en France, je m’attendais à une ambiance un peu sombre. Je ne m’attendais en revanche pas à ce que cette ambiance sombre et poisseuse s’invite dès les premiers chapitres et investisse l’enfance des personnages ! Ceux-ci vivent sous la coupe d’un père violent et autoritaire, que sa femme complètement effacée laisse faire. Les coups et les brimades pleuvent, personne ne s’en offusque, et il se dégage du récit une ambiance particulièrement morose.
Cela semble s’arranger à l’adolescence de Sinan et Rufaida, qui rejoignent Montpellier pour embrasser des études médicales. Sauf que… non seulement les jumeaux tombent en pleines guerres de Religion, mais Rufaida découvre en outre que jamais elle n’aura accès aux mêmes droits estudiantins que son frère, en raison de son sexe. De fait, la violence imprègne tout le récit et, côté bonne ambiance, on reste dans la même veine.
De la troisième partie, je dirai seulement qu’elle marque une rupture franche et audacieuse dans la narration et qu’elle fait appel aux événements narrés dans Royaume de vent et de colères (d’où ma recommandation d’ordre de lecture). Toutefois, si ce n’est pas lu, vous ne manquerez rien du récit présent, et cela vous donnera envie de découvrir l’autre pour combler les trous !

Comme dans d’autres romans de l’auteur, la précision historique du récit est admirable. Que ce soit dans les descriptions de paysages, des mœurs, ou dans les péripéties, on s’y croirait à chaque instant. L’élément fantasy m’a semblé assez lointain : la quête de la Pierre du Dragon et de l’art des Artbonniers est bien en tête des objectifs des jumeaux, mais ce n’est finalement pas ce qui occupe la majeure partie du récit. Dans la mesure où celui-ci est déjà très complet, le fait que la quête soit plutôt là en toile de fond ne m’a nullement gênée ! J’étais bien trop occupée à me demander comment les personnages allaient se tirer des divers guêpiers dans lesquels ils étaient fourrés.
Car le récit est particulièrement prenant. Qu’il s’agisse des stratagèmes pour oublier la colère paternelle, des fêtes et découvertes estudiantines, ou de la révolte contre les lois chrétiennes, il est difficile de s’ennuyer tant l’intrigue est palpitante. Ce n’est pas tellement que ce soit truffé de scènes d’actions trépidantes (sauf sur la fin), mais la tension constante qu’instille l’auteur instaure un rythme plus que confortable. Et il fallait bien ce rythme soutenu, je pense, pour absorber la violence et la noirceur des thèmes traités, puisqu’il est ici essentiellement question de violences, maltraitance, deuil, rejet ou acceptation de l’autre, le tout exacerbé par les différences de culture et/ou de religion. Et si j’ai lu le roman d’une traite, ce n’est pas une lecture que je recommande en période de déprime !

En bref, j’ai passé un très bon moment avec Du roi je serai l’assassin, qui propose un récit dramatique, mais particulièrement prenant. La plume ciselée et élégante de l’auteur contribue à rendre le récit hautement immersif, tout en évoquant avec une certaine délicatesse (quoique sans fards) des sujets de société. De fait, bien qu’il s’agisse d’un roman historique, on trouve dans le récit un écho très fort à l’actualité, puisque les guerres de religion, la violence, le sexisme et le racisme sont au cœur du récit. La touche fantasy étant assez ténue, j’ai bien envie de recommander ce titre, non seulement aux amateurs, mais aussi à des lecteurs qui lisent peu ou pas de fantasy, car cela pourrait être une bonne porte d’entrée !

Dans le même univers : Royaume de vent et de colères ;

Du roi je serai l’assassin, Jean-Laurent Del Socorro. Actusf, avril 2021, 368 p.

La Princesse au visage de nuit, David Bry.

Dans les bois vit la princesse au visage de nuit ; ses yeux sont des étoiles et ses cheveux l’obscur.
Hugo, enfant violenté par ses parents, s’est enfui avec ses amis dans la forêt, à la recherche de la princesse au visage de nuit, qui exaucerait les vœux des enfants malheureux… Il est ressorti du bois seul et sans souvenirs, et a été placé dans une famille d’accueil.
Vingt ans plus tard, alors qu’il a tout fait pour oublier son enfance, Hugo apprend la mort de ses parents. Mais, de retour dans le village de son enfance, il découvre que ses parents auraient été assassinés, et d’étranges événements se produisent. La petite voiture de son enfance réapparaît comme par magie. De mystérieuses lueurs brillent dans les bois. Les orages soufflent des prénoms dans le vent…

Double nomination pour ce titre, au Prix Imaginales des Bibliothécaires, mais aussi au PLIB2021, ce qui lui donnait deux très bonnes raisons d’atterrir sur ma pile à lire – sans compter qu’il se trouve dans mon challenge ABC. Et j’ai passé un très bon moment avec ce titre !

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le récit commence très fort, avec l’enterrement des parents d’Hugo, qui a pour eux cette seule épitaphe : « Puissiez-vous brûler en enfer ». Au moins, c’est clair, le ton est donné !
L’affaire se corse un brin lorsqu’il s’avère que les freins de la voiture parentale ont été trafiqués. Et les empreintes… sont celles d’Hugo. Or, celui-ci avait, à onze ans, une excellente raison d’aller chercher la princesse au visage de nuit dans la forêt. La même qui l’a tenu éloigné de St-Cyr pendant vingt ans. Alors, que se passe-t-il réellement, de nos jours, dans ce petit village campagnard ?

Eh bien, la routine pour un bled : un village plutôt isolé, qui semble n’avoir pas embrassé la modernité, où tout le monde se connaît. L’ambiance, d’ailleurs, est vraiment très réussie : on retrouve tout ce qui fait les petits villages de campagne, les bons comme les mauvais côté. Les petites habitudes bien ancrées, les secrets plus ou moins dérangeants, l’attachement à « l’ancien temps », l’entraide, mais aussi les petites rancœurs qui évoluent salement. Bref, on s’y croirait et cette ambiance très prenante m’a aidée à engloutir le roman en moins de deux !

Le récit alterne entre le temps présent et l’époque de la disparition des amis d’Hugo, lorsqu’ils avaient onze ans. Si dans le premier, Hugo enquête un peu sur la mort de ses parents, et beaucoup sur celle, plus ancienne, de ses amis, dans le second, on assiste aux quelques mois qui ont précédé la fameuse disparition. Dans les deux cas, un angoissant compte à rebours avant le solstice d’été vient donner du rythme à l’intrigue.
Celle-ci mélange donc enquête policière (avec moult interventions de la gendarmerie, puisque la gendarme en charge de l’affaire n’est autre que la petite sœur de l’amie disparue !) et ambiance pour le moins fantastique. L’auteur joue ainsi sur les images de la forêt potentiellement habitée par une créature mi-divine mi-terrifiante (et cela m’a fait penser à la série Zone blanche), sur le manoir « hanté » façon Jane Eyre, sur l’ambiance (tellement réussie) des villages de l’arrière-campagne et sur tout ce qui peut tourner autour des malédictions en général.
Résultat ? Eh bien tout cela s’avère très prenant et j’avoue que je me suis bien laissée prendre au jeu de cette ambiance légèrement fantastique, parfois effrayante, très intrigante. (D’autant qu’il ne me faut pas grand-chose pour me faire dresser les cheveux sur la tête). Ceci étant dit, j’ai trouvé la fin un peu rapide, d’ailleurs, quoiqu’assez poétique.

Dans les bois vit
La princesse au visage de nuit,
Ses yeux sont étoiles
Ses cheveux l’obscur.

Dans les bois gît
La princesse au visage de nuit,
Dans sa main pâle,
Meurent les cœurs purs.

L’autre côté très prenant du roman vient des thèmes que l’auteur a mêlés au récit d’enquête. Si on comprend assez vite que l’enfance d’Hugo a été plus que sombre, les détails de ce qu’il a vécu et de ce qu’ont subi ses petits camarades sont lentement distillés dans le récit. Enquêtant sur le passé, Hugo met également au jour les horreurs qui se jouent encore dans le village. Les sujets abordés, issus de la vie quotidienne et du réalisme le plus pur, sont vraiment durs. On parle de viol, de maltraitance sur enfants, de harcèlement… C’est hyper sombre !
Ces sujets arrivent aussi par la bande d’amis (actuels) d’Hugo, tous issus, comme lui, de l’aide sociale à l’enfance, et traînant moult casseroles derrière eux. Et, finalement, c’est là que le bât blesse un tantinet. Car ces personnages véhiculent des thématiques d’une importance capitale, et pas hyper développées – en même temps, ce n’est pas le sujet ici. Or, dans la mesure où ces personnages sont extrêmement présents (ils sont dans la quasi totalité des scènes du présent !), il y a un vrai décalage entre leurs apparitions et l’intérêt accordé aux sujets qui leur sont liés.

En bref, La Princesse au visage de nuit est un thriller fantastique à l’ambiance soignée et très prenante. Au détour des chapitres et de l’enquête, des sujets de société assez durs sont évoqués (et malheureusement pas toujours de façon assez creusée pour être honnête !). Le récit est porté par une plume fluide, qui se fait parfois poétique. Si j’ai trouvé la fin un peu trop rapide, j’ai apprécié l’ambiance générale du roman !

La Princesse au visage de nuit, David Bry. L’Homme sans nom, octobre 2020, 280 p.
#PLIB2021 #ISBN9782918541721

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Rage, Orianne Charpentier.

Rage… C’est le surnom que son amie lui a donné.
C’est désormais ainsi qu »elle se nomme, pour oublier son prénom, ce nom d’avant, celui de son enfance, d’avant l’exil, la déchirure. Son pays d’origine, on ne le connaîtra pas.
Il nous suffit de deviner que Rage a eu affaire à la violence des hommes, de la guerre. Et voilà réfugiée en France, sans plus de repères, ni de famille. Telle une bête traquée, elle se méfie de tous. Mais un soir, sa route croise celle d’un chien – dangereux, blessé, visiblement maltraité. Désormais, sa propre survie passe par celle de l’animal…

Rage est un roman très court – tout juste une centaine de pages, menées par la protagoniste éponyme. Celle-ci en déborde, de rage, suite à son enfance fracassée, la fuite, l’exil, l’arrivée dans un nouveau pays dont elle ne maîtrise pas encore les codes et tellement éloignés de ce qu’elle a connu.

On est donc face à un personnage multi-traumatisé, qui a du mal à faire confiance à qui que ce soit — y compris à elle-même. Le parallèle avec la chienne blessée est donc plus que facile à faire.

Le récit est construit comme une tragédie (d’ailleurs, il en sera question au fil du texte) : l’intrigue tient sur une nuit, quasiment dans un seul lieu (les quelques kilomètres autour de la maison de Jean) et ne comporte qu’un fil d’intrigue : la reconstruction de Rage.
De celle-ci, on ignorera jusqu’à la fin le prénom, la langue et le pays d’origine, de même que l’année de son arrivée en France : le récit atteint donc très facilement un statut intemporel.

Côté style, la plume est vive et percutante mais j’ai été assez dérangée par le changement opéré aux deux tiers du récit : au départ, le texte fourmille de dialogues, qui viennent perturber le récit de Rage, celle-ci étant entourée des autres jeunes faisant la fête avec elle ; mais, lorsqu’elle se retrouve seule avec Jean et la chienne, c’est le discours indirect libre qui l’emporte. Or, j’ai trouvé cette partie-là nettement mieux écrite que la précédente, bien plus incisive et parlante à propos de l’état de la jeune femme. Les deux parties du livre m’ont donc semblé un peu déséquilibrées : je n’irai pas jusqu’à dire que je n’ai pas été intéressée par la première partie, mais seule la seconde m’a touchée, en raison de son intensité rare, et absolument passionnée.

Malgré tout, il m’a été très difficile d’arrêter ma lecture, tenue en haleine que j’étais par les événements qui s’enchaînent. Ceux-ci font d’ailleurs un douloureux écho à l’actualité : si la partie concernant les maltraitances sur animaux occupe la portion congrue, celle sur les réfugiés de guerre forcés d’immigrer et l’accueil qui leur est réservé dans les pays étrangers qui acceptent de les recevoir est absolument centrale – et on ne peut la lire sans penser à tout ce qu’il se passe en ce moment, bien évidemment. Le cas des mineurs isolés reste particulièrement tragique : coupés de tout lien familial, vivant avec des traumatismes difficiles à soigner, leur reconstruction est d’une difficulté extrême.

Avec Rage, Orianne Charpentier signe un roman court et particulièrement incisif qui fait écho à l’actualité en évoquant avec justesse les trajectoires ô combien dramatiques des mineurs isolés étrangers. L’histoire ne dure qu’une courte nuit, mais a l’intensité d’un cri primal, celui que l’on sent bouillonner dans les entrailles de Rage. Un court roman à recommander aux adolescents et qui s’avérera idéal pour une discussion autour de ce que vivent les jeunes de leur âge ailleurs dans le monde, dans des contrées moins riantes que les nôtres. 

Rage, Orianne Charpentier. Gallimard jeunesse, mars 2017, 112 p. 

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Erased #4-5, Kei Sanbe

Bienvenue en thriller ! Dans cet opus, on nage dans une ambiance extrêmement pesante et un suspens hallucinant ! Car comme on sait déjà comment cela peut mal finir, on s’angoisse fortement pour Kayo, Satoru et sa mère !
L’intrigue devient de plus en plus complexe (et sombre) : en effet, Satoru ne lésine pas sur les moyens et met un place un stratagème plus qu’alambiqué pour sauver la vie de Kayo. Or, il doit poursuivre un double objectif : sauver Kayo, sa mère et se préserver de la police à son retour en 2006. Pas facile, donc… et l’attente est très forte !

Les personnages adultes ont la part belle dans cet opus : la mère de Satoru s’implique de plus en plus (et malgré ses récriminations initiales contre elle, elle apparaît de plus en plus comme la super-maman par excellence) ; celle de Kayo refait surface (pas forcément pour le meilleur, d’ailleurs) ; l’instituteur, de son côté, sort enfin de sa réserve et montre à Satoru qu’il peut compter sur lui. Par ailleurs, les camarades de Satoru prennent de plus en plus d’ampleur (Kenya, notamment) et semblent prêts à s’entraider.

Côté intrigue, on a l’impression à la fois l’impression de commencer à toucher du doigt la clef et celle de nager en plein cirage ! C’est dire si l’ensemble est prenant et haletant ! De plus, le découpage serré, les cases assez petites et les tons très sombres augmentent l’impression de suspens haletant.
Dans toute cette noirceur surnagent des passages vraiment comiques, lorsque la personnalité adulte de Satoru entre en conflit avec l’enfant qu’il était, lui faisant commettre quelques petites bourdes : c’est drôle et savoureux !
Le volume se terminer sur une note à la fois poétique et mélancolique… et sur une foule de questions.

Erased, #4, Kei Sanbe. Traduit du japonais par David Le Quéré.
Ki-oon, 2015, 194 pages.

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Kayo a été sauvée, mais Satoru est toujours en 1988… Or il se rappelle subitement que deux autres enfants ont été victimes du tueur en série. Justement, il connaît Aya Nakanishi, une fillette qui reste souvent seule au parc et qui avait également disparu. Pour éviter un nouveau drame, Satoru embarque ses camarades dans une drôle d’aventure : il leur propose un jeu de détectives, dans lequel les enfants sont chargés de sortir de leur isolement les enfants de leur entourage, ce qui arrange tout le monde. Les enfants sont ravis de se faire de nouveaux amis, les adultes sont aux anges de voir cette initiative. Satoru, de son côté, est assuré d’empêcher qui que ce soit de se faire enlever. Il s’aperçoit justement que Misato, une fillette de sa propre classe, est très isolée. Or, voilà que de nouveaux indices sur le tueur surgissent… Satoru se sent pousser des ailes !

Plus les tomes avancent et plus la tension augmente ! On pensait l’histoire bouclée avec le sauvetage de Kayo mais l’histoire n’est pas terminée, puisque Satoru n’est pas revenu en 2006 (ce qui est tout de même l’objectif). Cette petite aventure de détectives va permettre d’approfondir un peu plus les enfants et adultes qui gravitent autour de Satoru, ainsi que leurs relations. Le décalage entre les deux personnalités de Satoru est toujours aussi comique et apporte une petite touche de fraîcheur dans un univers de plus en plus sombre.

Dans ce volume, l’uchronie refait surface avec force : si les enfants attaqués ne sont pas décédés… cela met tous les enfants en danger ! La tension est donc à son comble, puisque le danger semble pouvoir surgir de partout et à tout instant.

Et ce n’est pas le redoutable cliffhanger final qui va la faire retomber. Alors que l’enquête de Satoru fait un énorme pas en avant et que l’on commence à comprendre des éléments, voilà que l’on se met subitement à douter d’un personnage…. Le tout dans les quelques dernières pages, évidemment, ce qui laisse le lecteur sur des charbons ardents – d’autant plus que le tome 6 vient tout juste de sortir au Japon ! Quelle fin !

Ces deux tomes donnent l’impression que l’on dénoue plein de fils sur l’intrigue principale, tout en la complexifiant de plus en plus. La tension ne fait qu’augmenter au fil des pages et le cinquième volume s’achève en apothéose sur un cliffhanger haletant ! Vivement la suite !

◊ Dans la même série : Erased #1-3 ;

 

Erased, #5, Kei Sanbe. Traduit du japonais par David Le Quéré.
Ki-oon, 2015, 200 pages.

 

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Erased #1-3, Kei Sanbe

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2006. Aspirant mangaka dont la carrière peine à décoller, Satoru Fujinuma travaille comme livreur de pizzas pour joindre les deux bouts. Effacé et peu enclin à s’ouvrir aux autres, il observe le monde qui l’entoure sans vraiment y prendre part. Pourtant, Satoru possède un don exceptionnel : à chaque fois qu’un incident ou une tragédie se déroule près de lui, il est projeté quelques minutes dans le passé pour trouver ce qui cloche et empêcher l’inévitable avant qu’il se produise…

Cette anomalie de l’espace-temps lui vaut un séjour à l’hôpital le jour où, pour rattraper le conducteur d’un camion fou, il est percuté par un autre véhicule de plein fouet. Après l’accident, petit à petit, les souvenirs effacés de l’enfance traumatisante de Satoru resurgissent…

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 Le premier volume est essentiellement un tome introductif. On y découvre Satoru, son petit job de livreur de pizzas et… son don. Les premières pages sont un peu confuses, car les scènes se répètent (après tout, c’est la base du don de Satoru), avec quelques détails présentés sous un angle différent, ce qui fait que la chronologie n’est pas toujours instinctive.
Et cette impression va se poursuivre : l’accident de Satoru, la répétition d’épisodes de retour en arrière, et l’arrivée de sa mère vont faire resurgir des souvenirs d’enfance que Satoru avait préféré enfouir. Cette fois, l’impression de confusion ne vient plus du fait qu’il y a des répétitions que l’on a du mal à bien comprendre, mais plutôt de l’histoire morcelée qui commence à prendre forme. Et, si le départ pouvait sembler quelque peu ardu, la suite met carrément l’eau à la bouche. Il y a sans aucun doute une histoire assez sombre dans le passé de Satoru, et on a hâte de savoir comment son passé va s’articuler avec son présent, et son don particulier.

Le premier volume tourne autour de 3 personnages : Satoru âgé de 28 ans, sa mère – qui, elle, sait ce qu’il y a dans le passé de son fils – et Airi, une lycéenne qui travaille avec Satoru. Si, bien sûr, c’est Satoru qui a le rôle titre, il est intéressant de voir que les deux figures féminines ne sont pas délaissées ; Satoru n’est pas particulièrement sympathique mais, curieusement, c’est bien pour cela qu’on s’intéresse à ses aventures. Car malgré un côté asocial très prononcé, ses réflexions ne manquent pas d’intérêt, et ses préoccupations non plus !
Côté graphismes, les tons plutôt sombres et les décors urbains fouillés viennent souligner l’ambiance assez prenante du thriller, mais on regrettera que les visages ne soient pas toujours très soignés (notamment celui de la mère de Satoru).

Impossible d’évoquer ce premier tome d’Erased sans parler de la fin… le suspens prend doucement mais, une fois qu’il s’installe, il ne quitte plus le lecteur. Le volume s’achève en apothéose, sur un retournement de situation aussi brutal qu’inattendu ! Au vu de la fin, on ne peut qu’avoir envie d’en savoir plus !

Erased #1, Kei Sanbe. Traduit du japonais par David Le Quéré. Ki-oon, 2014, 200 p.

Attention, ce qui suit contient des spoilers sur la fin du premier volume.


Intriguée par ce qui semble être une tentative de kidnapping, la mère de Satoru commence àerased-2-kei-sanbe se poser des questions sur la série de meurtres qui a secoué Hokkaidô 18 ans plus tôt. Et si la justice ne tenait pas le vrai coupable ? Mais celui-ci l’a reconnue : avant qu’elle ait pu mener l’enquête, elle est assassinée. Satoru, arrivé sur les lieux juste après le drame, se retrouve alors propulsé à l’époque de son enfance, quelques jours avant la disparition tragique d’une de ses camarades de classe ! Désormais convaincu que les meurtres sont liés, il va tout faire pour changer le cours des choses…

 

Ce second volume exploite un peu plus le pouvoir de Satoru, puisque celui-ci est projeté 18 ans auparavant, dans son corps d’enfant, avec la certitude qu’il doit empêcher la disparition de sa petite camarade de classe, Kayo.
Le grand intérêt du volume, c’est de voir comment Satoru va tenter, par tous les moyens à sa disposition, d’infléchir le destin de Kayo, parfois en changeant carrément les événements… et parfois, en arrivant exactement aux mêmes résultats (à son grand désespoir).

L’histoire va permettre de questionner les souvenirs d’enfance : Satoru a complètement oublié certains événements de sa jeunesse, alors que d’autres points sont beaucoup plus marquants. C’était déjà amorcé dans le premier tome, évidemment, puisque Satoru redécouvrait totalement cette affaire occultée. Mais là, en étant confronté de nouveau à sa vie d’enfant, Satoru va pouvoir comparer les souvenirs qu’il a, avec ceux qui remontent à sa mémoire.
Ce retour permet également de nuancer les personnages : présentée comme une sorte de mégère dans le premier volume, la mère s’humanise nettement ici. Satoru, de son côté, est nettement plus sympathique ! Le décalage entre son personnage d’enfant et ses réactions d’adulte ne manque pas de piquant, et occasionne quelques passages assez drôles – dans une ambiance plutôt tendue.

Par rapport au premier tome, celui-ci est nettement plus calme et posé, on est toujours dans la lignée du volume introductif. Mais ce n’est pas long pour autant ! L’intrigue est fournie, on cherche comment Satoru va débloquer la situation, et on s’attache aux personnages. De plus, les graphismes semblent plus soignés que dans le premier tome.
Le volume s’achève, encore une fois, en apothéose. L’auteur termine ce tome sur un sentiment de plénitude bien agréable. Avant de replonger le lecteur dans l’angoisse, et ce seulement en deux pages. La conclusion est magistrale et… on veut savoir la suite ! La bonne découverte du tome 1 se confirme donc !

Erased #2, Kei Sanbe. Traduit du japonais par David Le Quéré. Ki-oon, 2014, 192 p.

 

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Aidé par ses camarades de classe, Satoru réussit à se rapprocher de Kayo. Et la fillette survit au 1er mars !

Mais Satoru crie victoire trop vite. Kayo disparaît le 3 mars… et celui-ci est à nouveau projeté dans le présent, en 2006, alors qu’il est en cavale. Pourquoi la rediffusion l’a-t-elle projeté 18 ans plus tôt ? Pourquoi a-t-elle échoué ?

 

Retour au présent et, cette-fois, on nage en plein thriller, Satoru étant recherché pour le meurtre qui clôt le premier volume. Une seule certitude, le meurtrier est à Chiba, et Satoru l’a probablement déjà croisé.
Avec la complicité d’Airi, il tente de le débusquer, et s’enferre peu à peu dans la clandestinité.

La tension est palpable de bout en bout ; autant, dans le tome précédent, on était tenus par l’envie de savoir ce qui allait se passer pour Kayo, autant là c’est du suspens pur. L’ambiance est même un tantinet angoissante : les scènes de fuite, de course-poursuite ou d’esquive sont nombreuses et bien menées, et le découpage des pages souligne ce suspens très prenant.

Les décors sont, à nouveau, très soignés, et accentuent l’atmosphère angoissante qui se dégage des pages. L’enquête progresse nettement, on sent qu’on touche presque au but… et la fin, encore une fois, offre un rebondissement maîtrisé et qui laisse le lecteur plein de questions !

Erased #3, Kei Sanbe. Traduit du japonais par David Le Quéré. Ki-oon, 2014, 190 p.

Voilà une série vraiment prenante ! Le thème du voyage dans le temps est assez léger, mais donne lieu à une intrigue passionnante : l’enquête est bien menée, le suspens est au rendez-vous dans les trois tomes, et on termine chaque volume avec l’envie de savoir comment tout cela se goupille. Le trait de Kei Sanbe est maîtrisé, mais ses visages d’adultes semblent moins réussis que ses personnages enfants. Les décors, de leurs côtés, sont splendides ! Dans ces trois tomes hautement prenants et efficaces, je note une petite préférence pour le second, à l’atmosphère délicieusement mélancolique, tandis que Satoru revisite son enfance. Le tome 4 sort en février, et il va sans dire que j’attends de pied ferme la suite de cette série uchronique !

◊ Dans la même série : tomes 4 et 5 ;