Fantôme sur mesure, Moka.

Aurore croit que le croquemitaine habite chez elle.
Tina croit en beaucoup de choses mais ne jure que par son Harley Davidson.
Rémi ne croit en rien sauf en la Gendarmerie Nationale.
Matthieu croit que moins on en fait, mieux on se porte.
Jonas croit en la valeur nutritionnelle des chips.
Le fantôme, quant à lui, croit que tous ces gens-là sauront lui venir en aide. Souhaitez-lui bonne chance.

Lorsque j’étais petite, j’ai lu L’Enfant des ombres, de Moka, un roman que j’ai autant adoré qu’il m’a terrifiée (pour ne rien vous cacher, l’escalier de la cave chez ma grand-mère, avec son éclairage aléatoire, est devenu très compliqué après cette lecture !). Donc lorsque j’ai vu que l’autrice remettait le couvert avec le fantastique, je n’ai évidemment pas hésité.

Le récit commence plutôt sous des auspices scientifiques que fantastiques, puisque nous découvrons l’Institut de parapsychologie Brumbeck, qui met sur pied une expérience autour des manifestations surnaturelles. Objectif : réunir un groupe de personnes (des sceptiques, des gens qui croient aux fantômes, et tout ce qu’il y a au milieu), afin de mener une expérience sur les pouvoirs de l’esprit (puisqu’il va s’agir de faire convoquer aux cobayes un fantôme par le pouvoir de l’imagination, et d’étudier ensuite leur perception du fantôme).
Or… l’expérience ressemble plutôt à un échec. Sauf pour Aurore, qui n’y a pris part que pour trouver une solution à son problème personnel : elle est victime de manifestations surnaturelles dans son propre appartement. Elle en parle aux autres et, les vacances d’été approchant, voici la bande de joyeux lurons (que RIEN ne rassemble hormis cette expérience) lancés dans l’enquête.

Car oui, le roman joue clairement sur les genres : le côté fantastique est évidemment très présent, mais assez vite, les personnages se mettent à mener l’équivalent d’une enquête policière pour retrouver l’identité du fantôme qui hante Aurore. Or, l’enquête est facilitée car Rémi, un des protagonistes, est tout simplement un gendarme retraité. Avec ça, le roman touche à l’historique, puisqu’il apparaît rapidement que leur fantôme a partie liée avec la Résistance dans le Vercors (sans qu’on sache bien, au départ, s’il s’agissait d’un résistant ou bien d’un traître !). Le mélange des genres fonctionne à plein et j’ai dévoré le récit en deux petites journées, tellement j’étais embarquée dans l’histoire.

Il faut aussi dire que la plume de l’autrice est férocement drôle, les personnages étant presque plus définis par leurs défauts et petites manies que par leurs bons côtés. Parmi ceux-ci, difficile de choisir entre Matthieu, le flemmard intersidéral qui participe pour ne pas avoir à écrire sa thèse (et pour choper des filles), Jonas, l’adolescent pénible qui ne jure que par la malbouffe, ou encore Aurore, le cliché ambulant de la citadine éthérée, bio-bobo-écolo, et pénible à souhait (même si j’avoue que cette dernière charge bien côté sarcasmes, peut-être même un poil trop). Les échanges entre personnages sont vifs, la narration délicieusement sarcastique, et j’ai beaucoup ri !

« Brisou avait suivi Matthieu. Il s’était assis près de lui et le regardait avec des grands yeux suppliants.
– Y a rien à bouffer, lui dit Matthieu.
Le chien posa la patte sur son genou et gémit.
– Sérieux ? Tu espères quoi ? Et si tu allais embêter Jonas, plutôt ?
Brisou agita la queue. Matthieu le gratta derrière les oreilles. Ce n’est pas compliqué, un chien. Il squatte votre canapé et ne pense qu’à manger et dormir. Tout le portrait de son frère. A la différence près qu’un chien vous aime sans condition et ne pirate pas votre Wi-Fi. »

Plus le récit avance, plus l’intrigue prend un tour trépidant. Les personnages sont dans les paysages grandioses – mais dangereux – du Vercors, enquêtent sur de vieux secrets de famille que les intéressés préfèreraient ne jamais voir ressurgir, tout en suivant les injonctions de plus en plus pressantes du fantôme. C’est absolument palpitant !

En bref, Fantôme sur mesure a été une excellente lecture. La part fantastique est merveilleusement exploitée, et j’étais ravie de relire enfin un vrai roman fantastique jeunesse (et pas de la fantasy déguisée !). Le mélange avec enquête et histoire, ponctué d’humour est excellent, et m’a fait littéralement dévorer ce titre, que je vous recommande donc très chaudement.

Fantôme sur mesure, Moka. L’École des Loisirs, 21 septembre 2022, 244 p.

Et avec ça, je peux cocher la case « Fantômes des Noëls passés » du Cold Winter Challenge 2022 !