Dans les bois vit la princesse au visage de nuit ; ses yeux sont des étoiles et ses cheveux l’obscur.
Hugo, enfant violenté par ses parents, s’est enfui avec ses amis dans la forêt, à la recherche de la princesse au visage de nuit, qui exaucerait les vœux des enfants malheureux… Il est ressorti du bois seul et sans souvenirs, et a été placé dans une famille d’accueil.
Vingt ans plus tard, alors qu’il a tout fait pour oublier son enfance, Hugo apprend la mort de ses parents. Mais, de retour dans le village de son enfance, il découvre que ses parents auraient été assassinés, et d’étranges événements se produisent. La petite voiture de son enfance réapparaît comme par magie. De mystérieuses lueurs brillent dans les bois. Les orages soufflent des prénoms dans le vent…
Double nomination pour ce titre, au Prix Imaginales des Bibliothécaires, mais aussi au PLIB2021, ce qui lui donnait deux très bonnes raisons d’atterrir sur ma pile à lire – sans compter qu’il se trouve dans mon challenge ABC. Et j’ai passé un très bon moment avec ce titre !
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le récit commence très fort, avec l’enterrement des parents d’Hugo, qui a pour eux cette seule épitaphe : « Puissiez-vous brûler en enfer ». Au moins, c’est clair, le ton est donné !
L’affaire se corse un brin lorsqu’il s’avère que les freins de la voiture parentale ont été trafiqués. Et les empreintes… sont celles d’Hugo. Or, celui-ci avait, à onze ans, une excellente raison d’aller chercher la princesse au visage de nuit dans la forêt. La même qui l’a tenu éloigné de St-Cyr pendant vingt ans. Alors, que se passe-t-il réellement, de nos jours, dans ce petit village campagnard ?
Eh bien, la routine pour un bled : un village plutôt isolé, qui semble n’avoir pas embrassé la modernité, où tout le monde se connaît. L’ambiance, d’ailleurs, est vraiment très réussie : on retrouve tout ce qui fait les petits villages de campagne, les bons comme les mauvais côté. Les petites habitudes bien ancrées, les secrets plus ou moins dérangeants, l’attachement à « l’ancien temps », l’entraide, mais aussi les petites rancœurs qui évoluent salement. Bref, on s’y croirait et cette ambiance très prenante m’a aidée à engloutir le roman en moins de deux !
Le récit alterne entre le temps présent et l’époque de la disparition des amis d’Hugo, lorsqu’ils avaient onze ans. Si dans le premier, Hugo enquête un peu sur la mort de ses parents, et beaucoup sur celle, plus ancienne, de ses amis, dans le second, on assiste aux quelques mois qui ont précédé la fameuse disparition. Dans les deux cas, un angoissant compte à rebours avant le solstice d’été vient donner du rythme à l’intrigue.
Celle-ci mélange donc enquête policière (avec moult interventions de la gendarmerie, puisque la gendarme en charge de l’affaire n’est autre que la petite sœur de l’amie disparue !) et ambiance pour le moins fantastique. L’auteur joue ainsi sur les images de la forêt potentiellement habitée par une créature mi-divine mi-terrifiante (et cela m’a fait penser à la série Zone blanche), sur le manoir « hanté » façon Jane Eyre, sur l’ambiance (tellement réussie) des villages de l’arrière-campagne et sur tout ce qui peut tourner autour des malédictions en général.
Résultat ? Eh bien tout cela s’avère très prenant et j’avoue que je me suis bien laissée prendre au jeu de cette ambiance légèrement fantastique, parfois effrayante, très intrigante. (D’autant qu’il ne me faut pas grand-chose pour me faire dresser les cheveux sur la tête). Ceci étant dit, j’ai trouvé la fin un peu rapide, d’ailleurs, quoiqu’assez poétique.
Dans les bois vit
La princesse au visage de nuit,
Ses yeux sont étoiles
Ses cheveux l’obscur.
Dans les bois gît
La princesse au visage de nuit,
Dans sa main pâle,
Meurent les cœurs purs.
L’autre côté très prenant du roman vient des thèmes que l’auteur a mêlés au récit d’enquête. Si on comprend assez vite que l’enfance d’Hugo a été plus que sombre, les détails de ce qu’il a vécu et de ce qu’ont subi ses petits camarades sont lentement distillés dans le récit. Enquêtant sur le passé, Hugo met également au jour les horreurs qui se jouent encore dans le village. Les sujets abordés, issus de la vie quotidienne et du réalisme le plus pur, sont vraiment durs. On parle de viol, de maltraitance sur enfants, de harcèlement… C’est hyper sombre !
Ces sujets arrivent aussi par la bande d’amis (actuels) d’Hugo, tous issus, comme lui, de l’aide sociale à l’enfance, et traînant moult casseroles derrière eux. Et, finalement, c’est là que le bât blesse un tantinet. Car ces personnages véhiculent des thématiques d’une importance capitale, et pas hyper développées – en même temps, ce n’est pas le sujet ici. Or, dans la mesure où ces personnages sont extrêmement présents (ils sont dans la quasi totalité des scènes du présent !), il y a un vrai décalage entre leurs apparitions et l’intérêt accordé aux sujets qui leur sont liés.
En bref, La Princesse au visage de nuit est un thriller fantastique à l’ambiance soignée et très prenante. Au détour des chapitres et de l’enquête, des sujets de société assez durs sont évoqués (et malheureusement pas toujours de façon assez creusée pour être honnête !). Le récit est porté par une plume fluide, qui se fait parfois poétique. Si j’ai trouvé la fin un peu trop rapide, j’ai apprécié l’ambiance générale du roman !
La Princesse au visage de nuit, David Bry. L’Homme sans nom, octobre 2020, 280 p.
#PLIB2021 #ISBN9782918541721

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