La Cité bleue d’Icaria, Les Agents de M. Socrate #2, Arthur Slade.

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Modifier son apparence, voler des documents confidentiels à des espions français : une journée de travail comme les autres pour Modo, agent secret anglais âgé de quatorze ans. Pourtant, sa dernière mission – percer le mystère d’un objet sous marin appelé Ictinéo – semble un peu plus compliquée. On murmure qu’il s’agit d’un monstre marin, d’un poisson plus grand qu’un navire. Les espions français sont sur le coup, et M. Socrate, le maître de Modo, entend bien frapper avant eux.

On retrouve nos jeunes agents, Modo et Octavia, pour une périlleuse mission qui les embarque en Atlantique. Lancés à la pêche aux informations, ils croisent d’autres agents et, bien sûr, la fameuse et terrifiante Confrérie de l’horloge, qui semble être l’opposant attitré de nos enquêteurs, et que l’on retrouvera semble-t-il dans tous les tomes.

Ce second tome est bien plus dynamique que le précédent, car il ne souffre pas de l’effet de présentation de l’univers qui marquait le premier tome. Les actions s’enchaînent, les révélations aussi, et Arthur Slade en profite pour développer et son univers, et ses personnages. Si Octavia est peu présente, on croise d’autres agents ; j’ai parfois regretté que tous les caractères féminins présents dans cet opus soient si semblables. D’un autre côté, cette image de la femme aventureuse (mais pas aventurière), qui prend des décisions et son avenir en main correspond tout à fait au type de littérature dans lequel se place l’auteur ; cette uniformité du caractère féminin est donc peut-être volontaire ; en tout cas, elle colle plutôt bien à l’époque, à défaut de proposer un panel varié ! M. Socrate, de son côté semble (enfin!) s’humaniser un peu (mais pas trop, malheureusement) : comme dans le premier tome, on évolue dans une sorte de flou artistique très maîtrisé concernant le vieux dirigeant, ses motivations, et les raisons pour lesquelles il a jugé utile d’engager des adolescents pour des postes à responsabilités – question que Modo se pose lui-même avec régularité. Au lieu de nous présenter un jeune personnage doué et surpuissant, Arthur Slade joue donc avec les failles et les erreurs de Modo, que ce dernier cherche rarement à nier. C’est parfois un peu étrange, car on ne sait plus bien si on a affaire à un adolescent naïf, ou un jeune homme en devenir ; comme l’âge de Modo est inconnu, cette constante oscillation entre les deux personnalités est très bien vue.

Ici, la question de la difformité est, à nouveau abordée ; le jeu du chat et de la souris entre Modo et Octavia continue, et Modo est contraint de révéler son visage à plusieurs reprises à de tierces personnes, ce qui a diverses conséquences. L’idée est bonne, mais j’aurais apprécié que le thème soit traité plus en profondeur – même s’il l’est plus que dans le tome précédent. Modo a un peu vieilli, ses sentiments évoluent (notamment envers la gent féminine) et il se pose tout un tas de questions, dont il n’a pas toujours les réponses ; c’est très touchant, et toujours bien tourné. Si la question de la difformité n’est pas traitée en profondeur, celle de l’apparence et de la perception des autres l’est, et c’est très intéressant. Cette question (insondable) est vraiment ce qui fait le grand intérêt du personnage, et j’ai hâte de savoir ce que l’auteur va nous proposer dans la suite, le thème étant filé sur l’ensemble des tomes.

Côté réinterprétations, Arthur Slade revisite cette fois plusieurs mythes, toujours datés du XIXe siècle, parmi les œuvres de H. G. Wells, Pierre Benoît ou encore Jules Verne, ce qui allie ambiance steampunk, légère uchronie, et fantastique. On retrouve à la fois l’ambiance de ces récits fabuleux, et l’ambiance propre à l’univers de l’auteur, sans que l’une prenne le pas sur l’autre. C’est bien fait, et très agréable à lire.
Cet opus est truffé de références, petites allusions, clins œil en passant, à toute cette littérature de romans d’aventures du XIXe siècle ; comme pour le premier tome, cela apporte une vraie valeur ajoutée à l’ensemble. C’est drôle et rafraîchissant, même si les thèmes traités sont assez sérieux ; il sera notamment question d’utopie politique,  et de nations idéalistes. Les thèmes abordés sont donc assez nombreux, et toujours sous couvert de fiction amusante et prenante.

Comme au premier tome, le vocabulaire est bien choisi, adapté aux contextes, sans être trop ardu à comprendre, ce qui fait que cette lecture est très accessible pour de jeunes lecteurs.

Le premier tome m’avait enchantée, et le plaisir de lecture se poursuit avec cet opus-là. Sans être un coup de cœur, j’ai passé un très bon moment avec les jeunes agents. Si vous cherchez un bon roman jeunesse, entraînant, sans difficultés majeures pour un jeune lecteur et tout de même lisible pour un lecteur plus expérimenté, je ne peux que vous recommander cette série!

 ◊ Dans la même série : La Confrérie de l’horloge, (1) ; Le Peuple de la pluie, (3) ; L’Île des Damnés (4) .

 

Les Agents de M. Socrate #2, La Cité bleue d’Icaria, Arthur Slade. Editions du Masque (MsK), 2011, 287 p.
8/10.

 

 

 

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