La mort s’invite à Pemberley, P.D. James.

Rien ne semble devoir troubler l’existence ordonnée et protégée de Pemberley, le domaine ancestral de la famille Darcy, dans le Derbyshire, ni perturber le bonheur conjugal de la maîtresse des lieux, Elizabeth Darcy. Elle est la mère de deux charmants bambins ; sa sœur préférée, Jane, et son mari, Bingley, habitent à moins de trente kilomètres de là ; et son père adulé, Mr Bennet, vient régulièrement en visite, attiré par l’imposante bibliothèque du château.
Mais cette félicité se trouve soudain menacée lorsque, à la veille du bal d’automne, un drame contraint les Darcy à recevoir sous leur toit la jeune sœur d’Elizabeth et son mari, que leurs frasques passées ont rendu indésirables à Pemberley. Avec eux s’invitent la mort, la suspicion et la résurgence de rancunes anciennes.

J’avais déjà écouté une première fois ce livre audio, mais en bricolant et sans faire preuve de la moindre attention, ce qui fait que je ne me souvenais ni de l’histoire, ni des personnages – donc il était tout indiqué pour une relecture si rapide (la précédente remontant à… l’été 2021 !).
Et si j’ai passé dans l’ensemble un bon moment de lecture, avec l’envie fréquente d’y revenir, je n’ai pas pu m’empêcher, à plusieurs reprises, de ressentir une pointe de violente frustration.

Parlons d’abord de l’histoire : le récit s’ouvre par un résumé très détaillé et commenté d’Orgueil et Préjugés, reliant chacune de ces deux caractéristiques à l’un des protagonistes du roman. Une fois fait ce rappel exhaustif de l’œuvre originale, l’autrice s’attache à présenter « son » Pemberley, où l’on se prépare à donner le traditionnel bal de Lady Anne, et à détailler les évolutions de personnages qu’elle a imaginées. On rentre donc doucement mais sûrement dans cette version alternative, et cela met l’eau à la bouche.
La tranquillité du cadre est brutalement interrompue par l’irruption de Lydia Wickham, qui hurle que son mari vient d’être abattu dans les bois. De fait, les hommes de la maison ne tardent pas à tomber sur le fameux Wickham, bien vivant, mais qui désespère devant le corps sans vie d’un de ses amis, le capitaine Denny et, cerise sur le gâteau, s’accusant d’avoir causé sa mort. Voilà qui fait tâche dans le décor…
Partant de là, l’autrice va donc dérouler l’enquête (assez succincte) et les réactions des divers personnages à cette horrible histoire.

J’aime bien le concept de reprendre un classique, d’en inventer la suite, en y ajoutant ici une dimension dramatique et des accents de polar – même si ceux-ci sont, somme toute, assez faibles, l’essentiel du récit se concentrant sur les réactions des uns et des autres à ce fait troublant. Si, dans l’ensemble, c’était une lecture assez agréable, je dois quand même dire que certains points m’ont laissée particulièrement dubitative.
Primo, les personnages. Je suis assez amatrice de pastiches littéraires mais je dois dire que là, la sauce a difficilement pris avec les personnages – ce qui fait que j’ai lu ce roman presque comme une œuvre indépendante. J’ai trouvé Elizabeth loin, très loin d’Elizabeth Bennett : elles partagent un nom, mais c’est à peu près tout. Certes, le contexte polar ne se prête peut-être pas au sarcasme acerbe, mais de là à en faire un personnage aussi falot, j’ai l’impression qu’il y avait un peu de marge…

Segundo, le roman souffre de longueurs assez pénibles, particulièrement dans la partie consacrée au procès. Mais que c’est long ! Et le pire, c’est que des éléments sont introduits, suscitant des questions, sans être résolus par la suite – il en va ainsi, par exemple, de la disparition de Mrs Younge, qui arrive comme un cheveu sur la soupe, entraînant des conséquences pour la suite, mais qu’on évacue en moins de deux. J’ai trouvé ça assez perturbant, et ça m’a laissé une impression de travail bâclé assez désagréable. Avec ça, le-dit procès qui m’a semblé s’éterniser pendant des plombes, se solde par un deus ex machina qui ne m’a paru particulièrement crédible : des aveux complets du véritable coupable – lequel est mort juste après les-dits aveux. C’est un peu trop pratique pour être honnête !
De plus, on a les explications en deux fois, mais en deux gros blocs et là encore, la crédibilité pêche : je n’ai pas trouvé que les dessous du mystère tenaient vraiment la route. Tout est justifié, entendons-nous bien, mais ce n’est pas le polar le plus finement exécuté que j’aie lu ! Quelque part, j’ai eu l’impression que tout cela tenait du fait que l’autrice respectait beaucoup trop le matériau d’origine pour s’en détacher totalement. Je ne saurais dire ce qui m’a lancée sur cette idée, mais elle m’est revenue en tête à plusieurs reprises au cours de ma lecture.

En somme, j’ai passé un bon moment de lecture, mais qui tient essentiellement, je pense, au talent de la lectrice – Guila Klara Kessous. Sans sa mise en voix, je ne sais pas si je serai allée au bout de ce pastiche littéraire sous forme de polar. Autant retrouver les personnages et Pemberley était plaisant, autant l’intrigue assez mal ficelée et les personnages, un peu fades, ont manqué d’un petit quelque chose pour réellement m’enthousiasmer. Ceci étant posé, comme je le disais en introduction, j’ai quand même (paradoxalement, peut-être ?) passé un bon moment, ayant hâte de m’y remettre entre deux lectures. Donc je le conseillerais à toute personne curieuse de cette forme de suite de l’œuvre de Jane Austen, sans toutefois s’attendre ni à un polar extraordinaire, ni à une réécriture audacieuse de l’œuvre d’origine !

La Mort s’invite à Pemberley, P.D. James. Traduit de l’anglais par Odile Demange.
Lu par Guila Klara Kessous. Audiolib, réédition 2013, 623 min.


De Lune et de Sang #1, Erin Beaty.

Au cœur de la ville de Collis s’élève un immense Sanctum, en construction depuis des années. Et sur la plus haute de ses flèches se dresse la silhouette de Catrin, jeune orpheline qui inspecte travaux et échafaudages pour le compte du maître architecte, Thomas. Un soir de pleine lune, en mission pour celui qu’elle considère comme son père adoptif, elle fait une chute vertigineuse et se blesse… Pire encore, l’espace d’un instant, elle a la vision sanglante d’un meurtre et entend les appels au secours d’une femme.
Lorsque le brillant et énigmatique Simon de Mesanos est chargé d’élucider le mystère, Catrin se retrouve entraînée dans une dangereuse spirale, où le tueur ne cesse de frapper, encore et encore. Grâce aux instincts d’une précision effrayante du jeune homme, expert en matière de folie criminelle, le duo tente de remonter la piste du prédateur… Tout ce temps, la jeune fille doit aussi protéger son propre secret – elle découvre peu à peu que la lune lui accorde des pouvoirs surnaturels qui pourraient bien faire d’elle une paria… mais pourraient surtout être la clef de tout.

J’avais beaucoup aimé la trilogie La Couleur du mensonge d’Erin Beaty (même si je n’ai jamais chroniqué les tomes 2 et 3 !) donc j’étais assez curieuse de lire cette nouvelle parution de l’autrice, laquelle a tenu toutes ses promesses !

Ce nouveau récit nous emmène dans un univers de fantasy médiévale, ambiance construction des cathédrales – car oui, le Sanctum sur lequel travaille Catrin est très clairement une cathédrale – en Europe. Disons qu’avec des noms de pays ou villes comme Gallia ou Londinium, on peut s’imaginer en pleine Europe revisitée ! Mais c’est tout pour ce qui concerne le terrain connu : tout le reste est purement fictif.
À commencer par la société dans laquelle évolue Catrin : certes, elle est très fortement inspirée de l’Europe médiévale dans les tenues, ou l’architecture, mais se démarque de ce que l’on connaît du point de vue religieux. Collis présente en effet une population séparée en deux groupes : ceux qui prient le Soleil, et ceux qui prient la Lune. Ces derniers, les Selenae, sont très mal vus par le reste de la population, et ne quittent qu’extrêmement rarement les quartiers fermés dans lesquels ils vivent. On leur attribue toutes sortes de maux… et de pouvoirs magiques. Eh oui, c’est un roman de fantasy !

Mais il faut reconnaître que de fantasy, on n’en voit pour ainsi dire pas le bout du nez avant un long, très long moment. Je dirais que les deux gros premiers tiers du roman ont tous les atours du thriller, ambiance ésotérique. Les éléments fantasy (suspicion de présence de magie, par exemple), sont là en toile de fond, avant de prendre de plus en plus d’importance. Et, alors que je suis plus amatrice de fantasy que de thriller, j’ai trouvé ça vraiment chouette et bien fait. En effet, dans la plupart des romans de ce type, le protagoniste qui se découvre des pouvoirs va les mettre au service de l’enquête en cours ou de ses ambitions personnelles et ce, généralement, assez rapidement. Là, on est dans un autre type de schéma, puisque l’ambition personnelle de Catrin est, avant tout, de protéger son maître et sa cellule familiale. De fait, la découverte de ses pouvoirs passe complètement au second plan – ce qui s’explique aussi par le climat de suspicion qui règne envers les Selenae et toute forme de magie. J’ai beaucoup aimé que l’héroïne ne découvre pas ses pouvoirs et la façon de les utiliser en deux coups de cuiller à pot, avant de résoudre aisément l’enquête ! Cela change un peu ! À cela se mêle (quand même !) un brin de vie quotidienne des personnages et d’aspirations personnelles (et amoureuses, on n’y échappe pas), ce qui permet de donner du liant et de nous familiariser assez vite avec la galerie (assez nombreuse) de personnages.
Il arrive d’ailleurs parfois que cette partie semble prendre le pas sur les autres : la mise en place du récit, comme des éléments d’enquête (ou de découverte des pouvoirs) se fait donc assez progressivement, ce qui peut parfois donner l’impression que l’on piétine allègrement.

Autre point qui m’a beaucoup plu : les sujets abordés au fil de l’intrigue. Autant j’ai trouvé que la pseudo expertise de Simon de Mesanos était assez maladroitement amenée, autant cela m’a semblé s’améliorer par la suite. Dès le départ, Simon est présenté comme un expert de la folie, puisqu’il vient d’une ville qui y consacre ses forces vives (accueil des malades, soins, etc.). Entre ça et le fait que les personnages aient à peine vingt ans et se comportent comme des experts blasés du triple d’âge, j’ai trouvé qu’il y avait un petit décalage pas forcément seyant. Mais eh ! Après tout, c’est un roman young-adult donc, d’une part, cela fait partie des codes du genre et, d’autre part, on était sans doute matures beaucoup plus vite dans ces époques que dans la nôtre !
Mais trêve de digression : revenons-aux thèmes traités. La maladie mentale est vraiment le thème majeur qui hante le récit, avec différents spectres. Non seulement j’ai trouvé cela original, mais j’ai trouvé en sus que le tout était plutôt bien traité, sans trop de clichés (pour ce que j’y connais, c’est-à-dire : pas grand-chose). Il sera également question de relations familiales et d’identité, mais ces deux thèmes ont déjà été largement traités en littérature jeunesse et, s’ils sont bien exploités, ils n’ont pas l’originalité du précédent.

J’ai donc passé un très bon moment avec titre ! Certes, j’ai quelque peu levé les yeux au ciel devant les poncifs du genre (personnages très expérimentés, romance rapide), mais l’ambiance thriller sur toile de fond fantasy a suffi à m’emporter, tant l’enquête vient rythmer l’intrigue – et ce malgré une mise en place qui sembler un peu lente. Je me suis laissée berner par la chasse au coupable et, si la quête des origines de l’héroïne n’est guère surprenante, j’ai trouvé qu’elle était plutôt bien amenée. J’ai beaucoup aimé la façon dont était traité le thème de la maladie mentale, pas si fréquent dans ce type de publications. Et malgré un tome qui s’achève sur une conclusion convaincante, je suis assez impatiente de découvrir ce qui nous attend dans la suite et fin !

De Lune et de Sang #1, Erin Beaty. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Marie Kempf.
Lumen, 16 janvier 2023, 626 p.

84k, Claire North.

Théo Miller connaît la valeur de la vie humaine – jusqu’au dernier centime.
Au Bureau d’audit des crimes, son rôle consiste à évaluer chaque dossier qui lui est confié et à s’assurer que les criminels paient intégralement leur dette à la société. Mais lorsque son amour d’enfance est assassinée, tout change.

Il y a deux ans, j’avais beaucoup aimé La soudaine apparition de Hope Arden de Claire North, donc je dois dire que son 84K m’intriguait grandement.
Comme dans le titre précédent, l’autrice nous embarque dans une dystopie, ambiance sécurité et finances poussées à leur paroxysme.
L’histoire se déroule dans une Angleterre un peu futuriste (mais peut-être pas si lointaine que cela ?), dans laquelle tout, absolument tout se paie, et ce depuis que la société toute entière est gérée par la Compagnie, une compagnie d’investissement qui, peu à peu, a racheté la totalité du pays, services publics inclus. Pour tout privatiser, évidemment !
Pour la sécurité des citoyens et au nom de la lutte contre le terrorisme, les droits de l’homme ont été abolis. Chaque service se monnaie. Un appel au secours ? Ils se déplaceront si vous payez un forfait premium. La voie rapide au lieu des petites routes de campagne défoncées ? Avec l’abonnement autoroutier, sans aucun problème. Vous avez commis un délit ? Pas de panique. Vraiment pas. Car le Bureau d’Audit des crimes a l’habitude de chiffrer le montant de chaque crime, chaque délit. Tarifs revus à la baisse en fonction de votre profil de citoyen… et de celui de la victime : celle-ci était-elle court vêtue ? Son assurance était-elle à jour ? Faisait-elle partie d’une population considérée à risques ? Bref, tout a un prix, y compris – et surtout – la vie humaine – et celle-ci coûte vraiment moins cher quand on est déjà riche et puissant. Délicieux, n’est-ce pas ?

Dans ce charmant contexte, le récit mêle trois arcs narratifs, chacun correspondant à une temporalité différente. Il y a le (lointain) passé de Théo Miller, sa vie au Bureau d’audit des crimes (passée mais un brin plus proche) et le présent, alors qu’il a été blessé dans de mystérieuses circonstances et recueilli par une inconnue qui vit à bord d’une péniche. Et contrairement aux classiques du genre lorsque trois époques se mélangent, il n’y pas d’alternance narrative stricte. Non : l’autrice raconte plutôt les trois époques en même temps. On passe donc d’un Théo Miller à l’autre, et cela se passe parfois au sein de la même phrase. Le style, de fait, est très percutant. Phrases laissées en suspens, personnages qui répètent en boucle les mêmes mots, voire les mêmes phrases (à la suite !), qui alignent des mots les uns derrière les autres dans des accumulations qui, au premier abord, n’ont ni queue ni tête (car on est vraiment dans l’imitation du flot de pensée), mais qui, à terme, finissent par faire sens. Bref : il peut être difficile d’entrer dans le récit car le style et le mode narratif peuvent sembler au premier abord un peu hermétiques. Après un petit temps d’adaptation, cela se lit plus fluidement ! Et si vous avez lu La soudaine apparition de Hope Arden, vous ne serez pas franchement dépayé.e.s, car les procédés stylistiques y sont similaires.

En bref, Claire North signe une dystopie en tous points glaçante : la dérive du système entièrement privatisé fait particulièrement peur, et ce d’autant qu’elle semble particulièrement proche. Autre point terrifiant : l’inertie qui semble tenir toute la société, les employés exécutant, les puissants continuant à terroriser les plus faibles, le reste subissant la situation. Flippant à tous points de vue.
De fait, le récit est particulièrement sombre, et je dois dire que c’est l’originalité de la plume qui le rend moins plombant qu’il n’y paraît (pour peu qu’on y adhère). Bref, une dystopie originale et particulièrement réussie !

84K, Claire North. Traduit de l’anglais par Annaïg Houesnard.
Bragelonne, réédition septembre 2022, 550 p.

Et voilà qui valide la catégorie Nakatomi Tower du Cold Winter Challenge !

Les huit coups de l’horloge, Maurice Leblanc

Une fois n’est pas coutume, Les huit coups de l’horloge n’est pas un roman, mais bien un recueil de nouvelles, mettant en scène le célébrissime gentleman-cambrioleur.

Au sommet de la tour :
Cette nouvelle liminaire est aussi celle qui connaît la plus longue exposition (puisqu’elle va servir à installer les personnages phares du recueil).
On y rencontre donc le Prince Rénine (qu’on imagine être Arsène Lupin, dont le titre Prince Sernine est un pseudonyme connu !) et Hortense Daniel. C’est justement elle qui est au centre du récit, puisqu’elle cherche à s’enfuir avec un homme (qu’elle n’aime pas) pour échapper à l’emprise de sa belle-famille.
Le récit est court mais fournit une aventure complète et assez trépidante, avec juste ce qu’il faut de mystère et de résolution d’énigmes insolubles par Lupin.
Même si le titre de la nouvelle ne l’indique pas, c’est elle qui donne son titre au recueil, puisqu’à l’issue, il est convenu qu’Hortense et Rénine vivront sept aventures de plus, en hommage aux huit coups de l’horloge qui ont permis de résoudra la première affaire. Ce qui est très malin, vu que ça va nous dispenser d’exposition des personnages dans les sept nouvelles suivantes !

La carafe d’eau :
On a là une affaire bien emberlificotée et pleine de tension, un homme risquant d’être décapité en fin de compte ! On n’est pas en huis-clos mais presque, puisque l’affaire se déroule essentiellement dans un bâtiment au rez-de-chaussée duquel se trouve un restaurant.
On retrouve le talent d’Arsène Lupin pour les combats psychologiques entre lui et les personnes qu’il a dans le collimateur. Hortense est plus spectatrice qu’actrice dans cet opus.
Comme souvent dans ses aventures, Arsène Lupin se paie le luxe d’appeler la Sûreté pour qu’elle soit témoin de sa résolution de l’affaire (ça fait partie de son petit côté cabotin que j’apprécie). Là encore, la machination était bien ficelée et, contrairement à la première nouvelle, elle sera démontée à temps !

Thérèse et Germaine :
On quitte Paris pour Étretat (on retourne aux sources) et les premières lignes mentionnent nommément Arsène Lupin – Hortense et Rénine discutant de l’Aiguille Creuse. Le mystère est bien présent, puisque Rénine ambitionne d’empêcher un meurtre, dont il connaît le lieu et l’heure. Finalement, un autre meurtre est commis et c’est celui qu’il va tâcher de résoudre.
Comme dans le texte précédent, la tension réside essentiellement dans le combat psychologique qu’il livre contre ses adversaires. Le rythme est donc soutenu, bien qu’il n’y ait pas d’action – et Hortense est de nouveau complètement spectatrice.

Le film révélateur :
Nouvelle ambiance ! Rénine et Hortense, au cinéma, regardent évoluer la demi-sœur d’Hortense avec qui elle n’a plus de contact. Or, Arsène Lupin est certain que son partenaire à l’écran est un dangereux psychopathe, ce que semble confirmer la disparition soudaine de la jeune actrice.
J’ai trouvé cette nouvelle particulièrement moins prenante que les autres : c’est confus, et on ne s’interroge pas sur les délires de Lupin (qui, pour une fois, fait totalement fausse route). De plus, je dois dire que j’ai commencé à trouver le cliché de la damoiselle en détresse assez lassant à la longue (car oui, Hortense s’évanouit encore et c’est agaçant) !

Le cas de Jean-Louis :
Où l’on résout l’affaire d’un jeune homme qui a deux mères, car à la naissance simultanée de deux bambins, suivie immédiatement de la mort de l’un d’eux, on n’a plus su déterminer qui était la mère légitime.
Celle-ci, je l’ai trouvée à la fois rigolote (le point de départ est quand même salé) et à l’image du Lupin qui manipule son entourage en mode « la fin justifie les moyens », donc avec un aspect assez affreux (je vous laisse découvrir sa manigance). Le temps est assez resserré, donc pas le temps de souffler dans cette contre-enquête vraiment originale.

La dame à la hache :
Une sombre affaire de tueur en série qui enlève puis découpe des dames à la hache. Glauque, non ?
Si on passe sur le syndrome de la princesse à sauver (et oui, ENCORE cette pauvre Hortense), cette nouvelle-ci était assez plaisante. Je lui ai retrouvé le rythme hyper prenant de 813, par exemple, puisqu’ici aussi il y a une notion de compte à rebours qui rend tout très palpitant. De plus, Lupin est dans le noir, et ça change un peu des autres textes. Cela m’a réconciliée avec un recueil que je commençais à trouver un brin lassant !

Des pas sur la neige :
Cette fois, Hortense, en convalescence à la campagne, raconte par lettre une scène à laquelle elle a assisté et qui va titiller l’imagination de Rénine. Une seule chose à dire : le père, le fils, la bru, l’amant potentiel et une situation explosive au bout.
De nouveau, on renoue avec l’enquête ardue : tous les indices sont là, les témoins clés aussi, l’affaire est donc dans le sac ou presque, lorsque Lupin fait irruption dans l’enquête pour proposer une vue de côté… pas inintéressante ! J’étais de nouveau dans mon élément dans cette nouvelle, avec moult détails qui ne sautent pas aux yeux, une interprétation en apparence farfelue, mais logique, des faits et une résolution à l’avenant. Dois-je signaler qu’Hortense fait surtout potiche ? Non, je suis sûre que vous aviez deviné !

« Au dieu Mercure » :
Dernière nouvelle et qui offre deux histoires en une. De fait, au début des aventures, Hortense a mis Rénine au défit de lui retrouver une agrafe de corsage en cornaline qui avait disparu des années plus tôt. Ce à quoi il va s’employant, tout en essayant à toutes forces de faire succomber la jeune femme à son charme – en effet, au terme des sept aventures et des huit coups de l’horloge, il était entendu qu’il se passerait quelque chose.
La machination est, encore une fois, bien ficelée. Mais la conclusion ne m’a pas follement satisfaite car, si Hortense finit par succomber (après moult signes de faiblesse en cours de route, on ne change pas une équipe qui gagne), j’ai trouvé que c’était vraiment hyper rapide et mal amené (cela fait plusieurs nouvelles qu’elle lui dit assez clairement d’aller voir, quand même). Alors oui, ça colle à l’ambiance habituelle des Lupin mais cette fois-ci, je ne ressors pas totalement convaincue.


Cela faisait un moment que je n’avais plus lu de « nouvel » Arsène Lupin (même si je suis sûre qu’il m’en reste certains que je n’ai pas encore lus !), aussi étais-je très contente d’enfin lire ce recueil de nouvelles. Et si j’ai passé une agréable lecture dans l’ensemble, je dois avouer que ce n’est clairement pas mon titre préféré. Les nouvelles sont intéressantes et souvent originales, avec des plans machiavéliques bien troussés. Mais parfois on passe un peu vite sur les détails ou développements (format nouvelle oblige) et au bout de trois-quatre répétitions, le syndrome de la faible femme en détresse a commencé à me taper sur les nerfs (je sais que c’est l’époque, tout ça, mais au bout d’un moment : trop, c’est trop). Quoi qu’il en soit, j’ai retrouvé ce que j’apprécie dans les aventures du personnage : le verbe haut, une confiance excessive en soi, des batailles psychologiques acharnées, des raisonnements tortueux mais brillants et des récits bien tournés.

Les huit coups de l’horloge, Maurice Leblanc. Le Livre de Poche, 1966, 315 p.

Les sœurs Hiver, Jolan C. Bertrand.

Il y a très longtemps, il y avait deux hivers : la Grande, avec ses froids polaires et ses blizzards, et la Petite, avec ses glissades joyeuses et ses batailles de boules de neige. Mais depuis que la Petite a disparu, tout est détraqué au village de Brume ! Les adultes sont inquiets, plus personne ne rit aux bonnes farces d’Alfred et, surtout, les trolls passent leur temps à voler des objets, qu’ils emportent à tout jamais dans la taïga. Lorsque l’oncle d’Alfred se porte volontaire pour rapporter les objets volés et qu’il disparait sous ses yeux, avalé par la tempête, c’en est trop : il faut partir à sa recherche, coûte que coûte, braver les dangers de la forêt boréale, et affronter la Grande Hiver…

Une fois n’est pas coutume, j’ai acheté ce roman surtout en raison de la couverture de Tristan Gion que je trouve fabuleuse ! Cerise sur le gâteau : il se trouve que l’intérieur m’a plu tout autant !

Le roman débute par le récit fondateur de la relation des deux sœurs, la Grande et la Petite Hiver. Or, depuis 10 ans, la belle synergie qui les unissait et assurait des hivers réguliers aux habitants a cessé, la Petite Hiver ayant brutalement disparu. La Grande fait souffler sans discontinuer les hivers rigoureux. Mais ce n’est pas le point de départ du récit ! Celui-ci se trouve plutôt dans les farces commises par les trolls, qui volent des objets précieux aux habitants du village où vit Alfred. Trop, c’est trop et les villageois se doivent de faire quelque chose.

Le récit nous entraîne donc dans la bise glacée d’un royaume viking, qui mêle influences scandinaves : on y prie couramment Loki, les sames mènent leurs rennes paître dans la taïga et la forêt est infestée de petits trolls farceurs qui peuvent se transformer en cailloux à la moindre alerte. Le fait que l’intrigue se déroule en hiver ne fait que renforcer cette ambiance. D’ailleurs, plus le récit avance, plus la mythologie nordique et ses légendes particulières s’invitent dans le récit, et viennent en bousculer le fil.
Dans ce décor particulièrement enchanteur, l’intrigue se construit à la fois comme un récit d’aventure et un récit d’apprentissage – Alfred devant apprendre seul à se débrouiller pour retrouver son oncle. Les péripéties sont prenantes et scandent bien le récit, qui se fait tour à tour épique, poétique, émouvant. On se croirait vraiment dans un conte, et c’est une ambiance que j’ai vraiment appréciée. Il y a aussi des pointes d’humour vraiment bienvenues, car Alfred a un esprit farceur qui parfois peut se retourner contre lui, ce qui occasionne de savoureuses situations.

J’ai apprécié de retrouver une certaine diversité dans les personnages et un choix narratif vraiment intéressant. Les trolls, en effet, n’ont pas de genre défini, aussi les pronoms pour les désigner sont-ils le duo ul/uls. Qu’on ne s’inquiète pas : on ne les rencontre pas tant que ça au fil de l’histoire et la démarche est expliquée au début, ce qui facilite grandement la compréhension, y compris pour de jeunes lecteurs – le lectorat cible semblant être les préadolescents. Sous couvert d’un récit très traditionnel, le roman aborde en fait des sujets modernes avec justesse, et une certaine dose de légèreté très bienvenue.

J’ai parlé en intro de la splendide couverture : on retrouve des illustrations (en couleurs !) tout aussi sublimes à l’intérieur, celles-ci venant ponctuer le récit. C’est d’une part très agréable à l’œil, mais cela renforce d’autant l’impression si agréable de lire un conte d’hiver.

Jolan Bertrand et Tristan Gion signent donc un roman jeunesse d’excellente facture : les sublimes illustrations servent un texte accessible, très prenant, qui se fait tantôt poétique, tantôt épique, et qui nous immerge dans une ambiance de conte hivernal particulièrement agréable. On en redemande !

Les sœurs Hiver, Jolan C. Bertrand. Illustré par Tristan Gion. L’École des Loisirs, février 2022, 228 p.

Et avec ceci, je valide la catégorie « Chant de Noël » du Cold Winter Challenge 2022 !

Le couronnement de la Reine morte, Le Roi de paille #2, Isabelle Dethan.

Accompagnée de son demi-frère, Sennedjem, la princesse Neith a fui l’Égypte pour ne pas finir dans le lit de Pharaon, son père. Capturés par des marchands d’esclaves, les deux jeunes gens sont alors vendus à Nabù-kudduri-usur, le roi de Babylone.
Sennedjem est promis à un funeste destin : il est choisi pour incarner le « Roi de Paille ». Son rôle consistera à attirer sur lui la malédiction divine afin de la détourner du souverain de Babylone.
Neith, devenue la suivante de la concubine Shamhat, aimée du prince héritier Amel, va tenter l’impossible pour lui venir en aide… et parvient à le faire évader.

En 2020, j’étais une fangirl heureuse : Isabelle Dethan, une de mes autrices-illustratrices préférées, sortait une nouvelle série de BD dont l’intrigue se déroulait en Égypte. Et bien que j’aie écrit à ce moment-là que je mourais d’impatience de lire la suite, j’aurai bien fait attendre celle-ci – mais c’était pour mieux en profiter !

La fin du tome 1 nous laissait sur des charbons ardents, puisque le plan d’évasion de Neith et Senn réussissait à moitié : Senn était sauvé, Neith contrainte de retourner auprès du prince Amel, de sa concubine Shamhat, et de leurs délicieux enfants. Inutile donc de dire que l’on reprend la lecture de la série sous une certaine tension, d’autant que le sauveur venu sortir Neith et Sennedjem des griffes de leur geôlier n’est autre qu’un envoyé de Pharaon, chargé de ramener la jeune princesse tout droit dans la couche de son royal paternel.

Autant le récit de la première aventure était resserré en temps, autant celui-ci s’étale sur un temps quelque peu plus long (j’ai eu l’impression qu’on pouvait le compter en semaines, voire en mois). Plus encore que dans le premier tome, on est plongés dans la politique babylonienne, qu’il s’agisse de ses relations diplomatiques, notamment avec la nation Mède voisine, ou de sa mouvementée politique interne.
De fait, difficile de s’ennuyer dans cet opus, car les péripéties s’enchaînent à bon train – je vous l’ai dit, la politique babylonienne est mouvementée !

Rapidement, le récit quitte la cité babylonienne pour le désert, et l’on suit à la fois les parcours de Neith et Sennedjem, chacun de leur côté. Les personnages secondaires ne sont pas en reste, et on va s’intéresser notamment à la concubine Shamhat, à Ladiocée, la jeune princesse Mède et au prince Amel. Tout cela est hyper intéressant et bien mené, ce qui explique que je me sois régalée.
Mais je dois quand même avouer que j’ai été un peu surprise par la rapidité de la fin : ça m’a laissé la même impression que la la fin de la série Sur les terres d’Horus (un énorme coup de cœur que je relis souvent et que je vous conseille vivement!). Comme si la série avait été prévue initialement avec un tome supplémentaire, et que finalement on s’arrêtait là. La conclusion donne une vraie fin à l’histoire mais il y a un je-ne-sais-quoi de rapidité qui laisse un sentiment d’inachevé !

Heureusement, les illustrations sublimes sont là pour en mettre plein les mirettes et faire oublier ce léger désappointement. Encore une fois, Isabelle Dethan a un vrai talent pour faire revivre l’Antiquité égyptienne dans toute sa splendeur et toutes ses caractéristiques. Les dessins sont splendides, les couleurs parfaites, et je trouve que les planches invitent à se perdre dans les décors et les détails, ce que j’adore dans ces bandes-dessinées.

En somme, j’ai encore une fois été conquise par la plume et les pinceaux d’Isabelle Dethan, dans ce récit qui nous emmène de nouveau dans l’Antiquité, mais plus du côté de Babylone que de l’Égypte, cette fois. Le récit, focalisé sur un jeune prince et une jeune princesse égyptienne soulève des enjeux personnels et politiques très prenants – au point que j’aurais volontiers signé pour un tome supplémentaire. Enfin, pour ne rien gâcher, les illustrations sublimes sont un vrai plaisir pour les yeux ! Je suis certaine de relire cette série régulièrement !

Dans la même série : La Fille de Pharaon (1).

Le Roi de paille #2, Le couronnement de la reine morte, Isabelle Dethan.
Dargaud, janvier 2021, 56 p.

Sans âge, Le Protectorat de l’ombrelle #5, Gail Carriger.

Lady Maccon est en pleine béatitude domestique. Une béatitude à peine troublée par la fréquentation de quelques loups-garous de la haute société et celle du second placard préféré d’un vampire, sans oublier un bambin précoce ayant des dispositions incontrôlables au surnaturel…
Mais Alexia vient de recevoir un ordre qu’elle ne peut ignorer. Avec mari, enfant et famille Tunstell au complet, elle embarque à bord d’un bateau à vapeur pour traverser la Méditerranée. Direction l’Egypte, une terre qui pourrait bien tenir en échec l’indomptable Alexia. Que lui veut la Reine vampire de la ruche d’Alexandrie ? Pourquoi un ancien fléau s’abat-il de nouveau sur le pays? Et comment diable Ivy est-elle devenue du jour au lendemain l’actrice la plus populaire de tout l’Empire britannique ?

2023 est donc l’année où j’ai terminé Le Protectorat de l’ombrelle de Gail Carriger, une série que j’aime d’amour (et que j’avais entamée … en 2012 ! Il était donc temps !). D’autant que si j’adore cette série et avais précieusement gardé ce dernier tome, laisser passer cinq ans entre la lecture du tome 4 et celui-ci était loin, mais alors loin d’être une riche idée. Heureusement qu’il y a des chroniques avec spoilers sur internet, sinon c’était la cata.

Cette chronique risque de divulgâcher non seulement ce tome, mais la série dans son ensemble. La conclusion est sûre !

Après, donc, un léger temps d’adaptation en début de tome, j’ai retrouvé tout ce que j’apprécie dans cette série : un mystère, une enquête ardue, prenante et très originale, et un imbroglio de surnaturels qui marchent sur les plate-bandes les uns des autres. Avec, en plus, un brin d’exotisme qui m’a rappelé les meilleurs moments d’Hercule Poirot, puisque tout le monde part direction l’Égypte.

Si Alexia, Conall et Prudence sont en Égypte, avec tout leur entourage (Ivy Tunstell, sa famille et sa troupe de théâtre), Londres n’est pas oubliée pour autant. En effet, le récit propose, en parallèle des aventures égyptiennes, de jeter un œil sur ce qu’il se passe au sein de la meute Woolsey. Le professeur Lyall et Biffy (ex-drone devenu un loup-garou) ont fort à faire de leur côté. J’ai beaucoup aimé que le récit passe plus de temps sur ces personnages secondaires, que l’on ne voyait pas autant jusque-là. L’intrigue de ce tome-ci propose donc, d’une part, un récit inédit et, d’autre part, le bouclage d’un certain nombre de contentieux en cours depuis le début de la saga. Et les deux arcs narratifs sont tout à fait passionnants !

De fait, j’ai trouvé que ce tome accordait une grande importance aux personnages, et à leurs relations. L’amitié qui lie Alexia à Ivy est profonde et sincère et, malgré leurs statuts respectifs de mères de famille, elles continuent à s’entendre (du moins autant qu’il est possible avec le goût de la mode d’Ivy). Alexia et Conall, de leur côté, poursuivent leur vie de couple, folâtrent et se crêpent le chignon à qui mieux mieux, et ce pour notre plus grand plaisir. A deux reprises, je dois avouer que l’autrice m’a bien inquiétée avec des retournements de situation qui m’ont laissé penser que c’en était fini de ce duo mythique !

Et ce n’est pas tout ! Car l’Égypte va aussi permettre à Alexia de mieux comprendre le problème avec les momies de paranaturels (cf. tomes précédents), d’éprouver les capacités hors-norme de sa fille, tout comme de formuler quelques hypothèses tout ce qu’il y a de plus scientifique sur les êtres surnaturels. Cela complète à merveille l’univers et, si je ne savais pas déjà qu’il existe au moins deux spin-off à cette série, j’aurais été plus que frustrée que l’on s’arrête là.
Il y a toutefois deux points qui m’ont chiffonnée durant cette lecture : primo, pas assez de Lord Akeldama ! (Mais l’éloignement géographique justifiait son absence). Secundo, je m’attendais à en apprendre beaucoup, beaucoup plus sur le père d’Alexia… et les informations m’ont semblé un peu minces. D’autant que la chute, avec la révélation en dernière ligne de l’identité de l’agent Verge d’or, m’a prise au dépourvu : j’aurais voulu en savoir plus, là aussi ! Ceci étant dit, cela collait à l’ambiance prégnante de mystère qui régnait sur ce tome.

Comme dans les tomes précédents, en plus de lire une enquête bien ficelée, j’ai beaucoup ri. D’une part parce que les personnages sont rarement avares de réparties saignantes, mais surtout parce que ce sont des Anglais de la Belle-Époque, avec un flegme à toute épreuve et un sens aigu des convenances. Je ne compte pas les scènes où Lord Maccon est peu (voire pas) vêtu et embarrasse son épouse, qui éprouve moins de gêne à tirer à balles réelles sur les assaillants qu’à voir son époux sans chaussettes.
Les Tunstell, de leur côté, ne sont pas en reste : Ivy est désopilante (parfois à ses dépens, il faut le dire) et la troupe de théâtre apporte son lot de comédie. Enfin, la façon dont est traité le choc des cultures britanniques-égyptiennes vaut à lui seul le détour !

Cette série finit donc comme elle a commencé : excellemment. Autant je suis ravie de savoir qu’il existe deux autres séries dans le même univers, autant j’ai une petite pointe de tristesse à l’idée de quitter ces personnages-ci. Le franc-parler et le sens aigu des convenances d’Alexia font, à eux seuls, la moitié du sel des intrigues de la série, le reste étant assuré par cet improbable, mais très réussi, mélange de sciences, convenances sociales, personnages surnaturels et fauteurs de troubles de tout type. Je ne suis pas à l’abri de relire toute la série un de ces quatre !

◊ Dans la même série : Sans âme (1) ; Sans forme (2) ; Sans honte (3) ; Sans cœur (4) ;

Le Protectorat de l’ombrelle #5, Sans âge, Gail Carriger. Le Livre de Poche, septembre 2014, 445 p.

Du roi je serai l’assassin, Jean-Laurent Del Socorro.

Andalousie, XVIe siècle. Sinan est un Morisque, un musulman converti au catholicisme. Il grandit avec ses deux sœurs, Rufaida sa jumelle, et Sahar la petite dernière, à Grenade, dans une Espagne réunifiée et catholique sous le règne de Charles Quint. Pour échapper à l’Inquisition qui sévit à Grenade, Sinan et Rufaida, les deux aînés de la fratrie, sont envoyés par leur famille à Montpellier, où ils suivront des études de médecine. Mais les deux enfants tombent dans une France embrasée par les guerres de religion.

J’avais beaucoup aimé Royaume de vent et de colères donc je n’ai pas tardé à acheter Du roi je serai l’assassin à sa sortie (même s’il a carrément traîné dans la PAL). Chronologiquement, ce récit se déroule avant celui de Royaume de vent et de colères, et ils sont indépendants, mais si vous souhaitez lire les deux, je recommanderai quand même de les lire dans l’ordre de parution pour bien tout saisir !

Je ne me rappelais pas, dans le précédent opus, que la narration était faite à la première personne et au présent de l’indicatif, ce qui généralement a tendance à me rebuter. Il m’a donc fallu quelques chapitres pour m’y remettre – l’auteur ayant une plume ciselée et fluide, cela s’est heureusement fait sans mal !
Le roman se découpe en trois grandes parties : la première est consacrée à l’enfance de Sinan et Rufaida, à Grenade ; la deuxième à leurs études montpelliéraines ; la troisième nous emmène, bien plus tard, à Marseille – et je n’en parlerai pas trop pour ne rien divulgâcher.

Alors évidemment, avec un roman qui débute en Andalousie au XVIe siècle, terre de persécutions, et qui se poursuit pendant les guerres de Religion en France, je m’attendais à une ambiance un peu sombre. Je ne m’attendais en revanche pas à ce que cette ambiance sombre et poisseuse s’invite dès les premiers chapitres et investisse l’enfance des personnages ! Ceux-ci vivent sous la coupe d’un père violent et autoritaire, que sa femme complètement effacée laisse faire. Les coups et les brimades pleuvent, personne ne s’en offusque, et il se dégage du récit une ambiance particulièrement morose.
Cela semble s’arranger à l’adolescence de Sinan et Rufaida, qui rejoignent Montpellier pour embrasser des études médicales. Sauf que… non seulement les jumeaux tombent en pleines guerres de Religion, mais Rufaida découvre en outre que jamais elle n’aura accès aux mêmes droits estudiantins que son frère, en raison de son sexe. De fait, la violence imprègne tout le récit et, côté bonne ambiance, on reste dans la même veine.
De la troisième partie, je dirai seulement qu’elle marque une rupture franche et audacieuse dans la narration et qu’elle fait appel aux événements narrés dans Royaume de vent et de colères (d’où ma recommandation d’ordre de lecture). Toutefois, si ce n’est pas lu, vous ne manquerez rien du récit présent, et cela vous donnera envie de découvrir l’autre pour combler les trous !

Comme dans d’autres romans de l’auteur, la précision historique du récit est admirable. Que ce soit dans les descriptions de paysages, des mœurs, ou dans les péripéties, on s’y croirait à chaque instant. L’élément fantasy m’a semblé assez lointain : la quête de la Pierre du Dragon et de l’art des Artbonniers est bien en tête des objectifs des jumeaux, mais ce n’est finalement pas ce qui occupe la majeure partie du récit. Dans la mesure où celui-ci est déjà très complet, le fait que la quête soit plutôt là en toile de fond ne m’a nullement gênée ! J’étais bien trop occupée à me demander comment les personnages allaient se tirer des divers guêpiers dans lesquels ils étaient fourrés.
Car le récit est particulièrement prenant. Qu’il s’agisse des stratagèmes pour oublier la colère paternelle, des fêtes et découvertes estudiantines, ou de la révolte contre les lois chrétiennes, il est difficile de s’ennuyer tant l’intrigue est palpitante. Ce n’est pas tellement que ce soit truffé de scènes d’actions trépidantes (sauf sur la fin), mais la tension constante qu’instille l’auteur instaure un rythme plus que confortable. Et il fallait bien ce rythme soutenu, je pense, pour absorber la violence et la noirceur des thèmes traités, puisqu’il est ici essentiellement question de violences, maltraitance, deuil, rejet ou acceptation de l’autre, le tout exacerbé par les différences de culture et/ou de religion. Et si j’ai lu le roman d’une traite, ce n’est pas une lecture que je recommande en période de déprime !

En bref, j’ai passé un très bon moment avec Du roi je serai l’assassin, qui propose un récit dramatique, mais particulièrement prenant. La plume ciselée et élégante de l’auteur contribue à rendre le récit hautement immersif, tout en évoquant avec une certaine délicatesse (quoique sans fards) des sujets de société. De fait, bien qu’il s’agisse d’un roman historique, on trouve dans le récit un écho très fort à l’actualité, puisque les guerres de religion, la violence, le sexisme et le racisme sont au cœur du récit. La touche fantasy étant assez ténue, j’ai bien envie de recommander ce titre, non seulement aux amateurs, mais aussi à des lecteurs qui lisent peu ou pas de fantasy, car cela pourrait être une bonne porte d’entrée !

Dans le même univers : Royaume de vent et de colères ;

Du roi je serai l’assassin, Jean-Laurent Del Socorro. Actusf, avril 2021, 368 p.

Fin de série #5 – Bilan 2022

En 2015, j’ai joint le Défi Fin de Série d’Acr0.
L’objectif ? Continuer et terminer ses séries en cours dans un délai respectable, avant d’en entamer de nouvelles.


Après moult années sans aucun bilan et un suivi bien dilettante, j’ai décidé de reprendre tout ça en main et de comptabiliser les progressions (ou les reculs). Alors que l’an dernier je clôturais à 79 sagas en cours, il est temps de voir où 2022 nous a menés !
Spoiler alert : pas vers le PAL à zéro ^^

Pour mémoire, la grosse liste des sagas en cours est visible ici, mais comme je n’ai quasiment pas travaillé sur les index cette année, je doute que tout cela soit à jour…

Commençons donc par le plus gratifiant : les séries dont je suis venue à bout !

Séries terminées :

Ce qui nous fait exactement le même total de quatre séries terminées que l’an dernier, à ceci près qu’il n’y a aucun ajout pour gonfler le chiffre ! Je remarque également que je suis plus assidue sur les graphiques que sur le reste, quoique la série romanesque terminée m’emplisse de fierté, puisque je l’avais attaquée… en 2015 (la première année de mon défi Fin de série, donc, si vous avez tout suivi).

Comme l’an dernier, j’aimerais signaler ici que j’ai aussi terminé quelques diptyques (suffisamment pour faire monter mon total de séries terminées à 7 !) mais que ceci ne comptant pas dans les règles du défi d’Acr0, je vais les citer uniquement pour la gloire :
Prunelle, d’Agnès Laroche, une série de fantasy pour les préado assez classique dans le déroulé, mais très entraînante
Chromatopia, de Betty Piccioli, de la fantasy dystopique bien menée
Le Grand Tour, de Sandrine Bonini, qui a été un énorme coup de cœur !

C’est pas mal, mais clairement pas révolutionnaire, et je crains de devoir dire la même chose que l’an dernier : c’est pas comme ça qu’on va aboutir.
Avec un peu de chance, on va se consoler avec les avancées dans les séries. (Ou pas.)

Poursuite des séries en cours :

L’an dernier, j’ai lu 16 tomes de 10 séries différentes, un total qui me semblait nettement moins bon que celui de l’année précédente.
Cette année, c’est un poil mieux, mais ce n’est pas non plus le nirvana, puisque j’ai lu 21 tomes de 12 séries différentes.
Voici les titres qui y sont passés :

Zombillénium : tome 5
Les Mondes d’Ewilan (en BD) : tome 2
La voie du tablier : tomes 3, 4, 5 ,6 et 7
Spy x family : tome 3
L’atelier des sorciers : tomes 8 et 9
Mercy Thompson : tome 9 + hors-série Ombres mouvantes
Le garçon sorcière : tomes 2 et 3
Blue World : tomes 2 et 3
Phantom Seer : tomes 2 et 3
Le Noir est ma couleur : tome 5
Robustia : tome 2
Du roi je serai l’assassin (in Royaume de vent et de colères)

Il y a un peu de mieux niveau chroniques, mais autant j’aime bien lire des graphiques, autant les chroniquer ne me passionne pas (surtout dans une série), parce que j’ai l’impression de me répéter sans arrêt !

Passons maintenant au nerf de la guerre. Quid des séries entamées en 2022 ?

Comme tous les ans, je sépare cette catégorie en deux types de séries : les entamées-sans-aucune-chance-de-poursuite et les très-bonne-pioche-zou-dans-la-PAL !

Au titre des premières (les abandons), je compte 5 séries, à savoir :

Iron Widow de Xiran Jay Zhao, de la fantasy militaire dont je ne comprends pas la hype : le worldbuilding est inexistant, les personnages sont caricaturaux et alors que ça s’annonçait comme de la fantasy féministe et anti-patriarcale, j’ai été salement déçue. Je m’abstiens pour la suite, donc.
L’Immeuble de la rue Cavendish, de Caroline Kant : vous le savez, la littérature contemporaine, la romance, ce n’est pas ma tasse de thé. J’ai lu ce roman assez sympa, j’aurais même follement apprécié sur ma serviette de plage cet été, mais soyons honnêtes : je ne me plierai jamais en quatre pour lire la suite ! (D’ailleurs, je l’ai déjà donné à une autre lectrice !)
Entre-Deux, de Peko Watanabe : ce manga parle du couple et de la pression sociale (notamment au Japon) sur les couples. Sujet intéressant, mais je ne me suis pas passionnée pour les personnages au point de vouloir en savoir plus, donc je m’arrête là.
Fleurs d’Oko, de Laëtitia Danaë : un roman de fantasy que j’ai lu dans le cadre du PLIB et sur lequel j’ai beaucoup peiné ! Même s’il doit reparaître en version corrigée pour aller avec la suite, je vais faire l’impasse.
Les Monstres, de Vanessa Len : un roman d’urban-fantasy young adult qui s’annonçait vraiment très bien, mais qui en fait tourne très vite aux clichés du style, ce qui m’a passablement agacée.

Il est donc temps de parler du vrai point qui fâche, les séries fermement entamées en 2022… et qui sont au nombre de 15 ! (Même si l’une d’elles… est déjà terminée !)

Je pense ne surprendre personne en annonçant que le taux de chronique dépasse à peine les 50% (mais dites-vous bien que si ces titres sont là, c’est que je les ai appréciés !). Si la chronique est faite, un clic sur la couverture vous y mènera !

Un peu de stats ?

Allez, il est temps de faire une moulinette avec tout ça. L’an dernier je bouclais avec 79 sagas en cours. Avec 4 séries terminées et 15 nouvelles entamées, nous voilà donc à 90 sagas en cours. Ceci étant posé, je vois déjà trois diptyques dans mes séries entamées (Polar vert, Le Monde des Premiers et This savage song). Sachant qu’ils seront comptés pour la gloire et n’entreront pas dans le décompte final, je vais d’ores et déjà appliquer un -3 au total de cette année (sinon on s’en sortira jamais). Ce qui nous amène donc à 87 séries en cours.

Ma seule résolution pour l’année prochaine sera… de ne pas atteindre les 100 en cours !

Et vous les séries, ça avance comment ?

Lost Lad London #1, Shima Shinya

Al, étudiant londonien d’origine asiatique, se sent à part dans sa famille d’adoption. Il préfère vivre en colocation, à distance de ses parents. Son ambition est d’obtenir son diplôme sans faire de vagues… Mais sa vie bascule lorsqu’il monte dans le métro où le maire de la ville est retrouvé assassiné !
Le meurtre fait sensation. Ellis, inspecteur bourru mais compétent, est chargé du cas malgré un bras et une jambe dans le plâtre. Hanté par le souvenir d’une enquête qui a mal tourné, il est bien décidé à ne plus jamais se tromper de coupable. Quand Al apprend la nouvelle, il ne se sent pas concerné : la veille, il est descendu à sa station comme d’habitude, sans rien soupçonner. Et pourtant, il découvre un couteau ensanglanté dans la poche de son manteau ! C’est le moment qu’Ellis choisit pour sonner à sa porte… Le jeune homme serait-il devenu à son insu le suspect numéro un ?

Lost Lad London est une série courte (en trois tomes), dont l’intrigue se déroule à Londres. Le début nous plonge dans le quotidien d’Al, un étudiant qui rédige les dissertations (contre rémunération) de son ami et coloc, et qui préfère cette occupation à la compagnie de ses semblables. C’est par les journaux qu’il apprend le meurtre, peu de temps avant de trouver ce qui ressemble à s’y méprendre à l’arme du crime, dans sa propre poche. Lorsque l’inspecteur Ellis frappe à sa porte, le jeune homme, en toute bonne foi, lui montre sa découverte… ce qui amène Ellis à lui proposer de travailler avec lui sur l’enquête, plutôt que de se faire coffrer. Audacieux, mais parfaitement justifié vu les casseroles que se traîne l’inspecteur !

Le récit s’articule donc vraiment autour du duo assez original formé par l’inspecteur désabusé et l’étudiant pas plus enchanté que ça par ses congénères. D’ailleurs, l’autrice glisse ça et là des éléments sur l’un et sur l’autre, tisse peu à peu leur relation, et j’ai hâte de voir où tout cela va nous mener. De fait, le mélange des arcs narratifs est parfaitement dosé. L’enquête est évidemment au premier plan, mais il est tout autant question de la quête d’identité que mène Al : adopté par des parents blancs, il recherche sa mère et souhaite savoir pourquoi il a été abandonné. L’inspecteur Ellis est un peu moins creusé, mais on sent qu’il reste de la matière à découvrir dans la suite et l’autrice évite ainsi de surcharger le premier tome.
Tout cela fait que le récit, bien équilibré, se lit avec grand plaisir !

Avec ça, la narration est vraiment bien menée. Dans un premier temps, j’ai trouvé que l’autrice jouait bien sur le statut des personnages, et je me suis demandé si Al était bien aussi innocent qu’il semblait l’être. J’ai eu l’impression que les jeux de cadrages ou certains détails nous donnaient la sensation inverse, ce qui a rendu ma lecture très prenante.
On ne peut pas dire que le récit soit trépidant au sens où il se passerait quelque chose toutes les pages : on est plutôt sur un rythme posé, mais qui distille les découvertes et semi-révélations pour faire progresser insidieusement intrigue et soupçons. C’est vraiment un thriller bien mené, que j’ai eu du mal à lâcher en cours de route.
Pour ne rien gâcher, j’ai trouvé que le suspense ne faisait qu’aller crescendo : plus on avance dans l’intrigue, plus on a la sensation que tout cela est le fait d’une sombre machination. Donc je suis très impatiente de lire la suite !

J’ai également été servie côté dessins. Les décors sont assez simples et donnent un côté très épuré à l’ensemble. Les personnages, eux, assez anguleux, sont plus précis et détaillés. Il y a un aspect très cinématographique dans le dessin, comme dans le découpage et les cadrages, qui concourent parfaitement à l’ambiance du thriller !

J’étais très intriguée par ce titre et je ressors enchantée de cette lecture. L’autrice livre un début de thriller parfaitement équilibré, porté par un duo de personnages aussi original qu’attachant. Le récit mêle avec brio enquête et recherche autour des secrets de famille, ce qui le rend particulièrement prenant. Le style graphique, assez différent de ce que l’on peut voir habituellement en manga, sert parfaitement l’ambiance de ce thriller. J’ai hâte de lire la suite !

Lost Lad London #1, Shima Shinya. Traduit du japonais par Sébastien Ludmann.
Ki-oon, novembre 2022, 192 p.


Ce titre était dans la catégorie Patin à glaces de mon CWC !