Le Premier, Nadia Coste.

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Vaïn est un jeune homme frêle. Tout l’inverse de son frère, Urr, un vrai colosse, le préféré de ses parents. Le jour où Urr doit devenir un homme, le petit Vaïn ne peut s’empêcher de le suivre et voit son frère boire à la source du loup, réputée pour être maudite. Fou de rage, Urr violente son frère… et le tue. Pourtant… Vaïn se relève. A-t-il ressuscité ? C’est probablement le signe que lui aussi vaut autant que son frère, et la tribu s’en rendra compte. Mais le soleil brûle Vaïn. Et la nourriture a le goût du sable, seul le sang parvient à le sustenter. 
Forcé de se rendre à l’évidence, Vaïn se convainc que la Nature l’a sauvé de la mort pour éliminer son frère et la descendance maudite de ce dernier. La terrible et périlleuse traque commence. Elle lui prendra des siècles. 

Voilà un sujet au roman très original !
D’une part, le contexte surprend. Vaïn, Urr et Milana vivent en effet… au Néolithique. Et à cette époque-là, il vaut mieux être un gros costaud plutôt qu’une allumette comme Vaïn. Heureusement, celui-ci va faire l’expérience de la non-vie, qui va lui permettre de prendre sa revanche contre son butor de frère. D’autant qu’il découvre que ce dernier est, lui aussi, un maudit, dont la race se met à proliférer. Vaïn se donne  alors comme mission de l’éradiquer, lui et sa descendance, ce qui l’amène à entamer un très long périple.

Le roman est prenant dès le départ : on découvre Urr, le jeune premier (le fils prodigue !) et son frère Vaïn, le gringalet que personne n’apprécie. Spontanément, on s’intéresse à Urr, celui qui est présenté comme le plus méritant des deux. Mais… Urr est tellement antipathique qu’il mériterait des claques. Alors on s’intéresse à Vaïn. Le début est rudement habile : le protagoniste n’est pas immédiatement en pleine lumière, mais on en vient à adhérer à son projet. Mais pas vraiment à l’apprécier, et ce sera vrai jusqu’à la fin du roman. Vaïn est un personnage assez étrange, antipathique, aux raisonnements parfois tordus, et qui laissent le lecteur dubitatif. Pourtant… pourtant on ne peut que se passionner pour l’histoire !

La traque est, en effet, très prenante. En suivant Vaïn, on n’ignore rien de ses doutes, angoisses, et de la solitude qui l’étreint. Tout immortel soit-il, Vaïn n’est ni omniscient, ni omnipotent. Il tâtonne, tire des plans sur la comète, se débrouille comme il peut et fait pas mal d’erreurs – et pas seulement au début.
A travers l’opposition atavique des deux frères, Nadia Coste revisite habilement l’opposition vampires et loups-garous, tous pourvus d’une longévité exceptionnelle. Au fil des affrontements et découvertes, ce sont peu à peu tous les codes de ces créatures qui apparaissent : le soleil, le feu ou les pointes de bois sont mortels, Vaïn se nourrit de sang – qui le revigore – et un collier d’ail suffit à le rendre nauséeux. De l’autre côté, la lune a une influence importante, et l’aconit est extrêmement toxique. Dans un cas comme dans l’autre, les effets de chacun de ces éléments sont découverts par expérimentation : Le Premier est vraiment un roman initiatique !

Au-delà de cette mythologie passionnante, il y a aussi la richesse de l’univers qui est particulièrement séduisante. Le roman débute au Néolithique, à l’époque où les populations commencent à se sédentariser. Chasseurs-cueilleurs, éleveurs, agriculteurs, chamans… les classes sociales sont détaillées et les rites sociaux de l’époque – notamment mortuaires – bien intégrés au récit. C’est un vrai plaisir à découvrir. De plus, les maudits étant dotés d’une longévité exceptionnelle, on les suit jusqu’aux prémisses de l’Antiquité. Comme pour les codes liés aux vampires et loups-garous, Nadia Coste replace suffisamment de petits détails pour que, sans précision de date ou d’époque précise, on sache où on en est. Les descriptions de bâtiments, d’armes, de costumes ou de coutumes sont si détaillées qu’on pourrait penser parcourir les rues à la suite des personnages. Côté période historique, la fin permet de faire le lien avec la légende fondatrice de Rome : toutes ces petites références ne font que renforcer l’originalité du roman !

Faire du neuf avec du vieux – dans tous les sens du terme ! – est donc possible. Nadia Coste innove sur les sujets des vampires et loups-garous, tout en plaçant son roman dans un contexte historique extrêmement riche allant de la Préhistoire aux débuts de l’Antiquité. Malgré l’antipathie qu’inspire le personnage, ou grâce à elle, on se passionne pour cette longue traque, pleine de surprises – tant pour les protagonistes que pour le lecteur. Par bien des aspects, Le Premier est un roman jeunesse très surprenant, mais c’est surtout un roman extrêmement original, mêlant histoire et fantastique avec talent.

Le Premier, Nadia Coste. Scrinéo, 2015, 312 p.

 

Merci à Scrinéo et Livraddict pour la lecture de ce roman !

19 commentaires sur “Le Premier, Nadia Coste.

  1. Tesrathilde dit :

    Hmm… ça me paraît savoureux ! 🙂 Je ne recherche pas spécialement les histoires de vampires ou loups-garous en particulier, mais les reprises de folklore donnent souvent des choses qui m’intéressent lorsqu’elles s’inscrivent dans un contexte de documentation « historique » plutôt que dans l’action pure.

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    • Sia dit :

      Je ne cherche pas particulièrement non plus ce genre de récit, mais j’avoue que les mentions Néolithique et Rome ont suffi à attiser ma curiosité. Comme toi, j’apprécie quand cela s’inscrit dans un contexte de documentation historique et quand celui-ci est fouillé, ma foi, c’est tout bon !

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  2. asuna dit :

    Mais… je croyais que tu n’avais pas aimé ??

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  3. voyageauboutdelapage dit :

    J’ai lu il y a pas longtemps une chronique sur ce livre. Et la personne était moins enthousiaste que toi 🙂 En tout cas, moi il me tenterait bien !

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  4. oula il me donne envie celui là^^

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  5. Lupa dit :

    Encore un avec des atouts qui ne me laissent pas insensible ! Mais je dirais que c’est surtout le contexte historique qui fait vraiment pencher la balance ^^ Merci pour cette grande tentation 😉

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  6. Flora dit :

    Bah ça alors, un bouquin qui se passe pendant le Néolithique ! C’est surprenant, je dois bien l’avouer, et tentant (BIEN SÛR. Huhuhu.)… Je fais un peu une overdose côté vampires & loups-garous, mais je note quand même, le traitement a l’air singulier. Merci pour cette belle chronique !

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    • Sia dit :

      Voui voui, note ! Je dois le prêter à Emily (dont la PAL avoisine l’Empire State Building au bas mot) donc si tu veux, je dois pouvoir te le prêter (et vous vous arrangerez entre vous ^^).

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  7. […] : – Le Premier, Nadia Coste (Scrinéo). – #Bleue, Florence Hinckel […]

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  8. […] de la littérature (Melisende), Book en stock (Phooka), Délivrer des livres (Hérisson), Encres & Calames (Sia), Vampirisme (Vladkergan) n’aimeraient pas croiser […]

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  9. Acr0 dit :

    Grande surprise, je ne m’attendais pas à me retrouver au Néolithique (je ne lis pas les quatrième de couv’ avant de me lancer). Les ressentis vis à vis des personnages sont réussis – on ne s’y attache pas ! J’ai aimé cette intrigue originale qui se sert pourtant des attribut du vampire.

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    • Sia dit :

      Haa moi j’avais lu la quatrième de couv’, parce que la couverture, justement, m’intriguait ! Je ne m’attendais pas, en revanche, à aller jusqu’à l’Antiquité ni à ce que Vaïn soit aussi antipathique. Et comme toi j’ai beaucoup aimé les rappels à la littérature vampirique !

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  10. […] des airs de Camille Brissot (L’Atalante) – Le Premier de Nadia Coste (Scrineo) ♥ La Passe-Miroir, tomes 1 & 2 de Christelle Dabos (Gallimard […]

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