De l’autre côté de la nuit, Les Enfants d’Evernight #1, Mel Andoryss.

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Camille vit seule avec son père, dans un manoir londonien, confortablement installée dans la routine d’une jeune fille de bonne famille, entourée de sa gouvernante et son précepteur. Camille aura bientôt 13 ans. Un jour, elle surprend malencontreusement une discussion entre son bien-aimé père et son précepteur : elle ira bientôt au pensionnat. Personne ne lui a demandé son avis. Et Camille ne veut pas partir, loin de chez elle, loin de son père, loin de ce qu’elle a toujours connu. Alors, la veille du départ, Camille fait un vœu : celui que le lendemain n’arrive jamais. 
Et c’est ce qui arrive. Car Camille ne se réveille pas dans son lit, mais à Evernight, un univers parallèle, celui des rêves. Evernight est un monde très étrange, peuplé de créatures encore plus étranges. Là, Camille rencontre le Marchand de Sable. Et Camille comprend bien vite que sa situation est critique : aucun humain n’est toléré à Evernight !

Voilà un titre très enthousiasmant ! Ce premier tome des Enfants d’Evernight est une adaptation de la bande-dessinée éponyme, scénarisée par Mel Andoryss, à qui on doit ce roman, et illustrée par Marc Yang : et voilà une adaptation très réussie !
La première chose qui marque dans ce roman, c’est l’écriture très visuelle et le style proprement enchanteur : l’univers est foisonnant, coloré, on a l’impression de s’y balader sans aucune difficulté. Dès le premier chapitre, on baigne dans un onirisme qui sied tout à fait à l’univers, avant de basculer dans la grisaille londonienne, et la déprime légitime de notre héroïne.

Le monde evernightien est très original et colle tout à fait à l’écriture : on peut s’y déplacer en planche volante, l’eau de la mer est dangereuse (carrément mortelle au moindre contact), les cauchemars prennent forme et attaquent la cité  et ses habitants, les animaux circulent sur deux pattes et y sont doués de parole et les humains, hormis 3 heureux élus, n’y sont pas les bienvenus. Et tout est aussi loufoque et fantaisiste : les principales usines d’Evernight travaillent sur l’énergie des rêves et des cauchemars issus des enfants endormis dans le monde réel,  dont le sommeil est contrôlé par des montres enchantées du Palais du temps, et s’en servent pour alimenter tout ce qui fait fonctionner l’univers.
Après avoir découvert l’usine des montres du Maître du Temps, le lapin (ivrogne) pilote d’avion, le tigre au monocle chef de l’Ordre, et l’ambiance très onirique qui baigne le roman, on ne peut que penser à Alice au Pays des Merveillesou même à Peter Pan ! Quelques clins d’œil aux contes de notre enfance, sont subtilement glissés dans le texte, parfaitement intégrés dans cet univers riche et original ! La fantaisie de l’univers est proprement enthousiasmante, et on le découvre avec autant de candeur et de surprise que notre héroïne.

Camille, justement, après avoir ardemment souhaité s’évader de son quotidien, ne rêve plus que de rentrer, tant Evernight lui est hostile, point qui s’avère éminemment intéressant et original : généralement, lorsqu’un roman fait passer un personnage d’un univers à l’autre, celui-ci est plutôt heureux de cette nouveauté, et s’attache à y rester. Ici c’est l’inverse.
Traquée, terrifiée, la jeune fille tombe sur des alliés inattendus. Parmi ceux-ci, le Marchand de Sable, un des trois seuls humains autorisés à rester à Evernight. Doté d’un sens de l’humour (et d’un sens des affaires) assez poussés, c’est un personnage dont le cynisme et les piques sont tout à fait rafraîchissants.
La galerie de personnages est haute en couleur : si Camille est plutôt discrète, voire effacée (probablement en raison de son éducation), les autres personnages sont bien plus affirmés. Au cynisme du Marchand de Sable s’oppose le caractère bien trempé du Vendeur de Nuit. Le Maître du Temps, de son côté, reste plus énigmatique, mais la suite devrait lui laisser toute sa place.
Ce qui est intéressant, là aussi, c’est que le personnage central (Camille) est très passif, et se laisse largement balloter par les événements. Les véritables personnages agissant, ici, sont les trois spécialistes du sommeil… du moins dans la majeure partie du roman, car le personnage de Camille opère un net revirement dans les derniers chapitres, ce qui promet de bien intéressants développements dans la suite.

L’intrigue étant basée sur la tentative de Camille de s’enfuir, le fil est assez simple à suivre, et on se passionne presque plus pour l’autre intrigue qui, au départ, semble secondaire. Car l’arrivée de Camille coïncide avec d’étranges événements qui viennent perturber la tranquille vie d’Evernight : un bandit masqué sévit dans les rues, la cité est attaquée par de dangereux cauchemars aqueux, et les montres du sommeil subissent d’importantes déconnexions. Il y a là un sacré mystère. La quête de Camille, entrecroisée au second fil d’intrigue, est prétexte à la découverte progressive d’un univers que l’on sent très dense, et l’auteur laisse de savantes zones d’ombre dans l’un, comme dans l’autre. Ainsi, on achève le roman avec un certain nombre de questions, alors que le mystère principal est (quasiment) résolu.

S’il présente une intrigue assez simple à suivre, c’est par son univers riche, poétique et onirique, son style enchanteur, ainsi que par sa galerie de personnages hauts en couleur, que De l’autre côté de la nuit séduit. Dès les premières pages, on se laisse immerger dans un monde étonnant et ô combien agréable, que l’on découvre pas à pas, et qui ressuscite une ambiance merveilleuse très prenante. Le roman est porté par une plume maîtrisée, fluide, et envoûtante. Ce premier tome est un excellent tome introductif : si on a l’impression d’avoir découvert une bonne partie de l’univers, et de savoir également qui trafique quoi au juste, le roman nous laisse tout de même avec une bonne part de questions, sans que ce soit frustrant ! L’évolution du personnage principal laisse aussi présager d’intéressants développements dans le second tome. Bref : tout cela donne très envie de lire la suite. 

◊ Dans la même série : L’Orphelinat du Cheval-Pendu (2).

Les Enfants d’Evernight #1, De l’autre côté de la nuit, Mel Andoryss. Castelmore, 2014, 316 p.
8 / 10. 

Lu dans le cadre dumasse_critique

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6 commentaires sur “De l’autre côté de la nuit, Les Enfants d’Evernight #1, Mel Andoryss.

  1. Camille dit :

    Oh tu m’as convaincue! ça a l’air vraiment bien! En plus une héroïne qui s’appelle Camille, donne forcément un bon roman! 😛

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    • Sia dit :

      N’est-ce pas ! J’ai mis une suggestion de lecture « Camille » aussi  – même si c’était plus pour l’aspect univers foisonnant + monde parallèle. J’ai hésité à mettre La Passe-miroir en suggestion, pour l’aspect hyper onirique ! Mais vraiment, ça a été une très très bonne surprise, d’autant que c’était une adaptation (un exercice périlleux !).  

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  2. […] particulièrement charmée avec les deux premiers volumes des Enfants d’Evernight, De l’autre côté de la nuit et L’Orphelinat du Cheval-Pendu (le roman, car la B.D. m’a laissée plus mitigée). […]

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  3. […] au bout du chemin, Neil Gaiman. La Cité des âmes, Neal Shusterman. La série (roman) Les Enfants d’Evernight, Mel […]

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  4. […] des écrivains plutôt jardiniers, ou architectes. Mel Andoryss (auteur de la très bonne série Les Enfants d’Evernight) vous en parle sur son blog […]

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  5. […] j’ai hâte frise l’euphémisme ! J’attends encore plus impatiemment la suite des Enfants d’Evernight, qui semble être actuellement en stand-by, à mon grand désarroi… Mais, bonheur ! Cette […]

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