Blue World #3, Yukinobu Hoshino.

Arrivé au trou bleu de Tristan da Cunha, le groupe est frappé de désespoir : il est accueilli par d’incessantes éruptions et assailli de bombes volcaniques meurtrières. Résignés, ils reprennent leur traversée infernale vers le trou bleu des Açores… Mais ils doivent désormais parcourir plus de quatre mille kilomètres en une semaine ! L’ampleur absurde de leur tâche les plongera-t-elle tous dans une folie autodestructrice ? De l’autre côté du trou bleu, l’instabilité du passage rend ardu le sauvetage de l’expédition…

Changement radical d’ambiance pour le début de ce volume, puisque le récit est situé en Islande, de nos jours. La zone est sous le coup d’éruption volcaniques d’ampleur, tout comme celle des Açores (où les éruptions sont sous-marines), qui voit également se produire des aurores boréales. Suspicion des scientifiques : une méga-éruption volcanique (qui pourrait raser la Terre…) se prépare. Bref, c’est mal barré, autant pour les Terriens que pour l’expédition coincée au Jurassique.
Alors que l’abattement règne de part et d’autre de la faille, l’auteur introduit un rebondissement de taille : le père de Margie, magnat du pétrole, s’en mêle, aligne les dollars, et secoue les puces de tout ce petit monde pour ramener sa fille. Cette partie sans aucun dino à l’horizon occupe environ le premier 1/5e du manga ; il serait réducteur de penser qu’il n’y a pas de tension dans cette longue intro !

Mais il faut reconnaître que passé cette première partie, le rythme s’emballe nettement. Déjà parce que le groupe de Jean a cette terrible épée de Damoclès au-dessus de la tête. Mais aussi parce que les inimitiés déjà bien entamées précédemment se révèlent dans les grandes largeurs. Difficile de savoir qui, des dinosaures ou de Glock, le soldat américain, est le plus dangereux des prédateurs. Avec ça, les survivants commencent à avoir des comportements étranges, dont on ne sait s’ils relèvent de la folie, ou de l’adaptation à leur environnement. Le suspense est donc à son comble, et parfaitement servi par l’enchaînement des péripéties, qui se suivent sans coup férir.

Comme dans les deux tomes précédents, du contenu documentaire est intégré au récit, cette fois centré sur les champs et flux magnétiques. C’est un peu trapu mais comme précédemment, c’est vraiment bien expliqué !

Passé un certain point du manga, j’ai commencé à vraiment craindre que les personnages n’atteignent jamais leur cible, tant ils sont ralentis par de multiples embûches. Mais l’auteur propose d’ingénieux retournements de situation, parmi lesquels une technique de vol artisanale que j’ai trouvée vraiment très astucieuse !
J’ai beaucoup aimé le chapitre final. D’une part parce qu’on est au comble de la tension, d’autre part parce qu’il clôt parfaitement l’intrigue, en proposant une fin bien menée et ingénieuse. Surtout, il amène son lot d’explications sur l’histoire spatio-temporelle, et je dois dire que j’ai trouvée celle-ci scientifiquement très bien ficelée. Cela m’a donné envie de lire Blue Hole, du coup !

Avec ce tome 3, Yukinobu Hoshino clôture parfaitement sa série Blue world. Non seulement il offre une intrigue particulièrement prenante et riche en suspense, mais qui amène en plus de cela des explications scientifiques parfaitement ficelées quant au voyage spatio-temporel. Bref : que du bon !

Dans la même série : Blue World (1) ; Blue World (2).

Blue World #3, Yukinobu Hoshino. Traduit du japonais par Aurélien Estager.
Pika (Graphic), 24 août 2022, 332 p.

Blue World #2, Yukinobu Hoshino.

L’expédition devant explorer le Jurassique est bloquée à l’ère des dinosaures à la suite de la disparition du trou bleu ! Pour rejoindre le monde moderne, les survivants n’ont d’autre choix que d’emprunter un autre trou bleu, dont ils ignorent la position exacte. Commence alors un long et périlleux voyage à travers le Gondwana pour rechercher le portail spatio-temporel. Les attaques perpétuelles des dinosaures carnivores et l’hostilité de leur environnement mettra à rude épreuve l’humanité du groupe tout au long du trajet…

Après ma découverte du premier tome, j’avais super hâte de lire la suite de ce manga de hard-SF vraiment chouette. Et la suite n’a pas démérité !

L’intrigue est fatalement assez linéaire, puisque notre équipe se dirige à marche forcée vers le deuxième trou bleu, celui de Tristan da Cunha (puisque le précédent s’était fermé sous leurs yeux). Mais malgré cette linéarité, le récit est plein de suspense, déjà parce que l’échéance se rapproche de plus en plus, et parce qu’on sait que les trous ne sont pas totalement stables. De fait, les péripéties s’enchaînent à bon train, avec notamment des scènes de combat toujours plus prenantes (on arrose à la mitraillette, on se tatane les dinos à coups de bidons d’essence enflammés, et j’en passe).
Mais ce n’est pas tout. Vers la moitié du récit, la rivalité entre les membres américains et britanniques revient de plein fouet… le capitaine américain ne faisant pas mystère de son objectif de survie personnel, au diable le groupe qui le ralentit. Ce qui instaure un sentiment de malaise très présent ! L’enjeu de la survie est d’autant plus présent qu’au fil des péripéties et des zones traversées, le groupe s’amenuise peu à peu (ce qui, évidemment, ne fait qu’augmenter le suspense !).
Malgré cette tension omniprésente, l’auteur ne dédaigne pas des touches d’humour dans les dialogues, qui sont toujours les bienvenues.

« Qu’est-ce qu’on mange, ce soir ?
— Comme ce midi, ma chère, un steak d’amphibien à la Jurassique.
— Chouette, mon plat préféré… »

Comme dans le tome précédent, des passages narratifs, comme donnés par une voix off entrecoupent le contenu plus documentaire – sans toutefois être lourds ou prendre trop de place. Les explications sont agrémentées de dessins détaillés de différentes espèces de dinosaures, de schémas, de définitions précises ou de frises chronologiques. Les sujets majoritairement abordés ici sont le volcanisme, la tectonique des plaques et les extinctions de masse, notamment au Jurassique. C’est bien intégré, et cela permet de mieux cerner les enjeux du récit !

Cet opus est évidemment l’occasion de creuser les personnages, d’affiner leurs caractères. Si Glock semble tirer de plus en plus vers le super-méchant (qui manquerait un brin de nuance), Jean, quant à elle, est plus Rambo que jamais (mais avec un gilet tactique qui fait brassière et décolleté, faut pas oublier de flatter l’oeil du lectorat ciblé). J’étais un peu déçue de voir que l’entraide entre elle et Margie (la compagne d’Harry, le journaliste) est inexistante et que si la première est présentée comme super-badass, la seconde semble faire office de pécore du coin (avec un tee-shirt qui s’amenuise dangereusement au fil des chapitres), qui se fait sans cesse rabrouer par Jean. Il faut certes replacer le manga dans son contexte (la parution VO datant de 1997) mais même à cette époque-là, c’était un peu revu comme schéma !

J’étais assez surprise, à la fin (mais en même temps, pouvait-il en être autrement ?), de voir que le tome s’achevait sur un échec total de la mission… reportée illico presto sur le trou bleu des Açores, le troisième et dernier disponible au Jurassique. Vu le temps restant aux personnages, cela promet un tome 3 du tonnerre !

Au final, cet opus s’est avéré être un très bon tome de transition : l’intrigue a un peu progressé, tout en préparant un tome 3 qui s’annonce palpitant. Les relations entre les personnages ont notamment été creusées, induisant un suspense très prenant. Suite et fin au prochain épisode !

Dans la même série : Blue World (1) ;

Blue World #2, Yukinobu Hoshino. Traduit du japonais par Aurélien Estager.
Pika (Graphic), avril 2022, 336 p.

Blue World #1, Yukinobu Hoshino.

Les “trous bleus” conduisant dans le passé sont bel et bien réels. Une expédition a prouvé l’existence de l’un d’eux, au large des Comores. Mais cette fois, un trou bleu menant au Jurassique est découvert au fond du loch Ness. Convoitant les ressources du monde préhistorique, le Royaume-Uni et les États-Unis mettent sur pied une ambitieuse mission d’exploration. Alors que l’équipe est sur le point de se mettre à l’œuvre, un étrange et terrible accident se produit, livrant les survivants à une nature aussi luxuriante que dangereuse…

Voilà un manga qui a atterri sur ma PAL de boulot, pour mon plus grand plaisir !
Blue World est un spin-off de la série Blue Hole, mais peut se lire indépendamment.

Le début nous plonge directement dans le dur du sujet, puisque après quelques pages introductives, arrivent les explications scientifiques, lesquelles sont à la fois concises, claires et précises, ce qui permet d’attaquer en ayant une bonne vision de ce qu’est un trou bleu (en gros : une baïne qui se comporte comme un trou noir, et qui crée un lien entre deux temporalités différentes).
Une fois les bases posées, l’intrigue se concentre sur les autres enjeux (assez nombreux !).

Tout débute alors que le journaliste américain Harry Steele et sa compagne débarquent en plein Jurassique, après être – frauduleusement – passés à travers le trou bleu du Loch Ness. Sur place, une expédition mi-scientifique, mi-militaire, conjointement menée par la Grande-Bretagne et les États-Unis, lesquels ont évidemment des vues sur les ressources naturelles inexploitées de cet univers vierge – ou presque.
Ce que j’ai trouvé particulièrement prenant, c’est que le récit mêle intérêts géopolitiques et intérêts personnels des différents personnages, lesquels sont assez variés. Du côté des militaires, on a quelques soupçons d’espionnage, puisque certains d’entre eux ont été chargés par leurs gouvernements respectifs de réaliser certains objectifs. Parmi ce bord, le personnage le plus développé est la lieutenante Jean Hart de la Royal Navy, un personnage de femme (mais oui !) que j’ai trouvé chouette et badass à souhait (notamment après le point de bascule du récit).
Du côté des scientifiques, le professeur Camelot est comme un enfant à Disneyland, ravi de pouvoir étudier le phénomène en direct. En même temps, il est lucide sur la dangerosité du monde dans lequel ils sont (il est quand même responsable de sa petite fille…) et sur l’aspect potentiellement éphémère des trous bleus (ce qui évidemment rajoute une excellente dose de suspense au récit).

Or donc, le terrible accident cité dans le résumé se produit et le récit, jusque-là assez centré sur la découverte, bascule méchamment dans la survie. Les scènes d’action sont donc plus trépidantes que jamais, et les enjeux tissés précédemment ajoutent pas mal de piquant à l’ensemble.

Et les dinosaures alors ? Eh bien on n’est pas déçus du voyage, puisque ce premier tome offre son lot de créatures – mais avec une attention plutôt concentrée sur les grandes bêtes dangereuses que sur les mignonnes. Les explications sur chaque espèce, ses habitudes, ses caractéristiques, sont précises et détaillées, ce qui ne gâche pas le plaisir.

En bref, Blue World est un seinen de hard SF qui m’a beaucoup, beaucoup plu et dont j’attends les deux tomes suivants avec beaucoup d’impatience. J’ai adoré le mélange (improbable mais tellement réussi) entre sciences, Rambo et Jurassik Park, qui fonctionne à plein. C’est sans doute dû aux personnages, qui portent les enjeux du récit et le rendent si prenant.
Bref, vivement la suite !

Blue World, #1, Yukinobu Hoshino. Traduit du japonais par Aurélien Estager.
Pika (Graphic), 26 janvier 2022, 332 pages.

Héritages, Gardiens des Cités perdues #8, Shannon Messenger.

Sophie n’en peut plus de vivre dans le mensonge et l’illusion : cette fois, il lui faut des réponses. Mais la vérité n’est pas toujours bonne à entendre, surtout quand elle apporte son lot de nouvelles responsabilités… Et que la jeune fille n’est pas la seule concernée. Car le passé trouble de certains de ses amis n’a rien d’un hasard. Beaucoup sont porteurs d’un destin qui les dépasse, qui se joue d’eux et de leurs principes.Commence alors un jeu de pistes dangereux, où la fidélité de chacun se voit remise en cause. Et si les indices s’accumulent, le doute, lui, s’insinue dans le petit groupe à mesure que la frontière entre le bien et le mal se trouble. Une question occupe désormais tous les esprits : qui est véritablement digne de confiance ?À force de creuser pour découvrir ce que cachent les mystères qui l’entourent, Sophie Foster se retrouve dans ce huitième tome de Gardiens des Cités perdues face à elle-même et à ses illusions perdues. L’heure de vérité a sonné. Il ne reste plus qu’à savoir si notre héroïne et ses amis sont prêts à l’affronter…

Gardiens des Cités perdues est une série que j’apprécie, et ce depuis le début, malgré le caractère impossible de Sophie (disons que si vous n’aimez pas les premières de la classe parfaites, passez votre chemin).

Mais là… cette fois, la magie n’a pas du tout pris. J’ai peiné sur chacune des pages de cet interminable pavé (qui pèse plus de 760 pages, quand même !).

Déjà, dès le départ, quelque chose a coincé : le fait que l’on investisse Sophie de nouvelles responsabilités. Je trouvais déjà dans les tomes précédents qu’il y en avait un peu trop, mais là, on dépasse vraiment les bornes. Que font donc les adultes dans cet univers ?! Même Dumbledore n’a pas autant osé charger la mule, et pourtant on sait qu’il n’a pas lésiné quand il s’agissait de confier de lourdes responsabilités à des gamins à peine pubères.
Bref. Sophie se retrouve assortie d’une nouvelle mission, d’un nouveau titre (Régente, donc elle intègre la Noblesse sans passer par la case « Niveaux d’élite de Foxfire ») et d’un tas de nouvelles choses à faire. J’ai donc eu énormément de mal à adhérer à cette partie de l’intrigue, d’autant qu’il y avait déjà fort à faire avec TOUT ce qui est en suspens depuis le début (et il y en a !).

Sans surprise, tout cela vient alourdir une intrigue déjà bien embourbée. J’ai trouvé le roman terriblement long et mou. Les rares révélations ne surprennent que les personnages tant tout m’a semblé téléphoné, qu’il s’agisse de la situation avec les nains, ou la recherche de Sophie sur ses parents biologiques. Tout cela me semblait tellement évident ! En plus, cela prend complètement le pas sur la recherche de l’héritage de Keefe, qui était supposé être au centre de l’intrigue.
Dès lors, difficile de se passionner pour les péripéties (nombreuses) qui accablent (il n’y a pas d’autre mot) nos personnages.

Pour ne rien arranger, j’ai trouvé que tout traînait en longueur. Les dialogues sont excessivement longs, soit qu’on nous ressasse des informations que l’on connaît déjà / qui ne méritent pas autant d’explications, soit que le suspense est manifestement poussé au maximum sur des révélations qui, malheureusement, ne sont pas surprenantes tant elles ont été bien amenées. Du coup, on peut noter ce point positif : tout se tient, tout a été (peut-être trop) bien préparé en amont. J’avoue tout net que j’ai parcouru en diagonale certains de ces dialogues justement conçus pour « faire monter le suspense », tant j’étais à deux doigts de m’endormir dessus.
L’autre point qui m’a fortement agacée, c’est la façon dont sont résolues les péripéties. C’est quoi cette insolente facilité ? On nous répète depuis le départ combien c’est difficile, combien la situation est tendue (limite désespérée) et les personnages s’en sortent haut la main sans déplacer une mèche de leur brushing ? Mais ce n’est pas crédible !

Parlons maintenant des personnages. Dans le tome précédent, je regrettais que l’on intègre encore de nouveaux personnages à la cohorte déjà en présence. Cette fois, heureusement, pas de nouvelle tête : Stina Heks (la meilleure ennemie) est certes intégrée à la Brigade Prodigieuse souhaitée par le Conseil, mais il s’agit d’une tête déjà connue. Malgré cela, j’ai encore trouvé qu’on avait du mal à naviguer entre les très (trop !) nombreux protagonistes. Tous sont importants, et c’est assez difficile de s’intéresser tour à tour à chacun. Ils se retrouvent donc généralement réduits à leur capacité principale, ce qui les rend tous légèrement monolithiques (et c’est bien dommage).
Est-ce qu’on parle de l’arc narratif dévolu à la romance ? Allez, le triangle amoureux nous tient tout de même en haleine depuis le premier volume ! Ici, rien de neuf, hormis que Fitz glisse de plus en plus sur la (dangereuse) pente du pervers narcissique. Pourquoi personne ne lui met deux claques ? Il les mérite amplement ! Je sais qu’au départ de la saga, ma préférence allait à Fitz dans le triangle reliant Sophie, Fitz et Keefe, mais ma préférence va désormais à ce dernier (ou à aucun des deux, tiens, ce serait très bien aussi).

On peut donc dire que ce tome a été une intense déception. Je suis même déçue d’avoir été déçue, car j’apprécie vraiment la série (du moins, jusque-là). Malgré le côté entraînant de l’intrigue, en raison des multiples péripéties, difficile d’être complètement passionnée par le récit, qui était paradoxalement mou et lent. Au vu de la densité de retournement de situation aux cent pages, c’en est même étonnant !
J’espère donc vivement que ce tome était une petite baisse de rythme dans l’économie générale de la saga, et que celle-ci repartira d’un meilleur pied dans le prochain opus.

◊ Dans la même série : Gardiens des cités perdues (1) ; Exil (2) ; Le Grand Brasier (3) ; Les Invisibles (4) ; Projet Polaris (5) ; Nocturna (6) ; Réminiscences (7) ;

Gardiens des Cités perdues #8, Héritages, Shannon Messenger.
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Mathilde Tamae-Bouhon et Laureline Chaplain.
Lumen, novembre 2019, 763 p.

Orageuse, Joanne Richoux

Fêtes et virées en voiture ne suffisent pas à égayer les longues journées d’été de Violette. Depuis son retour à Saint-Crépin, la jeune fille ne se sent plus à sa place. Tous au village semblent avoir oublié son étrange disparition, trois mois plus tôt. Pas elle : le pays des Muses la hante. Un monde où les fleurs chantent, où la musique est reine et les garçons à croquer. Dans l’esprit de Violette, les questions se multiplient. Pourquoi devient-elle sensible à l’électricité ? Que fait Arpège, son premier amour ? Les Muses auraient-elles encore besoin d’elle ? Désirs enfouis ou réel danger, qu’importe ! Violette doit trouver le moyen de repasser de l’autre côté…

Voilà un roman que j’ai lu sans savoir de quoi il était question (lecture pour le travail, entre nous soit dit, d’où ce flou artistique). Et surtout sans savoir qu’il s’agissait… d’un tome 2 ! Heureusement, l’autrice a fait un excellent résumé du tome 1 au début de celui-ci, ce qui m’a permis de raccrocher les wagons sans trop de difficultés.

L’histoire ressemble quelque peu à Alice au pays des Merveilles : dans le premier opus, Violette passait accidentellement (grâce à une boîte à musique) au pays des Muses, où elle s’apercevait qu’elle était le sosie de la princesse Croche, portée disparue, et retrouvait son frère aîné, disparu depuis dix ans (la disparition étant donc un thème récurrent dans cette histoire. Oui, car il y a aussi eu la disparition de son grand-père, Jules, qui était déjà passé chez les Muses à son époque).
Or, là, Violette est revenue dans son monde (avec son frère, du reste) et, bon an mal an, a terminé son année de terminale. Le passage vers le pays des Muses est définitivement fermé, ce qui plonge la jeune femme dans le désarroi le plus total, non seulement parce qu’elle a la nostalgie de ce pays (qu’elle a aidé à vaincre ses dissensions internes), mais aussi parce qu’elle y a laissé Arpège, le premier garçon qu’elle a réellement aimé. Tout cela s’accumule à son statut de jeune bachelière, supposée faire des vœux d’orientation, alors qu’elle n’a aucune foutue idée de ce qu’elle va bien pouvoir faire de son avenir. D’ailleurs, en jetant – trop – rapidement un œil au résumé avant d’attaquer ce livre, je pensais vraiment qu’il s’agirait d’un roman contemporain évoquant le sujet de l’orientation scolaire ! Et bizarrement… c’est le cas, parce que le sujet infuse vraiment le récit. Si vous êtes un.e pur.e amateurice de fantasy, pas de panique : fantasy il y a bien.

« À peine le printemps entamé, il avait fallu songer à ça. La suite, les études, la vie d’adulte. La plupart de mes camarades avaient l’air sûrs. A croire qu’ils avaient comploté leur avenir pendant qu’on révisait au CDI ou qu’on traînait dans la cour en attendant les vacances.
Donc ils multipliaient les voeux sur Internet : psycho, droit, socio, lettres, éco. Des choix définitifs, matures et ambitieux.
J’étais la seule à être paumée. La seule à faire semblant de grandir.
C’est que tout me paraissait si… bizarre. Gamine, je me figurais que ce truc abstrait, grandir, ça inclurait des paquets de certitudes. Sans compter porter des tailleurs et bosser dans des buildings géants, allumés même la nuit. Troquer le tailleur, le soir venu, pour une robe cocktail en lamé or. Je croyais que grandir, c’était la vie des pubs de parfum.
Je m’étais trompée. »

Car, dès lors que Violette trouve le moyen de replonger chez les Muses, on débarque dans un univers particulier et très original, qui ne surprendra certainement pas les lecteurices qui auront eu la sagesse de lire la saga dans l’ordre, mais qui m’a charmée.
En effet, les Muses sont, semble-t-il, entièrement dévouées à la musique, en témoignent leurs noms : Arpège côtoie Solfège, Cadence, Alto, ou encore le professeur Tessiture. La musique elle-même est très importante dans l’histoire, que ce soit parce que l’on se bat avec (notamment avec des archets), ou parce qu’elle est omniprésente dans l’intrigue : les fleurs chantent, les personnages chantent, les paroles et petites mélodies traversent le texte (il y a d’ailleurs une petite musicographie en fin de roman). D’ailleurs, on passe d’un monde à l’autre grâce à des boîtes à musique.
L’autre thème omniprésent dans l’histoire, c’est la nature et plus particulièrement les fleurs. Les Muses vivent en harmonie avec la première, et les secondes ont investi, semble-t-il, chaque centimètre carré de leurs espaces. Mieux, on travaille le vivant ! Il est donc tout à fait naturel d’avoir une moto vivante et ronronnante, et de faire pousser sa bicyclette comme une plante verte. Les personnages traversent des lieux où la végétation est luxuriante, ce qui donne lieu à des descriptions enchanteresses qui m’ont vraiment plu. D’ailleurs, cela imprègne le système de magie, qui s’appuie sur la nature. Celui-ci n’est pas hyper détaillé, mais j’imagine qu’il l’était un peu plus dans le premier volume.
Bref, entre la nature et la musique, j’ai été royalement dépaysée par l’univers original et flamboyant – que j’imagine très coloré.

Or, autant j’ai beaucoup aimé l’univers, autant c’est plutôt côté intrigue que cela a coincé. Le début m’a rendue très curieuse : Violette a vécu quelque chose d’extraordinaire, elle est revenue dans sa triste réalite, et elle déprime. Je trouvais ça vraiment intéressant comme point de départ. Tout s’est gâté, en quelque sorte, lorsqu’elle est passée de l’autre côté. Car, évidemment, ce qui s’est passé précédemment a eu des conséquences – et celles-ci n’ont pas forcément été bénéfiques pour tout le monde. Donc lorsque Violette revient… eh bien c’est toujours le bazar. Et c’est là que l’on retombe dans les sentiers battus de la fantasy, avec un personnage extérieur à l’univers qu’il découvre pas à pas et qui a les clefs pour le sauver (lesquelles échappaient aux autochtones).
Évidemment, Violette déclenche en sus un pouvoir fantastique, pas vu depuis des générations et qui fait d’elle, en quelque sorte, l’élue. J’ai été d’autant plus déçue que l’univers était hyper original et les péripéties… pas du tout. Car à partir de là, on suit le cheminement classique, l’élue doit apprendre à se battre (car oui, c’est carrément la guerre), les anciens amis sont devenus ennemis, l’apprentissage de l’élue n’est pas hyper probant mais, ouf ! ça passe. Bref : rien de bien nouveau sous le soleil. De plus, la romance est extrêmement présente dans le récit. Ce qui, en soi, est très logique, puisque c’était quand même à cause de ce garçon que Violette tentait à toutes forces de revenir chez les Muses. D’ailleurs, j’ai aimé que cela ne se déroule pas exactement comme elle l’avait rêvé. J’ai moins aimé la place très importante de la romance dans l’histoire, mais c’est plus par (dé)goût personnel ! À ce titre, j’ai trouvé la fin un poil trop doucereuse à mon goût.

 » Assieds-toi, on commence tout de suite. On va méditer.
Je me suis installée en face d’elle. Dans mon dos, Solfège et Arpège ont placé leurs mains sur les genoux et clos les paupières. Le plus naturellement du monde.
– C’est parti. Tu prends une grande inspiration… Tu souffles par la bouche en écrasant le ventre… Tu laisses passer les pensées comme des nuages… Et tu fais le vide…
J’entrouvrais un œil à l’occasion.
Apparemment, j’étais la seule à ne pas être très branchée zen. Pendant une vingtaine de minutes les autres ont « nettoyé leur mental » et « libéré les tensions du corps ». Moi, j’ai cogité au fait que je ne devais pas cogiter et que c’était déjà une cogitation en soi, j’ai ressenti de vives démangeaisons sous les cervicales, enfin j’ai compté les galets du jardin : 347. »

Malgré tout cela, j’ai lu ce roman d’une traite car, comme je l’ai dit, l’univers est très immersif. L’autrice a un style très fluide, qui rend la lecture hyper prenante. L’humour, en plus, est bien présent dans la narration, et c’était bien agréable.

En somme, j’ai hautement apprécié l’univers original, flamboyant et enchanteur que Joanne Richoux déploie dans ce roman ! Toutefois, les péripéties assez convenues m’ont un peu moins passionnée et quelque peu lassée, à la longue. Je dois dire que j’ai lu la seconde partie avec moins d’entrain que la première – alors même que j’étais vraiment embarquée par les descriptions et l’univers. C’était assez paradoxal ! C’est sans doute dû au style très fluide de l’autrice, qui rend la lecture très prenante.

Désaccordée #2 : Orageuse, Joanne Richoux. Gulf Stream, 25 juin 2020, 279 p.

L’Héritage des Rois-Passeurs, Manon Fargetton.

La dernière héritière d’une lignée royale doit fuir notre monde et retourner dans celui de ses ancêtres pour échapper aux hommes qui veulent l’éliminer. Là-bas, une princesse rebelle rentre chez elle pour prendre ce qui lui est dû : le trône d’Ombre. Voici l’histoire de deux femmes, de deux mondes imbriqués, de deux retours simultanés qui bouleverseront une fois de plus le destin tortueux du royaume d’Ombre. Coïncidence, ou rencontre orchestrée de longue date ?

On ne pourra pas dire que j’ai fini l’année 2019 en beauté, puisque ma dernière lecture a été celle-ci, et que j’en suis sortie assez mitigée.
Pourtant, ça démarrait super bien : une scène de chasse aux dragons bourrée d’adrénaline mettant en scène une voltigeuse surdouée nous plonge directement dans le bain. Puis le décor change, et l’on arrive sur Terre où l’on suit Enora, qui s’apprête à célébrer dignement ses 20 ans – sauf que la fête tourne au drame. Sans trop de surprise, les deux héroïnes sont liées, Enora passant rapidement de Rive (la Terre que l’on connaît) à Ombre (l’univers dans lequel évolue Ravenn, notre chasseuse de dragons).

Alors qu’est-ce qui ne l’a pas fait ?
Tout d’abord, je crois que cela tient aux personnages. D’une part, ils sont assez nombreux, car il faut composer avec l’entourage d’Enora, celui de Ravenn, les opposants divers et variés, comme les personnages qui passent en arrière-plan. En soi, une foultitude de personnages, ce n’est pas gênant mais ici, il m’a manqué un petit quelque chose pour réellement m’y accrocher. En effet, les deux héroïnes sont assurément des femmes résilientes, très fortes et aux caractères bien trempés… et c’est tout. J’ai eu l’impression que l’on me répétait à longueur de page combien elles étaient badass, sans réellement en ressentir les effets ou les manifestations. Ce qui m’a laissée quelque peu dubitative devant les péripéties : certes, je savais que les personnages étaient très forts, mais j’avais l’impression de n’en voir que les façades, ce qui ne m’a guère aidée à adhérer à leurs aventures. D’autre part, j’ai trouvé que les personnages étaient éminemment classiques, principaux comme secondaires. En soi, à nouveau rien de gênant. Mais ajouté au fait que je ne les ai pas trouvés tout à fait assez creusés, cela a suffi à me faire décrocher.

Par ailleurs, l’intrigue générale ne m’a pas tellement passionnée, pour être tout à fait honnête. Oui, la scène d’intro est génialissime mais malheureusement, on quitte l’univers des chasseurs de dragons pour retrouver l’ancienne vie de Ravenn (qui s’appelle finalement Élouane). D’aucuns pourraient dire que je n’avais qu’à relire le résumé, la couleur y étant annoncée (et en effet, j’aurais dû), mais je me suis fait confiance en piochant ce livre dans ma PAL sans en relire l’accroche. Et j’avoue que j’aurais préféré rester avec les dragons, tant les problèmes d’Ombre me sont passés au-dessus du crâne. Les développements m’ont généralement parus assez attendus, qu’il s’agisse de traîtrises, d’alliés inattendus, ou de renversements de situation de dernière minute. Certaines péripéties m’ont même semblé assez étranges – tel l’arc narratif consacré à l’espionne des mages, qui m’a plus semblé plaqué sur l’intrigue que parfaitement crédible.

Pourquoi me suis-je donc entêtée ? Parce qu’en réalité, j’ai trouvé l’univers vraiment intéressant, tout comme le système de magie. J’ai adoré l’idée des deux univers se répondant comme deux reflets, que ce soit au niveau de la géographie, comme au niveau de la population. J’ai aimé que le pouvoir des Rois-passeurs ne soit ni le pouvoir le plus recherché qui soit, ni celui qui est conquis à la fin. Enfin, il faut reconnaître à Manon Fargetton qu’elle sait comment raconter des histoires. Car malgré tout ce que j’ai pu trouver à y redire, j’ai lu le livre jusqu’à la dernière ligne. Et j’ai même envie de lire le spin-off, c’est dire !

Si les personnages et l’intrigue du roman n’ont pas su me convaincre, j’ai apprécié de retrouver le style fluide et l’imaginaire de Manon Fargetton. Au point d’avoir envie de lire Les Illusions de Sav-Loar, malgré mon avis mitigé sur ce tome-ci !

L’Héritage des Rois-Passeurs, Manon Fargetton. Bragelonne, avril 2015, 376 p.

Réminiscences, Gardiens des Cités perdues #7, Shannon Messenger.

Sophie Foster ne sais plus qui, ou même quoi, croire. Dans un conflit où les forces en présence sont si nombreuses, la pire erreur serait de se tromper d’ennemi.
Mais quand les Invisibles démontrent, sans doute possible, que la jeune fille est bien plus vulnérable qu’elle ne se l’était jamais imaginé, elle comprend qu’il est temps de changer de tactique. Ses pouvoirs, même immenses, ne peuvent la protéger que jusqu’à un certain point. Pour affronter des adversaires dénués du moindre scrupule, elle doit apprendre à se battre… Malheureusement, tous les entraînements au combat du monde ne peuvent rien pour alléger le fardeau d’un ami cher qui affronte un danger bien plus grand encore… Ce n’est pas en lançant des étoiles gobelines qu’elle pourra aider Fitz à surmonter le drame familial qui se joue chez les Vacker. La seule solution ? Prendre un risque encore plus grand que ceux que Sophie et ses camarades ont jamais couru. Mais c’est peut-être précisément ce qu’attendait l’ennemi depuis le début ! Il est temps de laisser se brouiller les frontières entre le passé et le présent !

Enfin une petite pause dans une série habituellement menée tambour battant ! Alors, certes, on a de l’action, mais pour une fois ce n’est pas à tous les coins de pages. Car dans un premier temps, Sophie se trouve dans une mauvaise posture qui la contraint au calme. La majeure partie du roman se déroule donc dans une ambiance feutrée, réflexive, très posée et fort loin de l’effervescence habituelle. Si cela peut donner l’impression que le tome est un peu déséquilibré (toute l’action se concentrant sur la fin), j’ai apprécié que les tenants et aboutissants de l’intrigue soient si posément exposés. Cela change un peu de l’ordinaire !

Toutefois, je dois avouer que je suis un peu restée sur ma faim sur certains points : si le tome permet à nouveau d’étoffer l’univers, c’est en introduisant une nouvelle espèce (les trolls) et… un tas de nouveaux personnages. Là encore, ils sont soignés, bien caractérisés et chacun possède sa petite histoire personnelle mais je commence à trouver qu’ils sont un peu trop nombreux à évoluer dans l’univers. Avec autant de monde, j’ai du mal à me sentir impliquée pour chaque personnage, et c’est un peu dommage (oui : je suis monotâche, je le confesse). D’autant que certains ont tendance à se volatiliser ! Dex, où étais-tu dans ce tome-ci ?!

Heureusement, l’ensemble est suffisamment chouette et enthousiasmant pour reléguer aux oubliettes ces petites finasseries. Comme je le disais, l’intrigue est vraiment bien posée, les enjeux très clairs et les sous-intrigues assez détaillées. L’intrigue générale tourne autour des souvenirs : Sophie et ses amis sont toujours à la recherche des véritables caches (et du moyen de les ouvrir), mais il faut aussi restaurer la mémoire endommagée de Keefe (dont la propre mère fait partie des bad guys) et déterminer si Alvar, le frère renégat de Fitz et Biana, est bien victime d’une amnésie totale… ou s’il s’agit d’une nouvelle ruse des Invisibles. Par ailleurs, la question des souvenirs tronqués de Sophie est toujours là en toile de fond.
Comme celle de ses parents génétiques, d’ailleurs ! Si l’importance du Colibri est quelque peu mise de côté dans le gros du roman, la question de l’héritage génétique de Sophie revient de plein fouet dans les dernières pages — et alimente d’ailleurs un rebondissement final certes peu surprenant, mais encore une fois extrêmement bien amené ! Globalement, Shannon Messenger parvient à rappeler les différentes sous-intrigues qui courent sans perdre le lecteur dans la masse des infos : et vu l’épaisseur du roman d’un côté, la complexité de son univers de l’autre, ce n’était pas gagné. J’ai été ravie, ainsi, de retrouver Silveny, dont la présence dans ce volume, particulièrement importante, amène de nouveaux développements très inventifs !

L’autre point qui, cette fois, prend une place considérable, est l’âge de Sophie. Désormais à la tête de quinze bougies, la jeune fille devient une véritable adolescente. Qui doit donc, comme tout elfe qui se respecte, envisager de déposer sa candidature chez les Entremetteurs, si elle souhaite pouvoir être appariée avec un autre elfe. Pratique barbare qu’elle renie de toutes ses forces… mais qui la travaille tout de même. Tout comme, on s’en doute, ses sentiments. Il est beaucoup question du jeune elfe qui fait battre son cœur avec tout ce qu’on peut en attendre : cœur qui bat la chamade, mains moites, hésitations, regards énamourés de part et d’autre, discussions gênantes (mais hilarantes) avec les parents, etc. Heureusement, cette romance se mêle assez bien à l’intrigue plus magique et ne prend pas trop le pas (sans quoi j’aurais sans doute lâché l’affaire. Bon, et ils sont très mignons, il faut en convenir). Quoi qu’il en soit, cela va sans aucun doute alimenter le débat sans fin des Team Fitz/Team Keefe (et sans vous spoiler sur les péripéties, je dois tout de même avouer que j’ai définitivement changé d’équipe. Allez Sophie, ouvre les yeux !!).

Si le début peut donner l’impression qu’on est arrivé au bout de ce que proposait l’univers, la suite prouve au contraire combien Shannon Messenger maîtrise et son univers et son intrigue. Encore une fois, elle étoffe le tout de nouvelles coutumes fort intéressantes, tout en révélant juste le nécessaire sur le conflit larvé entre les elfes et les Invisibles. D’une part, l’intrigue progresse mais, d’autre part, on en garde suffisamment sous le coude pour alimenter les prochains tomes – dont j’espère qu’ils seront toujours aussi palpitants. Les personnages sont étoffés peu à peu et révèlent qui des bonnes choses, qui des traits de caractères que l’on aurait préféré ignorer… Et cela aussi, cela ajoute du suspense quant à la suite. 

♦ Dans la même série : Gardiens des cités perdues (1) ; Exil (2) ; Le Grand Brasier (3) ; Les Invisibles (4) ; Projet Polaris (5) ; Nocturna (6).

Gardiens des cités perdues #7, Réminiscences, Shannon Messenger.
Traduit de l’anglais par Mathilde Tamae-Bouhon. Lumen, 15 novembre 2018, 770 p.

Face au roi des Gobelins, Jack le Téméraire #2, Ben Hatke.

Maddy, la petite soeur de Jack, a été enlevée dans un autre monde par un ogre. Jack et Lilly poursuivent le ravisseur et passent le portail qui leur permet de se trouver sur la Terre des Géants, où ils seront séparés par le carrefour flottant entre les mondes. S’ensuit une course contre la montre pour sauver Maddy avec l’aide de Phelix et des lutins et combattre l’effrayant roi des Gobelins dans les égouts de l’enfer. Une lutte de pouvoir s’installe entre les mondes et les créatures. Des duels, des évasions, des sauvetages, des explosions, des trahisons et des lutins mignons !

J’avais adoré le premier tome de ce diptyque (car oui, malheureusement, c’est terminé !) et j’étais extrêmement curieuse de lire ce second tome, qui s’est avéré tout aussi entraînant.

Côté forme, Ben Hatke reste fidèle à sa ligne : le comic est épais, certes, mais les textes sont courts, voire inexistants. En effet, les illustrations sont très parlantes et on se passe volontiers d’explications supplémentaires, tant les dessins sont expressifs. On peut donc proposer le titre à d’assez jeunes lecteurs !

Du côté de l’intrigue, c’est à nouveau une histoire très entraînante. Plus de jardin maléfique, cette fois, mais un univers peu accueillant, dans lequel Jack et Lilly doivent lutter à la fois contre l’environnement et les créatures qui le peuplent (les gobelins au premier chef, donc). Comme nos deux héros sont vite séparés, on suit leurs trajectoires en parallèle, ce qui garantit un certain suspens – d’autant que leurs  réponses aux obstacles qu’ils rencontrent sont souvent originales, inventives et inattendues ! Jack et Lilly ont deux approches assez différentes : lui a tendance à foncer dans le tas, tandis qu’elle apprécie les plans mûrement réfléchis. Ce qui n’est pas plus mal, car le premier aura bien besoin d’une arrière-garde pour couvrir ses arrières dans les nombreuses batailles qu’ils mènent. Le rythme est donc nettement plus élevé que dans le premier volume, ce qui fait que j’ai lu ce tome avec une certaine avidité, curieuse de savoir comment les personnages allaient s’en sortir.

Petite cerise sur le gâteau : on retrouve la référence à Zita, la fille de l’espace car, à la fin du volume, celle-ci apparaît, accompagnée de Pipeau et Madrigal (qui étaient, pour leur part, déjà présents dans le premier tome)… ce qui laisse un espoir de voir paraître un jour un cross-over entre les deux séries ?

Quoi qu’il en soit, Ben Hatke a signé avec Jack le Maléfique un comic jeunesse de qualité, qui revisite le conte traditionnel de Jack et le haricot magique, le mâtinant de science-fiction et d’aventures hautes en couleurs. La brièveté des textes rend l’album accessible à de jeunes lecteurs – tout en laissant à des lecteurs plus âgés de quoi se mettre sous la dent.

◊ Dans la même série : Le Jardin maléfique (1) ;

Jack le Téméraire #2, Face au roi des Gobelins, Ben Hatke. Traduit de l’anglais par Fanny Soubiran.
Rue de Sèvres, 14 février 2018.

Nocturna, Gardiens des Cités Perdues #6, Shannon Messenger.

Nocturna… Dans l’esprit de Sophie, embrumé par le chagrin et le deuil, ce nom brille comme un astre. À lui seul, il incarne tous les espoirs et toutes les craintes de la jeune fille. Car c’est là que se trouve sans doute sa famille humaine, enlevée par les Invisibles, là que l’attendent les réponses à toutes ses questions. Mais s’y rendre relève du tour de force – Sophie et ses amis sont donc bientôt contraints de revoir leur stratégie, quitte à pactiser avec plusieurs de leurs ennemis.
Dès cet instant, le compte à rebours est lancé : pour sa famille disparue, comme pour le reste du monde, il n’y a plus une minute à perdre. Rongée par l’incertitude et la peur, Sophie va devoir, plus que jamais, s’appuyer sur ses proches pour parvenir à aller de l’avant, pour éviter surtout de sombrer dans le désespoir. Car, même si elle est loin de s’en douter, les portes de Nocturna dissimulent un secret enfoui depuis des millénaires… un secret qui pourrait bien changer la face du monde à tout jamais !
Et si la clé de l’énigme se cachait dans le passé ?

Dès qu’il est sorti, je me suis jetée dessus, pressée que j’étais de retrouver la petite bande. Et j’avais presque fini pour rencontrer l’auteur à Montreuil (début décembre, donc) ! Mais si j’ai tant tardé à rédiger cette chronique c’est que, à la fin de ma lecture, je n’étais pas capable de vous dire autre chose que : « Lisez cette série, elle est tellement géniale ! ». Vous conviendrez que niveau arguments, c’est un peu plat. Maintenant que la pression est un peu retombée, on va tâcher de faire un peu plus consistant.

J’ai été ravie de retrouver les personnages à peu près là où on les laissait dans le tome 5. Et, fait étrange, bien que ce soit en pleine action et en plein questionnement, j’ai trouvé que le début était un peu indolent – sans que ce soit gênant, notez, car sur 762 pages de lecture, on peut bien commencer en douceur.
Rapidement, le rythme reprend tout son allant et on est bien vite accaparé par les questions qui s’accumulent. En effet, le mystère autour de la disparition des parents de Sophie reste (assez longuement) entier, ce qui induit un suspens latent dans l’intrigue. À celui-ci s’ajoute un suspense plus courant car outre la disparition des parents de Sophie, la petite bande a fort à faire. Il faut en effet découvrir les dessous du projet Polaris, les petites cachotteries des Invisibles, le plan secret (et sans doute machiavélique) de Lady Gisela et, bien sûr, l’allégeance finale de Keefe, toujours en balance suite à sa trahison (à la fin du tome 4). Encore une fois, c’est donc un tome riche en questions ; on ne peut pas dire que Shannon Messenger soit avare en réponses mais, ce qui est sûr, c’est qu’à l’issue du volume, les réponses ont apporté de nouvelles questions – ce qui présage sans doute de nouveaux tomes pleins de suspense.

Pour autant, l’histoire avance réellement. D’une part parce que la diplomatie prend une nouvelle tournure. Alors que, jusque-là, on avait (assez schématiquement) les elfes VS les autres espèces magiques (celles-ci étant en position de dominés), une certaine partie de la population elfe fait enfin preuve d’un peu d’ouverture d’esprit – et franchement, vu d’où l’on partait, ce n’est pas du luxe. De même, Shannon Messenger s’attache à démonter les apparences de la société elfique, si parfaite de premier abord et qui s’avère finalement raciste, fermée et pleine de préjugés. Là où cela devient passionnant, c’est lorsque l’on se met à repérer des petits travers de notre société – et qui semblent d’autant plus condamnables ainsi mis en intrigue. De même, l’intrigue, par moments, fait écho à de nombreux faits historiques réels. La transposition est intéressante et cela montre, si c’était encore nécessaire, que les littératures de l’imaginaire sont tout à fait aptes à questionner le réel.

Dans ce volume, on a également affaire à de nouveaux personnages : certains sont des personnages que l’on connaît déjà, mais que l’on découvre sous un nouveau jour – Dimitar, par exemple, qui s’est complètement révélé dans ce volume – tandis que d’autres sont totalement neufs. C’est le cas de Romilda – Ro pour les intimes – qui apporte un peu de sang neuf et nous fait découvrir la société ogre sous un tout nouvel aspect ! Il est vrai que les personnages étaient déjà fort nombreux, mais Ro s’intègre parfaitement à l’intrigue et à l’équipe.

Bon, tout cela pour dire que cet opus m’a encore fait passer par toutes les couleurs. Comme je l’ai dit, le suspens est au rendez-vous, aussi étais-je très impatiente de reprendre ma lecture. En même temps, j’ai été ravie de découvrir de nouvelles facettes de la société elfique et de l’univers et d’autant plus ravie de voir qu’au bout de 6 gros tomes, Shannon Messenger était toujours capable de nous surprendre. J’ai hautement apprécié que l’histoire mêle aussi habilement intrigue magique et petits tracas du quotidien : il ne faut pas oublier que nos personnages sont des adolescents et qu’ils ont donc, sans trop de surprises, des problèmes d’adolescents. Amitiés, amours, relations familiales, tout cela est traité assez habilement et vient coller au reste de l’histoire. Les relations familiales occupaient d’ailleurs une grande place dans l’intrigue car Sophie se retrouve tiraillée entre l’amour qu’elle porte à Grady et Edaline et celui qu’elle porte à ses parents humains, tout en sachant qu’eux l’ont complètement oubliée. À ce titre, je dois confesser que Shannon Messenger a su me tirer quelques larmes, au cours d’une scène proprement déchirante !

J’étais donc très impatiente de lire ce sixième tome, qui ne m’a pas déçue, malgré un début un peu indolent et (tout de même) une ou deux facilités glissées dans l’intrigue. J’y ai retrouvé tout ce qui me plaît dans cette saga : un univers original, une intrigue palpitante et fournie, des personnages nuancés et un intéressant mélange entre les sous-intrigues purement liées à la quête magique et celles liées à la vie quotidienne de la petite bande d’adolescents. Comme dans les tomes précédents, on s’aperçoit que la société elfique, d’apparence si parfaite et si géniale, est percluse de petits travers, qui ne sont pas sans rappeler ceux de notre propre société. Du coup, la série est divertissante à souhait, mais permet également de réfléchir à ce qui se passe dans notre société. Il va sans dire que j’attends désormais de lire la suite !

◊ Dans la même série : Gardiens des cités perdues (1) ; Exil (2) ; Le Grand Brasier (3) ; Les Invisibles (4) ; Projet Polaris (5) ;

Gardiens des Cités Perdues #6, Nocturna, Shannon Messenger. Traduit de l’anglais par Mathile Tamae-Bouhon.
Lumen, novembre 2017, 762 p.

J’ai lu ce roman de concert avec Allisonline ! Et on a aimé toutes les deux !

La Bataille d’Angleterre, Roslend #1, Nathalie Somers.

En pleine Seconde Guerre mondiale, deux adolescents, Lucan et Catriona, se retrouvent au coeur d’un secret d’Etat. Le dossier Roslend est classé confidentiel : compréhensible quand on sait qu’il s’agit d’un univers parallèle et fantastique, dont le destin est étroitement lié à celui de Londres. Le sort des deux mondes repose désormais entre les mains de Lucan et de son amie.

J’avoue avoir commencé ce roman avec un léger a priori, alors que j’essaie toujours de démarrer mes lectures en toute neutralité. Un de mes prescripteurs habituels m’avait-il dit n’avoir pas aimé ? Mystère. Toujours est-il que c’est avec beaucoup de pincettes que j’ai attaqué ma lecture et que la surprise n’en a été que meilleure !

L’introduction nous fait découvrir Lucan, un jeune garçon élevé par son grand-père horloger, dans un Londres vigoureusement bombardé par les Allemands – eh oui, nous sommes en 1940. Lucan a perdu ses parents et n’apprécie guère son apprentissage : il ne rêve que de jouer au hurling (un sport traditionnel irlandais) ou de courir les rues avec Catriona, sa flamboyante amie et voisine. Sans trop vous en révéler, Lucan va se trouver propulsé dans un univers parallèle dont il ne soupçonnait pas l’existence : Roslend.

Le roman s’appuie sur un univers extrêmement original et d’une incroyable richesse. Qu’il soit question de la faune, de la flore, de l’organisation de la société ou des us et coutumes, Nathalie Somers a accordé un soin particulier à Roslend, qui surgit littéralement sous nos yeux – et ce avec peu de descriptions. Elles font tout simplement mouche !
Le roman repose sur le principe de deux univers certes parallèles, mais dont les histoires sont intimement liées : au fur et à mesure que progresse la bataille d’Angleterre, celle entre Roslend et Nelbri fait rage. On fait donc de constants allers-retours entre les deux mondes, au gré des voyages de Lucan. On pourrait, du coup, penser que la connaissance de l’Histoire gâche totalement la découverte de l’intrigue. Eh bien en fait, pas du tout ! Certes, connaître l’issue de la bataille d’Angleterre donne de bons indices quand à l’issue de celle de Roslend (en imaginant que l’auteure n’ait pas versé dans l’uchronie), mais le suspens est tout de même bien présent et ce sans doute à cause de la dimension d’espionnage très forte que propose l’intrigue. Il y a des missions sous couverture, des exfiltrations musclées, et il est pas mal question d’Enigma. D’ailleurs, l’ambiance de l’époque est vraiment bien retranscrite, car l’auteure fait intervenir des figures historiques – parmi lesquels Churchill, ou la famille royale.

Passer constamment d’un univers à l’autre induit un fort suspens – au cas où le contexte guerrier ne serait pas suffisant. Cela tient également aux moments forts de l’histoire : les péripéties sont nombreuses, les retournements de situation également : bref, on ne s’ennuie pas.
Côté personnages, on est plutôt bien lotis aussi. Évidemment, la star, c’est Lucan, mais son acolyte indispensable reste Catriona, laquelle parvient à la fois à veiller sur les arrières de son camarade et à faire avancer l’histoire – ce qui n’est pas mal du tout, d’autant que la jeune fille tient plus du side-kick que du protagoniste !
En revanche, j’ai un peu regretté que Lucan soit l’arrivant providentiel, celui grâce auquel Roslend va se tirer du guêpier dans lequel ils sont fourrés : certes, cela semble tenir à une excellente explication, mais j’ai trouvé que la révélation était un peu trop attendue. Néanmoins, l’ensemble est bien ficelé et tient la route, donc j’ai rapidement arrêté de grogner.
D’ailleurs, la fin est arrivée un poil trop vite à mon goût, ce qui traduit le bon moment que j’ai passé avec ce roman !

La très belle couverture n’était donc pas mensongère : j’ai passé un très bon moment avec Roslend et suis même très curieuse de lire la suite. Nathalie Somers y met en scène un personnage attachant, plongé sans sommation dans un univers extrêmement original. Elle déploie sa fantasy sur la trame de la deuxième guerre mondiale et le récit est particulièrement réussi – bien que l’on connaisse l’issue du conflit, elle parvient à maintenir le suspens dans son intrigue. Vivement la suite, donc !

Roslend #1, La Bataille d’Angleterre, Nathalie Somers. Didier jeunesse, mars 2017, 329 p.

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