Couronnée le 2 juin 1952, Elizabeth II, alors âgée de 25 ans, est arrivée sur le trône le 6 février de cette même année : 2012 marque donc 60 ans de règne sur le royaume. Un jubilé de diamant qui sera célébré dans toute l’Angleterre, et au delà.
À l’inverse de la médiatisation que connaissent les familles royales du continent, la vie quotidienne de la reine d’Angleterre reste protégée, voire secrète. Elle n’a jamais donné d’interview à la presse. Aucun de ses biographes, même les plus sérieux, n’a eu accès à ses archives personnelles. Faire parler d’elle le moins possible : tel est le leitmotiv de la cour, qui se ferme à toutes les questions des journalistes. En général, ceux qui savent ne se livrent pas et ceux qui parlent ne savent pas grand-chose.
L’ambition de ce livre est de comprendre comment, après six décennies de règne, Elizabeth II a su garder son prestige intact tout en asseyant plus solidement que jamais la monarchie britannique. Et de montrer que cette monarchie, en restant garante de la démocratie, constitue aujourd’hui le dernier rempart moral contre les graves dérives du libéralisme économique.
En juin 2012, on célébrera au Royaume-Uni le jubilé de diamant d’Elizabeth II. Montée sur le trône à l’âge de 25 ans, à la mort de son père, ses 60 années de règne auront tour à tour été joyeuses, sereines, exaltantes ou bien catastrophiques.
S’il est une chose à faire remarquer à propos de la reine d’Angleterre, c’est son incroyable discrétion. À l’heure où les journalistes et/ou paparazzi sont au courant de tout très vite (on se souvient notamment du rapatriement du prince Harry d’Afghanistan en 2008, après que la presse eut révélé sa présence sur le front), la vie de la reine reste assez protégée, et aussi privée que possible.
Comme le démontre admirablement Marc Roche, la reine a (presque) toujours réussi à rester au-dessus de la mêlée sans qu’aucun scandale ne vienne entacher son image. Et, quelles que soient les polémiques, les sujets restent somme toute assez attachés à leur souveraine. Certes, le mariage du prince Charles et de Lady Diana, et plus encore leur divorce, a fait couler beaucoup d’encre; l’absence de réaction du palais suite à la tragique nouvelle du décès de l’ex-princesse de Galles, n’a fait qu’envenimer une situation déjà tendue. Mais la monarchie a toujours su retomber sur ses pattes, comme l’a démontré la suite de l’histoire.
Cette biographie s’attache à dessiner un portrait de la reine d’Angleterre dont on n’a pas l’habitude; il s’attache aux petits détails qui font (ou défont) une réputation, analyse en profondeur les conséquences de telle ou telle décision. Il nous montre une reine montée sur le trône pour accomplir son devoir, comme une mission sacrée du temps des chevaliers. Or, c’est peut-être ce temps révolu qui gouverne la reine Elizabeth II. Enfant d’une autre époque (celle de l’Empire britannique, des colonies en Inde, etc.), elle subit plus les changements qu’elle ne les anticipe, tel est le propos du biographe.
Si la monarchie anglaise parvient à garantir la démocratie, elle n’est forcément pas symbole de modernisme. Preuve en est le respect de l’étiquette au palais, et la survivance de traditions aussi charmantes que désuètes. Traditions qui auto-alimentent le fantasme collectif de la royauté, par ailleurs. Combien de touristes se pressent pour voir la relève de la garde, appareil photo en main ?
Voilà le délicat exercice auquel s’est livré Marc Roche. Nous dépeindre l’histoire d’une reine, de son pays et de son peuple, toujours entre désir de modernité et retour aux valeurs traditionnelles. Le but n’est pas de dénigrer, de pointer du doigt des traits de caractère ressentis comme des défauts, mais de comprendre et surtout, de faire comprendre. D’une plume fluide non dépourvue de style, l’auteur nous dépeint les multiples facettes de cette souveraineté qui continue de fasciner les foules et, par extension, de la souveraine qui en est la garante.
Une biographie fort enrichissante, bien menée et intéressante. Si certains chapitres sont moins emballants que d’autres, c’est certainement imputable aux nécessaires explications des intérêts diplomatiques et économiques qui les sous-tendent. Les planches en couleur, au centre de l’ouvrage, font un agréable retour photographique sur la vie de la reine, la montrant aussi bien dans sa vie de souveraine que dans sa vie normale, ce qui permet peut-être de désacraliser quelque peu le personnage.
Elizabeth II, une vie, un règne, Marc Roche. Éditions de la Table Ronde, 2 février 2012, 270 pages.
8/10.
Une autre biographie consacrée à une grande figure :