
Les luttes de pouvoir ont déclenché une guerre entre l’Empyrée et le Nouvel Horizon. La Mission Nouvelle Terre, chargée de sauvegarder l’humanité est donc en péril. Waverly et Kieran sont prisonniers, isolés, et ne savent plus à qui se fier. Alors que Waverly se rapproche du Conseil des Sages, Kieran préfère écouter Anne Mather, pasteur et capitaine du vaisseau. Complots, intrigues, manipulations… qui croire, qui écouter dans ce vase clos où chaque mot, chaque geste est susceptible d’être provoqué, épié, déformé ?
Et voilà donc le troisième et dernier tome de Mission Nouvelle Terre. Après un premier tome laissant le lecteur en pleine incertitude, et un second tome survolté, l’auteur livre un dernier opus qui n’épargne pas ses lecteurs, loin de là, poursuivant dans la veine des deux autres volumes. Encore une fois, je serais passée à un cheveu du coup de cœur : la faute, cette fois, à une question de rythme.
Si, dans les deux premiers tomes, le rythme est particulièrement bien géré, dans cet opus il m’a semblé un peu plus bancal. Le tome est plus lent à démarrer, avant de fournir une avalanche de péripéties toutes plus échevelées les unes que les autres. On passe à deux doigts de verser dans la surenchère mais, heureusement, c’est là que l’auteur trouve son point de croisière et récupère le rythme des deux autres volumes pour poursuivre et achever celui-là en beauté.
Ce qu’il y a de particulièrement intéressant, ici, c’est que l’auteur introduit de nouveaux personnages sur le Nouvel Horizon, sans les sortir tout droit de son chapeau : à leur premier passage, les filles étaient prisonnières et ne voyaient donc personne ; le second volume se déroule essentiellement sur l’Empyrée. Ici, nos protagonistes découvrent donc des personnages centraux qui, jusque-là, nous étaient inconnus, et vont pouvoir les aider (peut-être) dans leur quête : si Kieran poursuit sur sa lancée avec Anne Mather, Waverly, elle, tente donc sa chance auprès de cette nouvelle faction qui assure pouvoir la soutenir.
Faire retourner les personnages sur le Nouvel Horizon a plusieurs intérêts non négligeables : d’une part, on retrouve Anne Mather sur son territoire (donc plus puissante). D’autre part, on retrouve des personnages déjà rencontrés dans Glow : Amanda, la femme qui a hébergé Waverly, Felicity, qui a fui l’Empyrée… ou bien les gens que Waverly a pris en otage. Et qui lui en veulent encore, et pensent qu’elle est dangereuse et devrait être enfermée ou, mieux, exécutée. L’auteur s’y entend pour faire entendre tous les points de vue : au lieu de conforter son lecteur dans une vision manichéenne (mais confortable), elle déplace sans cesse la focale, et éclaire différentes facettes des personnages. On avait découvert Waverly, Seth et Kieran sous des jours insoupçonnés (et proprement détestables !) dans Spark, et l’auteur réitère ici le procédé. Les personnages sont donc fouillés, et c’est vraiment bien réfléchi. Ils ont souvent peur, ne sont pas héroïques au sens noble du terme, mais leur courage et leur détermination sont admirables. Et ça ne concerne pas que notre trio central, loin de là ! Dans cet opus, on découvre une Anne Mather sur la sellette, tentant de concilier au mieux sa position de leader et ses aspirations personnelles, tout en tentant de convaincre son monde qu’elle a fait attaquer l’Empyrée pour le bien de l’humanité. Elle est toujours aussi imbuvable, mais voilà : il arrive un moment où on a du mal à réellement la détester… C’est vous dire si l’auteur pose avec talent les portraits de ses personnages !
Par ailleurs, et contrairement à trop de romans jeunesse actuels, la romance reste ici extrêmement secondaire : c’est déjà un point que l’on trouvait dans les premiers volumes, et il est heureux de constater que l’auteur continue ainsi, et ne cède pas aux sirènes de la mièvrerie. Les personnages se questionnent sur leurs sentiments (ce qui est on ne peut plus normal compte tenu de leur jeune âge), et font leur propres expériences (parfois malheureuses). Le tout est rehaussé par le caractère d’urgence qui saisit certains des voyageurs : les femmes célibataires et en âge d’enfanter n’étant pas légion, elles sont rapidement l’objet de toutes les attentions (même les plus malsaines). Par ce biais, l’auteur aborde de nouvelles thématiques autour de l’union (voulue, bienséante, forcée…) et, bien sûr, sur la place et la condition des femmes, et les rapports hommes-femmes. Tout en conservant, bien sûr, les thèmes abordés auparavant : l’idéologie, la manipulation des foules, la religion, le terrorisme, l’humanité… c’est aussi intelligent et subtil qu’auparavant.
Côté manipulations, l’auteur fait à nouveau très fort : impossible de savoir à qui se fier, et qui joue pour quel bord. Alors on attend, suspendus, de savoir ce qu’il va arriver, et comment nos personnages vont parvenir à s’en sortir. Si la situation était, auparavant, quelque peu tendue, elle vire à carrément désespérée – et désespérante – ici. Du coup, l’ambiance est terrible, et il est difficile de faire une pause dans la lecture. Et d’autant plus lorsqu’on voit approcher la fin, car on se demande bien comment tout cela va pouvoir s’achever. Et c’est par un tour de force qu’Amy Kathleen Ryan clôt finalement cette saga, tout en évitant un happy end final plat à souhait. Vraiment, l’auteur a du talent !
Flame apporte donc un point final époustouflant à une saga de qualité revisitant les thèmes de la conquête spatiale et de la survie de l’humanité. Ce dernier opus offre un véritable point d’orgue à la trilogie : plus prenant, plus violent, plus désespéré que jamais, il se concentre sur la galerie de personnages, aussi travaillés les uns que les autres, les thèmes développés et, bien sûr, la terrifiante question de la survie. Après un premier tiers au rythme bancal, l’auteur retrouve l’énergie du début de la saga et clôt le volume en apothéose, en réussissant à offrir une fin inattendue, mais parfaite en tous points. Au fil des pages, on attend, on espère, on souffre au diapason des personnages : c’est émotionnellement intense ! Flame ne démérite pas par rapport aux deux autres volumes ; Amy Kathleen Ryan signe là une trilogie de grande qualité : auteur à suivre !
◊ Dans la même série : Glow (1), Spark (2).
Mission Nouvelle Terre #3, Flame, Amy Kathleen Ryan. MsK, avril 2014, 411 p.
9,5 /10

Idée n° 39 : une planète, lune ou satellite qui explose.