Dune, Le Cycle de Dune #1, Frank Herbert.

Il n’y a pas, dans tout l’Empire, de planète plus inhospitalière que Dune. Partout des sables à perte de vue. Une seule richesse : l’épice de longue vie, née du désert, et que tout l’univers convoite.
Quand Leto Atréides reçoit Dune en fief, il flaire le piège. Il aura besoin des guerriers Fremen qui, réfugiés au fond du désert, se sont adaptés à une vie très dure en préservant leur liberté, leurs coutumes et leur foi. Ils rêvent du prophète qui proclamera la guerre sainte et changera le cours de l’Histoire.
Cependant les Révérendes Mères du Bene Gesserit poursuivent leur programme millénaire de sélection génétique : elles veulent créer un homme qui réunira tous les dons latents de l’espèce. Le Messie des Fremen est-il déjà né dans l’Empire ?

2020 a été l’occasion d’enfin terminer Le Seigneur des Anneaux (non, toujours pas chroniqué), 2022 celle de d’enfin, enfin, s’attaquer à ce monument de la SF qu’est Dune. Aita, si tu passes par là : tu vois, fallait pas désespérer, j’ai fini par suivre tes conseils de lecture !

Première chose : l’univers ! Commencer Dune, c’est sauter dans un univers aussi immersif qu’étonnant. L’intrigue se déroule sur la planète Arrakis, plus familièrement nommée Dune, en raison des sables qui la recouvrent, de la chaleur infernale qui y règle et de la sécheresse permanente qui va avec (ce qui, aujourd’hui, a des petits accents angoissants en plus). Arrakis, c’est donc la planète sur laquelle le Duc Leto et sa famille sont expédiés – selon le bon vouloir de l’empereur. Un caillou qui, jusque-là, appartenait à la dynastie Harkonnen… cousins et ennemis jurés des Leto. Vous la voyez, la bonne ambiance ? Mais on y reviendra plus tard ! Sur Arrakis, les Leto – et les lecteurs – doivent se familiariser avec des us bien ancrés, pas toujours faciles à suivre, et majoritairement liés à l’eau (ou du moins à son absence). Le côté dépaysant fonctionne donc à plein.
J’ai été assez frappée par cet univers, qui présente un curieux mélange. D’un côté on est en plein dans un univers féodal : l’empereur fait ce qu’il veut de sa flopée de Ducs vassaux, il y a une Guilde surpuissante, et on nage dans les complots et intrigues des uns contre les autres. En face, on est résolument dans un univers très SF, avec force voyages interstellaires et technologies très avancées. Il y a donc un petit côté Moyen âge intergalactique, que j’ai trouvé surprenant et passionnant !

D’ailleurs, le récit n’a rien à envier aux formes favorites de la fantasy, avec ses prophéties obscures mais très présentes, cette figure d’élu appelé à régner (et dont on soupçonne qu’il pourrait s’agit de Paul), et les différents ordres quasi-mystiques qui se partagent la scène (parmi lesquels les mentats, les Bene Gesserit et, dans une certaine mesure, les Fremen). Ces derniers, nomades, règnent sur les plaines désertiques de la planète, grâce à leurs distilles (sortes d’armures intégrales permettant de récupérer et recycler l’eau issue de leurs sécrétions) et sont reconnaissables à leurs yeux très bleus, en raison de l’omniprésence de l’épice dans l’air qu’ils respirent. Le Bene Gesserit, de son côté, est un ordre matriarcal millénaire, aux motivations et aux actions obscures. Ses adeptes, les Sœurs, pratiquent l’eugénisme et œuvrent dans l’ombre afin que la politique corresponde à leurs aspirations et aux prophéties dont elles sont les gardiennes. En bref : la mystique est bien présente, ce qui fait que le roman oscille sans arrêt entre cet aspect et la science, accentuant l’effet « moyen-âge intergalactique » cité un peu plus haut.

Tout cela est donc bien trapu et, sans trop de surprises, la galerie de personnages est à l’avenant. Ils sont très nombreux (et il faut un peu de concentration au départ pour bien situer tout le monde), mais aussi très fouillés. Sans aller jusqu’à l’arc narratif personnel, ils ont des enjeux, des caractères qui leur sont liés – et c’est bien ce qui rend le roman si prenant. D’autant que s’ils sont nombreux dans la toile de fond, le récit ne tarde pas à se centrer sur quelques figures plus marquantes, dont on va suivre les différentes trajectoires (car, joie, le narrateur est omniscient, et c’est bien le mode que je préfère).
La première partie du roman est plutôt introductive et, soyons honnête, il faut bien ça pour intégrer non seulement les tenants et aboutissants du récit, mais aussi les relations entre les personnages. Comme je le disais plus haut, non seulement ils ont leurs enjeux personnels, mais il y a aussi différents « clans » (si l’on peut dire), qui complotent les uns contre les autres. Mais même si on sent l’introduction, ce n’est ni long ni pénible à lire, tant le suspense est présent. Évidemment, il y a la petite technique des annonces programmatiques qui fait beaucoup : chaque chapitre s’ouvre sur une citation d’un livre de référence concernant Muad’Dib (l’élu), écrit a posteriori par la princesse Irulan (une des filles de l’empereur). Chaque citation éclaire donc un aspect du récit… tout en annonçant la couleur de certains événements. Suspense garanti ! Mais l’autre élément qui fonctionne à plein, c’est la dimension tragique de l’ensemble. A plusieurs reprises, j’ai eu l’impression de lire une tragédie grecque, sur fond de conflit intergalactique. Il y a un côté implacable dans le récit, une sorte de fatalité qui s’abat sur les personnages et entraîne irrémédiablement l’intrigue… et c’est très prenant.

Pour finir, je dois préciser que je n’ai pas lu le roman (hanlala !) mais que je l’ai écouté, dans la version lue par Benjamin Jungers. C’est très bien lu même si, comme souvent lorsqu’il s’agit d’un lecteur, les voix de femmes ne sont pas terribles (elles ont toujours l’air d’être en train de geindre). Malgré ce petit bémol, je suis prête à signer pour la suite en audio-lecture !

Je ne vais pas révolutionner le monde de la chronique en écrivant que Dune est un chef-d’œuvre de la SF (d’ailleurs, l’encre a déjà beaucoup coulé sur ce roman et produit de nombreuses analyses passionnantes). J’ai adoré la plongée dans cet univers passionnant, qui mélange monde féodal et science-fiction la plus pointue. L’intrigue, très riche, s’est révélée passionnante, et m’a donné follement envie d’en savoir plus. J’ai longtemps repoussé cette découverte (peur du pavé et de la complexité) et aujourd’hui, j’ai du mal à comprendre ce qui m’a freinée, tant la lecture a été fluide et prenante !

Le Cycle de Dune #1, Dune, Frank Herbert. Traduit par Michel Demuth et lu par Benjamin
Jungers. Lizzie, 2019, 1080 et 420 minutes.

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