Les Éclairés, Les Fragmentés #3, Neal Shusterman.

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Le Cimetière a été détruit. Lev et Connor sont de nouveau sur la route mais, cette fois, les deux jeunes hommes ne fuient pas. Bien décidé à mettre un terme définitif à la fragmentation, ils cherchent des réponses : comment une société évoluée a-t-elle pu accepter ce sinistre procédé ? Pourquoi son créateur a-t-il été rayé de l’Histoire ? Qui sont vraiment les Citoyens proactifs, qui semblent tirer les ficelles du processus de fragmentation, mais surtout du gigantesque trafic d’organes qui s’ensuit ?
Parallèlement, Cam, le premier adolescent entièrement constitué de morceaux issus de la fragmentation tente de dissoudre l’organisation qui l’a créé. Séparé de Risa, il s’interroge : peut-il prétendre au statut d’être humain, doué de raison et de sentiments ?

Troisième opus de la série Les Fragmentés de Neal Shusterman et il faut reconnaître une chose : l’auteur tient la barre à la perfection !
On replonge immédiatement dans l’univers sans aucun temps mort, sur les traces de Lev et Connor, cette fois, bien décidés non seulement à survivre, mais surtout à faire tomber le système.

Si le début de la saga était bourré d’actions et d’énergie, ce troisième tome est un peu plus calme (quoique toujours aussi rythmé), et placé sous le signe des révélations. Lev est donc placé sous le feu des projecteurs. Car ce qui lui est arrivé précédemment reste assez nébuleux : pourquoi est-il devenu un claqueur ? Où s’est-il caché pendant tout ce temps-là ? Qui a-t-il rencontré pendant ces mois ? Autant de questions auxquelles répond l’auteur peu à peu. Comme dans les autres tomes, c’est par petites touches que viennent les révélations, qui complètent petit à petit le panorama : le suspens est donc présent tout du long.
Ce tome de transition sert également à approfondir le thème de la fragmentation. Et on franchit un nouveau degré dans l’horreur. Ce qui est terrifiant, ici, ce n’est pas tellement le degré d’imagination que déploie l’auteur en matière d’horreur. C’est plutôt les échos que l’on trouve entre le roman et la réalité. Comme dans le volume précédent, la narration est entrecoupée de publicités, financées par tel ou tel parti, en faveur de la fragmentation (souvent) ou en faveur de la clémence (un peu moins souvent). Ces publicités (fictives !) sont appuyées par des extraits de journaux, nationaux ou scientifiques. Qui, pour la plupart, n’ont rien de fictif. Comme cet article de Charlie Fuqua, daté de 2012, réclamant la peine de mort pour les enfants un peu trop turbulents. Ou celui-ci sur le trafic d’organes. Autant de données qui donnent à la fragmentation un très désagréable ancrage dans le réel, et rend le tout d’autant plus horrifiant (et très efficace).

C’est donc avec autant de stupeur et de fascination que l’on poursuit l’histoire. Stupéfaits de voir qu’un tel monde peut exister sans que cela pose de problème à qui que ce soit (sauf aux futurs fragmentés, évidemment), horrifiés de se rendre compte qu’on y arrive assez facilement.

Là-dedans, on suit les aventures de plusieurs personnages : Lev et Connor, bien sûr ; mais aussi Risa (qui vaque de son côté) ; Cam, bien décidé à récupérer sa dulcinée et à se débarrasser de ses encombrants créateurs et de ses rivaux ; Rufus, le tyrannique chef de la bande des refusés du Cimetière ; ou encore Nelson, le braconnier revanchard qui court désespérément après Connor. À ce petit monde s’ajoutent Argent, un fan dérangé de Connor et Grace, sa sœur, une «déficiente mentale» pour le moins futée.
La galerie est toujours aussi fouillée, les personnages complexes, anciens ou nouveaux, et même les plus détestables présentent une agréable consistance.
On les suit tour à tour ce qui rend le roman assez dynamique (car on souhaite savoir ce qu’il advient après qu’on ait laissé les personnages, évidemment !) et, en même temps, offre un point de vue très global sur la situation, tout en évitant le manichéisme qu’on pourrait craindre (l’auteur s’attachant à mettre en lumière aussi bien les personnages du bon côté que ceux du mauvais). À nouveau, ils prennent parfois des décisions difficilement compréhensibles, à la limite de l’acceptable : c’est en cela aussi que la série est aussi efficace, car on se demande évidemment ce que l’on ferait dans les mêmes situations éminemment dérangeantes… Neal Shusterman sait comment tourner sa dystopie en sujet de réflexion !

Ce troisième tome vient donc confirmer la qualité de la saga : c’est bien écrit, c’est dynamique, on suit les personnage avec angoisse ou plaisir, c’est plein du suspens, et cela pose de très intéressantes questions. Si ce volume sert de transition pour amener la fin, et s’avère donc un peu moins énergique que les précédents, il n’en reste pas moins un volume aussi haletant que révoltant : pas le temps de s’ennuyer, et la situation est tellement horrible qu’on ne peut que s’insurger. Vivement le dernier tome pour connaître le fin mot de cette série redoutable, mais ô combien passionnante !

 

◊ Dans la même série : Les Fragmentés (1) – Les Déconnectés (2).

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Les Fragmentés
#3, Les Éclairés, Neal Shusterman
MsK, 2014,
9/10.

Un commentaire sur “Les Éclairés, Les Fragmentés #3, Neal Shusterman.

  1. […] pas à trancher entre tout le monde pour la catégorie SF-tout-court) : Feed, Mira Grant. Les Éclairés, Neal Shusterman. Les Damnés de l’asphalte, Laurent […]

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