Feu, The Circle #2, Sara B. Elfgren & Mats Strandberg.

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La canicule écrase la ville d’Engelsfors, une vague de chaleur anormale étouffe la forêt environnante. Un phénomène qui inquiète les Élues, dans l’attente de la prochaine attaque des démons. Les jeunes sorcières, ébranlées par les morts qui ont marqué la communauté, doivent encore apprendre à apprivoiser leurs pouvoirs alors que tous leurs repères s’écroulent.
Et le Conseil, loin de les guider, leur intente un procès, alors qu’une étrange animosité à l’encontre des jeunes filles se répand à travers la ville comme une traînée de poudre. Cernées, esseulées, les Élues doivent faire front ensemble, mais les tensions au sein du cercle se font de plus en plus vives.

Le premier tome de cette série, publié il y a trois ans par JC Lattès sous le titre Le Cercle des jeunes élues, avait été un immense coup de cœur. L’annonce de l’arrêt de publication de la série après un seul volume avait donc été une immense déception – mon suédois étant pour le moins inexistant. Heureusement, cette série fait un tabac en Suède et a même été adaptée, donc elle vient d’être reprise par Fleuve – et en poche chez Pocket.

Et franchement, ça en valait la peine ! Il est rare que j’ai des coups de cœur sur tous les tomes d’une série mais là, ce deuxième tome semble faire exception à la règle tant j’ai été emballée par la lecture – malgré un récit au présent, malheureusement plat et lourd, ce qui dessert l’intrigue magistrale.
Feu reprend à peu près là où le premier volume s’arrêtait : c’est l’été et les élues souffrent, comme tout le monde, de l’infernale canicule qui s’est abattue sur Enfgelsfors, tout en stressant à l’idée de l’apocalypse démoniaque à venir. Les problèmes s’accumulent. L’entente entre les filles est loin, très loin, d’être cordiale : Ida est toujours à l’écart et Linnéa a perdu la confiance des autres depuis qu’elles ont découvert qu’elle était capable, depuis quasiment le début, de lire dans leurs pensées. De plus, elles ne maîtrisent toujours pas parfaitement leurs pouvoirs – Minoo ne sait d’ailleurs toujours pas quels sont les siens et s’inquiètent d’être – peut-être – la proie des démons. Or, il semblerait que l’apocalypse soit de plus en plus proche, comme en témoigne l’affliction dont souffre la forêt d’Engelsfors.
Mais tout cela n’est rien comparé aux ennuis qui tombent sur le coin de la figure des filles : le Conseil leur intente un procès en sorcellerie et la ville est subitement prise de folie sous l’influence d’un groupe de pensée positive – qui n’est rien moins qu’une secte.

Comme dans le premier tome, Mats Strandberg et Sara B. Elfgren reprennent leur recette très efficace mêlant fantastique et éléments réalistes. Les cinq filles ont toutes des problèmes d’adolescentes très concrets qui pourront parler aux lecteurs. Ainsi, l’une d’elles, confrontée à la chute brutale de sa cote de popularité, prend conscience du caractère abominable de ses amis, qu’elle avait, jusque-là, choisi d’occulter – parce qu’elle présentait le même. D’autres se découvrent des sentiments amoureux qu’elles ont du mal à accepter, pour diverses raisons. Une autre est confrontée à la dépression d’un de ses proches et à la terrifiante perspective de perdre un membre de sa famille. La dernière voit son cœur être brisé par un sombre crétin et doit également composer avec une ambiance familiale plus qu’électrique qui la mine… Tout cela s’équilibre parfaitement avec l’intrigue fantastique et mieux, les deux fils d’intrigue se nourrissent l’un l’autre, créant un récit complexe et très bien mené.

Et ce qui est intéressant, c’est que les auteurs jouent sur les genres. Le roman prend assez vite des touches de thriller survolté, alimentées par le procès – les filles tentant d’éviter à Anna-Karin une condamnation à mort – et la montée en force de la secte Engelsfors Positif. Alors que les filles refusent de céder à la propagande positiviste de la secte, on assiste à un vrai lavage de cerveau collectif. Les thèmes sont vraiment nombreux mais, comme pour les problèmes que rencontrent les filles dans leurs vies privées, ils viennent nourrir l’intrigue fantastique et l’enrichir de nombreux fils, que l’on suit tous avec autant de plaisir.

Plus on avance, plus les péripéties s’enchaînent à un rythme effréné et contribuent à créer une ambiance de plus en plus sombre. On se surprend à espérer que la situation va s’améliorer, on tremble, on apprécie l’ingéniosité des auteurs et on les déteste cordialement pour certains développements (pourtant logiques et sans doute nécessaires).

Après un excellent premier tome, les auteurs récidivent avec un deuxième tome magistral. Les 768 pages s’avalent sans barguigner, acheminant le lecteur vers un final plein de tension, qui ne fait que donner envie de lire la suite. Alors j’espère que ce nouveau départ permettra à la série de prendre son envol, afin que le troisième et dernier tome soit traduit chez nous !

◊ Dans la même série Le Cercle des jeunes élues (1) ;

The Circle #2, Feu, Sara B. Elfgren & Mats Strandberg. Traduit du suédois par. Fleuve noir (Outrefleuve), mai 2016, 768 p.

Le Cercle des jeunes élues, Sara B. Elfgren & Mats Strandberg.

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Engelsfors. Petite ville suédoise déprimante, entourée d’immenses forêts. C’est la rentrée, et l’année commence fort : un élève est retrouvé mort dans les toilettes. Un suicide ? C’est ce que tout le monde semble croire.
Tout le monde sauf 6 jeunes filles qui, par une inexplicable coïncidence vont se retrouver en pleine nuit, dans le parc d’attraction désaffecté, où elles ont été mystérieusement attirées. Il semblerait qu’elles soient vouées à travailler main dans la main, si elles ne veulent pas que leur bel avenir prometteur se transforme en bref et funeste destin. Unir leurs forces est désormais leur meilleure chance de survie.

Engelsfors, ou l’ennui cristallisé. Petite ville morne, où il ne se passe rien et où l’avenir semble excessivement bouché. À leur façon, tous les personnages ne rêvent que d’une chose : s’en aller. Tout change lorsque l’on retrouve le corps d’un élève dans les toilettes. Pour Ida, Linnéa, Vanessa, Anna-Karin, Rebecka et Minoo, liées de près à ce décès, rien ne sera plus jamais pareil.
L’élément fantastique est introduit assez vite dans le récit, et tout d’abord par une ambiance étrange, baignée d’un malaise persistant. On ne sait pas encore de quoi il retourne, mais on sait que quelque chose cloche. Les premières pages s’attachent à présenter les protagonistes, via des tranches de vie prises sur le vif. Les filles ont des caractères, des aptitudes, et des envies bien différentes, ce qui fait qu’on ne se perd jamais entre les nombreux personnages : il y en a pour tous les goûts, et il est très facile de s’attacher à elles, et de s’identifier à l’une ou l’autre des filles. On les voit évoluer ensemble, bien sûr, mais également chacune de leur côté : le point de vue se déplaçant de l’une à l’autre, le lecteur est quasiment omniscient. Quasiment, car le personnage d’Ida est très largement sous-exploité : au vu du rôle qu’elle tient, il y a fort à parier qu’elle prendra plus d’importance dans la suite.

Toutes ont de bonnes raisons de vouloir utiliser les capacités qui sont les leurs, et les auteurs savent très bien comment mettre en valeur les envies des jeunes filles, tout en les confrontant à la réalité, nettement plus triviale. L’ambiance est très prenante : le malaise du début persiste, on baigne dans une sorte de suspicion permanente, sans toutefois savoir immédiatement de quoi il est question. Malgré cela, l’histoire se met assez rapidement en place : le style est fluide, le récit prenant, aussi avance-t-on dans l’histoire à pas de géants. Les auteurs utilisent des topos de la fantasy : prophétie, personnages amenés à s’unir, vieille malédiction, pouvoirs étranges… tout cela fait un peu déjà vu. Pourtant, le contexte, les personnages, l’ambiance et la narration rendent le tout prenant et sort un peu le roman des sentiers battus. Le récit appartient clairement à l’urban fantasy, mais les auteurs flirtent allègrement avec le roman d’apprentissage et le thriller. Malgré une histoire de facture assez classique, Sara B. Elfgren et Mats Strandberg parviennent à proposer un contenu original.

On a dit que les personnages étaient très différents les uns des autres : à ce titre, chacun véhicule sa propre histoire et son vécu, qui ont des répercussions sur l’histoire. Ces histoires sont autant de thèmes que les auteurs abordent sous couvert de cette histoire fantastique. Ainsi, une des filles souffre de troubles alimentaires, une autre a du mal à se lier, l’une d’entre elles est le souffre-douleur de ses camarades, telle autre est en conflit avec sa famille recomposée… L’histoire principale ne s’efface pas devant ces multiples problèmes fréquents à l’adolescence, loin de là. Mais force est de reconnaître que cet aspect du vécu donne au roman fantastique un vernis réaliste extrêmement réussi et efficace, et qui est un des gros points forts du roman.

Avec Le Cercle des jeunes élues, Sara B. Elfgren et Mats Strandberg proposent un roman à quatre mains très réussi : l’histoire peut sembler classique, mais la façon dont elle racontée, et l’attention toute particulière accordée à la psychologie des personnages ou au contexte la rendent originale, prenante, et pleine de suspens. Le récit est rythmé, les rebondissements sont nombreux, et certains sont mêmes tout à fait inattendus. Sans que le tome soit un concentré d’action, on est embarqué sans aucune difficulté par cette histoire. Ce premier tome est très abouti. L’ambiance mystérieuse, les personnages tout en finesse, et l’histoire maîtrisée font du Cercle des jeunes élues un excellent début de saga !

Le Cercle des jeunes élues #1, Sara B. Elfgren & Mats Strandberg. Traduction de Sabrina Ericson. JC Lattès, 2013, 473 p.
8 / 10.

 

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