Robustia, Betty Piccioli.

Robustia. Une cité où chaque métal correspond à une position sociale. Où le combat peut vous élever dans la société.
Biann, conseillère d’Électrum, vient tout juste d’acquérir ce statut prestigieux en s’illustrant lors d’un tournoi. Mais la maladie qui la ronge à chaque cycle pourrait bien mettre un terme à sa carrière…
Kalel, conseiller d’Airain, se ne se remet pas d’avoir perdu sa position d’Électrum. Aveuglé par la rage, il est prêt à tout pour récupérer son pouvoir, jusqu’à se perdre lui-même…
Aequo, ancien habitant du royaume de Chromatopia, a entamé un long voyage loin de sa cité pour fuir ses démons. Jusqu’au jour où ses pas le conduisent face aux remparts de Robustia…
Ils ne le savent pas encore, mais leur rencontre pourrait bien sceller le sort des deux cités à jama
is.

J’avais été séduite par Chromatopia, dont le récit se déroule dans le même univers, donc j’étais assez curieuse de lire Robustia – qui peut se lire indépendamment. Si vous n’avez pas lu le précédent récit, pas de panique : les événements qui s’y déroulent et les enjeux qui en découlent sont largement rappelés dans le cours du texte (d’ailleurs, s’ils peuvent se lire indépendamment, je recommanderais quand même de commencer par Chromatopia, sans quoi vous risquez de vous divulgâcher complètement cette lecture !).

On découvre donc une autre cité au fonctionnement basé sur des castes, cette fois identifiées par des métaux. Pas de déterminisme ici, puisqu’il est tout à fait possible de changer de caste (vers le haut ou le bas), à l’occasion du tournoi guerrier annuel de la cité : la caste est déterminée par les résultats au combat de chacun.
C’est sur ce tournoi que s’ouvre justement l’histoire, tournoi dans lequel Biann va s’illustrer, et passer Conseillère d’Électrum, soit le plus haut rang qui soit – ce qui, au passage, lui attire la profonde inimitié de Kalel, qu’elle détrône sauvagement. Cette amertume va amener le jeune homme à des décisions politiques pas toujours très judicieuses, qui visent essentiellement à mettre son adversaire en difficulté et ce au détriment d’une politique fine. Troisième personnage : Aequo, qui a quitté Chromatopia à la fin de l’opus précédent et arrive à Robustia en qualité de touriste. La narration chorale va donc sauter de l’un à l’autre, dans une chronologie pas toujours linéaire (quelques petits retours dans le temps), ce qui nous donnera un aperçu assez global de la situation.

Les voix des personnages sont assez similaires, mais l’en-tête des chapitres et leurs préoccupations respectives permettent de toujours s’y retrouver. Comme dans l’opus précédent, j’ai apprécié leur diversité. Mais ce que j’ai trouvé hautement original, c’est que Biann souffre manifestement d’endométriose, un mal qui lui provoque des crises terribles et risque de mettre à mal sa position dans la cité – puisqu’on n’accepte pas la faiblesse, sous quelque forme que ce soit, à Robustia. Non seulement cette maladie est la source de quelques péripéties très prenantes, mais en plus de cela elle permet d’amener toute une réflexion sur le validisme de cette société, et le bien-fondé (ou non) à reléguer les « faibles » dans un quartier spécifique. En plus de cela, c’est assez rare de voir ce thème en littérature jeunesse, surtout traité ainsi, donc j’ai d’autant plus apprécié. J’ai simplement regretté qu’il semble s’amenuiser sur la fin (ceci étant dit, il se passe bien assez de choses sur la fin comme cela).
Chacun des personnages porte ses enjeux personnels et ses opinions. Je dois dire que celui que j’ai trouvé le plus intéressant à suivre est, finalement, Kalel, dont on suit l’aveuglement et l’entêtement qui mène aux pires décisions – tant politiques que personnelles. Je l’ai trouvé vraiment bien écrit, ce que je tiens à souligner, car je n’apprécie pas généralement les personnages sans nuances !

Ce qui peut sembler assez étonnant, c’est que le roman n’est pas tant bourré de scènes d’actions. Il y a évidemment des scènes de combat assez spectaculaires, de chasse ou de guerre, mais toute la tension réside plutôt dans les complots politiques qui agitent Robustia et dans lesquels les personnages sont pris. Les complots, et aussi les relations extérieures, notamment avec Chromatopia : il est beaucoup question de commerce, de géopolitique et des relations qu’entretient Robustia avec les cités alentours, ce qui m’a un peu surprise, car je m’attendais, vu le contexte guerrier, à de la baston en continu !

Chromatopia était une bonne découverte, Robustia l’a également été. L’intrigue, truffée de complots, est portée par un style fluide et entraînant qui rend la lecture difficile à arrêter. A lire si vous voulez faire une incursion en fantasy dystopique !

Dans le même univers : Chromatopia.

Robustia, Betty Piccioli. Scrinéo, 25 août 2022, 416 p.

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