Robustia, Betty Piccioli.

Robustia. Une cité où chaque métal correspond à une position sociale. Où le combat peut vous élever dans la société.
Biann, conseillère d’Électrum, vient tout juste d’acquérir ce statut prestigieux en s’illustrant lors d’un tournoi. Mais la maladie qui la ronge à chaque cycle pourrait bien mettre un terme à sa carrière…
Kalel, conseiller d’Airain, se ne se remet pas d’avoir perdu sa position d’Électrum. Aveuglé par la rage, il est prêt à tout pour récupérer son pouvoir, jusqu’à se perdre lui-même…
Aequo, ancien habitant du royaume de Chromatopia, a entamé un long voyage loin de sa cité pour fuir ses démons. Jusqu’au jour où ses pas le conduisent face aux remparts de Robustia…
Ils ne le savent pas encore, mais leur rencontre pourrait bien sceller le sort des deux cités à jama
is.

J’avais été séduite par Chromatopia, dont le récit se déroule dans le même univers, donc j’étais assez curieuse de lire Robustia – qui peut se lire indépendamment. Si vous n’avez pas lu le précédent récit, pas de panique : les événements qui s’y déroulent et les enjeux qui en découlent sont largement rappelés dans le cours du texte (d’ailleurs, s’ils peuvent se lire indépendamment, je recommanderais quand même de commencer par Chromatopia, sans quoi vous risquez de vous divulgâcher complètement cette lecture !).

On découvre donc une autre cité au fonctionnement basé sur des castes, cette fois identifiées par des métaux. Pas de déterminisme ici, puisqu’il est tout à fait possible de changer de caste (vers le haut ou le bas), à l’occasion du tournoi guerrier annuel de la cité : la caste est déterminée par les résultats au combat de chacun.
C’est sur ce tournoi que s’ouvre justement l’histoire, tournoi dans lequel Biann va s’illustrer, et passer Conseillère d’Électrum, soit le plus haut rang qui soit – ce qui, au passage, lui attire la profonde inimitié de Kalel, qu’elle détrône sauvagement. Cette amertume va amener le jeune homme à des décisions politiques pas toujours très judicieuses, qui visent essentiellement à mettre son adversaire en difficulté et ce au détriment d’une politique fine. Troisième personnage : Aequo, qui a quitté Chromatopia à la fin de l’opus précédent et arrive à Robustia en qualité de touriste. La narration chorale va donc sauter de l’un à l’autre, dans une chronologie pas toujours linéaire (quelques petits retours dans le temps), ce qui nous donnera un aperçu assez global de la situation.

Les voix des personnages sont assez similaires, mais l’en-tête des chapitres et leurs préoccupations respectives permettent de toujours s’y retrouver. Comme dans l’opus précédent, j’ai apprécié leur diversité. Mais ce que j’ai trouvé hautement original, c’est que Biann souffre manifestement d’endométriose, un mal qui lui provoque des crises terribles et risque de mettre à mal sa position dans la cité – puisqu’on n’accepte pas la faiblesse, sous quelque forme que ce soit, à Robustia. Non seulement cette maladie est la source de quelques péripéties très prenantes, mais en plus de cela elle permet d’amener toute une réflexion sur le validisme de cette société, et le bien-fondé (ou non) à reléguer les « faibles » dans un quartier spécifique. En plus de cela, c’est assez rare de voir ce thème en littérature jeunesse, surtout traité ainsi, donc j’ai d’autant plus apprécié. J’ai simplement regretté qu’il semble s’amenuiser sur la fin (ceci étant dit, il se passe bien assez de choses sur la fin comme cela).
Chacun des personnages porte ses enjeux personnels et ses opinions. Je dois dire que celui que j’ai trouvé le plus intéressant à suivre est, finalement, Kalel, dont on suit l’aveuglement et l’entêtement qui mène aux pires décisions – tant politiques que personnelles. Je l’ai trouvé vraiment bien écrit, ce que je tiens à souligner, car je n’apprécie pas généralement les personnages sans nuances !

Ce qui peut sembler assez étonnant, c’est que le roman n’est pas tant bourré de scènes d’actions. Il y a évidemment des scènes de combat assez spectaculaires, de chasse ou de guerre, mais toute la tension réside plutôt dans les complots politiques qui agitent Robustia et dans lesquels les personnages sont pris. Les complots, et aussi les relations extérieures, notamment avec Chromatopia : il est beaucoup question de commerce, de géopolitique et des relations qu’entretient Robustia avec les cités alentours, ce qui m’a un peu surprise, car je m’attendais, vu le contexte guerrier, à de la baston en continu !

Chromatopia était une bonne découverte, Robustia l’a également été. L’intrigue, truffée de complots, est portée par un style fluide et entraînant qui rend la lecture difficile à arrêter. A lire si vous voulez faire une incursion en fantasy dystopique !

Dans le même univers : Chromatopia.

Robustia, Betty Piccioli. Scrinéo, 25 août 2022, 416 p.

L’Atelier des sorciers #8-9, Kamome Shirahama.

Après avoir réussi leur examen à l’Académie, Coco et les autres apprenties sorcières sont de retour à l’Atelier. C’est alors qu’arrive Tarta, qui propose à Coco et à ses amies de l’aider à tenir un stand lors du grand festival annuel des sorciers, la Fête de la Nuit d’argent. Excitées comme des puces à l’idée de prendre part à ces festivités, les petites sorcières entament les préparatifs. Alors que Coco accompagne Tarta voir son grand-père à l’hôpital, elle recroise le chemin de Kustas, le petit garçon qui s’était blessé lors de l’incident près de la rivière…

Ce tome-ci, comme l’annonce la couverture, est centré sur Tarta, le jeune apprenti de la boutique d’objets magiques, et ami de Coco.
Comme la jeune fille, Tarta questionne beaucoup la magie et sa pratique, puisqu’il y est venu sur le tard, sans y être prédestiné. C’est un personnage qui apporte un regard rafraîchissant sur le monde de la magie dans lequel baigne l’univers !
De fait, le jeune garçon se passionne pour l’herboristerie, qu’il apprend en secret à l’hôpital… une occasion de questionner la dualité magie/science existant dans l’univers. En effet, les sorciers ne peuvent pratiquer la médecine, et vice-versa, selon des lois ancestrales (les mêmes qui régissent l’existence des sorciers dans l’univers). Or, cette restriction ne semble pas toujours bien justifiée (surtout lorsque Tarta évoque sa vision de la magie et de la science, qui sont pleines de bon sens) et pousse à réfléchir !

Dans l’ensemble, ce tome amène son lot de questionnements. Car s’il est question des rapports entre magie et médecine, la place des personnes handicapées est longuement évoquée, et ce par le biais de Kustas, que Coco a sauvé lors de l’incident de la rivière au tout début de la série (à ce titre, un petit rappel dans le texte n’aurait pas été inutile !). Et c’est intéressant de voir comment l’autrice parvient à mêler à son intrigue de fantasy des thématiques très actuelles, et bien traitées.

Le rythme est nettement plus calme que dans les tomes précédents. J’ai d’ailleurs eu l’impression que le tome fonctionnait en binôme avec le suivant, tant l’intrigue semble avoir été coupée en deux (puisque c’est dans le tome 9 qu’ils vont enfin à la foire). De fait, l’amitié entre Tarta, Coco et Kustas occupe vraiment le premier plan, nettement plus que la magie ou l’apprentissage des élèves de Kieffrey. Je pensais donc avoir affaire à un tome offrant une pause dans l’intrigue liée à la Confrérie du capuchon. Erreur ! Car le chapitre final amène une soudaine explosion de violence qui rappelle que les tomes précédents étaient à la fois légers et très sombres. On dirait bien que cet aspect nous a rattrapés sur la fin !

L’autrice continue d’étoffer et son univers, et ses personnages. La pause est agréable dans le récit, mais j’avoue que j’ai préféré l’allure des tomes précédents, qui mêlaient préoccupations des adultes à celles des enfants, tout en tissant des intrigues à plusieurs niveaux de lecture. J’espère que la fin explosive de ce volume nous ramène vers quelque chose de similaire dans le tome 9 !

L’Atelier des sorciers, #8, Kamome Shirahama. Traduit du japonais par Fédoua Lamodière. Pika (Seinen), 2 juin 2021, 154 p.

Emportant chacune un objet magique de sa confection, Coco et ses amies partent pour l’île-cité d’Esrest, afin de participer à la Fête de la Nuit d’argent. Au milieu des stands et de la foule de visiteurs, la ville est plus animée que jamais. Il y flotte une atmosphère festive ! Mais parmi les convives se cachent aussi des invités indésirables. Sorciers, milice, nobles, sages… Beaucoup de forces se croisent et les contours de ce monde se dessinent peu à peu. Entre lumière et ténèbres, le rideau se lève enfin sur le grand festival des sorciers.

Et voilà, les personnages vont enfin à la foire de la Nuit d’argent !
J’ai trouvé à ce tome un rythme très posé, puis l’intrigue concerne d’une part la présence de l’atelier à la foire et, d’autre part, un chapitre consacré aux activités de la milice, ce qui occasionne un flashback dans la vie de la milicienne Lulucy.
J’étais un peu surprise de voir un trigger warning à l’ouverture de ce chapitre, mais c’était plutôt pas mal d’avertir sur le-dit contenu, puisqu’il est question d’agression sexuelle. Celle-ci n’est pas représentée, puisque l’on s’attarde plutôt sur les conséquences et la suite, avec un message très fort, que l’on aimerait voir plus souvent !

De fait, on retrouve une ambiance festive et colorée conjuguée à une noirceur vraiment très présente. Ce chapitre en est l’image même, mais ce n’est pas le seul. En effet, les personnages sont à la foire, où ils passent un très bon moment, alors qu’en coulisses se déroulent des événements assez sombres. Le dernier chapitre, notamment, annonce une suite nettement moins gaie et enthousiaste, puisque la Confrérie du capuchon a réussi à circonscrire deux personnages très proches de l’atelier et qui ont bien l’intention de s’en prendre à Coco et ses amis.

Celle-ci, par ailleurs, est toujours aux prises avec ses questionnements sur la magie, ses règles, et les raisons d’être de celles-ci.

Bref, ces deux tomes marquent une légère pause dans le récit, grâce à un rythme posé et très maîtrisé. Kamome Shirahama la met à profit pour approfondir les caractères de ses personnages, comme les aspects plus politiques de son univers. Mais sans perdre de vue l’intrigue principale, comme le prouve le retour en force de la Confrérie du capuchon dans le dernier chapitre ! Le dixième tome est annoncé pour début septembre en VF, et vu qu’un opposant apparaît sur la couverture, je suis très très curieuse de le lire !

L’Atelier des sorciers #9, Kamome Shirahama. Traduit du japonais par Fédoua Lamodière.
Pika (Seinen), 10 novembre 2021, 174 p.

A Silent voice, Yoko Kurahashi & Yoshitoki Oima.

Shoko est malentendante depuis la naissance. Même équipée d’un appareil auditif, elle peine à saisir les conversations et à comprendre ce qui se passe autour d’elle. Quand Shoko est transférée dans une nouvelle école, elle s’emploie à surmonter ses difficultés mais, malgré ses efforts pour s’intégrer dans ce nouvel environnement, rien n’y fait : les persécutions se multiplient, menées par Shoya, le leader de la classe.
Tour à tour intrigué, fasciné puis, pour finir, exaspéré par cette jeune fille qui ne sait pas s’exprimer comme tout le monde, le garçon décide de lui rendre la vie impossible par tous les moyens. Psychologiques puis physiques, les agressions se font de plus en plus violentes… jusqu’au jour où la brimade de trop provoque une plainte de la famille de Shoko et l’intervention du directeur de l’école. C’est alors que tout bascule pour Shoya : ses camarades, qui jusque-là ne manquaient pas, eux non plus, une occasion de tourmenter la jeune fille, vont se retourner contre lui et le désigner comme seul responsable…
En terminale, le jeune homme, devenu à son tour un paria, prend son courage à deux mains et décide de retourner voir Shoko. Mais leurs retrouvailles ne se déroulent absolument pas comme il les avait imaginées.

Lorsque j’ai vu que la série de manga éponyme était adaptée en light novel – après l’avoir été en version anime ! – j’étais ravie ! L’adaptation serait-elle à la hauteur du manga d’origine ?

Eh bien oui… et non. Commençons par les bons points !

L’adaptation est incroyablement fidèle. Les chapitres du roman collent à la perfection à ceux du manga, et aux différents épisodes narrés dans l’œuvre originelle. Pas d’ajouts, pas de manques non plus : l’adaptation est presque littérale. Donc si vous l’avez lu en manga, il n’y a pas de nouveauté à découvrir, les personnages étant identiques à ceux du manga ; mais si vous ne l’avez pas lu, vous ne passerez à côté d’aucun détail, tout étant parfaitement relaté.

Mais c’est justement là que le bât blesse : l’adaptation est peut-être trop fidèle. Je m’explique : l’autrice a calqué l’alternance des scènes, le développement des fils narratifs secondaires et les apparitions des personnages. Or, ce qui peut vraiment fonctionner en version dessinée, puisque le cadrage aide aux transitions, ne fonctionne pas nécessairement en version entièrement narrée. Et justement, ici, on ne peut pas dire que la forme soit particulièrement efficace.
De fait, les transitions entre chapitres, voire entre paragraphes, sont extrêmement abruptes. Dans les derniers chapitres, on a même des paragraphes introduits par le prénom du personnage au centre du récit à ce moment-là. Procédé extrêmement étrange, dans la mesure où la narration s’intéresse, depuis le premier tiers, à différents personnages… sans utiliser l’artifice de nous donner le prénom du personnage concerné. Étrange, non ?

Ceci vient sans doute du système narratif choisi. Au départ, l’histoire est majoritairement centrée sur Shoya, multipliant les adresses au lecteur (ou tentatives de), les commentaires en aparté, et le discours indirect libre. Mais, dès le départ, le narrateur oscille aussi sans arrêt entre focalisation interne et focalisation externe, tentant de donner des informations sur les personnages, l’univers, les enjeux de l’intrigue… Ce qui donne régulièrement des impressions de récit brouillon, qui hésite sans arrêt.
De plus, le récit est terriblement descriptif : les pensées, les réactions des personnages sont intégralement narrées, mais jamais montrées. Résultat ? Eh bien on l’impression de lire une histoire aussi plate que scolaire, qui peine à nous passionner pour les personnages – ce qui est bien dommage.

Car ainsi, j’ai trouvé qu’on passait un peu à côté des enjeux du récit. Normalement, il y est question de harcèlement scolaire et justement, du double point de vue des enfants harcelés, comme des harceleurs. Et dans les grandes largeurs, puisque l’idée du suicide caresse plusieurs fois les personnages. Mais cette fois, difficile de décrypter tous les enjeux, comme de s’attacher aux personnages. En effet, le style descriptif à souhait n’encourage aucune implication, puisque l’on ne ressent aucunement les doutes, interrogations ou cheminements de pensée des personnages. Et c’est bien dommage. Difficile, donc, d’adhérer au récit de l’amitié naissante des personnages, comme au cheminement intérieur de Shoya ! De même, alors que le manga parvenait à rendre les scènes où les personnages signent à la fois touchantes et intéressantes, le passage à la narration les gomment totalement – puisqu’elles sont présentées comme du dialogue, simplement portées en italique, et pas toujours introduites.

J’avais beaucoup aimé le manga initial et l’adaptation animée, mais on peut dire que l’adaptation en roman aura été une déception. Et celle-ci n’est pas due à l’adaptation en elle-même, qui s’avère extrêmement fidèle, mais plutôt à la forme qu’elle prend. Le récit suit pas à pas les épisodes du manga, sans tenter de créer un fil narratif cohérent ; de plus, le style plat et scolaire rend l’implication assez difficile. Bien dommage !

A Silent voice, Yoko Kurahashi. Illustrations de Yoshitoki Oima. Lumen, juin 2021, 412 p.


A Silent voice 5-7, Yoshitoki Oima.

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Après la sortie au parc d’attractions qui a regroupé plusieurs anciens camarades, Shoya est embarqué dans le projet de film de Tomohiro, qui le propulse assistant. Premier problème : alors que l’histoire du film s’inspire de la rencontre providentielle entre Tomohiro et Shoya, qui n’aurait jamais eu lieu sans Shoko, celle-ci ne fait pas partie de l’équipe et les participants semblent trouver normal de l’écarter en raison de sa surdité, ce qui ne plaît pas du tout à Shoya. Second problème : Tomohiro veut absolument tourner une scène dans une école. Il charge donc Shoya d’aller demander l’autorisation de filmer dans son ancien établissement. Pour des raisons évidentes, celui-ci n’a pas particulièrement envie de remettre les pieds là-bas, d’autant que Tomohiro convainc Shoko de l’accompagner. C’est finalement Satoshi, un jeune homme très critique envers les enfants cruels, qui accompagne Shoya.
Celui-ci éprouve des sueurs froides à l’idée que son secret soit révélé… ce qui ne manque pas, ravivant toutes les tensions qu’il avait, jusque-là, réussi à apaiser.

Ce cinquième volume fait office de pause dans l’intrigue car il met de côté l’histoire entre Shoko et Shoya pour étudier les conséquences de l’odieux comportement de Shoya lorsqu’il était enfant.

Si la mère de Shoko l’exècre toujours au plus haut point, ses camarades de classe qu’il vient de retrouver semblent avoir passé l’éponge, ce qui ne lasse pas d’étonner un Shoya en quête de rédemption. Pire : lorsqu’il retourne dans son école, son ancien professeur semble suggérer que le problème venait de Shoko elle-même ! Ajouté au fait que l’ensemble de ses camarades participant au film semble trouver normal d’écarter Shoko en raison de son handicap, Shoya comprend qu’il y a encore un long chemin à parcourir pour atteindre la tolérance – chemin qu’il n’a, lui-même, pas fini de parcourir.
Comme le volume développe plusieurs arcs narratifs, il semble un peu plus lent que les autres. Parallèlement, Yoshitoki Oima évoque la réalisation du film, la relation amicale (mise à mal) entre Shoya et Tomohiro et, de façon plus générale, entre Shoya et ses camarades, l’étrange relation qui unit Shoya à Shoko (laquelle continue de penser qu’elle est la cause de tous les maux), ainsi que la perception du handicap dans la société (qui aurait bien besoin de progresser).
Les rumeurs allant bon train, Shoya est de nouveau au centre de toute l’attention, ce dont il se serait bien passé. À nouveau, le suspense psychologique est très fort, puisqu’on se demande si Shoya va réussir, cette fois encore, à s’en sortir.
C’est, finalement, sur les toutes dernières pages que se concentre toute l’action : les derniers événements changent beaucoup de choses, amènent encore plus de questions et, surtout, laissent le lecteur sur des charbons ardents !

Malgré une petite baisse de rythme, voilà encore un tome passionnant et qui donne de plus en plus envie de lire la suite !

A Silent voice, tome 5, Yoshitoki Oima. Traduit du japonais par Géraldine Oudin.
Ki-oon, octobre 2015, 192 p.

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A l’issue du volume précédent, Shoya sauvait in extremis Shoko d’une chute mortelle. Et c’est finalement lui qui se retrouve branché à une machine, coincé sur un lit d’hôpital…

Voilà un opus bien différent des précédents ! En effet, l’histoire tourne, généralement, autour de Shoya. Or, là, il en est totalement absent, puisque dans le coma. Cela laisse toute latitude à Yoshitoki Oima pour développer les autres personnages, comme les familles respectives de Shoya et Shoko, que l’on voit, finalement, assez peu dans le reste du manga. Ce que l’on découvre sur l’une et l’autre est vraiment intéressant et permet de remettre pas mal de choses en perspective, notamment du côté de Shoko.
Et, alors que la petite bande d’amis semble de plus en plus soudée, l’odieuse Naoka contine de représenter la frange qui pense que les personnes handicapées ne sont qu’un poids mort pour la société. Yoshitoki Oima procède à un examen des mentalités assez poussé, tout en laissant entrevoir une possible amélioration de ces mêmes mentalités.

Bon an mal an, le tome se déroule sur un rythme que l’on pourrait presque trouver monotone comparé à ce qui s’est passé avant. Mais c’est aussi l’occasion pour les personnages de se remettre en question – et il y en a à qui ça ne fait vraiment pas de mal !

Tout cela aboutit à une scène de conclusion relançant immédiatement les interrogations ! Sachant qu’il ne reste qu’un tome, on se demande comment l’auteur va parvenir à conclure cette émouvante histoire. 

A Silent voice #6, Yoshitoki Oima. Traduit du japonais par Géraldine Oudin.
Ki-oon, janvier 2016, 
192 p.

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Et voici venue la conclusion tant attendue de la série phénomène de Yoshitoki Oima !

Et, au vu des six premiers tomes, je n’ai pas pu m’empêcher de ressentir une légère pointe de déception à la lecture de celui-ci. En effet, cette conclusion a un petit goût d’inachevé, comme si l’auteur n’était pas allée vraiment au bout des choses au vu des pions qu’elle avait avancés.
Bon, il faut nuancer un peu : toutes les intrigues trouvent une conclusion ici et on assiste même à l’entrée de Shoko et Shoya dans la vie adulte, main dans la main, ce qui est bien agréable quand on voit d’où ils sont partis. Mais voilà, peut-être la part de midinette qui, manifestement, se terre quelque part en moi, en espérait-elle un peu plus.

Malgré cela, A Silent voice est une série qui vaut vraiment le détour. Yoshitoki Oima signe une série lumineuse, émouvante, pleine d’émotions, qui traite avec intelligence et subtilité le thème du handicap – aujourd’hui toujours tabou et ce, quel que soit le pays dont on parle.
Elle brasse, ainsi, de nombreux thèmes, tous creusés : harcèlement scolaire, amitié, amour, adolescence. C’est une série très émouvante, mais aussi riche d’enseignements , à mettre entre toutes les mains ! 

A Silent voice #7, Yoshitoki Oima. Traduit du japonais par Géraldine Oudin.
Ki-oon, avril 2016, 192 p.

◊ Dans la même sérieA Silent voice (1-2) ; A Silent voice (3-4).

A Silent voice #3-4, Yoshitoki Oima.

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Shoya et Shoko se sont rapprochés. Le jeune homme, pour faire plaisir à Shoko, entreprend de retrouver leurs anciens camarades de classe, notamment Miyoki et Naoka. La première se rapproche très vite de Shoko, jusqu’à atteindre une complicité que Shoya jalouse. La seconde, en revanche, faisait partie des tourmenteurs de Shoko et n’a pas l’intention de changer d’avis. Parallèlement, Shoya se pose d’intenses questions sur les fondements de l’amitié…

Shoya est vraiment au centre de ce volume (jusque-là, l’histoire se concentrait vraiment sur la relation Shoko-Shoya). Ce qui est intéressant, c’est que les deux nouvelles venues (Miyoki et Naoka, d’anciennes camarades de classe) vont remettre en perspective le personnage.
Depuis le début, Shoya s’interroge sur sa personnalité ; cette fois, il se demande s’il est vraiment un bon ami. En observant Miyoki être si complice avec Shoko, il se demande pourquoi lui n’arrive pas à être sincère, pourquoi il s’est emprunté. Fait-il, comme le dit Naoka, semblant ? Pire : a-t-il vraiment changé ou ne fait-il que se donner vaguement bonne conscience ?

L’opus tourne vraiment autour de ces questions ; côté péripéties, il est donc plus calme que les précédents car la relation entre Shoko et Shoya continue seulement sur sa lancée. Pourtant, le rythme et le suspense sont maintenus tout du long car, d’une part, on a très envie de savoir si la relation entre les deux protagonistes va évoluer (et si oui, dans quel sens !) et, d’autre part, on se demande si Shoya va laisser son dark side reprendre le dessus… et se remettre à brimer Shoko.

De son côté, celle-ci se laisse apprivoiser par le jeune homme et fait de louables efforts pour parler. D’ailleurs, dans ce volume, il y a moins de scènes où les deux adolescents communiquent par la langue des signes et un peu plus de moments où Shoko tente de s’exprimer verbalement. On sent que, doucement, la problématique de départ évolue !

Vu comme cela, on pourrait penser que le volume est plat et manque de suspens. Mais pas du tout ! Les questions induisent un gros suspens car Shoya pousse assez loin l’introspection. Une fois qu’on a fini de s’interroger sur ce point, on se demande si Shoya va enfin – ENFIN ! – comprendre les messages que Shoko tentent de lui envoyer. À ce titre, la conclusion est une véritable torture et laisse le lecteur sur une fin douce-amère !

A Silent voice #3, Yoshitoki Oima. Traduit du japonais par Géraldine Oudin.
Ki-oon, 2015, 224 p. 

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Tomohiro, le meilleur ami de Shoya, est bien décidé à tourner un court-métrage. Pour cela, il lui faut des acteurs : cela tombe bien, il va profiter de ce projet pour faire en sorte que Shoya se fasse des amis. Celui-ci n’est pas fan de l’idée mais serre les dents. Or, Tomohiro doit aussi inviter Yuzuru, la petite soeur de Shoko, au parc d’attractions, pour la remercier d’avoir prêté son appareil-photo. La situation dégénère et c’est toute une bande qui se retrouve au parc avec Tomohiro, Yuzuru, Shoya et Shoko, la plupart des nouveaux venus étant d’anciens camarades de classe. Ce qui confronte, à nouveau, Shoya à sa grande solitude et à son incapacité à communiquer. 

À nouveau, le tome est centré sur Shoya, dont les questions sur l’amitié et sa propre capacité à se lier semblent sans fin. Le jeune homme aimerait ne pas s’attacher mais, force est de constater qu’il s’amuse tout de même un peu et peut même avoir des pensées futiles de jeune homme de son âge. De plus, il confronte sa propre expérience à ce qu’il observe : il note que Shoko, quoique sourde, semble n’avoir aucun problème à se faire des amis.

En fait, la communication est vraiment au centre des préoccupations. D’une part parce que Shoko ne peut communiquer aussi aisément qu’elle le voudrait, évidemment, mais surtout par le jeu sur les différents types de communications mis en scène par l’auteur. Si Shoko est obligée de passer par la langue des signes (ce qui implique que son interlocuteur la connaisse et diminue ses possibilité de communication), on remarque que Shoya, non entravé, a en fait beaucoup plus de mal à communiquer avec les autres que son amie ! Comme quoi, la parole n’est pas tout.

Autre thème central dans ce volume, et qui revient après avoir été mis en sourdine : le harcèlement. La sortie réunit Shoko et Naoka, qui a fait partie de ses tortionnaires à l’école. Or, on l’a vu, Naoka aimerait que Shoya revienne sur ses bons sentiments et pense que Shoko ne mérite guère mieux que d’être continuellement maltraitée. Les paroles de la jeune fille sont violentes et son opinion est assez dérangeante. Mais là où cela devient encore pire, c’est lorsque se fait un lien entre le présent et l’histoire de Shoko. Au cours d’une brève analepse, on assiste aux accusations auxquelles la mère de Shoko a dû faire face lorsqu’il s’est avéré que sa fille était sourde et qui ont conduit le géniteur des deux fillettes, pleinement soutenu par sa propre famille, à abandonner ce qu’il considérait comme une honte pour son nom. Ce qui en dit long sur les mentalités sur le handicap…

À l’issue de ces deux tomes, on a l’impression de ne plus rien ignorer des mentalités des différents personnages. Le volume 4 finit sur une note légèrement plus joyeuse que le précédent, mais pas avec moins de suspens !

A Silent voice #4, Yoshitoki Oima. Traduit du japonais par Géraldine Oudin.
Ki-oon, 2015, 208 p. 

 

◊ Dans la même série : A Silent voice (1 & 2) ;

A Silent voice #1-2, Yoshitoki Oima

 

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Shoko Nishimiya est sourde depuis sa naissance. Même équipée d’un appareil auditif, elle peine à saisir les conversations, à comprendre ce qui se passe autour d’elle. Effrayé par ce handicap, son père a fini par l’abandonner, laissant sa mère l’élever seule. Quand Shoko est transférée dans une nouvelle école, elle s’emploie à surmonter ses difficultés mais, malgré ses efforts pour s’intégrer dans ce nouvel environnement, rien n’y fait : les persécutions se multiplient, menées par Shoya Ishida, le leader de la classe.
Tour à tour intrigué, fasciné, puis finalement exaspéré par cette jeune fille qui ne sait pas communiquer avec sa voix, Shoya décide de consacrer toute son énergie à lui rendre la vie impossible. Psychologiques puis physiques, les agressions du jeune garçon se font de plus en plus violentes… jusqu’au jour où la brimade de trop provoque une plainte de la famille de Shoko, ainsi que l’intervention du directeur de l’école.
À cet instant, tout bascule pour Shoya : ses camarades, qui jusque-là ne manquaient pas eux non plus une occasion de tourmenter la jeune fille, vont se retourner contre lui et le désigner comme seul responsable…

Le premier volume de A Silent voice prend la forme d’une longue analepse. Au début de l’histoire, Shoya rencontre Shoko, alors qu’ils sont désormais au lycée. Cette rencontre va pousser Shoya à se remémorer la façon dont Shoko et lui se sont rencontrés, puis côtoyés, et la façon dont il lui a rendu la vie absolument impossible.
Ne vous fiez pas à l’aspect tout doux de la jaquette… l’histoire est beaucoup plus dure qu’il n’y paraît.

Car Shoya n’a aucune limite. Et ce qui est terrifiant, c’est que personne (camarades, professeurs, responsables de l’école…) ne lui en donne. Shoya commence par titiller Shoko, avant de devenir plus pressant – pour tenter de déterminer son degré de handicap. Au fil des jours, et de son incompréhension qui monte, il devient de plus en plus inventif dans les brimades à faire subir à sa camarade. Tout ça avec, semble-t-il, l’approbation tacite de son entourage. Dit comme cela, le sujet peut sembler franchement glauque. Mais le manga ne présente pas seulement un vaste catalogue des brimades et autres violences à appliquer à ses camarades.
En fait, c’est l’angle choisi qui rend le manga passionnant : il ne faut pas oublier que l’histoire nous est racontée par le Shoya de 18 ans, qui a donc un certain recul critique. De plus, même enfant, il finit par se heurter à sa conscience (aidé en cela par la classe qui se retourne subitement contre lui), et remâchera ses errements toute sa jeunesse. Et cet angle de vue rend l’histoire nettement plus prenante que s’il était seulement question de Shoko, victime de ce harcèlement scolaire, qui nous contait son histoire ou s’il était seulement question de mettre en scène le harcèlement scolaire.

J’ai aimé le trait qui rend vraiment bien les émotions – notamment celles de Shoko, que l’on lit directement sur son visage.  En plus, le découpage est assez dynamique, donc malgré l’absence d’action proprement palpitante, les pages défilent sans problème.

Le premier volume est vraiment un tome d’exposition. Mais, malgré cela, l’histoire est très prenante, et le thème extrêmement bien traité. Là où l’auteur frappe très fort, c’est que l’on finit par comprendre Shoya… et à s’attacher à lui, aussi odieux a-t-il été enfant. La fin revient à la rencontre du début : on a la sensation d’en savoir beaucoup plus, tout en ayant conscience que le vif de l’histoire n’a pas encore démarré.
Quoi qu’il en soit, ce premier volume est très réussi !

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Shoya a compris ce qu’il a fait, et a fait pénitence. Son objectif est clair : il doit retrouver Shoko, s’excuser… et mettre fin à ses jours. 

À nouveau, ne pas se fier à la couverture. Je craignais que ça ne tourne bêtement à la romance mais, ouf ! Ce n’est pas le cas.

On retrouve donc Shoya au moment où il rencontre Shoko, dans son établissement, et lui présente ses excuses. La façon dont il les présente montre le travail qu’il a effectué sur lui, qui ne manque pas de surprendre (Shoko, comme le lecteur, d’ailleurs).
L’histoire va permettre de développer d’autres personnages, comme le camarade de classe de Shoya, ou le petit ami surprotecteur de Shoko. Ce volume est également plus riche en sentiments : Shoya se heurte à la fureur (compréhensible) de la mère et du petit ami de Shoko, à celle de sa propre sœur, mais aussi à la sollicitude de son camarade de classe et, curieusement, celle de Shoko. Les relations entre personnages sont vraiment plus fouillées que dans le premier volume : celles de Shoya a son entourage, bien sûr, a son importance, mais la plus touchante est probablement celle qui unit Shoko à sa sœur.

Difficile de définir ce qu’il y a entre Shoya et Shoko mais il est évident que la relation s’étoffe. Le volume est assez introspectif, et pousse à s’interroger sur ce que sont les relations fraternelles et l’amitié, ou sur l’importance de la communication (Shoko étant sourde, ce thème a donc toute son importance). Les personnages se posent beaucoup de questions pertinentes, qui font avancer l’histoire. Malgré cet aspect très psychologique, le volume est très prenant, car il y a plein de petites péripéties (dramatiques ou comiques), et le découpage très dynamique permet de ne pas s’ennuyer.
Le volume finit à nouveau en plein suspens… ça va être long d’attendre le tome suivant !

A silent voice démarre donc très bien ! Le trait tout en douceur et rondeurs contraste avec la violence de l’histoire, qui est mise en scène avec intelligence et sans pathos. Les questions que se posent Shoya et les autres, sur leur comportement, l’amitié, ou la communication, sont finement traitées. Le découpage est dynamique et, même si ce n’est pas bourré d’action, on ne s’ennuie pas un instant. La série est terminée au Japon, en 7 volumes… et on attend impatiemment la suite, annoncée pour le mois de mai !

A Silent voice, tomes 1 et 2, Yoshitoki Oima. Traduit du japonais par Géraldine Oudin. Ki-oon, 2015, 192 p.

 

◊ Dans la même série : A Silent voice (3-4) ;