Agatha vit seule à Torquay avec sa mère depuis la mort de son père. Son frère aîné, Monty, est officier aux Indes ; sa sœur aînée, Madge, est mariée et mère, mais leur complicité est intacte lorsqu’elles se revoient. Agatha s’ennuie. Ferme. Alors elle lit, à peu près tout ce qui lui tombe sous la main, mais surtout des romans policiers. Et puis, de temps en temps, elle imagine des histoires, avec des disparitions, des meurtres et quelques complots machiavéliques. Mais Agatha n’écrit pas, ça c’est le talent de Madge.
Non, Agatha, elle, veut devenir chanteuse d’opéra. L’ennui, c’est qu’il y a moins d’argent et puis, Mme Miller refuse d’envoyer Agatha à l’école, dont elle juge le niveau trop bas. Mais Agatha n’est pas du genre à renoncer à ses rêves !
Avant d’être Agatha Christie, la célèbre écrivaine a été une adolescente enjouée, avec des rêves et des aspirations parfois aux antipodes des romans policiers pour lesquels elle est passée à la postérité. C’est ce qu’a tâché de transcrire Françoise Dargent – qui s’était déjà livrée à l’exercice avec Rudolf Noureev – dans cette biographie romancée.
Sous sa plume, on découvre une jeune fille espiègle, qui n’hésite pas à tourner en bourrique les domestiques et sa mère mais qui, en même temps, s’inquiète sincèrement du manque d’argent dont semble subitement souffrir le foyer. Imaginez un peu : la père d’Agatha est décédé, son frère aîné est officier dans l’armée des Indes, sa sœur aînée mariée et mère de famille ; il ne reste donc, dans le grand manoir, que la jeune Agatha, sa mère et quelques domestiques, qu’il devient de plus en plus difficile de rémunérer. Alors que Madge, sa sœur aînée, a fait ses débuts en Amérique, Agatha devra tout au plus se contenter de Torquay où elle réside – elle ne va déjà plus à l’école dont sa mère juge le niveau trop bas. Mais la jeune fille voudrait devenir chanteuse d’opéra. A force d’insistance, elle convainc sa mère de l’inscrire dans une pension pour jeunes filles, en France, où elle se fera des amies tout en apprenant à chanter.
Son adolescence est émaillée de motifs que l’on reconnaît pour être tirés des romans qu’elle écrira plus tard. Car Agatha, lorsqu’elle s’ennuie, tente de déterminer les histoires des gens qu’elle croise, quand elle ne tente pas tout simplement d’inventer des histoires tout droit sorties de son chapeau. Et c’est là, évidemment, que Françoise Dargent s’en donne à cœur-joie, réutilisant des bouts d’intrigues qu’elle pioche tant dans la bibliographie policière d’Agatha Christie que dans celle, peut-être moins connue, de ses romans plus sentimentaux, qu’elle a signés du nom de Mary Westmacott. Il est donc assez drôle de tenter de débusquer ces petits rappels et de voir comment, d’après Françoise Dargent, la jeunesse et les expériences d’Agatha Christie ont nourri ses histoires.
Outre la biographie romancée, Françoise Dargent livre un récit historique extrêmement bien mené : on y retrouve le style propre à l’époque, nourri de nombreuses descriptions et réflexions qui contribuent à renforcer cette impression de réalisme. Et ce qui est intéressant, c’est qu’elle s’est vraiment focalisée sur la jeunesse d’Agatha Christie : le motif policier est donc assez léger (et en cela, le roman est très différent de la biographie de Noureev, qui était imprégné de la danse dès son plus jeune âge). Toutefois, le portrait est très réussi : Françoise Dargent parvient à montrer la formation d’Agatha Christie, future écrivaine, tout en livrant un intéressant portrait d’époque.
Agatha n’est donc pas réservé aux seuls fans assidus de la reine du polar britannique. Car Françoise Dargent a su s’affranchir des romans qui ont fait la célébrité de l’auteur, tout en leur laissant une place dans l’intrigue. La biographie romancée se mêle au roman historique, en un portrait riche et que l’on lit avec plaisir.
Agatha, Françoise Dargent. Hachette Jeunesse, août 2016, 320 p.
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Merci pour cet article, ça a l’air vraiment bien 🙂
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Oui, je l’ai trouvé vraiment très chouette !
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