Nos âmes rebelles, Samantha Bailly.

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Lou et Sonia sont désormais en terminale, et sur le chemin des rêves, espoirs, désillusions et embûches sont à venir.
Sonia finit son premier roman, Lou prépare le concours d’entrée des Gobelins. Car si toutes les deux passent le bac, elles ne rêvent que de partir à Paris étudier. D’ici là, elles développent ensemble leur blog BD, Trames jumelles, dont l’audience ne cesse de croître. Côté cœur, Sonia craque pour Gabriel tandis que Lou se demande ce qu’elle éprouve vraiment pour Vittore…

Où l’on retrouve Sonia et Lou, cette fois en terminale. Pour ceux qui débarquent, pas de panique : les deux tomes peuvent se lire indépendamment l’un de l’autre !
La terminale, donc. Une année décisive pour tant de choses ! Si Sonia hésite à suivre la voie recommandée par son grand-père – la prépa littéraire – et zieute du côté de la fac, Lou est bien décidée à intégrer l’école des Gobelins, malgré le désir de sa mère de la voir mener des études scientifiques. Parallèlement, les deux filles continuent, d’une part, de travailler sur leur grand-œuvre et, d’autre part, d’alimenter leur blog faisant état de leur vie quotidienne en petites bandes-dessinées. Et on constate combien elles ont grandi et évolué depuis le premier volume !

L’histoire est narrée, au fil des mois, alternativement par Sonia et Lou, qui offrent une chronique très bienveillante de la vie adolescente : celle-ci s’expose dans ses désillusions, angoisses et autres tourments, mais aussi dans ses émois et grandes joies.
La vision est bienveillante, mais aussi très réaliste. L’auteur ne verse pas dans le sentimentalisme et ne rosit pas le tableau. De fait, les filles connaissent de grands moments d’exaltation, vite tempérés par la réalité. L’une découvre ainsi que premier amour ne rime pas souvent avec toujours, tandis que l’autre s’aperçoit que les rêves dépassent parfois la réalité.

De nombreuses thématiques sont ainsi abordées, en rapport avec l’amour : il est question de coup de foudre, de palpitations, d’amoureux pas raccords, de rupture, mais aussi d’orientation sexuelle. Comme dans le premier volume, les thèmes sont intelligemment traités, mais la brièveté de l’ensemble laisse l’impression que tout est un peu court.
Ce qui est intéressant, c’est que Samantha Bailly ne se concentre pas seulement sur les adolescentes : les adultes ont également leur part d’intrigue ! Il est donc beaucoup question de la nouvelle vie amoureuse de la mère de Lou et, par ricochet, de la façon dont on s’accommode d’une nouvelle famille recomposée – que l’on soit un enfant, un parent, ou la pièce rapportée du couple. Et, parallèlement à tout cela, il est évidemment question de création. Les deux filles se battent pour émerger dans un milieu très concurrentiel, font des projets, remportent des petites victoires, ou échouent – là, encore, le réalisme fonctionne à plein ! Mais le plus important, c’est que le roman montre qu’il ne faut pas baisser les bras et qu’il encourage les lecteurs (adolescents ou non) à s’engager dans leurs projets, aussi fous puissent-ils paraître. On referme donc le roman avec du baume au cœur.

C’est avec plaisir que l’on retrouve Sonia et Lou dans la suite de leurs pérégrinations. Les deux jeunes filles ont grandi, mûri, mais découvrent que la vie n’est pas toujours aussi rose que ne le laissent penser romans, mangas et autres films. Si le tome semble bien court, c’est que la vie des deux jeunes filles, leurs découvertes, sont absolument passionnantes : un troisième tome ne serait pas de refus ! 

◊ Dans la même série : Nos âmes jumelles (1) ;

Nos âmes rebelles #2, Samantha Bailly. Rageot, février 2016, 280 p.

Rencontre avec Samantha Bailly, dans les locaux de Rageot. 

Samantha Bailly et l’éditeur nous avaient conviées afin d’évoquer la chaîne du livre et le métier d’auteur – puisque Samantha Bailly vit désormais de sa plume. La discussion a été passionnante – pour preuve, elle a bien duré 3 heures ! – et hautement enrichissante, que je vais résumer.

Muriel Couëlan, directrice de Rageot, nous a parlé de la façon dont on édite un roman, qu’il soit d’un auteur français ou étranger. Chez Rageot, celui-ci occupe une place centrale. L’auteur français permet aux équipes d’effectuer un véritable travail éditorial (un auteur étranger nécessitant surtout une traduction), puisqu’il est possible d’accompagner un auteur français sur un temps de travail bien plus long. Ainsi, Nos âmes rebelles vient tout juste d’être publié, alors que le manuscrit est terminé… depuis un an !

Un fois terminé, le manuscrit passe dans les mains des éditeurs et de leurs assistants : même si le texte est convaincant, il reste du travail à faire. Le comité de lecture livre donc de conséquentes fiches de lecture. Guilain, l’éditeur assistant, en réalise de substantielles fiches de synthèse, qui reprennent les annotations et pointent ce qu’il faudrait retravailler – sachant que l’auteur reste seul maître de son manuscrit, trie les suggestions et recommandations et retravaille le texte.

Les fiches de lecture et de synthèse de Nos âmes rebelles.

Vient ensuite l’étape des placards : les premières épreuves du texte sont coulées dans les gabarits, selon les chemins de fer préétablis, et mis en page avec les polices définitives. C’est le moment de corriger les dernières imperfections. Le texte est nettoyée, la ponctuation lissée.

Les placards édités pour Nos âmes rebelles.

Ensuite, le livre passe à la correction dans les mains de l’éditeur.
Les images, s’il y en a, sont insérées après les corrections.

C’est le moment où l’éditeur communique au fabricant le nombre de pages du livre, lequel détermine le prix de vente.

Le département de communication, quant à lui, communique, cinq à six mois avant la parution les informations adéquates – titre définitif, caractéristiques, résumé – aux représentants – qui se chargent de vendre le titre aux libraires.

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Dans ces délais, les services de graphisme et de marketing réfléchissent à la couverture qui ornera le roman. Les shootings sont très rares ; l’image est, généralement, choisie sur une banque d’images et sera, éventuellement, retouchée par la suite. Pour Nos âmes rebelles, cette seule étape de recherches a demandé pas moins de 4 jours, afin de sélectionner celle qui collerait le mieux à l’esprit du roman. Ensuite, il faut choisir la typographie, en accord avec le sujet du livre. Dans le cas de Nos âmes rebelles, le choix de typographie a été assez long car il fallait choisir les typographies des chapitres (Lou et Sonia ayant chacune la leur) et autres insertions (SMS, emails et autres conversations virtuelles). Or, certaines ne sont pas libres de droit – celle de Facebook, par exemple.
Chez Rageot, l’auteur n’intervient pas dans le choix de la couverture – mais est toujours libre de faire valoir son avis.
Toute cette charge de travail n’aboutit pas nécessairement : le succès est en effet aléatoire !

Mais à l’origine de cette longue liste, il y a le travail solitaire et méconnu de l’auteur. Samantha Bailly nous a donc parlé plus précisément de tout ce qui se dissimule derrière un métier auréolé d’un halo romanesque, mais souvent assez éloigné de la réalité.

Le livre est un objet particulier : objet culturel, écrit avec les tripes, il devient un objet économique dès le contrat signé. Le nerf de la guerre consiste donc à allier travail et créativité. Or, il reste des inégalités dans cette chaîne, notamment concernant les parts touchés par les uns et les autres et la rémunération des auteurs (ouh le vilain mot !). Manifestement, l’auteur étant un créatif, son travail ne mérite pas toujours salaire. Pour preuve : un auteur de littérature adulte générale sera mieux rémunéré qu’un auteur de littérature jeunesse. Et on n’évoque même pas le statut des scénaristes et illustrateurs de bande-dessinée dont la colère gronde ces derniers temps.
De fait, Samantha Bailly a fait de la reconnaissance du travail de l’auteur et de son statut son cheval de bataille. Elle a récemment pris un agent littéraire – qui défend ses intérêts au mieux auprès des éditeurs pas toujours scrupuleux. Si la pratique est courante et reconnue chez les anglosaxons, elle ne l’est pas encore en France et entraîne quelques désagréables frictions. Pourtant, reconnaître le statut de l’auteur, le rémunérer lors de ses interventions est nécessaire : ne pas le faire revient à nier sa part de travail et la reconnaissance de ce qu’il accomplit (l’auteur n’est pas, malheureusement, un pur esprit que l’on peut nourrir de littérature et d’eau fraîche. Il a aussi des besoins terrestres !).

Si les dessous du métier d’auteur vous intéressent, Samantha Bailly vient d’ouvrir sa propre chaîne YouTube afin de mieux vous en parler : elle y mêle instantanés de la vie d’auteur (coulisses de festivals et de dédicaces), conseils d’écriture et révélations sur le métier.

Merci à l’équipe de Rageot et à Samantha Bailly pour cette rencontre !

7 commentaires sur “Nos âmes rebelles, Samantha Bailly.

  1. Chess dit :

    Un deuxième tome très sympa !

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  2. Julia dit :

    Je n’ai encore jamais lu de Samantha Bailly … Mais faut véritablement que je remédie à cette erreur.

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  3. Laurapassage dit :

    Ta chronique me donne vraiment envie de découvrir cette auteure dont j’entend énormément de bien. Et cette immersion que tu nous partages en maison d’édition augmente encore la connaissance du déroulement de publication d’un nouveau livre ! Merci !

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  4. Guenièvre dit :

    La question des droits d’auteur est vraiment, vraiment très intéressante! C’est génial d’avoir le point de vu d’un auteur sur la question…
    Il n’y a pas longtemps j’ai dû faire un papier sur le téléchargement illégal en droit de la propriété intellectuelle, c’était très éclairant! La dualité des problématiques (le droit moral de l’auteur aux fruits de son travail VS les intérêts économiques) cause des discussions houleuses, particulièrement en raison des différences entre les pays de droit civil et de common law… C’est ma marotte du moment, je suis intarissable… 😛
    Bon courage à Samantha Bailly dans cette aventure, et merci beaucoup pour ce compte rendu, Sia!

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    • Sia dit :

      Dès l’instant où se percutent des intérêts économiques et d’autres artistiques ou culturels, je pense que le débat est houleux ! La rencontre était géniale, oui !

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