The Book of Ivy #1, Amy Engel.

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« Voilà cinquante ans qu’une guerre nucléaire a décimé la population mondiale. Un groupe de survivants d’une dizaine de milliers de personnes a fini par se former, et ce qui reste des États-Unis d’Amérique s’est choisi un président. Mais des deux familles qui se sont affrontées pour obtenir le pouvoir, la mienne a perdu. Aujourd’hui, les fils et les filles des adversaires d’autrefois sont contraints de s’épouser, chaque année, lors d’une cérémonie censée assurer l’unité du peuple.
J’ai seize ans cette année, et mon tour est venu.
Je m’appelle Ivy Westfall, et je n’ai qu’une seule et unique mission dans la vie : tuer le garçon qu’on me destine, Bishop, le fils du président. Depuis ma plus tendre enfance, je me prépare pour ce moment. Peu importent mes sentiments, mes désirs, mes doutes. Les espoirs de toute une communauté reposent sur moi. Le temps de la rébellion approche…
Bishop doit mourir. Et je serai celle qui le tuera. »

The Book of Ivy débute comme un roman dystopique situé dans un cadre post-apocalyptique comme il y en a tant. D’ailleurs, le récit est fait à la première personne et au présent ce qui, malheureusement, semble faire partie des codes inhérents du récit. Heureusement, si le roman semble coller à tous les lieux communs, il sait aussi proposer une réflexion originale !
Imaginez un peu : Westfall a été fondée par le grand-père d’Ivy, partisan de la démocratie, renversé par Lattimer, le père du despotique président actuel. Pour s’assurer la docilité des familles vaincues, qui vivent à l’ouest de la ville, leurs filles sont mariées aux fils des familles du banc des vainqueurs – et vice-versa – par « rapprochement d’affinités » – et sans se préoccuper du consentement de l’une ou l’autre des deux parties.
Là-dedans, Ivy a, si l’on peut dire, tiré le gros lot : en tant que petite-fille du fondateur, elle épousera le fils du Président, Bishop Lattimer – celui-ci ayant déjà, sans raison, refusé d’épouser Callie, la sœur aînée d’Ivy, deux ans plus tôt.

Ivy est un prédatrice : elle a été entraînée, conditionnée, dans le seul but d’assassiner Bishop, afin de déstabiliser le pouvoir en place et permettre l’avènement de la démocratie que nombre d’habitants attend impatiemment et que son père soutient et promeut ardemment.
Le cadre est donc assez classique pour une dystopie, à ceci près que l’univers est relativement normal, hormis l’absence de véhicules (pénurie d’essence), quelques coupures d’électricité (sauf à la Présidence), et une difficulté à mettre la main sur certains produits (du tissu blanc ou des corn-flakes, mettons).
Le système n’est, d’ailleurs, pas particulièrement répressif, en dehors de cette regrettable tradition de noces, et une justice un peu expéditive. Là où on plonge dans la dystopie, c’est avec les dérives du système tel qu’il est présenté. La justice est passablement sommaire : tout coupable d’un délit (allant du simple vol à la préparation d’un attentat) est immanquablement expulsé en dehors de la barrière protectrice, dans le désert – condamné à mort à court terme.
Les enfants, de leur côté, sont mariés sans leur consentement, et l’endoctrinement est tel que la plupart épousent leur conjoint (et la cause) avec enthousiasme. Le fait de marier vainqueurs et vaincus entretient un complexe d’infériorité qui grève toutes les relations et dont les conséquences néfastes sont largement analysées : la plupart des garçons épousant une vaincue sont persuadés de leur suprématie, et les filles épousant un vaincu sont déshonorées par la mésalliance. À cela s’ajoute une course à la procréation assez désagréable : l’univers ayant subi des radiations, il est seriné aux jeunes qu’ils doivent avoir une progéniture le plus vite possible. Monsieur allant travailler avant de remplir le devoir conjugal, Madame restant bien sagement… dans ses casseroles. Un vrai plaisir.

Le roman amène une vaste réflexion autour de la condition féminine et de l’égalité des sexes. Mais, pour une fois, il n’est pas tellement question que la femme prouve à quel point elle vaut autant que l’homme ; dans la paire Ivy-Bishop, c’est plutôt ce dernier qui tente de prouver qu’il vaut autant qu’une femme, ce qui est plutôt intéressant et pas si couru que ça.
Dans cet univers chaud (en raison d’une canicule estivale) et poussiéreux (dans tous les sens du terme), on assiste finalement à l’éclosion des sentiments d’Ivy. Mais il serait dangereusement réducteur de penser que ce n’est qu’une romance (même si celle-ci occupe effectivement le premier plan). Car à 16 ans tout juste, on ne peut pas dire qu’Ivy ait beaucoup vécu… ou même pensé. Ce mari qu’elle exècre de tout son cœur va subitement ouvrir sa conscience et ce qu’elle découvre va la faire douter. Comme pour West Grayer, c’est un doute salutaire, qui lui fait se poser les questions pertinentes. Comme, par exemple, de savoir si elle se bat vraiment du bon côté de la barrière et si la fin justifie les moyens… Au fil du texte, il apparaît que les monstres ne sont pas toujours ceux que l’on croit et, pour une fois, on doute du bien-fondé de la rébellion. Le renversement est subtil mais, une fois là, impossible de s’en détacher.
Petit point bonus : avec sa fin très ouverte, The Book of Ivy peut se lire comme un one-shot ; idéal si l’aventure ne vous botte pas plus que cela.

En somme, voilà une très très bonne surprise rayon dystopie YA, alors que le genre commence (semble-t-il) à s’essouffler. Avec des ingrédients somme toutes classiques, Amy Engel propose une intrigue riche, soutenue par une réflexion vraiment bien menée et franchement intéressante sur l’égalité des sexes, le sacrifice de soi, la manipulation ou le libre-arbitre. Très bon cru !

◊ Dans la même série : The Revolution of Ivy (2).

The Book of Ivy #1, Amy Engel. Lumen, 2015, 342 p.

 

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27 commentaires sur “The Book of Ivy #1, Amy Engel.

  1. mlleniall dit :

    Il est dans ma PAL depuis ce week-end, mais je dois dire que ta chronique m’a vraiment donné envie de le lire!

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  2. J’avais commencé à lire le premier chapitre mis en ligne par l’éditeur, et le livre me tentait bien, même si au départ la perspective d’une énième dystopie YA ne me disait rien qui vaille. Je l’ajoute donc à ma liste !

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    • Sia dit :

      Eh bien je suis partie avec cette idée en tête mais quelque part aux alentours du premier tiers, je me suis trouvée littéralement accro ! Je n’ai même pas froncé les sourcils devant la romance, c’est dire si ça m’a plu !

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  3. Ce livre est dans ma wishlist depuis sa sortie, et ton avis confirme mon envie de l’avoir !

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  4. Mlle Javotte dit :

    Une belle chronique très bien rédigée qui donne envie de découvrir le livre.

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  5. Flora dit :

    OUI, OUI, OUIIIIIIIII !
    Quelle tuerie, ce livre, je suis ravie que tu aies aimé ! Comme toi, j’avais peur au départ de me plonger dans une dystopie toute banale qui surfait sur la vague, mais la réflexion est vraiment très intéressante. Et ce Bishop… Mouah ! 😀 Bref, vivement LA SUITE. (Car cette fin est criminelle tout de même)

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    • Sia dit :

      Je t’avoue qu’il m’a fallu quelques chapitres avant de m’y mettre avec enthousiasme ! De ce côté-là, je suis vernie, car j’ai enchaîné avec une autre dystopie qui m’a également beaucoup plu 🙂
      Et sinon, vivement la suite, carrément ! (Même si Bishop est un poil trop parfait pour être honnête).

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  6. Acr0 dit :

    Est-ce une trilogie ? Je sens quand même la romance à 3km…

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    • Sia dit :

      Il me semble que oui ! Il y a au moins deux tomes. Pour ne rien te cacher, la romance est quand même le point central du récit, mais pour une fois, je n’ai pas grincé des dents. J’étais moi-même assez surprise !

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      • Flora dit :

        Je crois (mais je peux me tromper !) que c’est une série en deux tomes ! C’est clair que la romance est au premier plan, mais elle est TOPISSIME, Acr0, foi de Flora ! Moi qui n’aime pas les romances à deux sous pleines de niaiseries, j’ai a-do-ré la relation Ivy/Bishop. 😀

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      • Sia dit :

        J’ai hésité entre 2 et 3 tomes ; je ne veux pas aller voir sur Goodreads car il paraît que le résumé du tome 2 spoile salement !
        Moi non plus je n’aime pas les romances, mais là je l’ai trouvée convaincante et bien menée !

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  7. Lupa dit :

    Je sais ce qu’il me reste à faire quand l’envie d’une bonne dystopie repointera le bout de son nez ! J’essaie justement de les espacer pour ne pas saturer, car c’est un genre tellement couru… Merci pour le partage de ton avis 😉

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    • Sia dit :

      Idem, j’essaie toujours d’espacer, et j’ai lu Red Queen dans la foulée (pensant que c’était de la fantasy) pour tomber sur une autre très bonne découverte. Joie !

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  8. […] The Book of Ivy #1, Amy Engel. […]

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  9. Milo dit :

    Il me tente beaucoup !

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  10. […] The Book of Ivy était nettement meilleur que ce à quoi je m’attendais, notamment par les thèmes traités ! Je suis passée à un cheveu du coup de coeur avec ce titre, dont j’ai vraiment adoré le fond ! […]

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  11. […] The book of Ivy, tome 1 de Amy Engel (Lumen). – Une braise sous la cendre, tome1 de Sabaa Tahir (PKJ). – […]

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  12. Buckette dit :

    J’ai adoré ce livre. Un peu de longueurs mais très franchement ça révolutionne bien le genre dystopique, ce côté « pas tout noir, pas tout blanc ». Très franchement c’est super, comme tu dis, dans un domaine qui commence à s’essouffler !

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  13. Je le lis ce mois-ci, j’ai tellement hâte !! 😀

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