Des Profondeurs, Les Héritiers de l’Aube #2, Patrick Mc Spare.

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San Francisco, avril 1906. 
Laure, Alex et Tom ont été séparés au cours du voyage temporal, et échouent dans la fameuse Cité de la Baie. Là encore, la situation n’est pas de tout repos : les Fomoré locaux sont assez grognons, et les Héritiers ont perdu la Pierre d’Émeraude. Mais leur quête est soutenue par un Primo-Sorcier brillant, le célèbre Raspoutine, et la quatrième Héritière, Alba, arrive enfin. Malgré ces précieuses aides, la partie semble mal engagée. « Ce qui est en bas est comme ce qui en haut», avaient annoncé les Forces des Ténèbres. S’ils n’ont jamais visité les abysses, nos quatre héros vont vite découvrir ce que le Mal réserve à la surface : mort, feu, ruines. 

On retrouve nos trois Héritiers, immédiatement après la fin du premier tome mais propulsés cette fois dans l’ère de Tom, à savoir le début du XXe siècle. Et en Amérique, cette fois, à San Francisco. Pas de répit, l’ouverture du roman est dynamique, et l’action présente dès les premières pages.
Parallèlement, on découvre enfin Alba, la quatrième Héritière, celle qui manquait à l’appel dans le tome 1 : issue de la noblesse espagnole, elle est très imbue de sa personne, et assez insupportable, dans un premier temps, tant ses opinions sont détestables. Pourtant l’auteur réussit à nous la faire apprécier, malgré ses petits travers : en dépit d’opinions confinant à la bêtise la plus profonde, Alba est un personnage très touchant, qui sait évoluer et se poser les bonnes questions. L’auteur en fait un très beau portrait !
Du côté des autres personnages, on retrouve les caractères déjà esquissés précédemment : Tom l’enfant de l’East End, Laure la brigande, et Alex le dragueur lourdingue. Autant prévenir : les mâles du XXIe en prennent pour leur grade !
Autre personnage à ajouter à la galerie : le Primo-Sorcier de l’époque, ancêtre d’Alex, à savoir Raspoutine. Assez éloigné de l’image qu’en a donnée Disney (c’est ici un bon vivant), et particulièrement réussi dans le rôle de mentor épicurien, Raspoutine est un personnage terriblement magnétique, et très différent de Nicolas Flamel : autre époque, autres mœurs. Comme dans le premier tome, les personnages continuent de s’exprimer chacun dans un registre correspondant à son époque : vous ne serez pas surpris d’apprendre que le plus pénible à lire est Alex, le jeune homme du XXIe siècle… tant il ne semble s’exprimer qu’en franglais, verlan, raccourcis et autres métaphores obscures. Il y a d’ailleurs tout un jeu sur les expressions courantes que l’on utilise sans y penser et qui, si on y réfléchit bien, n’ont pas vraiment de sens, ce qui est assez drôle ! Ces changements de registres nous permettent de ne pas nous mélanger entre les personnages, et cela donne un petit cachet supplémentaire au récit.

L’intrigue de ce volume va, globalement, suivre la même ligne que dans l’opus précédent : les Héritiers courent toujours après la Pierre d’Émeraude qui leur a échappé. Cette fois, Hermès n’est pas fourré dans leurs pattes, mais ils sont tout de même traqués par un duo de démons très convaincants. Si Selanka est un poil caricaturale (trop méchante pour le plaisir), Lord Glasdow est, quant à lui, extrêmement réussi. Typiquement ce que j’imaginais d’un démon tirant les ficelles dans l’ombre. Au passage, l’auteur propose un portrait délicieusement caustique de l’univers de la finance et des magnats de l’époque : c’est édifiant.

Comme dans le premier tome, le contexte est très fouillé et documenté : on profite à nouveau des connaissances d’Alex en matière d’Histoire, ce qui fait que, d’une part, on n’est jamais perdu et, d’autre part, les personnages savent à quoi s’en tenir. Par ailleurs, les connaissances d’Alex permettent d’introduire un certain suspens car il sait ce qu’il s’est passé en avril 1906 à San Francisco… dès lors, la quête prend des airs de course contre la montre pas désagréables ! Autre point à noter : le roman est bourré d’action. On a l’impression qu’il n’y a pas de pause, que les personnages sont toujours en train de se démener, et un certain sentiment d’urgence marque les chapitres. Le temps semble se démultiplier dès que l’on atteint la date fatidique du 18 avril 1906, et les chapitres souffrent même de quelques longueurs, en regard des autres péripéties. Surtout, à la longue, les scènes d’action semblent un peu répétitives, quoique bien mises en scène.

Le plus surprenant ici, c’est la fin : ça, on peut dire que Patrick Mc Spare s’y connaît en matière de rebondissements et retournements de situations. C’est même tellement surprenant qu’on se prend à relire le passage pour être sûr d’avoir bien lu ! Les éléments nébuleux qui restaient en suspens s’éclairent brutalement… et on comprend subitement le schéma du roman. Après une fin pareille, il va sans dire qu’on a hâte de savoir comment l’aventure va tourner.

Ce second tome des aventures des Héritiers de l’Aube m’aura donc un peu moins emballée que le précédent, à cause d’une intrigue assez similaire à celle du premier tome (mais il y a une excellente raison à cela, on le découvre à la fin), et à des actions un poil répétitives. Malgré cela, on retrouve avec grand plaisir les personnages et le contexte historique très fouillé, ce qui n’est franchement pas désagréable. Les nouveaux personnages ne manquent pas non plus de piquant. L’auteur mêle histoire, fantasy et démons avec grand talent, le tout d’un style très maîtrisé (notamment dans les dialogues, qui déploient un large choix de registres !). En somme, si vous aviez apprécié le tome 1, le tome 2 devrait vous plaire. Voilà une série à noter si les voyages dans le temps vous bottent !

◊ Dans la même série : Le Septième Sens (1) ; Hantise (3)

 Les Héritiers de l’Aube #2, Des Profondeurs, Patrick Mc Spare.
Scrinéo, juin 2014, 347 p.
7, 5 /10. 

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