Un lieu incertain, Fred Vargas.

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Adamsberg, Estalère et Danglard sont envoyés à Londres afin d’y suivre un colloque, à la grande joie de Danglard, et dans la plus parfaite indifférence du commissaire béarnais. Là-bas, ils suivent leur homologue britannique, le commissaire Radstock, à quelques mois de la retraite. Voulant leur faire visiter Londres by night, il les entraîne dans un quartier vivant. Là, ils croisent un des habitués, un aristocrate nommé Clyde-Fox ; malgré une alcoolémie avancé, il semble épouvanté et raconte à Radstock une sombre histoire de chaussures qui veulent entrer dans un cimetière. Les Français sont un peu dubitatifs, mais Radstock les convainc d’aller jusqu’au cimetière. Car voilà, il y a deux problèmes. Tout d’abord, le cimetière est connu pour les créatures étranges qui y ont niché depuis sa création. En suite, il y a les chaussures. Parce que les pieds sont toujours dedans.

 

Neuvième enquête d’Adamsberg (et qu’il vaut mieux lire entre la huitième et la dixième, si l’on veut bien suivre l’histoire de fond, ce que je n’ai évidemment pas fait. Rassurez-vous, ça reste tout de même compréhensible !).
Dans cet opus, j’ai retrouvé un Adamsberg comme je l’aime : délicieusement distrait, totalement ailleurs, avec toutefois des pointes de lucidité confinant au génie. Après avoir exploré le passé de Raphaël, Fred Vargas s’attaque à celui de son lunaire commissaire … et les découvertes sont de taille !

Comme dans L’Armée furieuse, Fred Vargas exploite un terreau de croyances, légendes et mythes ancestraux bien ancrés. Si le commissaire est prompt à la rêverie, il fera pourtant preuve, dans cette aventure, d’un pragmatisme et d’un rationnalismes exemplaires. Ce n’est pourtant pas facile quand tout porte à croire que l’enquête vise… un vampire en goguette. Rien de moins. Du cimetière de Highgate aux pieds des Balkans, en passant par les quartiers chics de Paris, Fred Vargas balade allègrement son lecteur, malgré des scène de crimes éparpillées en Europe, en jouant avec tout ce qui fait son succès habituellement. Une intrigue soignée, des personnages aux petits oignons et des dialogues complètement surréalistes (Adamsberg est un bon candidat pour les dialogues loufoques, il faut le reconnaître). Pourtant, dans cette aventure, le commissaire garde bien les pieds sur terre, refusant de croire à l’existence d’un quelconque buveur de sang. Un boucher, pourquoi pas, un buveur de sang, il ne faudrait tout de même pas abuser. Il va tout de même remonter les pistes les plus improbables, à son habitude, et envisager les scénarios les plus tirés par les cheveux (à se demander, des fois, où il va chercher tout ça). Pourtant, le temps presse, et la tension s’installe aussi progressivement que durablement, instaurant une ambiance un peu étrange, souvent délicieusement effrayante. Car l’enquête ne tarde pas à se retourner contre Adamsberg… qui de chasseur, devient proie, pour le plus grand plaisir du lecteur, qui se demande bien comment le tête-en-l’air va se débrouiller pour s’en sortir.

Les personnages, Adamsberg le premier, sont toujours hauts en couleur : j’ai retrouvé avec un immense plaisir la brochette des inspecteurs. Danglard, l’encylopédie ambulante accro au vin blanc ; Retancourt, la déesse polyvalent ;  Froissy, qui fait des provisions de nourriture en vue d’un siège, ou encore Estalère, le brigadier à la bêtise crasse, tous sont présents et aucun ne manque à son rôle. On retrouve également Lucio, le survivant du franquisme, aussi préoccupé par les petites chose de la vie qu’Adamsberg, quoique dans un tout autre registre. Une enquête d’Adamsberg d’où tous ces personnages seraient absents aurait un petit goût d’inachevé. C’est pourquoi j’ai été positivement ravie de les retrouver, et tout autant de les suivre.

Comme toujours, l’auteur se joue habilement des différents fils tissés dès l’introduction. C’est complexe, loufoque et déjanté, mais toutes les pièces finissent par s’emboîter à la perfection. C’est tout simplement brillant. En somme, je suis partie avec une valeur sûre et, une fois de plus, je n’ai pas été déçue de cette aventure – peut-être est-ce parce que j’ai déjà un faible assez prononcé pour le commissaire dans les nuages. Si vous aimez déjà le style et l’univers de Fred Vargas, n’hésitez plus. Si vous hésitez à franchir le pas, lancez-vous. Au bout de neuf enquêtes, c’est toujours aussi bon!

 

Dans la même série : L’Armée furieuse.

 

Un lieu incertain, (9è enquête d’Adamsberg) Fred Vargas. Viviane Hamy, 2008, 383 p.
9/10.

6 commentaires sur “Un lieu incertain, Fred Vargas.

  1. J’ai lu ce roman pas longtemps après sa sortie donc ma lecture date un peu (j’ai une mémoire de poisson rouge parfois) mais j’en garde un très bon souvenir.

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    • Sia dit :

      C’est le problème avec les Vargas : les intrigues sont tellement complexes que je ne me rappelle jamais des détails! Comme ça, j’ai le plaisir de les lire et les relire.

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  2. solessor dit :

    Toujours efficace, Vargas, et j’admire ses idées que je trouve originales ! La mythologie n’est jamais très loin, c’est vraiment très sympa. Je garde particulièrement en mémoire Pars vite et reviens tard, ainsi que Dans les bois éternels. Un lieu incertain est dans ma PAL 🙂

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    • Sia dit :

      J’avais commencé avec Pars vite et reviens tard, il me semble. Jusque-là, je n’ai jamais été déçue par ses romans, c’est un peu ma valeur sûre pour les vacances.

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  3. Camille dit :

    Je n’ai jamais lu cet auteur mais ça m’intéresse beaucoup! Par contre je commencerai par la première enquête! Je n’aime pas faire les choses dans le désordre!

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    • Sia dit :

      Oui, ça vaut mieux avec cette série, les personnages sont assez travaillés. Autant au début, on peut les lire dans le désordre, autant ça se corse plus on avance dans les tomes ! Je te souhaite une bonne découverte alors !

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