Le Prince écorché, L’Empire brisé #1, Mark Lawrence.

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A treize ans il est le chef d’une bande de hors-la-loi sanguinaires. Il a décidé qu’à quinze ans, il serait roi. L’heure est venue pour le prince Jorg Ancrath de regagner le château qu’il avait quitté sans un regard en arrière, et de s’emparer de ce qui lui revient de droit. Depuis le jour où il fut contraint d’assister au massacre de sa mère et de son frère, il avance porté par sa fureur. Il n’a plus rien à perdre. Mais, de retour à la cour de son père, c’est la traîtrise qui l’accueille. La traîtrise et la magie noire. Or le jeune Jorg ne craint ni les vivants ni les morts. Animé d’une volonté farouche, il va affronter des ennemis dont il n’imagine même pas les pouvoirs. Car tous ceux qui ont pris l’épée doivent périr par l’épée.

Annoncé comme LE roman de l’année, par son thème et son style, Le Prince écorché a fait pas mal parler de lui, avant même sa sortie. Jorg Ancrath, prince à peine âgé de 13 ans, se retrouve à la tête d’une bande de hors-la-loi sanguinaires, et met la campagne à feu et à sang. Sa motivation ? La vengeance, et la haine de ses congénères. Son but ? Devenir roi à quinze ans.
Avec un tel background, on s’attend donc à un roman d’une noirceur confondante.

Et pourtant, il a été loin, très loin d’être un coup de cœur pour moi. Dès le départ, le style ne m’a pas semblé si transcendant que ça : il y a des phrases bizarrement construites, des choix de mots assez étranges … ce faux départ ne concerne heureusement que les quelques premiers chapitres ; la suite s’améliore nettement, et on relève un grand nombre de phrases aussi bien tournées que trouvées.
Autre point gênant : l’âge du protagoniste. Jorg Ancrath est bel et bien âgé de 13 ans. Malheureusement pour lui, il a les réactions d’un vétéran, qui aurait arpenté toutes les routes de l’empire, et vécu plusieurs vies. Il semble avoir tout vu, tout vécu, et tout, de ses réactions à ses paroles, fleure bon le soudard malpropre. On se demande, du coup, quel était l’intérêt de le faire si jeune, si c’est pour lui donner le comportement d’un adulte. D’autant qu’on ne sait pas exactement au nom de quoi ses compagnons de route le suivent. Certes, c’est un garçon de grande taille, certes, il manie plutôt bien l’épée et les mots, mais cela s’arrête là. Il n’a ni expérience, ni charisme, malgré les nombreuses scènes où on tente de nous le faire croire – mais comme elles sont toutes similaires, et donc répétitives, c’est assez agaçant. Ses actions sont, souvent, assez similaires ; l’ensemble manque de cohérence et souffre d’une juxtaposition qui rend le tout assez long.

D’autre part, les raisons d’agir de Jorg ne m’ont pas semblé les meilleures: ayant perdu sa mère et son frère, et voyant que son père préfère marchander ce décès, il décide dans un premier temps d’aller se faire justice lui-même, avec des mercenaires – pour, finalement, changer d’avis, et se contenter de terroriser des paysans. N’était-il pas plus simple, sincèrement, d’attendre d’être sur le trône et utiliser l’armée? Manifestement pas.

Pourtant, l’univers est intrigant : si le lieu exact de l’action (le royaume d’Ancrath) semble être imaginaire – quoique d’inspiration clairement médiévale – des références à l’univers réel fourmillent dans le récit. Ainsi, la princesse est teutonne ; le meilleur ami de Jorg est un Nubain (il est donc le seul homme noir de l’armée, et est en butte à un racisme primaire, notamment de la part des prêtres). Surtout, les auteurs fétiches de Jorg sont bien connus : Platon, Euclide, Socrate, ou même Nietzsche. Et il est fréquemment fait référence à des Bâtisseurs mystérieux, qui possédaient des armes pour le moins étranges. A ce point-là du récit, l’histoire prend une autre dimension, nettement plus intéressante que les pérégrinations de Jorg, qui a tout de la tête à claques immature. On se surprend à traquer, dans le texte, les petits indices sur la nature exacte de cet univers, et sur la façon dont il s’articule avec le nôtre et ce, au détriment de l’action principale – qui, de toute façon, peine à passionner.

Le portrait du jeune prince n’aide en rien à se concentrer sur cet étrange univers : méchant, voire maléfique, il est d’une puérilité sans nom. S’il s’appuie sur des textes et philosophes classiques, son attitude dévie souvent de ce qu’ils préconisent – son interprétation des textes est, parfois, pour le moins personnelle. Le plus agaçant ici, est cette façon dont tourne le récit : « Je suis super méchant / Ah non, en fait c’était pas moi / Ah finalement, p’têt ben qu’si ». Ha, décidez-vous!!

Ceci étant dit, il est évident que ce tome est le prélude à quelque chose de bien plus étoffé et, on l’espère, de plus intéressant que la banale existence de ce prince déprimé. Si ce tome souffre des quelques défauts évoqués (nature de l’univers, âge du personnage), il suit en plus un schéma classique, parfois un peu ennuyeux. Il y a de bonnes idées, mais le développement laisse parfois à désirer, tout reposant sur un personnage central fort (mais qui m’a semblé exagéré) ; une lecture en demi-teinte, donc. La suite sera peut-être meilleure, mais je ne suis pas certaine de rempiler.

 

Le Prince Ecorché, L’Empire brisé #1, Mark Lawrence. Bragelonne, 2012, 382 p.
6,5/10.

 

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D’autres anti-héros nettement mieux campés, dans un univers lui aussi très sombre !

7 commentaires sur “Le Prince écorché, L’Empire brisé #1, Mark Lawrence.

  1. Iluze dit :

    Je crois que je vais passer. J’ai déjà donner dans la fantasy bien longue qui met trop de temps à s’installer.

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    • Sia dit :

      Moi aussi, et je regrette presque d’avoir lu celui-là! Mais peut-être que le tome 2 relève le niveau (mais je ne suis pas sûre de le lire, ou alors pas tout de suite tout de suite!)

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  2. BlackWolf dit :

    On se rejoint sur quasiment tous les points concernant ce livre, je me sens moins seul. Moi je ne lirai la suite que si un jour elle se retrouve à 99cts en e-book sinon la suite sera sans moi.

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    • Sia dit :

      Je l’ai emprunté à la bibliothèque donc, pour ma part, ce sera si la suite est achetée. Sinon, ce sera également sans moi! En fait, j’aurais dû lire ta chronique AVANT de l’emprunter, j’aurais su que ça risquait de ne pas me plaire!

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  3. […] avis chez : Bookenstock – Blackwolf – Herbefol – Sia – Efelle – Gromovar – Encres et Calames – […]

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  4. Tesrathilde dit :

    J’ai vu passer un concours pour le gagner celui-ci, mais la dark fantasy (ou ce qu’il semblait) n’est pas trop mon fort, de ce que j’en ai lu ; en plus de voir « tome 1 » m’a définitivement passé l’envie d’entamer une énième série.
    Maintenant j’ai lu trois de vos critiques (BlackWolf et une autre, Cornwall je crois) et je suis contente de ne pas l’avoir à lire. ^^’

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