T.T.T. #13 : 10 héroïnes à suivre.

Le 8 mars, c’est la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Je vais insister un poil sur le titre. De Lutte pour les Droits des femmes et non pas de « la femme ».
Non parce que sinon, ça veut dire que les 364.25 autres jours de l’année seraient des Journées du mâle et comme c’est déjà un peu le cas H24, on va pas non plus insister de trop. La journée existe, sous ce titre, depuis 1977. Mais en fait, la toute première a eu lieu aux États-Unis, en 1909. Donc, au mieux, cela fait 40 ans, au pire 108, qu’on estime qu’il est important de célébrer les droits des femmes et de rappeler qu’on lutte pour qu’elles en aient. Comment ? Qu’ouïs-je ? Qu’entends-je ? Quelqu’un parle de société patriarcale ? Mais non, ma bonne dame, enfin, jamais de la vie. Pas de ça chez nous.
Bon, 108 ans, quand même, hein. J’dis ça comme ça.
Heureusement, à défaut de compter sur nos concitoyens (et j’te parle même pas de nos élus, cela va sans dire, surtout à l’heure où un député européen justifie les écarts de salaires !!), on peut compter sur la littérature (notamment jeunesse, et c’est une chance) pour nous offrir de beaux exemples à suivre, même si elles n’œuvrent pas toujours seules.
Parce que lutter pour les droits des femmes, ce n’est pas vouloir nier la présence des mâles, les diaboliser ou les rayer de la surface de la Terre ; ce n’est pas dire « une paire d’ovaires surpasse une paire de testicules » et ce n’est pas non plus vouloir inverser les rôles en instaurant une société définitivement matriarcale (même si, des fois, c’est quand même tentant de vous rendre la monnaie de votre pièce). Lutter pour les droits des femmes, c’est juste arriver à faire reconnaître que tous, mâles ou femelles, nous sommes des êtres humains. Et comme chacun le sait, Tous les êtres humains naissent libres et égaux en droits ». Facile, non ?

Alors, comme tout ça doit aussi passer par une sérieuse déconstruction des clichés, voilà un petit tour d’horizon des héroïnes inspirantes qu’il fait bon de suivre, même si c’est seulement entre les pages d’un roman.

10 héroïnes à suivre 

• Constance. 

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Constance fait des études « longues » à l’Institution Saint-Louis, jusqu’au baccalauréat, où elle apprend… la danse, les cours de tapisserie (dans tous les sens du terme) et les bonnes manières. Bienvenue à Paris en 1840 ! Sauf qu’un jour, Constance est mise en présence d’un fleuret, d’un cours d’escrime, d’un jeune scientifique un peu rêveur et qui n’a pas froid aux yeux et qu’elle va finalement trouver son compte dans des aventures pas tout à fait débridées, mais certes échevelées. Et, spoiler alert ! C’est plutôt Constance qui assure les arrières de Louis, que l’inverse. Alors, c’est qui la patronne ?
Louis Pasteur contre les loups-garousFlore Vessco. 

• Ascane.

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Ascane n’a qu’un rêve : devenir licornière royale. Dans un univers où on n’a encore vu aucune fille accéder à ce statut, et où « licornier royal » rime forcément avec « mâle », dur dur. Mais ce n’est pas un souci. Ascane va tout supporter : la mauvaise humeur et la méchanceté bassement sexiste de Séber, le maître licornier, les conditions difficiles de l’apprentissage et les moult péripéties rencontrées. Aucun problème. Ascane relève les défis avec plaisir et talent et, mieux !, fait des émules dans son sillage. Il ne sera pas dit qu’un vulgaire a priori sexiste empêchera Ascane de faire ce qu’elle veut, ni les autres femmes du royaume !
La Fille aux licornesLenia Major. 

• Beryl Markham.

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Bon, là, j’avoue, je triche un peu, car Beryl Markham a vraiment existé et arpenté notre Terre. Et avec classe, avec ça ! Car Beryl Markham est devenue une entraîneuse de chevaux particulièrement réputée, et la première femme à le devenir, dans les années 1920. À ce moment-là, elle était d’ailleurs séparée de son mari et travaillait pour subsister.  Et elle n’avait pas 20 ans. Absolument. Vous en voulez plus ? Ce n’est même pas pour ça qu’elle est passée à la postérité. Non. On la connaît parce qu’elle est la première aviatrice à avoir traversé l’Atlantique, en 1936. Qui a dit qu’on ne peut pas vivre selon ses rêves et qu’on était obligés de vivre selon les carcans de son époque ?
L’AviatricePaula McLain.

• Sophie.

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Au début de l’histoire, Sophie (qui doit avoir entre 15 et 19 ans, pas plus), reprend la chapellerie de son père (alors décédé). Après ça, elle est maudite par une sombre crétine sorcière et transformée en vieille femme pour une obscure histoire de rancœur amoureuse à laquelle Sophie ne comprend rien. Là voilà qui part alors pour le château de Hurle, un dangereux magicien, parce qu’elle pense qu’il est le seul à pouvoir l’aider. Mais… en fait… c’est peut-être plutôt Sophie qui va aider Hurler et trouver, au passage, comment se débarrasser de leurs malédictions – car du côté de Hurle, c’pas top non plus. Ce ne sont pas quelques rides et des rhumatismes qui vont l’empêcher de continuer à régenter son monde – car quand Sophie a une idée, elle va au bout des choses ! La volonté n’est pas l’apanage de la jeunesse !
Le Château de HurleDiana W. Jones. 

• Lyra Belacqua.

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Alors là, on touche à la découverte historique, ou presque ! Parce que lorsque le premier tome de la trilogie de Philip Pullman paraît, en 1995, on ne peut pas dire que la littérature jeunesse regorge de nanas prêtes à en découdre et d’histoires prônant une approche un brin égalitaire des deux sexes. Lyra, justement, se moque des règles qu’on lui a inculquées. Rester sagement à sa place (en cuisine ou se taisant) ? Jamais de la vie ! Ne pas partir à l’aventure toute seule, avec son couteau et sa boussole, parce que c’est un truc de mecs ?  Oubliez ! Et vous savez quoi ? Ce roman avait un sacré goût d’aventure, de liberté et de transgression des valeurs machistes établies !
Les Royaumes du NordPhilip Pullman. 

• Mercy Thompson.

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Mercy n’a pas eu une enfance facile-facile. Seule changeforme (coyote) élevée dans une meute de loups-garous, elle a dû développer un certain caractère rétif et une solide indépendance pour s’en sortir – le loup-garou étant, par essence, assez moyenâgeux sur les relations hommes-femmes. Toute ressemblance avec le mâle moyen est évidemment tout sauf fortuite. Et ce qui est bien dans cette série, c’est que Mercy (même si on l’aide régulièrement), est une grande fille qui n’a pas besoin que le chevalier arrive au galop sur son poney blanc pour la sauver au moindre signe d’action. Et Patricia Briggs fait ça avec talent : sa série est tout sauf sexiste, que ce soit dans un sens ou dans l’autre (honnêtement, il ne s’agirait pas de tomber dans le travers inverse, et de se retrouver encore dans du sexisme), Mercy étant capable d’appeler à l’aide quand, clairement, le problème excède ses compétences. Autre bon point : Mercy montre qu’il n’est pas obligatoire de vivre selon les clichés que l’on a déterminés pour vous. C’est une femme, mais elle est mécanicienne (métier traditionnellement affecté aux hommes) et, dans son univers, les femmes devraient n’être que de petites choses fragiles que l’on protège. En fait, c’est plutôt elle qui castagne du loup-garou à tour de bras – comme quoi, faut pas toujours se fier aux apparences.
Mercy Thompson, Patricia Briggs. 

• Hermione & Ginny.

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J’imagine que vous les avez vues venir, ces deux-là ! Comme Lyra, Hermione et Ginny seront bientôt des vieilles routardes des héroïnes badass que rien n’arrête. D’ailleurs, toutes deux sont exposées au sexisme ordinaire durant leurs aventures et, notamment, à du slut-shaming, particulièrement de la part de Ron (sale gosse) (si tu ignores ce qu’est le slut-shaming, je te recommande très vivement la lecture de La Vérité sur Alice).
Aparté mis-à-part, Hermione et Ginny sont deux jeunes filles qui, en général, n’ont pas besoin qu’on vienne sans arrêt les mettre en position d’infériorité. Si on y réfléchit, d’ailleurs, sans Hermione, l’ami Harry n’aurait pas dépassé le premier tome. Pas terrible en termes de longévité littéraire.
Ginny, de son côté, est décrite assez vite comme une sorcière très puissante qu’il vaut mieux éviter de se mettre à dos.
Mieux ? Car oui, il y a mieux ! Au-delà de ces aventures magiques, et comme Lyra, les deux filles déconstruisent les clichés et les codes de conduite moralo-religieux qu’on inculque depuis trop longtemps aux filles – mais pas aux garçons. En d’autres termes : elles vivent leur vie, notamment amoureuse, et n’ont pas besoin de l’autorisation de qui que ce soit et surtout pas d’un mec qui serait leur caution morale. Alors, oui, n’en déplaise à Ron, Hermione a eu des aventures avant lui (avec Viktor Krum, notamment) et Ginny papillonne. Et c’est NORMAL. D’ailleurs, personne ne reproche à Ron ou à Harry de sortir avec d’autres filles avant de rencontrer la sorcière de leurs vies. Et ça, cette différence de traitement, définitivement, ça n’est pas normal.
Harry PotterJ. K. Rowling.

• Katniss.

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Avec Katniss, on change encore de paradigme. Si, certes, elle fait ce qu’elle veut, elle montre aussi que les grandes batailles ne sont pas réservées au sexe dit fort et que les grandes causes (comme les petites) valent qu’on se battent pour elles. Lire les aventures de cette rebelle désignée volontaire, c’est se rappeler qu’il ne faut jamais baisser les bras et qu’il faut y croire encore, même quand on a l’impression que ça n’en vaut plus la peine et même quand la société tend à laisser croire que se battre, c’est pour les mecs. Et ça, c’est sans doute ce qui importe le plus.
Hunger GamesSuzanne Collins.

• Ellana & Shaé.

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Les héroïnes, chez Pierre Bottero, sont, en général, badass et un peu bourrines, chacune à sa façon (même Ewilan peut se montrer barbare sur les bords, quand on la titille un peu). De fait, Ellana comme Shaé vont condenser des traits de caractères évoqués pour les autres, car elles aussi sont de grandes filles indépendantes qui ont l’habitude de se débrouiller seules.
Avec Shaé, l’auteur nous rappelle que chacun est libre de ses choix et qu’il est important que cela le reste – je ne vais pas développer beaucoup plus, mais vous renvoyer à l’excellente vidéo de Studio Placard sur le sujet.
Ellana, de son côté, a un petit côté Mercy Thompson : elle incite à ne pas suivre les voies tracées par la société bien-pensante et à tailler sa propre voie, en conservant son indépendance d’esprit et sa liberté. A l’instar des autres, c’est un message qu’on ne répétera sans doute jamais assez.
Ellana et L’Autre, Pierre Bottero.

Et c’est sur ce dernier binôme que s’achève ce bref (très bref aperçu !) d’héroïnes inspirantes, qui changent des clichés et dont on suivra les aventures avec grand plaisir !

12 commentaires sur “T.T.T. #13 : 10 héroïnes à suivre.

  1. Emily dit :

    Super cool comme article !!!

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  2. plumesdelune dit :

    Très bon article ! je connais la plupart des titres et je plussois moult, les autres, je les note dans un coin de ma tête.
    Bises !
    Kin

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  3. Elhyandra dit :

    Coucou
    Je ne connaissais pas La fille aux licornes je vais me pencher sur la question 😉
    Merci 😊

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  4. Guenièvre dit :

    Il est génial ton article, bravo! Bon, mon enthousiasme a certainement un rapport avec le fait que tu as cité tous mes personnages préférés…

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    • Sia dit :

      Haha, mais ça, très chère, c’est parce que nous avons très bon goût (et l’ego pas trop surdimensionné) :p
      En le commençant, j’étais un peu dépitée, je me disais que la littérature manquait de filles badass puis finalement, j’ai trouvé mes 10 rapidement et facilement, j’étais super contente !

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  5. Nathalie dit :

    Chouette article, et bien d’accord avec ton intro 🙂 En ce qui concerne Mercy Thompson, c’est en effet une héroîne très réussie. Au début de sa relation avec le-loup-garou-dont-il-ne-faut-pas-spoiler-le-nom, j’étais quand même mal à l’aise avec le fait qu’il ne cesse de rappeler que son rôle c’est avant tout de la protéger… Et puis au fil des tomes on explique de plus en plus clairement que ca fait partie du rôle du loup, plutôt que du rôle de l’homme, alors ca passe mieux.

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    • Sia dit :

      Merci Nathalie !
      Comme toi, au début de Mercy Thomspon, ça m’agaçait !!! Mais en fait l’auteur montre vraiment finement que c’est la caractéristique du loup dans son univers et je trouve qu’ils font tous des efforts. D’ailleurs, dans le tome 8 (que j’ai fini la semaine dernière), il y a tout une réflexion autour de ça (où, justement, Mercy est opposée à une autre figure féminine qui, elle, joue sur l’instinct protecteur des loups pour en tirer avantage). Bref, une héroïne réussie et une série que j’apprécie encore un peu plus (si c’était possible) à chaque nouveau tome !

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