Radium Girls, Cy.

La découverte du radium fait une entrée fracassante dans les États-Unis des années 1920.
L’élément miracle, découvert par Marie Curie, baigne l’Amérique de son aura phosphorescente.

1918, Edna Bolz s’installe aux côtés de Grace, Katherine, Mollie, Albina et Quinta devant les établis de l’USRC. Elles vont y peindre minutieusement leur quota de cadrans de montres,avec cette peinture si spéciale qu’elle permet de lire l’heure dans le noir.
Lip. Dip. Paint.
Trois mots, trois gestes qui les mèneront à leur perte.

J’ai enfin lu Radium Girls, de Cy, qui me fait de l’œil depuis sa parution ! Et l’attente valait le coup !

Le radium, découvert fin XIXe siècle, a fait une entrée fracassante dans le monde médical et industriel, et investi tous les foyers ou presque ! Pourtant, bien que les scientifiques aient pointé, dès les années 1920, les dangers de cet élément, on a continué à l’utiliser envers et contre tout, notamment contre les recommandations de prudence les plus élémentaires, comme le raconte Cy dans sa BD.

L’histoire s’attache à une bande de copines, qui se retrouvent sur les bancs de la United State Radium Corporation, une usine qui fournit l’armée en montres, et dont elles doivent peindre quotidiennement 250 exemplaires. La méthode ? « Lip » : lisser le pinceau avec les lèvres ; « Dip », le plonger dans la peinture ; « Paint » : peindre le cadran.
Ce qui fait entrer toutes ces ouvrières dans les rangs des « Ghost Girls », les filles qui brillent dans le noir – un effet secondaire assez cool, s’il n’était pas mortel.
Mais l’intrigue, au final, n’est pas centrée sur l’histoire scientifique du radium. Non : elle s’attache vraiment à la bande de jeunes femmes présentées au début, dont on suit l’émancipation, les hauts et les bas dans leur amitié et, fatalement, la descente aux enfers dès que surviennent les premiers symptômes liés à l’ingestion du radium.
La seconde partie de la BD, d’ailleurs, représente les différentes étapes du procès qui a opposé les travailleuses à l’entreprise. Même si leur combat n’a pas forcément eu l’issue espérée (et est d’ailleurs tombé globalement dans l’oubli), il a eu des répercussions majeures sur le droit du travail aux États-Unis. Ce serait dommage de l’oublier définitivement !
L’ambiance des années folles est aussi bien présente, ce qui équilibre vraiment bien la BD entre aspects tragiques et aspects plus légers dus à l’époque.

J’ai adoré les graphismes et le coup de crayon de Cy. Le découpage, assez classique, alterne entre pages en cases et pleines pages absolument splendides. Celles-ci présentent soit des scènes, soit des portraits de femmes qui mêlent le sublime au tragique. La BD est dominée par des camaïeux de violet, et de vert, ce dernier représentant – à merveille ! – la luminescence du radium. Les couleurs sont hyper bien choisies et ont participé de la super découverte !

En somme, Radium Girls a été une excellente découverte. L’intrigue évoque avec brio un scandale sanitaire mondial largement oublié, vu sous l’angle humain. Même si la BD est richement documentée, elle s’attache vraiment à la vie quotidienne et à l’histoire des jeunes femmes que l’on suit, ce qui rend l’intrigue très équilibrée. Et pour ne rien gâcher, les graphismes sont sublimes !

Radium Girls, Cy. Glénat, 2020, 136 p.

Pour en savoir plus sur le sujet, vous pouvez écouter l’émission L’Histoire oubliée des « Radium Girls », diffusée en 2019 sur France Culture : Des femmes lumineuses (épisode 1) ; Le radium au tribunal (épisode 2).


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