VISCONTI, Marie. Le Troubadour du Châtelet.

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C’est un crime bien médiéval qui embarrasse les dirigeants du royaume de France, en cet automne 1226 : un libelle, recopié par une main anonyme et déposé jusqu’au palais royal traîne dans la boue la bien-aimée reine Blanche de Castille. Pour désamorcer la crise politique, il faut confier l’enquête à un personnage non officiel, un solitaire dévoué à la reine. Josserand, dit le « Grammairien » sera l’homme de la situation. Sauf que Josserand, au lieu de trouver des libelles, commence à découvrir des cadavres. Et dans ce Paris des bords de Seine, les suspects ne manquent pas : une ténébreuse femme-enfant, des marchands trop prospères, des chevaliers au sang bouillant ou ce mystérieux troubadour du Châtelet, qui répond à tout par une chanson. Or, le temps presse : les menaces contre le royaume s’accumulent… et des nouvelles alarmantes arrivent sur la santé du roi. Une enquête policière touffue, rythmée et tendue qui maintient le suspens jusqu’aux dernières pages. Marie Visconti situe ce nouveau roman policier à l’époque de Louis VIII, fils de Philippe Auguste, époux de Blanche de Castille et père du futur saint Louis. Loin des images d’Épinal, voici un Paris médiéval plein de vie, de secrets et de fantasmagorie.

Au départ l’intrigue semblait un peu légère; après tout, il ne s’agit que de découvrir l’identité du libelliste qui insulte la Reine Blanche.
Mais rapidement, le récit devient bien plus complexe et l’intrigue s’étoffe agréablement! Le cadre et l’époque de l’intrigue sont très bien retranscrits, jusque dans la syntaxe et le vocabulaire utilisés, mais sans gâcher le plaisir de la lecture par d’incessantes notes de bas de pages explicatives ou traduisant les propos en langage moderne. La lecture reste donc fluide tout en donnant l’impression que l’on est dans cet univers médiéval. Le Moyen-âge, période alimentant beaucoup de fantasmes littéraires, est parmi celles qui ont fait couler le plus d’encre mais dont, en définitive, on sait le moins. Le choix d’y inclure une intrigue policière était à la fois audacieux et risqué, mais le pari est bien tenu et la réalisation admirable.

Le plan de Paris avec l’indication des principaux lieux de l’histoire est une idée judicieuse, ce qui permet de suivre pas à pas les évolutions des personnages, dans le cadre de l’époque. De même, l’annexe est précieuse pour la mise au point historique. Le respect de la vérité historique, autant que faire se peut, est également très appréciable : pas de contre-sens dans le domaine des événements comme des attitudes ou propos, tout en respectant une bonne dynamique investigatrice.

Lorsque je lis des policiers, j’aime que les intrigues s’entrecroisent, ce qui est parfaitement le cas ici: l’histoire des petites gens se mêle aux intrigues de Cour et aux motivations politiques. Toutes les tranches de la population sont représentées et, plus important, tous les types de personnages. Chacun reste dans son rôle sans toutefois paraître borné ni stéréotypé; la psychologie des personnages est assez fine. Le jeune Marceau, présenté comme le cancre de l’histoire, sert en fait l’avancée de l’intrigue par la détention d’indices importants. La fiction avance donc aussi bien grâce aux réflexions sagaces du Grammairien que grâce aux remarques anodines du jeune garçon. Encore une fois, tout est question d’équilibre, et Marie Visconti jongle très bien entre ses différentes sources d’informations.
Le seul bémol que j’émettrais est que, parfois, les tenants et aboutissants de la rivalité entre l’Anglais et Saint-Leu sont un peu flous et tendent à perdre le lecteur peu attentif.

Autrement, l’auteur manie avec brio les rebondissements et la surinformation afin de surprendre le lecteur avec le dénouement -quoique suffisamment d’indices soient distillés pour que l’on ait de gros doutes sur l’identité du coupable. L’équilibre entre les temps forts d’action et les parties réflexives, propres à l’enquête en elle-même est parfait : aucune ne prend le pas sur l’autre, ce qui ne laisse ni longueurs, ni temps morts. Le fait que les cadavres ne jonchent pas les pages dès le début est un bon point et sert même le dévoilement progressif de l’intrigue ! Puisqu’ils accompagnent les pas du Grammairien traquant le libelliste, c’est l’indice qu’il est sur la bonne voie.

On appréciera également l’explicitation claire du titre dans le roman (ce qui se fait rare de nos jours), ainsi que la splendide couverture, elle-même en rapport avec l’intrigue.

En conclusion, un roman que je recommande chaudement, aux amoureux des polars historiques ou à ceux qui voudraient découvrir un roman du genre!

 

Lu dans le cadre du  masse critique

 

  • Marie Visconti; Le Troubadour du Châtelet.
  • Editions Calleva, 2010; 384 pages.
  • Roman historique, roman policier.
  •   7/10.

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