Prospérine Virgule-Point et la phrase sans fin, Laure Dargelos.

Demi-Mot aurait pu être un village ordinaire, s’il n’était pas bâti à la limite du Texte. Jour après jour, les habitants polissent et astiquent les lettres ; ils entretiennent ces milliers de caractères qui, sans leur concours, se seraient déjà effondrés. Chez les Virgule-Point, l’aînée de la fratrie a choisi une voie bien différente : fleuriste ! Elle préfère bichonner des Trompettes à pétales plutôt que de faire prospérer l’empire des points et des virgules. Mais un événement inexplicable ne tarde pas à l’entraîner dans une spirale qui la dépasse.
Et si l’avenir du village était en jeu ? Et si tout était lié à la Phrase sans fin, cette mystérieuse phrase laissée en suspens par l’Auteur ??

Des 25 livres sélectionnés au PLIB 2022, celui-ci faisait clairement partie de ceux qui m’intriguaient le plus. Et à raison, car j’ai adoré ma lecture !

Dès le départ, l’autrice nous plonge dans un univers original : celui des mots, couchés sur des manuscrits ou dans des publications imprimées, et aux pieds desquels toute un univers existe, avec ses maisons, ses habitants, ses coutumes, etc. La famille Virgule-Point est de celles-là, et vit dans les interstices d’un manuscrit qui n’a jamais été publié, dont l’autrice n’a jamais atteint la fin et qui dort quelque part dans un tiroir.
Voilà pour le décor.

Au numéro 12 impasse de la Métaphore s’élevait la demeure de la famille Virgule-Point. Avec son toit en forme d’accent circonflexe, elle était la construction la plus haute, mais aussi la plus étroite du comté. En réalité, il s’agissait d’un ancien I qui avait été reconverti en habitation. Cette architecture lettrale n’avait rien de surprenant à Demi-Mot, car le village était bâti à la limite du Texte.

L’histoire débute alors que Prospérine, fleuriste de son état, découvre… un cadavre dans ses parterres. La police conclut rapidement et par défaut à une mort naturelle (page 2548 du manuel de la police) mais cela ne convainc pas du tout Prospérine, qui se pique d’enquêter sur la mort de cet habitant du village. Destination : la Capitale, encombrée d’Honoré, un jeune habitant de la cité, et dont les boutons de manchette ont été accidentellement avalés par Héloïse, la Trompette à pétales préférée de Prospérine.

L’intrigue, l’univers et les personnages sont liés de façon très étroite aux mots et à l’univers littéraires : il y a énormément de jeux typographiques (la Présidente parle en capitales, les habitants de Capitale mettent des majuscules à chaque mot, la famille Italique s’exprime en italiques, etc.), qui agrémentent le texte et permettent à la fois des jeux de mots, et des évolutions de l’intrigue. Ainsi, lors d’une échauffourée, Prosperine perd son accent aigu… Ce qui empêche dès lors toute personne de prononcer son nom correctement. Bref : c’est très inventif.
Par ailleurs, le manuscrit dans lequel est bâti Demi-Mot, avec sa fameuse phrase sans fin, est également moteur de l’intrigue : non seulement l’enquête tourne autour de la fameuse phrase sans fin (puisqu’elle fait partie des suspects), mais en plus, les personnages n’arrêtent pas de faire des spéculations sur la teneur de la fin de la phrase, et sur la durée du couple littéraire formé par Pauline et Hector (même s’il semble que l’histoire soit d’une affreuse niaiserie).

« Hector, s’exclama Pauline en le retenant par la manche, il faut impérativement que vous sachiez… »

Vous l’aurez compris : l’univers est un brin loufoque, et c’est bien ce qui fait son charme ! Et d’un côté, c’est vraiment bien, car on ne peut pas dire que l’enquête soit particulièrement retorse. On est plus dans du cosy mystery que dans du thriller : l’enquête se fait, parfois par hasard, souvent par coup de chance, mais le fait que l’univers soit si riche la rend quasiment secondaire. C’est également dû aux personnages, un peu archétypiques, mais qui collent vraiment bien à l’univers. Assez bizarrement, j’ai trouvé que le personnage ayant le plus de personnalité et le plus attachant était Héloïse… la Trompette à pétales (donc une plante en pot !). Évidemment, ses réparties sont limitées (elle laisse les échanges salés aux humains qui gravitent autour d’elle), mais ses interventions piquantes sont toujours très à propos. Le roman mise à fond sur l’humour, les références littéraires et son côté loufoque, et je trouve que ce mélange était très convaincant.

Avant de finir, il faut encore parler de la maquette ! Le roman est très richement illustré, qu’il s’agisse des personnages, de scènes extraites du texte, ou d’une mise en page particulière, venant souligner les originalités du récit. Ce qui en fait un magnifique objet-livre, et accentue un peu plus son côté ovni littéraire !

J’ai donc passé un excellent moment de lecture avec Prospérine Virgule-Point et la phrase sans fin, un roman loufoque à souhait, drôle et à l’univers particulièrement prenant. Je suis très curieuse de lire d’autres romans de l’autrice et ce qui est sûr, c’est que ce titre part directement dans mes 5 finalistes pour le PLIB 2022 !

Prospérine Virgule-Point et la phrase sans fin, Laure Dargelos. Rivka, avril 2021, 342 p.
#ISBN9782957023745 #PLIB2022

Et hop ! Catégorie Marrons glacés du CWC validée !

5 commentaires sur “Prospérine Virgule-Point et la phrase sans fin, Laure Dargelos.

  1. Ecla'Temps dit :

    Je trouve l’idée très intriguante ! 😀 Je ne m’étais jamais penchée dessus, malgré le fait que j’ai déjà vu passer ce livre plusieurs fois ^^’ Merci pour ton retour ! Je le garde dans un coin de ma tête en cas d’envie de tenter un cosy mystery ou une lecture semblable 😉

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  2. Zina dit :

    Oh c’est original ! Ça me fait un peu penser à l’univers de Thursday Next.

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