Le Sang de la Cité, Capitale du Sud #1, Guillaume Chamanadjian.

Enfermée derrière deux murailles immenses, la Cité est une mégalopole surpeuplée, constituée de multiples duchés. Commis d’épicerie sur le port, Nox est lié depuis son enfance à la maison de la Caouane, la tortue de mer. Il partage son temps entre livraisons de vins prestigieux et sessions de poésie avec ses amis. Suite à un coup d’éclat, il hérite d’un livre de poésie qui raconte l’origine de la Cité. Très vite, Nox se rend compte que le texte fait écho à sa propre histoire. Malgré lui, il se retrouve emporté dans des enjeux politiques qui le dépassent, et confronté à la part sombre de sa ville, une cité-miroir peuplée de monstres.

Le Sang de la cité est le premier tome de la trilogie Capitale du Sud, mais aussi le premier tome du cycle La Tour de Garde, dont le deuxième tome, Citadins de demain – lui-même premier tome de la trilogie Capitale du Nord, et signé Claire Duvivier (c’est bon, tout le monde suit ?) -, vient tout juste de paraître.
Et quel premier tome !

L’auteur nous plonge dans une cité cosmopolite, Gemina, que l’on arpente en long, en large et en travers, à tel point qu’elle semble prendre à elle seule la place d’un personnage !
Gemina est une ville gigantesque, densément peuplée, découpée en quartiers-états, chacun gouverné par un duc ou une duchesse, et entièrement dévoué à sa Maison (lesquelles portent toutes un nom d’animal). Celles-ci peuvent avoir un rôle lié à la portion de territoire qu’elles possèdent : défense lorsque l’on est près du port, ou transport des marchandises lorsque l’on est au centre. Ces positions permettent à certaines maisons de prendre part aux projets des autres, ou d’essayer de les entraver lorsque cela ne les arrange pas, ce qui est le cas du projet de canal nord-sud porté par le duc Servaint, et autour duquel tourne l’ensemble du récit. La cité est tiraillée par des différends futiles ou profonds, et les maisons n’hésitent pas à les résoudre par des manœuvres politiques ambitieuses (et souvent sanglantes).

L’histoire, au départ, semble très simple à suivre. Nox, le personnage central, fait les livraisons de l’épicerie Saint-Vivant, dont le tenancier, Eustaine, essaie de développer le nouveau vin intra-muros (que la cité attend impatiemment). On suit donc Nox dans ses diverses courses, tout comme dans les diverses tractations autour de la mise en place du vin, des négociations avec la maîtresse de chai aux choix graphiques pour l’étiquette, en passant par les séances de dégustation.
Parallèlement, Nox est formé pour être le négociateur de sa maison (la Caouane) et… son assassin, si besoin est. Par des voies détournées, on s’aperçoit alors que la vie dans la cité peut s’avérer particulièrement violente, et la suite du récit le prouvera. En fin de compte, au-delà de l’apparente simplicité des premiers chapitres, il y a un tout un sous-texte qui court, et des enjeux politiques souterrains passionnants sous-tendent le récit. Ce qui ne le rend que plus prenant !

En effet, il y a un savant mélange entre secrets de famille, secrets politiques et secrets liés à la cité elle-même. Nox se découvre un pouvoir étrange qu’il ne s’explique pas et auquel il va se former sur le tas (et dont je ne révélerai pas plus !). La magie est donc discrètement présente par ce biais, mais aussi au travers des maçons de la Recluse, chargés de tous les travaux d’urbanisme (un énorme enjeu du récit avec la construction du canal), et qui façonnent la pierre directement à la main. Ce qui ne manque pas d’occasionner des changements au niveau du plan de la cité, de compliquer singulièrement les déplacements des personnages et de questionner le lecteur (car enfin, qu’est-ce que c’est que cette ville dont les rues semblent se modifier d’un jour à l’autre ?!).

L’originalité du récit tient à l’univers dans lequel il se déroule et pour lequel j’ai eu un vrai coup de cœur. La cité ressemble fortement à une capitale méditerranéenne, tant le vin, l’huile d’olive et la gastronomie en général sont au centre du récit. Cela vient du travail de Nox, bien sûr, mais aussi de la quantité de banquets et autres grignotages sur le pouce auxquels se livrent les personnages. Avertissement : c’est un livre qui donne faim ! Le récit accorde une grande importance à la gastronomie, donc, mais aussi à la musique, à la littérature (notamment à la poésie), et au jeu de stratégie La Tour de Garde, qui donne son nom à l’ensemble du cycle. Vraiment, question ambiance, il y a une ambiance méditerranéenne hyper agréable, qui offre un écrin délicat parfait aux péripéties qui, elles, n’en ont rien ! J’ai vraiment adoré cet univers que j’ai trouvé particulièrement original, surtout dans la façon dont chaque élément s’entremêle parfaitement aux différents éléments du récit. Vraiment, c’est extrêmement bien fait !

Vu le coup de cœur pour ce premier tome, j’ai hâte de poursuivre non seulement cette trilogie, mais également le cycle entier. Le Sang de la cité débute avec un récit assez calme, ponctué par la bonne chère, l’amour des arts et des lettres des personnages, mais que transpercent des éclats de violence qui rappellent que tout cela cache des enjeux politiques complexes et profonds. Ce mélange entre dolce vita et complots sans pitié est extrêmement réussi et m’a tenue en haleine de bout en bout !

Le Sang de la cité, Capitale du Sud #1 ; La Tour de Garde #1, Guillaume Chamanadjian.
Aux Forges de Vulcain, avril 2021, 416 p.

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