Beaucoup de gens aiment George. Maman est très fière de son petit garçon, elle pense qu’il deviendra « un jeune homme très bien ». Scott aime beaucoup son « frérot ». Et Kelly le tient pour son « meilleur ami ». Mais George sait que les gens ne voient pas qui elle est vraiment. Car George en a la certitude, elle est une fille.
Alors quand sa maîtresse propose de jouer une pièce de théâtre à l’école, George veut plus que tout interpréter le personnage de Charlotte. Elle sera parfaite, et les gens comprendront enfin qui elle est.
Comment leur faire comprendre que c’est le rôle de sa vie ?
Il faut absolument que je vous parle de George. Quand j’en ai entendu parler pour la première fois, j’ai lu le petit mot de David Levithan, l’éditeur de Scholastic, qui expliquait qu’il avait bouleversé son programme éditorial juste pour faire une place à ce titre, tant il l’a touché. Et plus j’avançais dans ma lecture, plus je comprenais l’urgence qui a saisi David Levithan, parce que la même urgence m’a poussée à laisser de côté toutes mes chroniques en retard pour vous parler aussi vite que possible de ce titre.
George, vous l’avez compris, c’est l’histoire d’une petite fille née dans un corps de petit garçon et qui, d’une part, ne sait pas comment le faire entendre à ses proches et, d’autre part, s’angoisse des réactions qu’ils pourraient avoir – et à raison. Il était grand temps que la littérature jeunesse s’intéresse aux enfants transgenre, dans un roman intelligent et bien mené. Car Alex Gino maîtrise son sujet à la perfection et nous livre un excellent texte !
Dès le départ, Alex Gino nous plonge dans les pensées de George, lesquelles ne traduisent aucun problème d’identité : George est une fille, c’est clair et net. Non, en fait, son problème vient de la société étroite d’esprit – la nôtre – dans laquelle elle grandit et qui n’aime rien tant que placer les gens dans des petites cases bien définies et hermétiques. De fait, ça s’annonce coton pour elle et elle va, évidemment, se heurter à des gens aux idées bien arrêtées et peu réceptifs.
Heureusement, George rencontre aussi et surtout des personnes un peu moins fermées, qui acceptent que le monde peut parfois être légèrement différent de leurs préjugés et qui vont l’aider à prendre confiance en elle et à avancer.
Le roman est assez court, donc un adulte verra assez vite où l’on veut en venir, d’autant que l’intrigue tient essentiellement à deux points : comment obtenir le rôle de Charlotte et comment faire comprendre la situation à sa mère – pour les autres, George verra plus tard.
Mais cela ne signifie pas, au contraire, que c’est simple ou simpliste. Loin de là ! Alex Gino amène la réflexion avec subtilité et traite l’évolution psychologique de George avec une grande intelligence.
Au départ, George est terrorisée, se cache pour consulter ses magazines, s’angoisse à l’idée d’être brimée et rejetée ; peu à peu, c’est l’idée de vivre dans le mensonge qui lui devient proprement insupportable et qui va l’encourager à prendre son courage à deux mains. On ne peut d’ailleurs que saluer la bravoure dont elle fait preuve : la situation qu’elle traverse est terrible pour un enfant et bien des adultes ne feraient pas la moitié des choses qu’elle parvient à réaliser.
Autour de George, Alex Gino dépeint une galerie de personnages vraiment passionnants : il y a la mère, évidemment, qui a une réaction initiale pour le moins classique (du rejet, malheureusement). Il y a Scott, le frère aîné, moins borné et aveugle qu’on aurait pu le croire. Il y a également le corps professoral, parmi lequel George va trouver des alliés, mais aussi des gens qui vont tenter de la faire changer d’avis – et la faire rentrer dans la petite case qui a été prévue pour elle. Enfin, il y a Kelly, la meilleure amie, sans aucun doute le meilleur personnages de l’histoire (outre George), qui présente toute l’ouverture d’esprit dont un enfant peut faire preuve et qui fait défaut à de nombreux adultes !
Il était grand temps, oui, que la littérature de jeunesse nous offre un texte d’aussi bonne qualité que George, et qui évoque la transsexualité. De nombreux enfants sont réduits à se poser des questions, à être brimés, rejetés et niés dans leur identité, soit parce qu’ils ne savent pas comment se débrouiller, soit parce que leur entourage les culpabilise violemment. Si le parcours de George semble, a posteriori, assez facile par rapport à ce que peuvent vivre ces enfants, il n’en reste pas moins complexe. C’est avec des mots simples, une grande tendresse et une fine intelligence qu’Alex Gino nous narre l’histoire de George et nous donne un bel exemple de courage ordinaire. À lire, à relire et à mettre entre toutes les mains !