Cyber China, Qiu Xiaolong.

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Les cyber-citoyens sont déchaînés : ils mènent une chasse à l’homme impitoyable contre Zhou, un haut dignitaire du Parti, pris en flagrant délit de corruption, et épinglé à cause d’un paquet de cigarettes de luxe. Lorsqu’il est retrouvé mort, pendu dans sa chambre d’hôtel, la blogosphère se déchaîne et affole les autorités, qui peinent à censurer l’avalanche de commentaires belliqueux. 
Suicide ? Assassinat ? L’inspecteur Chen doit agir au plus vite et conclure cette enquête, avant que la cyber-révolution n’embrase définitivement le pays. Mais Chen est vite pris dans la Toile … 

Cyber China est la huitième enquête de Chen Cao, inspecteur principal de la police de Shanghai (mais toutes peuvent se lire indépendamment), vice-secrétaire du Parti : sa position de cadre fait qu’il est nommé conseiller sur l’affaire de la mort de Zhou, ce haut dignitaire victime d’une chasse à l’homme virtuel, mis en examen, et décédé dans la chambre d’hotêl dans laquelle il était assigné à résidence. Simple conseiller, Chen devra épauler l’inspecteur Wei, chargé de l’enquête.
Fin gourmet, lettré, poète à ses heures perdues, c’est tout d’abord de loin que l’inspecteur Chen s’occupe de cette affaire criminelle, non sans relever quelques troublants détails qui le font douter quant aux conclusions préliminaires (Zhou se serait suicidé) de la commission d’enquête, et finissent par le faire entrer dans la danse.

Sur les pas de Chen Cao, on découvre une Chine ambivalente : assoiffée de modernité, mais également très conservatrice. Les voitures de luxe côtoient les ruelles vétustes et sales. Cette dichotomie se lit aussi dans le discours des officiels : proches du peuple, ils vivent « pauvrement », mais exhibent leur fortune avec montres et voitures – ou cigarettes, en l’occurrence. L’auteur joue également le portrait de cette Chine toute en nuance dans son texte : il s’attarde sur la gastronomie, les plats typiques, les traditions, avant de plonger le lecteur dans le maelström des blogs et sites clandestins, et de la censure du net.
Le portrait, tout en finesse, montre une Chine qui semble un peu bancale, très soucieuse des apparences, et donc prompte à la censure et à la condamnation. Là-dedans, l’inspecteur Chen se pose beaucoup de questions, et le lecteur avec. L’enquête avance à tous petits pas, au gré des crevettes, nouilles sautées et autres soupes spéciales que déguste Chen, et des conclusions qu’il tire des rares informations qu’on veut bien lui donner. Une chose est sûre : on navigue en plein panier de crabes. Le rythme du récit, très lent, colle tout à fait à l’image que l’on se fait, via le portrait de l’auteur, de cette Chine engluée dans ses propres stratagèmes et codes de fonctionnement. Le portrait du pays est complet, clair, et très évocateur, quoique sans concessions. On sentirait même une pointe de lassitude, que l’on retrouve dans les attitudes de Chen Cao, lassé des dysfonctionnements qu’il constate. Le récit est souvent mélancolique, sans toutefois être empreint de tristesse.

L’enquête se développe lentement : mensonges, faux-semblants, vraies fausses pistes s’accumulent et brouillent les pistes. Il est difficile de savoir si l’on progresse ou non et, lorsque l’inspecteur tire des conclusions, on est bien en peine de dire si elles sont favorables ou non à l’affaire. Les fils se tendent doucement, les pièces du puzzle se mettent en place et, lorsque le fin mot de l’histoire se révèle enfin, on est surpris de voir ce qu’il est réellement !

Pour cette dernière enquête, on retrouve un Chen Cao très en forme : abonné aux divers restaurants, fin lettré n’hésitant pas à citer quelques vers de-ci de-là, joli cœur célibataire, mais homme quelque peu désabusé par la triste réalité de son pays : tout y est ! Le rythme du récit est lent, mais parfaitement adapté à cette histoire de corruption et de censure du réseau internet. Le portrait de la Chine, tout en finesse, offre un paysage de toile de fond très conséquent à cette enquête originale et ardue. Bien que l’action ne soit pas prépondérante (on est loin des polars plein de pistolets et de mafieux armés jusqu’aux dents), le suspens est omniprésent, tant au niveau de l’enquête, qu’au niveau de la vie et de la carrière de Chen. Tout est aussi subtil que les vers aériens que Chen cite sans cesse. Cyber China est à cette image : un polar fin, prenant et bien écrit, décrivant pourtant une sombre réalité, sans toutefois tomber dans le cliché ou la surenchère. Une belle réussite, en somme !

Cyber China, Qiu Xiaolong. Points, 2013 (1ère publication 2012), 329 p.
8 / 10.

 

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2 commentaires sur “Cyber China, Qiu Xiaolong.

  1. solessor dit :

    Un polar qui sort de l’ordinaire, donc ! Il me tente, mais plus pour le côté culturel que pour l’enquête en elle-même. J’ai l’impression que les tabous et la censure sont tombés, dans ce roman !

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    • Sia dit :

      L’aspect culturel est très important, et l’enquête est généralement là en toile de fond. Parfois on a l’impression que ce n’est vraiment pas le centre de l’histoire (mais, en même temps, Chen Cao n’est pas censé enquêter donc ceci explique cela !). Mort d’une héroïne rouge faisait aussi tomber pas mal de tabous.

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