Thya, La Voie des oracles #1, Estelle Faye.

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Gaule, début du cinquième siècle après Jésus-Christ. Récemment christianisé, cerné par les barbares, miné par les intrigues internes et les petits jeux de pouvoir, l’Empire romain décline lentement mais sûrement. Dans une villa perdue au milieu des forêts d’Aquitania, Thya, seize ans, fille du général romain Gnaeus Sertor, cache ses dons d’oracles ; dans l’Empire chrétien tout neuf, il ne fait pas bon être devin, ou lié à l’ancienne religion païenne… Le secret a toujours commandé la vie de Thya qui est devenue une adolescente solitaire et renfermée, protégée par son général de père. Or, celui-ci tombe sous le coups d’une bande de pirates pictes au cours d’une de ses visites ; alors que Thya se retrouve sous la responsabilité de son odieux frère… une vision lui montre à un moyen de sauver son père. Elle entrevoit la forteresse de Brog, où il a obtenu sa plus grande victoire sur les Vandales. Comprenant qu’elle doit s’y rendre, elle s’enfuit à la faveur de la nuit. 
Mais la route est pavée d’embûches… surtout pour une jeune patricienne qui n’est jamais sortie de chez elle, et dont les dons intéressent un peu trop de monde !

 

Thya vit sa vie tranquille au fin fond de l’Aquitania, où son père cache ses dons d’oracle. Mais évidemment, cela ne dure pas, car dès que son père est attaqué, Thya se retrouve en danger. Et la voilà lancée sur les routes d’Aquitania, en direction de la forteresse de Brog. Son but ? Elle n’en sait rien, si ce n’est qu’elle pressent que la solution est là-bas, à Brog. Commence donc un périple riche en aventures, qui fait la part belle au trio de personnages.
Thya, tout d’abord, un improbable mélange entre patricienne romaine, petite sauvageonne posant des collets, jeune oracle usant de ses pouvoirs pour lire l’avenir. Face à elle, Enoch, un bâtard barbare, maquilleur de profession, fanfaron accompli et coureur de jupons de haute volée. Mettius, enfin, ancien soldat aux ordres du général Sertor… et qui devient rapidement le protecteur de Thya.
Dans leur périple, les personnages sont talonnés par Aedon, un bien grossier personnage qui tente de ramener Thya au bercail par tous les moyens ; c’est, finalement, le seul personnage clairement estampillé comme étant mauvais. Les autres ont tous leurs bons comme leurs mauvais côtés, ce qui fait que l’auteur évite tout manichéisme, ce qui n’est franchement pas désagréable.
Le voyage permet aux personnages une belle évolution ; leurs relations s’étoffent, leurs caractères se dévoilent… on en vient quasiment, par moments, à lire le roman plus pour savoir comment le trio va évoluer que pour connaître le fin mot de la quête !

La quête, d’ailleurs, reste assez mystérieuse. Et au fil des péripéties, c’est surtout sur eux-mêmes que les compagnons vont apprendre des choses. Et cela ne rend l’affaire que plus passionnante, d’autant que certaines confidences se mêlent précisément de ce qu’il s’est passé à Brog, des années auparavant… et dont Thya pense que cela peut sauver son père.

Dès les premières pages, le surnaturel vient se mêler à l’histoire ; Thya, tout d’abord, possède des pouvoirs que l’on peut qualifier de magiques. Et ces pouvoirs intéressent tout un petit peuple que l’église aimerait bien voir disparaître : faunes, dryades, sirènes, divinités oubliées… un petit monde parallèle hante les forêts et les chemins de l’empire romain déclinant. Estelle Faye joue la corde de la fantasy historique, et avec talent ! On s’immerge sans peine dans son imaginaire dense, qui colle tout à fait à l’histoire. Les personnages sont bien esquissés, et l’auteur n’en cache ni les qualités ni les défauts ; ce trait s’applique également au reste de l’univers. Tour à tour lumineux, ou bien très sombre, son petit peuple attaché à la magie se pose tout en ambivalences. Et c’est ce qui fait le charme du roman : si la quête est assez linéaire (on suit le voyage de Thya) et comporte quelques épisodes sans surprise, c’est le contexte qui ferre habilement le lecteur. D’une part parce qu’un récit de fantasy dans la Gaule du Vè siècle après Jésus-Christ est assez original pour surprendre (après tout, il n’y en a pas tant que ça), d’autre part car l’auteur a un imaginaire prolixe que l’on découvre avec beaucoup de plaisir. D’autant que sa plume est fluide qu’agréable à lire : en somme, ce premier volume de La Voie des Oracles a tout pour plaire.

Avec Thya, Estelle Faye initie une série de fantasy historique prometteuse ; si ce premier tome sert essentiellement la mise en place du contexte et des personnages (dont l’évolution est particulièrement intéressante), il annonce une suite alléchante, que l’on attend désormais avec impatience. Tous les ingrédients sont là : style fluide et plaisant, quête initiatique, intrigue opposant ancien et moderne, imaginaire complexe, personnages fouillés… tout concourt à faire de ce premier tome un roman que l’on lit avec autant de curiosité que de plaisir. Pour une première rencontre littéraire avec Estelle Faye, on peut dire que c’est une rencontre réussie !

◊ Dans la même série : Enoch (2) ;

 

Merci à Livraddict et Scrinéo pour ce partenariat !

 

La Voie des Oracles #1, Thya, Estelle Faye. Scrinéo, 2014, 337 p.

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