Qui a tué le leader de la bande ? Sur le voilier pris dans la tempête, chacun suspecte l’autre…
Lorsqu’Élise et Victor découvrent le corps de Clarence, noyé près de la coque de leur voilier, Emma comprend que leur croisière a définitivement viré au cauchemar. Avec la disparition de son leader charismatique, ce sont tous les secrets de la bande qui remontent à la surface, les rancœurs et les lâchetés qui régissent toujours un groupe. Et quand une tempête terrifiante s’annonce, les émotions et les angoisses se cristallisent dans une atmosphère implacable…
L’an dernier, j’avais plus qu’adoré Sans foi ni loi de Marion Brunet (que je n’ai pas chroniqué, mais que je vous recommande très chaudement). Donc j’étais très curieuse de lire son petit dernier en littérature jeunesse (je ne l’ai pas encore lue en adulte) avec Plein gris ! Et… et bah j’ai a-do-ré !
Une petite mise en garde si vous vous renseignez sur ce titre : bien que je l’ai catégorisé en « polar » sur mon blog (par défaut), ceci est un pur roman noir ! Pas d’enquête, pas de recherche du coupable ici, mais un portrait psychologique très fin des personnages.
Le récit est intégralement mené par Emma, une des jeunes navigatrices, et commence très fort puisque dès la première ligne, on assiste à la découverte du corps de Clarence flottant près du voilier. Or, ce n’est pas le problème le plus important auquel sont confrontés les personnages, si l’on peut dire, puisqu’il y a aussi cette tempête qui va bientôt s’abattre sur eux et qui s’annonce dévastatrice. Cette terrible échéance amène un suspense incroyable au roman : on est tellement pris par l’ambiance cataclysmique du récit qu’on s’interroge à peine sur le pourquoi du comment on en est arrivés là.
Il faut dire que le récit fait alterner des scènes sur le bateau (avec nos quatre matelots pris dans la tourmente) et des flashbacks de leur rencontre, de leur amour (ou désamour) pour la voile, de leurs relations pas toujours apaisées avec Clarence, le disparu, charismatique leader s’il en était.
Au fil des pages, Marion Brunet tisse un très beau portrait de l’adolescence et des ado en pleine construction d’eux-mêmes (par eux-mêmes, par rapport à leurs amis, au sein d’un groupe…). Très vite dans leur jeunesse, les protagonistes se sont trouvés et ont formé un petit groupe très fermé, évoluant indépendamment de leurs congénères lycéens. Toujours sous la houlette de Clarence, qui fait la pluie et le beau temps sur leurs relations ! En creux, on découvre aussi un portrait de l’amitié toxique, hyper bien mené. Si les premiers chapitres restent en surface du sujet, l’autrice nous plonge de plus en plus loin dans les sombres abysses des relations du petit groupe. C’est aussi ce qui fait que l’on est happé par le récit, et plus tellement centrés sur le décès : ce qui s’est tramé dans le passé est aussi palpitant (si ce n’est plus !) que ce qui se déroule dans le présent.
Tout cela est mené d’une plume maîtrisée, qui ne laisse rien au hasard. L’effet cinématographique très fort des scènes sur le bateau vient aussi d’un champ lexical maritime très riche. Alors évidemment, si vous ne connaissez pas tous les termes techniques, certains vous laisseront peut-être un peu de côté. Est-ce gênant ? Pas du tout. Parce que même si certains termes semblent obscurs, le rythme, la précision de la plume, la poésie de certains extraits balaient tout sur leur passage.
En bref, Marion Brunet signe un roman noir à l’ambiance aussi prenante qu’angoissante. Le récit rythmé, porté par de courts chapitres alternant présent et flashbacks, laisse monter doucement la tension de ce huis-clos assez particulier. En même temps, l’autrice brosse un très beau portrait de l’adolescence et de l’amitié toxique. Excellente découverte pour ma part !
Plein gris, Marion Brunet. Pocket jeunesse (PKJ), 14 janvier 2020, 208 p.
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