Kirito est un gamer, un bêta-tester de l’univers d’Aincrad, immense forteresse volante dans le jeu en ligne en réalité virtuelle Sword Art Online, qui est subitement devenu un redoutable piège. Le programmeur de SAO a détourné les fonctions de divertissement de SAO pour le rendre mortel : toute mort dans le jeu tue également le joueur. La solution ? Vaincre les 100 étages de SAO et le boss final, ce qui rendra tous les joueurs à leur vie civile.
Bien décidé à s’en sortir, Kirito se lance, seul, à l’assaut du jeu, se tenant loin des guildes organisées.
Seconde expérience de light novel japonais, et il est question d’une intrigue liée à un jeu massivement multijoueur : ça ne pouvait que m’intéresser ! Et, à nouveau, j’en sors un peu mitigée.
L’histoire met donc en scène Kirito, un joueur plutôt doué qui évolue dans Sword Art Online dans le seul but de vaincre le jeu, bien décidé à se libérer du piège et à libérer ses camarades, ce qui induit un suspens vraiment prenant – surtout lorsqu’on garde en tête que le game-over est définitif. À ses côtés, Asuna, second en chef de la guilde KoB, et redoutable épéiste (et jolie fille. Et célibataire.). On suit essentiellement ces deux figures, autour desquelles gravitent quelques personnages secondaires. Hormis Asuna, Kirito, et le meilleur ami de ce dernier, il y a donc assez peu de personnages vraiment développés ce qui, finalement, n’est pas particulièrement gênant : ce sont bien ces trois-là qui comptent dans l’histoire et les autres sont là pour animer la toile de fond. On regrettera seulement que la psychologie de l’opposant principal ne soit pas plus dense.
L’univers est vraiment intéressant, car il mélange science-fiction – avec cette histoire de jeu en réalité virtuelle dans lequel on reste bloqué – et fantasy – les joueurs se battent à l’arme blanche, sont organisés en guildes et castes, comme dans un univers médiéval – à ceci près qu’il n’y a pas de magie. Si vous avez déjà joué à des MMORPG, l’environnement, les pratiques et le vocabulaire vous sembleront familiers – pour les autres, il y a un glossaire en fin de roman dans lequel sont expliqués les mots essentiels, donc il n’est pas absolument nécessaire d’être un gamer convaincu pour apprécier le roman. Les descriptions sont soignées, et on sent que chaque étage de la forteresse a son identité graphique propre ; finalement, on a quasiment l’impression de déambuler aux côtés de Kirito dans l’univers semi-virtuel.
De ce côté-là, il n’y a rien à redire.
C’est, en fait, la narration qui pêche. D’une part parce que l’évolution de la relation entre les personnages est parsemée d’ellipses. C’est très rapide et les développements semblent, du même coup, un peu simplistes (mais il y a une bonne raison à cela, que j’évoque plus loin). On n’évite pas, de fait, les clichés inhérents à ce genre d’histoire, et c’est bien dommage : le beau guerrier (célibataire) et la belle épéiste (célibataire tout pareil)… il n’est pas difficile de voir comment cela tourner. Si le suspens lié à la quête est omniprésent, de ce côté-là l’histoire est sans grande surprise. De plus, la partie enquête de l’histoire est extrêmement rapide (et le mot de la fin très facile à deviner) et manque de détails, alors que les phases de combats et les explications qui vont avec sont, elles, particulièrement détaillées. À la longue, on a presque l’impression de lire un manuel de jeu en ligne qu’une véritable aventure. Sans compter le sexisme primaire qui transparaît de temps en temps et qui ne manquera pas de faire grogner : Asuna est une fille donc… elle fait la cuisine et la couture. Fantastique. (Si vous vous posez la question, Kirito étant un homme, c’est un barbare mal dégrossi – mais pas trop, parce que c’est quand même le héros. Normal). Enfin, comme pour Spice & Wolf, le récit souffre de quelques répétitions, dues au fait qu’il a été initialement publié en épisodes (c’est malheureusement la loi du genre).
C’est là qu’arrive la fin du premier tome (il s’agit, là aussi, d’un tome double), lequel dispose d’une véritable fin, avec une conclusion ouverte hallucinante ! Même si l’on peut s’arrêter là, la fin laisse suffisamment de curiosité pour savoir ce qu’il va se passer ensuite (dans les volumes qui seront publiés ultérieurement).
Le second tome est, quant à lui, composé de plusieurs novellas mettant en scène Kirito et quelques joueuses (point qui a son importance), qui vont venir étoffer les différents portraits de personnages déjà croisés. Toutes les novellas ne sont pas aussi importantes ni aussi bonnes (celle du boss de Noël ayant été, à mes yeux, la moins passionnante, et celle de Silica la plus charmante et la plus essentielle pour comprendre Kirito), mais elles ont le mérite de venir combler les creux précédemment cités. Ainsi, les zones d’ombres quant au passé de Kirito sont expliquées, et on comprend bien mieux certaines de ses réactions, ou les idéaux qu’il met en pratique. De plus, on découvre des moments clés de sa relations avec Asuna qui, auparavant, étaient passés sous silence. La psychologie des personnages est, ici, vraiment construite et offre des caractères nettement plus intéressants que les figures lisses et parfois un peu clichés que l’on avait auparavant. Si je comprends bien la volonté de publier ces textes séparément, il est dommage que ces interludes n’aient pas été présentés plus tôt ; ils rendent l’histoire nettement mieux construite, et les personnages bien plus attachants.
Expérience plutôt mitigée donc, en raison d’un déséquilibre entre les deux parties du roman ; si l’univers est bien construit, complexe et intéressant, les aventures narrées dans la première partie manquent de détails, et les personnages sont bien trop lisses. L’équilibre n’est rétabli que dans la seconde partie, qui présente des novellas dont l’action s’intercale avec le fil narrateur principal, et permet de creuser la psychologie des personnages, les rendant nettement plus attrayants qu’au départ. Néanmoins, le roman dispose d’une véritable conclusion (et d’une fin très ouverte !), ce qui est bien agréable, et on ne s’ennuie pas trop dans cette aventure originale illustrée.