Les Enquêtes d’Enola Holmes #1-3, Nancy Springer et Serena Blasco.

J’avais lu le premier tome de la série de romans Enola Holmes de Nancy Springer il y a une éternité (sans doute vers sa parution, en 2007). Sans grande originalité, j’ai regardé l’adaptation mise en ligne par Netflix en fin d’année dernière, ce qui m’a donné envie de me replonger dans la série de BD de Serena Blasco (une autre adaptation de la même série de romans). C’est chose faite !

Enola Holmes #1 : La double disparition.

Quand Enola Holmes, sœur cadette du célèbre détective Sherlock Holmes, découvre que sa mère a disparu le jour de son anniversaire, en ne lui laissant pour mot qu’un recueil sur les fleurs, et un carnet de messages codés, elle se met rapidement à sa recherche. Elle va devoir recourir à son sens de la débrouille, ainsi qu’à d’ingénieuses techniques de déguisement afin de fuir le manoir familial alors que ses deux frères se sont mis en tête de l’envoyer en pension afin de faire d’elle une vraie « Lady ». Mais rien ne la prépare à ce qui l’attend. Son chemin la conduit rapidement dans les quartiers sombres et malfamés de Londres, et elle se retrouve impliquée dans le kidnapping d’un jeune marquis. Enola arrivera-t-elle à s’en sortir seule, et continuer de suivre la piste de sa mère tout en échappant à ses deux frères?

Ce premier tome est riche du point de vue de l’intrigue !
En effet, le récit présente trois axes : Enola souhaite retrouver sa mère, disparue sans explication le jour de ses quatorze ans ; elle doit également échapper aux griffes de ses frères, qui souhaitent la mettre au pensionnat – une carrière attendue pour toute jeune fille qui se respecte ; parallèlement, elle se trouve à enquêter sur la disparition du jeune vicomte Tewksbury de Basilwether, sur laquelle son illustre frère ne souhaite pas enquêter puisqu’il estime qu’il s’agit d’une simple fugue. D’ailleurs, il y a une petite compétition assez marrante entre Sherlock et Enola sur leurs enquêtes respectives.

« Sherlock a tout d’un héros. D’après ce Dr Watson, il est passé maître dans plusieurs domaines. Esprit cultivé et chimiste accompli, brillant violoniste, tireur d’élite expert en combat à la canne et à l’épée, un sens unique de l’observation et de déduction logique.
Comparons avec ma propre liste de talents. Je sais lire, écrire et compter (longue division incluse), repérer les nids d’oiseaux, déterrer des vers pour la pêche, et attraper du poisson, et… Mouais. En fait, c’est un peu démoralisant.
« 

Malgré cette triple intrigue, j’ai trouvé l’histoire très rapide, avec parfois des enchaînements un peu trop prompts, manquant un peu de logique. Je ne me souviens pas suffisamment du roman pour savoir si c’était pareil dans le roman, ou si c’est dû à l’adaptation en bande-dessinée (forcément moins longue en termes de pages).
Ceci étant dit, le récit fait la part belle aux codes et autre énigmes à décrypter, ce qui rend la lecture d’autant plus passionnante.

Côté personnages, j’ai apprécié le caractère espiègle et lumineux d’Enola. Mycroft et Sherlock, de leur côté, sont globalement odieux (surtout le premier), ce qui offre de bons antagonistes. Mais ils sont aussi de purs produits de leur époque (misogynes, donc).

« Laissez-la en paix, Mycroft. Elle est jeune et son crâne est trop petit pour sa taille. On ne peut pas trop lui en demander.« 

Cette petite perle est de Sherlock, donc.

La BD est complétée par le carnet secret d’Enola (qui occupe un bon cinquième de l’album). C’est un très bon complément, mais j’ai trouvé un peu dommage qu’il faille absolument le lire pour avoir le fin mot de l’histoire (puisqu’on y trouve la réponse codée de la maman).

Dernier point : les graphismes. Réalisées à l’aquarelle, dans des tons pastels, les illustrations sont vraiment magnifiques et portent parfaitement l’histoire !

Une bonne première découverte, donc.

Enola Holmes #1 : La double disparition, Serena Blasco. D’après les romans de Nancy Springer.
Jungle, septembre 2015. 58 p.

Enola Holmes #2 : L’Affaire Lady Alistair.

Londres, 1889. La jeune sœur du célèbre Sherlock Holmes, Enola Holmes, a décidé de vivre seule, suite à la disparition soudaine de sa mère. Après avoir échappée à la vigilance de ses frères, et sous couvert d’une fausse identité, elle ouvre un cabinet de « spécialiste en recherches, toutes disparitions ». Sa première enquête la conduit tout droit sur la piste de Lady Cecily Alistair, fille d’un baronnet et adolescente loin d’être bien comme il faut, qui a disparu dans les dangereux bas-fonds de Londres.

Nouvelle enquête pour Enola, qui cherche toujours à retrouver sa mère. Arrivée à Londres, elle doit toutefois subvenir à ses besoins. Elle monte donc le cabinet du Dr Ragostin, expert en disparitions et prend le rôle d’Ivy Meshle, la jeune assistante de l’enquêteur.
Or, justement, voilà que le Dr Watson vient la consulter concernant … la disparition d’Enola ! Cette « enquête » la met sur les traces de Lady Cecily, une jeune aristocrate qui a elle aussi disparu.

« Si une jeune fille fuit au bras d’un soupirant, elle sera vue comme sotte et naïve. Tandis qu’une lady qui lit Marx sera jugée comme dérangée et prête à n’importe quoi. »

Dans cet opus, on visite donc les bas-fonds de Londres, mais aussi les salons des ladys, les grands magasins… Ce tome est vraiment en phase avec l’époque : on y lit Das Kapital, des « agitateurs » essaient d’initier les travailleur à plus de droits sociaux ; on croise aussi des hypnotiseurs et autres charlatans.
L’intrigue colle assez à l’ambiance des enquêtes classiques de Sherlock. L’histoire tire un peu sur le glauque (on parle d’un homme qui séquestre et hypnotise une jeune lady, quand même !), tout en utilisant tous les artifices que l’on aime retrouver dans ces récits : ruses, déguisements, et autres personnages polymorphes sont donc de la partie.

Le scénario est assez linéaire, mais porté par les illustrations, qui sont toujours de splendides aquarelles.

Encore une fois, la BD se complète d’un large cahier bonus, dans lequel on trouve un récapitulatif des personnages, une table des déguisements favoris de Sherlock et Enola, mais aussi des dossiers plus documentaires sur l’histoire de Das Kapital, l’hypnose, le langage des fleurs, et un gros dossier sur les messages codés.

Ce tome 2 tient donc les promesses du premier volume en proposant une intrigue intéressante, soulignée par de très beaux graphismes.

Enola Holmes #2 : L’Affaire Lady Alistair, Serena Blasco. D’après les romans de Nancy Springer.
Jungle, mai 2016, 64 p.

Enola Holmes #3 : Le Mystère des Pavots Blancs

Londres, printemps 1889. Le Docteur Watson est introuvable !
Voici une nouvelle enquête qui intéresse aussi bien Enola Holmes que son frère Sherlock. Pour cela, Enola doit se construire un nouveau personnage, le dernier ayant été démasqué lors de sa dernière enquête. Cette fois-ci, point de vieille demoiselle ou de jeune fille ingénue, elle va se transformer en véritable lady, élégante et raffinée.
Rendant visite à Mrs Watson, elle aperçoit un bouquet étrange. Selon le langage des fleurs, le message qu’il transmet est « malchance », « mort », « vengeance ». Mauvais présage ?

J’avais aimé croiser le Dr Watson dans l’enquête précédente. J’étais donc ravie de le revoir de nouveau au centre de l’histoire – même s’il a disparu !

C’est le concept qui fait le charme de la série : on retrouve donc encore plein de codes à décrypter, notamment grâce au langage des fleurs. Ici, il est omniprésent, puisqu’Enola découvre un bouquet (moche) de pavot blanc (au lieu du rouge habituel), d’aubépine rouge (on croise plutôt de la blanche), de feuilles d’asperge et de liserons (qui ressemblent à des mauvaises herbes). Évidemment, c’est louche (en plus d’être hideux) et la signification fait froid dans le dos. D’ailleurs on se dit que le Dr Watson a bien de la chance que la jeune fille soit versée dans ce langage des fleurs, sans quoi il aurait sans doute attendu longtemps là où il était retenu !
Forcément, l’enquête met en concurrence Enola et son frère, qu’elle va s’ingénier à éviter (pas toujours avec succès). Cela ajoute à la tension générale !

Comme dans le tome précédent, l’enquête nous emmène dans les endroits les moins reluisants de Londres, puisqu’Enola va carrément s’introduire dans un asile d’aliénés – pas franchement un endroit qui fait rêver. On croise également des personnages angoissants, dont une femme défigurée qui fait vraiment flipper.

Cela fait donc deux tomes que je suis assez surprise par le contenu effrayant dans une BD plutôt destinée à la jeunesse. Cela contraste fortement avec les aquarelles – toujours aussi magnifiques – et cela m’a bien plu !
Côté graphismes, on ne change pas une équipe qui gagne : des aquarelles sublimes, un découpage original, qui servent parfaitement l’intrigue.

Une fois de plus, on a une intrigue vraiment en prise avec son époque, y compris sur la misogynie ambiante – vu son éducation, on comprend que cela fasse râler Enola !

« Comment font les femmes pour porter ça tous les jours? A croire qu’on leur demande de ne pas avoir d’existence propre en dehors de leurs « charmantes fanfreluches ». Si les hommes se sentent obligés de nous contraindre en nous emprisonnant dans des corsets, c’est qu’ils doivent être conscients que nous valons autant qu’eux !« 

Le cahier documentaire final contient un nouvel éclairage sur le langage des fleurs, mais aussi de solides dossiers historiques liés à l’intrigue, à savoir ici la lobotomie, ou l’Affaire Jack l’Éventreur. Là encore, le fin mot de l’histoire se situe dans le carnet final – même si cette fois, cela tient plus du clin d’oeil que de la véritable résolution. Petit point bous : le cahier propose aussi un herbier à compléter !

Arrivée à la moitié, j’apprécie toujours autant la série ! Je ne me souviens plus assez du roman pour juger l’adaptation, mais le format bande-dessinée est tout à fait convaincant. Bonne pioche !

Enola Holmes #3 : Le Mystère des pavots blancs, Serena Blasco. D’après les romans de Nancy Springer.
Jungle, 2016, 63 p.

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J’avais inscrit les tomes 2 et 3 de la série dans mon Cold Winter Challenge 2020, et ils m’ont permis de valider la catégorie Raclette !