Rien ne semble devoir troubler l’existence ordonnée et protégée de Pemberley, le domaine ancestral de la famille Darcy, dans le Derbyshire, ni perturber le bonheur conjugal de la maîtresse des lieux, Elizabeth Darcy. Elle est la mère de deux charmants bambins ; sa sœur préférée, Jane, et son mari, Bingley, habitent à moins de trente kilomètres de là ; et son père adulé, Mr Bennet, vient régulièrement en visite, attiré par l’imposante bibliothèque du château.
Mais cette félicité se trouve soudain menacée lorsque, à la veille du bal d’automne, un drame contraint les Darcy à recevoir sous leur toit la jeune sœur d’Elizabeth et son mari, que leurs frasques passées ont rendu indésirables à Pemberley. Avec eux s’invitent la mort, la suspicion et la résurgence de rancunes anciennes.
J’avais déjà écouté une première fois ce livre audio, mais en bricolant et sans faire preuve de la moindre attention, ce qui fait que je ne me souvenais ni de l’histoire, ni des personnages – donc il était tout indiqué pour une relecture si rapide (la précédente remontant à… l’été 2021 !).
Et si j’ai passé dans l’ensemble un bon moment de lecture, avec l’envie fréquente d’y revenir, je n’ai pas pu m’empêcher, à plusieurs reprises, de ressentir une pointe de violente frustration.
Parlons d’abord de l’histoire : le récit s’ouvre par un résumé très détaillé et commenté d’Orgueil et Préjugés, reliant chacune de ces deux caractéristiques à l’un des protagonistes du roman. Une fois fait ce rappel exhaustif de l’œuvre originale, l’autrice s’attache à présenter « son » Pemberley, où l’on se prépare à donner le traditionnel bal de Lady Anne, et à détailler les évolutions de personnages qu’elle a imaginées. On rentre donc doucement mais sûrement dans cette version alternative, et cela met l’eau à la bouche.
La tranquillité du cadre est brutalement interrompue par l’irruption de Lydia Wickham, qui hurle que son mari vient d’être abattu dans les bois. De fait, les hommes de la maison ne tardent pas à tomber sur le fameux Wickham, bien vivant, mais qui désespère devant le corps sans vie d’un de ses amis, le capitaine Denny et, cerise sur le gâteau, s’accusant d’avoir causé sa mort. Voilà qui fait tâche dans le décor…
Partant de là, l’autrice va donc dérouler l’enquête (assez succincte) et les réactions des divers personnages à cette horrible histoire.
J’aime bien le concept de reprendre un classique, d’en inventer la suite, en y ajoutant ici une dimension dramatique et des accents de polar – même si ceux-ci sont, somme toute, assez faibles, l’essentiel du récit se concentrant sur les réactions des uns et des autres à ce fait troublant. Si, dans l’ensemble, c’était une lecture assez agréable, je dois quand même dire que certains points m’ont laissée particulièrement dubitative.
Primo, les personnages. Je suis assez amatrice de pastiches littéraires mais je dois dire que là, la sauce a difficilement pris avec les personnages – ce qui fait que j’ai lu ce roman presque comme une œuvre indépendante. J’ai trouvé Elizabeth loin, très loin d’Elizabeth Bennett : elles partagent un nom, mais c’est à peu près tout. Certes, le contexte polar ne se prête peut-être pas au sarcasme acerbe, mais de là à en faire un personnage aussi falot, j’ai l’impression qu’il y avait un peu de marge…
Segundo, le roman souffre de longueurs assez pénibles, particulièrement dans la partie consacrée au procès. Mais que c’est long ! Et le pire, c’est que des éléments sont introduits, suscitant des questions, sans être résolus par la suite – il en va ainsi, par exemple, de la disparition de Mrs Younge, qui arrive comme un cheveu sur la soupe, entraînant des conséquences pour la suite, mais qu’on évacue en moins de deux. J’ai trouvé ça assez perturbant, et ça m’a laissé une impression de travail bâclé assez désagréable. Avec ça, le-dit procès qui m’a semblé s’éterniser pendant des plombes, se solde par un deus ex machina qui ne m’a paru particulièrement crédible : des aveux complets du véritable coupable – lequel est mort juste après les-dits aveux. C’est un peu trop pratique pour être honnête !
De plus, on a les explications en deux fois, mais en deux gros blocs et là encore, la crédibilité pêche : je n’ai pas trouvé que les dessous du mystère tenaient vraiment la route. Tout est justifié, entendons-nous bien, mais ce n’est pas le polar le plus finement exécuté que j’aie lu ! Quelque part, j’ai eu l’impression que tout cela tenait du fait que l’autrice respectait beaucoup trop le matériau d’origine pour s’en détacher totalement. Je ne saurais dire ce qui m’a lancée sur cette idée, mais elle m’est revenue en tête à plusieurs reprises au cours de ma lecture.
En somme, j’ai passé un bon moment de lecture, mais qui tient essentiellement, je pense, au talent de la lectrice – Guila Klara Kessous. Sans sa mise en voix, je ne sais pas si je serai allée au bout de ce pastiche littéraire sous forme de polar. Autant retrouver les personnages et Pemberley était plaisant, autant l’intrigue assez mal ficelée et les personnages, un peu fades, ont manqué d’un petit quelque chose pour réellement m’enthousiasmer. Ceci étant posé, comme je le disais en introduction, j’ai quand même (paradoxalement, peut-être ?) passé un bon moment, ayant hâte de m’y remettre entre deux lectures. Donc je le conseillerais à toute personne curieuse de cette forme de suite de l’œuvre de Jane Austen, sans toutefois s’attendre ni à un polar extraordinaire, ni à une réécriture audacieuse de l’œuvre d’origine !