La Main de l’empereur #1, Olivier Gay.

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L’enfance de Rekk n’a pas été des plus simples : fils d’un gladiateur et d’une aristocrate mariée, il a été élevé par les prostituées de la caserne et entraîné par son père – dont il ignore pourtant l’identité. Sauvé par son habileté à l’épée, il devient bien vite un des grands noms de l’arène de Musheim, vainqueur trois fois de suite du Cimeterre d’Or. Malheureusement, son habileté le rend ennuyeux et fait chuter les paris : personne ne prend plus le risque de parier contre lui, et plus aucun bookmaker n’accepte les paris sur lui, trop peu rentables. L’Empereur en personne lui achète donc une charge de lieutenant et l’envoie rejoindre l’armée qui mène, en son nom, une guerre aussi éprouvante qu’épouvantable dans les très dangereuses jungles de Koush. Là, Rekk va mettre à profit ses talents redoutables pour se faire un nom. Mais entre le héros et le monstre, il n’y a qu’un pas…

Ce diptyque, consacré à Rekk, est un spin-off de la série Les Épées de glace, du même auteur – qu’il n’est pas nécessaire d’avoir lu pour bien comprendre l’histoire de Rekk.
Celle-ci commence très fort : on découvre l’univers impitoyable des gladiateurs et de la caserne dans laquelle Rekk a grandi, dans l’ignorance totale de l’identité réelle de ses vrais parents – lesquels ont tout intérêt à la cacher.
Si cette première partie va droit au but et ne se perd pas dans des détails superflus, c’est pour laisser l’histoire se développer à loisir dans les parties suivantes, lesquelles s’étendent sur la façon dont Rekk est passé du statut de petit garçon choyé par les prostituées de la caserne à l’homme surnommé, à raison, le Boucher. 

Et malgré tout, Rekk est un personnage auquel on s’accroche – malgré ses tares et ses torts, si l’on peut dire. Car Olivier Gay a soigné le personnage, nous laissant découvrir comment il s’est formé – physiquement et mentalement – afin de mieux faire resurgir ses contradictions. De fait, si l’on condamne ses actes, il est difficile de ne pas percevoir les fêlures du jeune homme. Les personnages qui gravitent autour de lui bénéficient également d’un traitement soigné (même si aucun ne se démarque aussi bien que notre protagoniste). Que ce soit pour leur bêtise crasse ou pour leur profonde humanité, on se souvient d’eux ! Et lorsque l’on trouve que l’une des protagonistes – Bishia – est bien superficielle, par rapport à son amie Dareen, l’épilogue vient tout bouleverser et tout remettre en question.

L’intrigue, de son côté, est riche en rebondissements : on ne s’ennuie pas une minute.
S’y mêlent, en effet, intrigues personnelles, militaires (côté impérial comme Koushite) et politiques, chacune venant nuancer et nourrir les autres. Surtout, l’histoire nous fait voyager. Car après la caserne et les rues de Musheim, elle nous plonge dans la touffeur des jungles de Koush, qui épuisent les hommes et met l’armée à rude épreuve. Je n’ai pas l’habitude de lire de la fantasy au fin fond de la jungle, aussi ai-je trouvé cet environnement pour le moins original.

Tout au long de ce premier tome, Olivier Gay nous trousse une histoire diablement efficace : on s’angoisse, on râle, on rit ou on grimace et, une fois tournée la dernière page, on se demande bien quand on pourra lire la suite !

La Main de l’empereur #1, Olivier Gay. Bragelonne, novembre 2016, 375 p.

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Les Douze rois de Sharakhaï, Sharakhaï #1, Bradley P. Beaulieu.

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Dans les arènes de Sharakhaï, la perle ambrée du désert, Çeda combat tous les jours pour survivre. Comme de nombreux autres, elle espère la chute des douze Rois immortels qui dirigent la cité depuis des siècles. Des souverains cruels et tout-puissants qui ont peu à peu écrasé tout espoir de liberté, protégés par leur unité d’élite de guerrières et les terrifiants asirim, spectres enchaînés à eux par un sinistre pacte. Tout change lorsque Çeda ose braver leur autorité en sortant la sainte nuit de Beht Zha’ir, alors que les asirim hantent la ville. L’un d’eux, coiffé d’une couronne en or, murmure à la jeune fille des mots issus d’un passé oublié. Pourtant, elle les connaît. Elle les a lus dans un livre que lui a légué sa mère. Et le lien que Çeda découvre entre les secrets des tyrans et sa propre histoire pourrait bien changer le destin même de Sharakhaï…

L’histoire de Bradley P. Beaulieu se déroule au beau milieu du désert ce qui, avouons-le, n’est pas si courant que cela en fantasy (où le modèle médiéval occidental semble prédominer). Du coup, dès les premières pages, le dépaysement fonctionne à plein ! Et pourtant, l’essentiel de l’intrigue se déroule entre les murs de Sharakhaï, la perle du désert, qui atteint presque le statut de personnage tant elle est importante dans l’histoire. Dès les premières pages, l’auteur installe un décor urbain où pullulent ruelles, passages débouchant sur divers souks et autres espaces publics peuplés. La ville, de plus, connaît un rythme bien particulier, puisqu’elle se vide de ses habitants pour la sainte nuit de Beht Zha’ir, durant laquelle les asirim – sortes de djinns au service des Douze Rois – terrifient la population. La mythologie de l’univers est bien détaillée et développée, assurant un dépaysement certain, lequel est souligné par un vocabulaire soigneusement choisi.

Là-dessus se greffe une quête de vengeance somme toute assez classique : Çeda a perdu sa mère dans des circonstances assez étranges, mais elle sait que ce sont les rois qui l’ont assassinée, aussi cherche-t-elle à leur rendre la monnaie de leur pièce. Pour ce faire, elle est devenue – malgré son jeune âge – gladiatrice et elle lutte plus souvent qu’à son tour dans l’arène, tout en fomentant divers plans. Mais elle a un peu trop souvent tendance à foncer dans le tas sans nécessairement peser le pour et le contre : cela permet certes de faire évoluer l’histoire assez vite, mais occasionne malheureusement quelques répétitions dans le schéma narratif. D’autant que l’autre figure du roman, Emre, l’ami de Çeda, manque un peu de charisme. Pourtant, au fil des chapitres, l’équilibre fragile entre la gladiatrice un peu rebelle et le petit voleur aux plans de rébellion bien cachés atteint une bonne efficacité.

Efficacité, c’est le maître-mot de ce récit : les péripéties s’enchaînent à bon train, alors que le mystère, lui, plane toujours : le suspens est donc au rendez-vous. Si l’on regarde les éléments du récit, on s’aperçoit que le roman aligne peu ou prou les lieux communs habituels : une injustice, une quête de vengeance, un clivage riches-pauvres, une prophétie, de la magie… Mais force est de constater que l’auteur s’en sort haut la main, évitant les écueils des clichés.

Les Douze rois de Sharakhaï est donc une bonne introduction à la série de Bradley P. Beaulieu qui, malgré une intrigue alignant les lieux communs habituels de la fantasy, propose une histoire efficace, soutenue par un univers très riche, travaillé et original. 

Sharakhaï, Les Douze rois de Sharakhaï #1, Bradley P. Beaulieu. Traduit de l’anglais par Olivier Debernard. Bragelonne, août 2016, 672 p.

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